LE MARDI DE LA PENTECÔTE.
Venez , ô Esprit-Saint,
remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre
amour. |
Veni Sancte Spiritus, reple tuorum
corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende. |
Nous avons admiré l'œuvre du Saint-Esprit accomplissant dans
le monde, par les Apôtres et par ceux qui vinrent après eux, la conquête du
genre humain au nom de Jésus à qui « toute puissance a été donnée au ciel et
sur la terre (1) ». La langue de feu a vaincu, et le Prince du monde, en dépit
de ses fureurs, a vu crouler ses autels et tomber son pouvoir. Voyons la suite
des œuvres de ce divin Esprit pour la glorification du Fils de Dieu qui l'a
envoyé aux hommes.
L'Emmanuel était descendu ici-bas
cherchant dans son amour l'Epouse qu'il avait désirée de toute éternité. Il l'épousa
d'abord en prenant la nature humaine et l'unissant indissolublement à sa
personne divine; mais cette union individuelle ne suffisait pas à son amour. Il
daignait aspirer à posséder la race humaine tout entière ; il lui fallait son
Eglise, « son unique », comme il l'appelle au divin Cantique (2), son Eglise formée
de l'élite de tous les peuples, « pleine de gloire, n'ayant ni tache ni ride,
mais sainte et immaculée (3). » Il trouvait la race humaine souillée
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par le péché, indigne de célébrer avec lui les noces
augustes auxquelles il la conviait. Son amour cependant n'hésita pas. Il
déclara qu'il était l'Epoux annoncé dans l'Epithalame sacré (1) ; il lava dans
son propre sang les souillures de sa fiancée, et lui attribua en dot les
mérites infinis qu'il avait conquis.
L'ayant ainsi préparée pour
lui-même, il voulut que son union avec lui fût la plus intime qui pût être.
Jésus et son Eglise sont un seul corps ; il est la tête, elle est l'ensemble
des membres réunis dans l'unité sous cet unique chef. C'est la doctrine de
l'Apôtre : « Le Christ est la tête de l'Eglise ; nous sommes les membres de son
corps, nous sommes de sa chair et de ses os (2). » Ce corps se formera par
l'accession successive des fils de la race humaine qui, prévenus du secours
surnaturel de la grâce, voudront en faire partie ; et ce monde que nous
habitons sera conservé jusqu'à ce que le dernier élu qui manquait encore à
l'intégralité du corps mystérieux du Fils de Dieu soit venu s'y réunir pour
l'éternité. Alors tout sera consommé, et la dernière des conséquences de la
divine incarnation sera remplie.
Or, de même que dans le Verbe
incarné l'humanité est composée d'une âme invisible et d'un corps visible,
ainsi l'Eglise sera à la fois une âme et un corps: une âme dont l'œil seul de
Dieu pourra contempler ici-bas toute la beauté ; un corps qui attirera les
regards des hommes, et sera le témoignage éclatant de la puissance de Dieu et
de l'amour qu'il porte à la race humaine. Jusqu'aux jours où nous sommes, les
justes appelés
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à être réunis sous le divin Chef avaient seulement appartenu
à l'âme de l'Eglise; carie corps n'existait pas encore. Le Père céleste les
avait adoptés pour ses enfants, le Fils de Dieu les avait acceptés pour ses
membres, et l'Esprit-Saint, dont nous allons voir désormais l'action
extérieure, avait opéré intimement leur élection et leur consommation. Le point
de départ du nouvel ordre de choses est en Marie. En elle d'abord, ainsi que
nous l'avons enseigné dans une des semaines précédentes, résida l'Eglise
complète, âme et corps. Celle qui devait être aussi réellement la Mère du Fils
de Dieu selon l'humanité, que le Père céleste en est le Père selon la divinité,
devait être dans Tordre des temps, comme dans la mesure des grâces, supérieure
à tout ce qui avait précédé et à tout ce qui devait suivre.
L'Emmanuel voulut aussi poser
lui-même, en dehors de sa mère bien-aimée, les assises de son Eglise. Il en
plaça de ses mains divines la Pierre fondamentale, il en éleva les colonnes, et
nous avons vu comment il employa les quarante jours qui précédèrent son
Ascension à l'organisation de cette Eglise encore si restreinte, mais qui
devait un jour couvrir le monde entier. Il annonça qu'il serait avec les siens
« jusqu'à la consommation des siècles (1) » ; c'était promettre que, lors même
qu'il serait monté au ciel, la race de ses disciples se perpétuerait jusqu'à la
fin des temps.
Pour l'accomplissement de son
œuvre qu'il n'avait qu'ébauchée, il comptait sur le divin Esprit. Il était même
nécessaire que cet Esprit-Saint descendît pour perfectionner et confirmer les
élus de l'Emmanuel. Il devait être leur Paraclet, leur
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Consolateur, après le départ de leur Maître ; il était la
Vertu d'en haut qui devait les protéger comme une armure dans leurs combats ;
il devait leur remettre en mémoire les enseignements de leur Maître; il devait
féconder de son action les Sacrements que Jésus avait institués, et dont le
pouvoir était en eux par le caractère qu'il avait imprimé à leurs âmes. Voilà
pourquoi il leur dit : « Il vous est avantageux que je m'en aille; car si je ne
m'en allais pas, le Paraclet ne viendrait pas vers vous. » Au jour de la
Pentecôte, nous avons vu le divin Esprit opérer sur la personne des Apôtres et
des disciples; maintenant il nous faut le voir à l'œuvre dans la création, dans
le maintien et le perfectionnement de cette Eglise que Jésus a promis
d'assister de sa présence mystérieuse « jusqu'à la consommation des siècles ».
La première opération de
l'Esprit-Saint dans l'Eglise est l'élection des membres qui doivent la
composer. Ce droit de l'élection lui est tellement personnel que, selon la
parole du livre sacré, les disciples mêmes que Jésus s'était choisis pour être
les bases de son Eglise, il les avait élus « avec le concours de l'Esprit-Saint
(1)». Dès le jour même de la Pentecôte, nous avons vu ce divin Esprit débuter
par l'élection de trois mille personnes. Peu de jours après, cinq mille autres
sont attirées, ayant entendu la prédication de Pierre et de Jean sous les
portiques du temple. Après les Juifs, la gentilité a son tour; et
l'Esprit-Saint, ayant conduit Pierre auprès du centurion Corneille, fond tout à
coup sur ce Romain et sur ses gens, les déclarant ainsi élus pour l'Eglise et
appelés au
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baptême. La sainte Liturgie nous faisait lire ce récit hier
encore dans la solennité de la Messe.
A la suite de ces débuts, qui
pourrait suivre la marche impétueuse de cet Esprit que rien n'arrête ? « Le
bruit de ses envoyés parcourt la terre entière, et leur parole retentit
jusqu'aux extrémités du monde (1). » L'Esprit les précède et les accompagne, et
c'est lui qui fait la conquête pendant qu'ils parlent. On n'est encore qu'au
commencement du III° siècle, et un écrivain chrétien peut dire aux magistrats
de l'empire romain : « Nous sommes
d'hier, et nous remplissons toute vos villes, vos municipes, vos camps, le
palais, le sénat, le forum (2). » Rien ne résiste à l'Esprit ; trois siècles sont
loin encore d'être écoulés depuis la manifestation du jour de la Pentecôte, et
ce sont les Césars eux-mêmes que l'Esprit choisit pour en faire des membres de
l'Eglise.
Ainsi se forme d'heure en heure
l'Epouse que Jésus attend, et dont il contemple avec amour, du haut du ciel, la
croissance et les développements. Dans les premières années du IV° siècle,
cette Eglise, œuvre du Saint-Esprit, dépasse les limites de l'empire romain ;
et si dans cet empire lui-même, il est ça et là des groupes païens qui tiennent
encore, tous du moins ont entendu parler d'elle, et la haine qu'ils lui portent
témoigne assez des progrès qu'elle fait sous leurs yeux.
Mais n'allons pas croire que le
rôle de l'Esprit-Saint se borne à assurer l'établissement de l'Eglise sur les
ruines de l'empire païen. Jésus veut une Epouse immortelle, toujours plus
connue par sa présence en tous lieux et en tous temps, toujours supérieure à
toute autre division de la race
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humaine par l'étendue de son empire et le nombre de ses
sujets.
Le divin Esprit ne saurait donc
s'arrêter dans l'accomplissement de sa mission. Si Dieu a résolu de submerger
l'empire coupable sous l'inondation des barbares, c'est un nouveau triomphe
préparé pour l'Esprit. Laissez-le pénétrer et agiter doucement cette masse
formidable. Il a là ses élus, et par millions. Il avait renouvelé la face de la
terre païenne ; il renouvelle la face du monde devenu barbare. Les coopérateurs
qu'il se prépare lui-même ne lui feront pas défaut. Il crée sans fin de
nouveaux apôtres, et puissant comme il est, il en emploie de tout genre à son
œuvre. Les Clotilde, les Berthe, les Théodelinde, les Hedwige et tant d'autres,
sont à ses ordres : parée de leurs royales mains, l'Epouse de Jésus croît
toujours plus jeune et plus belle.
Si de vastes continents en Europe
n'ont pas encore été associés au mouvement, c'est qu'il fallait d'abord
consolider l'œuvre dans les régions où les chrétientés de la première époque
avaient été comme submergées sous le torrent de l'invasion. Mais voici qu'à
partir de la fin du VI° siècle, le divin Esprit lance tour à tour sur l'île des
Bretons, sur la Germanie, sur les races Scandinaves, sur les pays slaves, les
Augustin, les Boniface, les Anschaire, les Adalbert, les Cyrille, les Méthodius,
les Othon. Servie par ces nobles instruments de l'Esprit-Saint, l'Epouse répare
les pertes qu'elle a subies dans l'Orient, où le schisme et l'hérésie ont
successivement rétréci son héritage primitif. Celui qui, étant Dieu comme le Père
et le Fils, a reçu pour mission de la maintenir dans ses honneurs, veille
fidèlement à sa garde.
Et en effet, lorsqu'une défection
plus
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désastreuse encore est à la veille d'éclater en Europe par
la prétendue réforme, l'Esprit-Saint a déjà pris les devants. Les Indes
orientales sont devenues tout à coup la conquête de la nation très fidèle;
un nouveau monde occidental est sorti des eaux, et forme un nouvel apanage au
royaume catholique. C'est alors que le divin Esprit, toujours jaloux de
maintenir dans sa dignité et dans sa plénitude le dépôt que lui a confié le
Verbe incarné, suscite de nouveaux envoyés pour aller porter sur ces plages
immenses le nom de celui qui est l'Epoux, et qui sourit du haut du ciel aux
accroissements qu'obtient l'Epouse. François
Xavier est donné aux Indes orientales ; ses frères, joints aux fils de
Dominique et de François, défrichent avec une
indomptable persévérance l'héritage que les Indes occidentales offrent à
l'Eglise.
Mais si plus tard la vieille
Europe, trop crédule à des docteurs de mensonge, semble repousser cette noble
reine qui est aimée du Fils éternel de Dieu; si, trahie et dépouillée,
calomniée et privée de ses droits, cette sainte Eglise doit être en butte à
ceux qui longtemps furent ses fils, tenez pour certain que le divin Esprit ne
la laissera pas manquer à ses destinées. Voyez plutôt ses œuvres en nos jours.
D'où viennent, si ce n'est de son souffle, ces vocations à l'apostolat plus
nombreuses d'année en année ? Tandis que d'un côté les retours des hérétiques à
l'antique foi sont plus fréquents qu'ils ne l'ont jamais été, toutes les
régions infidèles sont visitées par le flambeau de l'Evangile. Notre siècle a
revu les martyrs, il a entendu les interrogatoires des proconsuls chinois et
annamites, il a recueilli dans son admiration les réponses des confesseurs
dictées par l'Esprit-Saint,
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selon la promesse du Maître. L'extrême Orient donne ses
élus, les nègres de l'Afrique sont évangélisés; et si une cinquième partie de
la terre s'est révélée, elle possède déjà de nombreux fidèles sous une
hiérarchie de pasteurs légitimes.
Soyez donc béni, divin Esprit,
qui veillez avec tant de sollicitude sur l'Epouse chérie de Jésus ! Elle n'a
pas défailli un seul jour, grâce à votre action constante et jamais lassée. Vous
n'avez pas laissé passer un siècle sans susciter des apôtres pour l'enrichir de
leurs conquêtes ; sans cesse vous avez sollicité par votre grâce les esprits et
les cœurs de se donner à elle ; en toute race, en tous les siècles, vous avez
élu vous-même les innombrables fidèles dont elle se compose. Comme elle est
notre mère et que nous sommes ses fils, comme elle est l'Epouse de notre divin
Chef auquel nous espérons nous réunir en elle, en opérant pour la gloire du
Fils de Dieu qui vous a envoyé sur la terre, ô divin Esprit, vous avez daigné
travailler pour nous, humbles et pécheresses créatures. Nous vous offrons nos
faibles actions de grâces pour tant de bienfaits.
Notre Emmanuel nous a révélé que
vous devez demeurer ainsi avec nous jusqu'à la fin des temps, et nous
comprenons maintenant la nécessité de votre présence, ô divin Esprit ! Vous
dirigez la formation de l'Epouse, vous la maintenez, vous la rendez victorieuse
de toutes les attaques, vous la transportez d'une région dans l'autre, lorsque
le sol qu'elle foule n'est plus digne de la porter ; vous êtes son vengeur
contre ceux qui l'outragent, et vous le serez jusqu'au dernier jour.
Mais cette noble Epouse d'un Dieu
ne doit pas toujours demeurer ainsi exilée loin de son Epoux. De même que Marie
resta plusieurs années sur la terre, afin d'y travailler à la gloire de son
fils, et fut enfin enlevée aux cieux pour y régner avec lui ; ainsi l'Eglise
demeurera militante ici-bas durant les siècles qui sont nécessaires pour
arriver au complément du nombre des élus. Mais nous savons qu'un temps doit
venir dont il est écrit : « Les noces de l'Agneau sont venues, et son
Epouse s'est préparée. On lui a donné un vêtement de fin lin d'une blancheur
éblouissante, et le tissu en est composé des vertus des saints qu'elle a formés
(1). » En ces derniers jours, l'Epouse, toujours belle et digne de l'Epoux, ne
croîtra plus ; elle diminuera même ici-bas, en proportion de ce qu'elle
grandira triomphante au ciel. Autour d'elle, sur la terre, la défection prédite
par saint Paul (2) se fera sentir ; les hommes la laisseront seule, ils
courront vers le Prince du monde qui sera délié « pour un peu de temps (3) »,
et vers la bête à laquelle « il sera donné de faire la guerre aux saints et même de les vaincre (4). » Les dernières heures
de l'Epouse ici-bas seront dignes d'elle; vous soutiendrez notre mère, ô divin
Esprit, jusqu'à l'arrivée de l'Epoux. Mais après l'enfantement du dernier élu,
I'Esprit et I'Epouse s'uniront dans un même cri: « Venez ! diront-ils
(5). » Alors l'Emmanuel paraîtra sur les nuées du ciel, la mission de l'Esprit
sera terminée, et l'Epouse, « appuyée sur son bien-aimé (6) », s'élèvera de
cette terre ingrate et stérile vers le ciel où l'attendent les noces de l'éternité.
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A LA MESSE.
La Station de ce jour est dans
l'Eglise de Sainte-Anastasie, cette intéressante basilique où nous assistâmes à
la Messe de l'Aurore le jour de la naissance de l'Emmanuel. Nous la revoyons
aujourd'hui que toute la série des mystères de notre salut est à son terme.
Bénissons Dieu qui a daigné achever avec tant de force ce qu'il a commencé pour
nous avec tant de douceur. Les néophytes assistent encore à cette Messe avec
leurs robes blanches, et leur présence atteste à la fois l'amour du Fils de
Dieu qui les a lavés dans son sang, et la puissance de l'Esprit-Saint qui les a
ravis à l'empire du Prince de ce monde.
L'Introït s'adresse aux néophytes
et les engage à sentir tout leur bonheur. C'est au royaume céleste qu'ils sont
désormais appelés ; qu'ils offrent donc une continuelle action de grâces à
celui qui a daigné les choisir. Les paroles de cette pièce, qui est de la plus
haute antiquité, sont tirées du IV° livre d'Esdras que les premiers chrétiens
lisaient souvent à cause de la beauté et de la gravité de ses enseignements,
bien qu'il ne soit pas reconnu par l'Eglise pour un livre inspiré.
INTROÏT.
Recevez et goûtez les délices de la gloire qui vous était
préparée, alleluia; rendez grâces à Dieu, alleluia, qui vous a appelés au
royaume céleste, alleluia, alleluia, alleluia.
Ps. Ecoute ma loi, ô mon peuple : prête l'oreille aux
paroles de ma bouche.
Gloire au Père. Recevez.
Dans la Collecte, l'Eglise nous enseigne que l'action du
Saint-Esprit est pleine de douceur pour nos âmes. C'est cette action divine qui
les purifie de toutes leurs souillures, en même temps qu'elle les garde des
attaques de l'esprit perfide et jaloux qui les menace sans cesse.
ORAISON.
Seigneur, daignez nous assister de la vertu du Saint-Esprit
; afin qu'elle purifie nos cœurs dans sa mansuétude, et qu'elle nous détende
contre tout adversaire. Par Jésus-Christ.
ÉPÎTRE.
Lecture des Actes des Apôtres. Chap. VIII.
En ces jours-là, les Apôtres qui étaient à Jérusalem ayant
appris que Samarie avait reçu la parole de Dieu, leur envoyèrent Pierre et
Jean, qui étant venus, firent pour eux des prières, afin qu'ils reçussent le
Saint-Esprit; car il n'était pas encore descendu sur aucun d'eus, mais ils
avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors ils imposèrent
les mains sur eux. et ils reçurent le Saint-Esprit.
Les habitants de Samarie avaient
accepté la prédication évangélique qui leur avait été portée par le diacre
Philippe. Ils avaient reçu de sa main le baptême qui en avait fait des
chrétiens. On se rappelle le dialogue de Jésus avec une femme de cette ville au
bord du puits de Jacob, et les trois jours qu'il daigna passer avec les
habitants. Leur foi est récompensée : le baptême les a faits enfants de Dieu et
membres de leur Rédempteur. Mais il faut encore qu'ils reçoivent l'Esprit-Saint
dans le Sacrement de force. Le diacre Philippe n'a pu leur octroyer ce don ;
deux Apôtres, Pierre et Jean, revêtus du caractère de pontifes, viennent le
leur conférer, et les rendre parfaits chrétiens. Ce récit nous remet en
souvenir la grâce qu'a daigné nous faire l'Esprit-Saint en imprimant sur nos
âmes le sceau de la Confirmation : offrons-lui notre reconnaissance pour ce
bienfait qui nous a attachés à lui plus étroitement, et nous a rendus capables
de confesser sans faiblesse notre foi devant tous ceux qui voudront nous en
demander compte.
Allelui, alleluia.
V/. Le Saint-Esprit vous enseignera tout ce que je vous ai
dit.
Alleluia.
V/. Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.
On chante ensuite la Séquence Veni,
Sancte Spiritus, ci-dessus, page 203.
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ÉVANGILE.
La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. X.
En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens : En vérité, en
vérité je vous le dis, celui qui n'entre pas par la Sorte dans la bergerie des brebis,
mais qui v monte par un autre endroit, celui-là est un voleur et un larron. Mais
celui qui entre par la porte, est le pasteur des brebis. C'est à celui-là que
le portier ouvre, et les brebis entendent sa voix. Il appelle les brebis qui
sont à lui par leur nom, et il les fait sortir. Et lorsqu'il a fait sortir ses
propres brebis, il va devant elles, et les brebis le suivent, parce qu'elles
connaissent sa voix. Elles ne suivent point un étranger, mais elles s'éloignent
de lui, parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étrangers. Jésus leur dit
celte parabole; mais ils ne comprirent pas de quoi il leur parlait. Jésus leur
dit donc encore: En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des
brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des larrons, et
les brebis ne les ont pas écoutés. Je suis la porte. Si quelqu'un entre par
moi, il sera sauvé; il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages. Le
voleur ne vient que pour voler, pour égorger et pour perdre. Moi je suis venu
afin que les brebis aient la vie. et une vie plus abondante.
En proposant ce passage de
l'Evangile aux néophytes de la Pentecôte, l'Eglise voulait les prémunir contre
un danger qui pouvait se présenter à eux dans le cours de leur vie. Au moment
où nous sommes, ils sont les heureuses brebis de Jésus le bon Pasteur, et ce
divin Pasteur est représenté auprès d'eux par des hommes qu'il a investis
lui-même de la charge de paître ses agneaux. Ces hommes ont reçu de Pierre leur
mission, et celui qui est avec Pierre est avec Jésus. Mais il est arrivé
souvent que de faux pasteurs se sont introduits dans la bergerie, et le Sauveur
les qualifie de voleurs et de larrons, parce qu'au lieu d'entrer par la porte,
ils ont escaladé les clôtures de la bergerie. Il nous dit qu'il est lui-même la
Porte par laquelle doivent passer ceux qui ont le droit de paître ses brebis.
Tout pasteur, pour n'être pas un larron, doit avoir reçu la mission de Jésus,
et cette mission ne peut venir que par celui qu'il a établi pour tenir sa
place, jusqu'à ce qu'il vienne lui-même.
L'Esprit-Saint a répandu ses dons
divins dans les âmes de ces nouveaux chrétiens; mais les vertus qui sont en eux
ne peuvent s'exercer de manière à mériter la vie éternelle qu'au sein de
l'Eglise véritable. Si, au lieu de suivre le pasteur légitime, ils avaient le
malheur de se livrer à de faux pasteurs, toutes ces vertus deviendraient
stériles. Ils doivent donc fuir comme un étranger celui qui n'a pas reçu sa mission
du Maître qui seul peut les conduire aux pâturages de la vie. Souvent, dans le
cours des siècles, il s'est rencontré des pasteurs schismatiques ; le devoir
des fidèles est de les fuir, et tous les enfants de l'Eglise doivent être
attentifs à l'avertissement que notre Seigneur leur donne ici. L'Eglise qu'il a
fondée et qu'il conduit par son divin Esprit a pour caractère d'être
Apostolique. La légitimité de la mission des pasteurs se manifeste par la
succession ; et parce que Pierre vit dans ses successeurs, le successeur de
Pierre est la source du pouvoir pastoral. Qui est avec Pierre est avec
Jésus-Christ.
Dans l'Offertoire l'Eglise,
préludant au divin Sacrifice, exalte par les paroles du Psalmiste la nourriture
sacrée à laquelle vont communier les fidèles; c'est une manne qui vient du
ciel, c'est le pain même des Anges.
OFFERTOIRE.
Le Seigneur a ouvert les portes du ciel, et il leur a tait
pleuvoir la manne pour leur nourriture; il leur a donné le pain du ciel, et
l'homme a mangé le pain des Anges, alleluia.
La Victime qui va être offerte a
le pouvoir de purifier par son immolation ceux qui sont appelés à s'en nourrir;
la sainte Eglise, dans la Secrète, demande qu'il en arrive ainsi pour les
fidèles qui forment l'assistance.
SECRÈTE.
Purifiez-nous, Seigneur, par l'oblation des dons que nous vous
offrons, et faites qu'elle nous rende dignes de participer au Mystère sacre.
Par Jésus-Christ.
La Préface est celle de la
Pentecôte, ci-dessus, page 297
Dans l'Antienne de la Communion,
l'Eglise rappelle les paroles dans lesquelles Jésus a annoncé que
l'Esprit-Saint le glorifierait ; nous qui venons de voir ce divin Esprit à
l'œuvre dans le monde entier, nous savons qu'il a accompli l'oracle dans toute
son étendue.
COMMUNION.
L'Esprit qui procède du Père, alleluia, me glorifiera, alleluia,
alleluia.
Le peuple fidèle vient de
participer au Mystère de Jésus; la sainte Eglise nous apprend, dans la
Postcommunion, que la vertu de l'Esprit-Saint a influé divinement à ce moment
auguste. C'est lui qui a accompli le changement des dons sacrés au corps et au
sang du Rédempteur, lui encore qui a préparé les âmes à s'unir au Fils de Dieu,
en les purifiant du péché.
POSTCOMMUNION
Daignez faire, Seigneur, que l'Esprit-Saint renouvelle nos
âmes par ces divins Mystères; car il est lui-même la rémission de tous les
péchés. Par Jésus-Christ.
communion.
38o
A VÊPRES.
Les Antiennes, les Psaumes et tout le reste de l'Office des
Vêpres, sauf l'Antienne de Magnificat, sont les mêmes qu'au jour de la
Pentecôte, ci-dessus, page 3o6.
ANTIENNE DE Magnificat
Je suis la porte, dit le Seigneur : si quelqu'un entre par
moi, il sera sauvé et il trouvera les pâturages, alleluia.
L'Oraison est la Collecte de la Messe,
ci-dessus, page 374.
Nous entendrons encore
aujourd'hui l'Eglise arménienne célébrer la venue de l'Esprit-Saint avec toute
la dignité et la splendeur qui caractérisent son Hymnaire.
CANON TERTIAE DIEI.
Aujourd'hui les Esprits célestes se sont réjouis du renouvellement
de la terre ; car l'Esprit rénovateur des êtres est descendu dans le sacré
Cénacle, et il y a renouvelé le collège apostolique.
Aujourd'hui notre nature terrestre tressaille de se sentir
réconciliée avec le Père; car celui qui avait enlevé son esprit aux hommes
devenus charnels, daigne le leur donner de nouveau.
Aujourd'hui les enfants de l’Eglise célèbrent avec transport
l'avènement du Saint-Esprit, qui les a parés de vêtements nobles et lumineux,
et ils sont admis à chanter le trisagion avec les Séraphins.
Celui qui sépara par la division des langues ceux qui
s'étaient unis pour bâtir la tour, a réuni de nouveau aujourd'hui, dans le
sacré Cénacle, les langues des nations en une seule. O vous tous. Esprits,
bénissez l'Esprit de Dieu.
L'Esprit du Seigneur qui descendit autrefois, et fut le
conducteur des douze tribus d'Israël dans le désert, conduit aujourd'hui les
douze Apôtres à la prédication de l'Evangile. O vous tous, Esprits, bénissez
l'Esprit de Dieu.
L'Esprit du Seigneur qui remplit autrefois Bézeleel,
l'architecte du tabernacle, rend aujourd'hui les hommes comme les tabernacles
de la sainte Trinité. O vous tous, Esprits, bénissez l'Esprit de Dieu.
La belle Séquence que nous
donnons ici est empruntée aux anciens Missels de Liège.
SÉQUENCE.
Amour du Père et du Fils, vous êtes pour nous un éclatant
secours, notre espoir et notre consolation.
Lumière incessante pour les cœurs pieux, vous êtes la
récompense des justes, la commisération pour ceux qui étaient perdus.
Toute force vient de vos dons, toute sainteté, toute béatitude,
ô vous qui aimez toute justice !
Vous êtes tout-puissant,
plein de bonté; vous tenez tout entre vos mains, vous si éloigné du
péché !
Nul ne vous surpasse en justice et en sainteté; nul ne peut
égaler la force et la spiritualité de votre substance ; rien ne peut lutter en
puissance avec vous, et rien
n'est meilleur que vous.
Vous êtes la lumière des cœurs; par vous nous allons au Père
universel et à son Fils divin.
Source d'intelligence, principe de bonheur, remède contre le
péché, Esprit de conseil.
Vous agissez sans bruit, vous êtes souple, et cependant vous
ne changez pas; adresse, noblesse, puissance, ces qualités sont les vôtres; votre
marche est rapide, et votre conduite envers nous est aimable.
Vous êtes le don choisi : vous donnez l'intelligence et l'amour,
vous aimez ce qui est droit.
Esprit du Père et du Fils, Paraclet vivifiant, doigt de la
main divine.
Sublimité et charme, compassion et bonté, clémence et
largesse :
Ainsi que vous voulez, quand vous voulez, où vous voulez,
jusqu'où vous voulez, et autant que vous voulez, votre souille se répand sur
les hommes et il les assiste, il les remplit et les relève de leur chute; il
les comble de richesses et les instruit lui-même.
Aujourd'hui même cet Esprit de science est départi aux
Apôtres pour être leur consolateur ; et dans sa confiance, il remet en leur
pouvoir et avec plénitude la source même de la véritable sagesse.
Amen.
LE DON DE SCIENCE.
L'âme ayant été détachée du mal
par la Crainte de Dieu et ouverte aux nobles affections par le don de Piété,
éprouve le besoin de savoir par quel moyen elle évitera ce qui fait l'objet de
sa crainte et pourra trouver ce qu'elle doit aimer. L'Esprit-Saint vient à son
secours, et lui apporte ce qu'elle désire, en répandant en elle le Don de
Science. Par ce don précieux la vérité lui apparaît, elle connaît ce que Dieu
demande et ce qu'il reprouve, ce qu'elle doit rechercher et ce qu'elle doit
fuir. Sans la science divine notre vue court risque de s'égarer, à cause des
ténèbres qui trop souvent obscurcissent en tout ou en partie l'intelligence de
l'homme. Ces ténèbres proviennent d'abord de notre propre fonds qui porte des
traces trop réelles de la déchéance. Elles ont encore pour cause les préjugés
et les maximes du monde qui faussent tous les jours les esprits que l'on
croirait les plus droits. Enfin l'action de Satan, qui est le Prince des
ténèbres, s'exerce en grande partie dans le but d'environner notre âme
d'obscurités, ou de l'égarer à l'aide de fausses lueurs.
La foi qui nous a été infuse dans
le baptême est la lumière de notre âme. Par le don de Science, l'Esprit-Saint
fait produire à cette vertu des rayons assez vifs pour dissiper toutes nos
ténèbres. Les doutes alors s'éclaircissent, l'erreur s'évanouit, et la vérité
apparaît dans tout son éclat. On voit chaque chose dans son véritable jour, qui
est le jour de la foi. On découvre les déplorables erreurs qui ont cours dans
le monde, qui séduisent un si grand nombre d'âmes, et dont peut-être on a été soi-même
longtemps la victime.
Le don de Science nous révèle la
fin que Dieu s'est proposée dans la création, cette fin hors laquelle les êtres
ne sauraient trouver ni le bien ni le repos. Il nous apprend l'usage que nous
devons faire des créatures, qui nous ont été données non pour nous être un
écueil, mais pour nous aider dans notre marche vers Dieu. Le secret de la vie
nous étant ainsi manifesté, notre route devient sûre, nous n'hésitons plus, et
nous nous sentons disposés à nous retirer de toute voie qui ne nous conduirait
pas au but.
C'est cette Science, don de
l'Esprit-Saint, que l'Apôtre a en vue lorsque, parlant aux chrétiens, il leur
dit : « Autrefois vous étiez ténèbres; maintenant vous êtes lumière dans le
Seigneur : marchez désormais comme les fils de la lumière (1) ». De là vient
cette fermeté, cette assurance de la conduite chrétienne. L'expérience peut
manquer quelquefois, et le monde s'émeut à la pensée des faux pas qui sont à
redouter ; mais le monde a compté sans le don de Science. « Le Seigneur conduit
le juste par les voies droites, et pour assurer ses pas il lui a donné la
Science des saints (2). » Chaque jour cette leçon est donnée. Le chrétien, au moyen
de la lumière surnaturelle, échappe à tous les dangers, et s'il n'a pas
l'expérience propre, il a l'expérience de Dieu. Soyez béni, divin Esprit, pour
cette lumière que vous répandez en nous, que vous y maintenez avec une si
aimable persévérance. Ne permettez pas que nous en cherchions jamais une autre.
Elle seule nous suffit ; hors d'elle il n'y a que ténèbres. Gardez-nous des
tristes inconséquences auxquelles plusieurs se laissent aller imprudemment,
acceptant un jour votre conduite, et le lendemain se livrant aux préjugés du
monde ; menant une double vie qui ne satisfait ni le monde ni vous. Il nous
faut donc l'amour de cette Science que vous nous avez donnée pour que nous
fussions sauvés ; l'ennemi de nos âmes la jalouse en
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nous, cette science salutaire ; il voudrait y substituer ses
ombres. Ne permettez pas, divin Esprit, qu'il réussisse dans son perfide
dessein, et aidez-nous toujours à discerner ce qui est vrai de ce qui est faux,
ce qui est juste de ce qui est injuste. Que, selon la parole de Jésus, notre
œil soit simple, afin que tout notre corps, c'est-à-dire l'ensemble de nos
actes, de nos désirs et de nos pensées, soit dans la lumière (1) ; et
sauvez-nous, divin Esprit, de cet œil que Jésus appelle mauvais, et qui rend
ténébreux le corps tout entier.