PROPRE DU TEMPS

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PRÉFACE
PROPRE DU TEMPS
DIMANCHE V
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VENDREDI ASCENS.
SAMEDI OCTAVE
DIMANCHE OCTAVE
LUNDI OCTAVE
MARDI OCTAVE
MERCREDI OCTAVE
JEUDI OCTAVE
VENDREDI OCTAVE
SAMEDI VIGILE
PENTECÔTE
LUNDI PENTECÔTE
MARDI PENTECÔTE
MERCREDI PENTECÔTE
JEUDI PENTECÔTE
VENDREDI PENTEC.
SAMEDI PENTECÔTE
PROPRE DES SAINTS

PROPRE DU TEMPS

 

Encore quatre jours, et le divin Ressuscité, dont  la société nous était si chère et si précieuse, aura disparu de la terre. C’est par cette annonce quece cinquième dimanche après la joyeuse Pâque semble nous préparer à la séparation. Le dimanche suivant ouvrira la longue série de ceux qui doivent se succéder d'ici qu'il revienne pour juger le monde. A cette pensée, le cœur du chrétien se serre; car il sait qu'il ne verra son Sauveur qu'après cette vie ; et il s'unit à la tristesse que ressentirent les Apôtres à la dernière Cène, lorsqu'il leur dit cette parole : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus (1). »

Mais après la résurrection de leur Maître , quelle dut être l'angoisse de ces hommes privilégiés qui comprenaient enfin ce qu'il était, lorsqu'ils s'aperçurent comme nous que l'heureuse quarantaine, si rapidement écoulée, touchait bientôt à sa fin ! Avoir vécu, pour ainsi dire, avec Jésus glorifié, avoir ressenti les effets de sa divine condescendance, de son ineffable familiarité, avoir

 

1. JOHAN. XVI, 16.

 

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reçu de sa bouche tous les enseignements qui devaient les mettre en état d'accomplir ses volontés, en fondant sur la terre cette Eglise qu'il était venu choisir pour son Epouse ; et se trouver tout d'un coup livrés à eux-mêmes, privés de sa présence visible, ne plus voir ses traits, ne plus entendre sa voix, et mener jusqu'au bout leur carrière avec de tels souvenirs : c'est le sort qui attendait les Apôtres et qu'ils avaient à accepter.

Nous éprouverons quelque chose de ce qu'ils durent ressentir, si nous nous sommes tenus unis à notre mère la sainte Eglise. Depuis le jour où elle ouvrit en notre faveur la série des émotions qui la transportent chaque année, lorsqu'elle repasse successivement tant de sublimes anniversaires, à partir de celui de la Naissance de son Emmanuel, jusqu'à celui de sa triomphante Ascension au ciel, n'est-il pas vrai que nous aussi nous avons vécu en société avec son divin Epoux, qui est en même temps notre Rédempteur, et qu'au moment de le voir disparaître aux regards de notre foi attentive jusqu'à cette heure à le suivre dans tous ses états, l'émotion que ressentirent les Apôtres vient nous gagner nous-mêmes ?

Mais il est sur la terre, à la veille du jour où Jésus doit la quitter pour le ciel, une créature dont nous ne pourrons jamais sonder ni décrire les sentiments; c'est Marie qui avait retrouvé son fils, et qui voit approcher le moment où il va s'éloigner encore. Jamais cœur ne fut plus soumis aux volontés de son Maître souverain ; mais jamais aussi semblable sacrifice ne fut demandé à une créature. Jésus veut que l'amour de Marie croisse encore, et c'est pour cela qu'il la soumet à l'épreuve de l'absence. Il veut en outre qu'elle coopère à la formation de l'Eglise, qu'elle ait la

 

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main dans ce grand œuvre qui ne devait s'élever qu'avec son concours. C'est en cela que se montre encore l'amour de Jésus pour sa mère ; il désire pour elle le mérite le plus grand, afin de déposer sur sa tète le diadème le plus glorieux, au jour où elle montera au ciel à son tour pour y occuper le trône qui a été préparé pour elle au-dessus de toute la création glorifiée.

Ce n'est plus, il est vrai, un glaive de douleur qui transpercera le cœur de Marie; c'est le feu d'un amour que nul langage ne saurait décrire qui consumera ce cœur dans une angoisse à la fois poignante et délicieuse, sous l'effort de laquelle elle tombera un jour, comme le fruit mûr que la branche de l'arbre ne soutient plus, parce qu'elle n'a plus rien à lui donner. Mais à ces instants suprêmes où nous sommes, dans les dernières étreintes de ce fils divin qui va la laisser en exil, quel serrement au cœur d'une telle mère qui n'a joui que durant quarante jours du bonheur de le voir glorieux et triomphant, et de recevoir ses divines et filiales caresses ! C'est la dernière épreuve de Marie ; mais en face de cette épreuve elle n'a encore que sa même réponse : « Voici la servante du Seigneur.; qu'il me soit fait selon votre parole. » Sa vie tout entière est dans le bon plaisir de Dieu, et c'est ainsi qu'elle devient toujours plus grande, plus rapprochée de Dieu. Une sainte âme du XVII° siècle, favorisée des plus sublimes révélations, nous a appris que le choix fut donné à Marie d'entrer dans le repos de la gloire avec son fils, ou de demeurer encore sur la terre dans les labeurs de l'enfantement de la sainte Eglise ; mais qu'elle préféra retarder les joies maternelles que lui réservait l'éternité, et servir, aussi longtemps qu'il plairait à la divine

 

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Majesté, au grand œuvre qui importait tant à l'honneur de son fils et au bien de la race humaine, dont elle était devenue aussi la mère.

Si un tel dévouement éleva la coopératrice de notre salut au plus haut degré de la sainteté, en lui faisant atteindre le point culminant de sa mission, on est en droit de conclure que l'amour de Jésus pour sa mère s'accrut encore, lorsqu'il reçut d'elle une marque si sensible de l'union qu'elle avait aux plus intimes désirs de son cœur sacré. De nouveaux témoignages de sa tendresse furent pour Marie la récompense de cet oubli d'elle-même, et de cette conformité aux desseins qui l'appelaient à être véritablement dès ici-bas la Reine des Apôtres, comme l'appelle l'Eglise, et la coadjutrice de leurs travaux.

Le Seigneur, durant ces dernières heures, allait multipliant les témoignages de sa bonté envers tous ceux qu'il avait daigné admettre dans sa familiarité. Pour plusieurs d'entre eux la séparation devait être longue. Jean le bien-aimé aurait à attendre plus de cinquante années sa réunion à son Maître divin. Ce ne serait qu'après trente ans que Pierre monterait à son tour sur l'arbre de la croix, pour se réunir à celui qui lui avait confié les clefs du royaume des cieux. Le même intervalle de temps devait être rempli par les soupirs enflammés de Madeleine; mais aucun d'eux ne murmurait ; car tous sentaient qu'il était juste que le divin Rédempteur du monde, ayant suffisamment établi la foi de sa résurrection, « entrât enfin dans sa gloire (1). » Jésus avait fait donner ordre à ses disciples par les Anges, le jour même de sa résurrection, de se rendre en Galilée pour y jouir de sa présence.

 

1. Luc. XXIV, 26.

 

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Nous avons vu comment ils obéirent à cet ordre, et en quelle manière le Sauveur se manifesta à sept d'entre eux sur les bords du lac de Génézareth ; ce fut la huitième des manifestations que les Evangiles ont enregistrées. La neuvième eut lieu pareillement dans la Galilée. Jésus aimait cette contrée, au sein de laquelle il avait pris la plupart de ses disciples, où Marie et Joseph avaient habité, et où lui-même avait passé tant d'années dans le travail et l'obscurité. La population, plus simple et plus morale que celle de la Judée, l'attirait davantage. Saint Matthieu nous révèle que la plus solennelle des manifestations de Jésus ressuscité, celle que nous compterons pour la dixième de fait, et pour la neuvième de celles que rapportent les Evangélistes, eut lieu sur une montagne de cette contrée (1).

Selon le sentiment de saint Bonaventure et celui du pieux et savant Denys le Chartreux, cette montagne fut le Thabor, dont le sommet avait déjà été honoré par le mystère de la Transfiguration. Là se trouvèrent réunis, comme nous l'apprenons de saint Paul, plus de cinq cents disciples de Jésus (2), assemblée formée en grande partie des habitants de la Galilée qui avaient cru en Jésus dans le cours de sa prédication, et qui avaient mérité d'être témoins de ce nouveau triomphe du Nazaréen. Jésus se montra à leurs regards, et leur donna une telle certitude de sa résurrection que l'Apôtre des Gentils, écrivant aux chrétiens de Corinthe, invoque leur témoignage à l'appui de ce mystère fondamental de notre foi.

Désormais nous demeurons sans renseignements positifs sur ce qui se passa encore dans la

 

1. MATTH. XXVIII, 16. — 2. I Cor. XV, 5.

 

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Galilée, quant à ce qui est des manifestations du Sauveur ressuscité ; mais nous savons qu'il intima à ses disciples l'ordre de se rendre à Jérusalem, où il devait bientôt reparaître à leurs yeux une dernière fois, avant de monteraux cieux. Suivons en ces jours la marche des disciples vers la ville coupable. Combien de fois, dans cette même ville, Jésus avait voulu réunir ses fils comme la poule ramasse ses poussins sous ses ailes, et elle ne l'a pas voulu (1) ! Il va revenir dans ses murs ; mais elle ne le saura pas. Il ne se montrera pas à elle, il ne se révélera qu'à ses amis, et il partira en silence, pour ne plus revenir qu'au jour où il viendra juger ceux qui n'ont pas connu le temps de sa visite.

 

1, MATTH. XXIII, 37.

 

 

 

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