GRÉGOIRE LE GRAND

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
BLAISE
ANDRÉ CORSINI
JEANNE DE VALOIS
AGATHE
DOROTHÉE
ROMUALD
JEAN DE MATHA
CYRILLE
APOLLINE
SCHOLASTIQUE
VALENTIN
FAUSTIN
SIMÉON
CHAIRE ST PIERRE
PIERRE DAMIEN
MATHIAS
MARGUERITE
CASIMIR
PERPÉTUE FÉLICITÉ
THOMAS D'AQUIN
JEAN DE DIEU
FRANÇOISE ROMAINE
QUARANTE MARTYRS
GRÉGOIRE LE GRAND
SEPT PSAUMES
SEPT SERVITES

LE XII MARS. SAINT  GRÉGOIRE LE GRAND, PAPE ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE.

 

ENTRE tous les pasteurs que le Christ a donnés à l'Eglise universelle pour le  représenter sur la terre, nul n'a surpassé les mérites et la renommée du saint Pape que nous célébrons aujourd'hui. Son nom est Grégoire, et signifie la vigilance ; son surnom est le Grand, dont il était déjà en possession, lorsque Dieu donna le septième Grégoire à son Eglise. Ces deux illustres pontifes sont frères ; et tout cœur catholique les confond dans un même amour et dans une commune admiration.

Celui dont nous honorons en ce jour la mémoire est déjà connu des fidèles qui s'appliquent à suivre l'Eglise dans la Liturgie. Mais ses travaux sur le service divin, dans tout le cours de Tannée, ne se sont pas bornés à enrichir nos Offices de quelques cantiques pleins d'onction et de lumière ; tout l'ensemble de la Liturgie Romaine le reconnaît pour son principal organisateur. C'est lui qui, recueillant et mettant en ordre les prières et les rites institués par ses prédécesseurs, leur a donné la forme qu'ils retiennent encore aujourd'hui. Le chant ecclésiastique a pareillement reçu de lui son dernier perfectionnement ; les sollicitudes du saint Pontife pour recueillir les antiques mélodies de l'Eglise, pour les assujettir aux règles, et les disposer selon les besoins du service

 

444

 

 divin, ont attaché pour jamais son nom à cette grande œuvre musicale qui ajoute tant à la majesté des fonctions sacrées, et qui contribue si puissamment à préparer Pâme du chrétien au respect des Mystères et au recueillement de la piété.

Mais le rôle de Grégoire ne s'est pas réduit à ces soins qui suffiraient à immortaliser un autre Pontife. Lorsqu'il fut donné à la chrétienté, l'Eglise latine comptait trois grands Docteurs : Ambroise, Augustin et Jérôme ; la science divine de Grégoire l'appelait à l'honneur de compléter cet auguste quaternaire. L'intelligence des saintes Ecritures, la pénétration des mystères divins, l'onction et l'autorité, indices de l'assistance du Saint-Esprit, paraissent dans ses écrits avec plénitude ; et l'Eglise se réjouit d'avoir reçu en Grégoire un nouveau guide dans la doctrine sacrée.

Le respect qui s'attachait à tout ce qui sortait de la plume d'un si grand Pontife a préservé de la destruction son immense correspondance ; et l'on y peut voir qu'il n'est pas un seul point du monde chrétien que son infatigable regard n'ait visité, pas une question religieuse, même locale ou personnelle, dans l'Orient comme dans l'Occident, qui n'ait attiré les efforts de son zèle, et dans laquelle il n'intervienne comme pasteur universel. Eloquente leçon donnée par les actes d'un Pape du vie siècle à ces novateurs qui ont osé soutenir que la prérogative du Pontife Romain n'aurait eu pour base que des documents fabriqués plus de deux siècles après la mort de Grégoire !

Assis sur le Siège Apostolique, Grégoire y a paru l'héritier des Apôtres, non seulement comme dépositaire de leur autorité, mais comme associé à leur mission d'appeler à la foi des peuples entiers. L'Angleterre est là pour attester que si

 

445

 

elle connaît Jésus-Christ, si elle a mérité durant tant de siècles d'être appelée l’Ile des Saints, elle le doit à Grégoire qui, touché de compassion pour ces Angles, dont il voulait, disait-il, faire des Anges, envoya dans leur île le saint moine Augustin avec ses quarante compagnons, tous enfants de saint Benoît, comme Grégoire lui-même. Le saint Pontife vécut encore assez longtemps pour recueillir la moisson évangélique, qui crût et mûrit en quelques jours sur ce sol où la foi, semée dès les premiers temps et germée à peine, avait presque été submergée sous l'invasion d'une race conquérante et infidèle. Qu'on aime à voir l'enthousiasme du saint vieillard, quand il emprunte le langage de la poésie, et nous montre « l’Alleluia et les Hymnes romaines répétées dans une langue accoutumée aux chants barbares, l'Océan aplani sous les pas des saints, des flots de peuples indomptés tombant calmés à la voix des prêtres (1) » !

Durant les treize années qu'il tint la place de Pierre, le monde chrétien sembla, de l'Orient à l'Occident, ému de respect et d'admiration pour les vertus de ce chef incomparable, et le nom de Grégoire fut grand parmi les peuples. La France a le devoir de lui garder un fidèle souvenir ; car il aima nos pères, et prophétisa la grandeur future de notre nation par la foi. De tous les peuples nouveaux qui s'étaient établis sur les ruines de l'empire romain, la race franque fut longtemps seule à professer la croyance orthodoxe; et cet élément surnaturel lui valut les hautes destinées qui lui ont assuré une gloire et une influence sans égales. C'est assurément pour nous, Français, un honneur dont nous devons être

 

1. Moral, in Job. Lib. XXVII, cap. XI.

 

446

 

saintement fiers, de trouver dans les écrits d'un Docteur de l'Eglise ces paroles adressées, dès le VI° siècle, à un prince de notre nation : « Comme la dignité royale s'élève au-dessus des autres hommes, ainsi domine sur tous les royaumes des peuples la prééminence de votre royaume. Etre roi comme tant d'autres n'est pas chose rare: mais être roi catholique, alors que les autres sont indignes de l'être, c'est assez de grandeur. Comme brille par l'éclat de la lumière un lustre pompeux dans l'ombre d'une nuit obscure, ainsi éclate et rayonne la splendeur de votre foi, à travers les nombreuses perfidies des autres nations (1). »

Mais qui pourrait dépeindre les vertus sublimes qui firent de Grégoire un prodige de sainteté ? Ce mépris du monde et de la fortune qui lui fit chercher un asile dans l'obscurité du cloître ; cette humilité qui le porta à fuir les honneurs du Pontificat, jusqu'à ce que Dieu révélât enfin par un prodige l'antre où se tenait caché celui dont les mains étaient d'autant plus dignes de tenir les clefs du ciel, qu'il en sentait davantage le poids; ce zèle pour tout le troupeau dont il se regardait comme l'esclave et non comme le maître, s'honorant du titre immortel de serviteur des serviteurs de Dieu ; cette charité envers les pauvres, qui n'eut de bornes que l'univers ; cette sollicitude infatigable à laquelle rien n'échappe et qui subvient à tout, aux calamités publiques, aux dangers de la patrie comme aux infortunes particulières ; cette constance et cette aimable sérénité au milieu des plus grandes souffrances, qui ne cessèrent de peser sur son corps durant tout le cours de son laborieux  pontificat ; cette fermeté à conserver

 

1. Regest. Lib. IV. Epist. VI ad Childebertum Regem.

 

447

 

le dépôt de la foi et à poursuivre l'erreur en tous lieux ; enfin cette vigilance sur la discipline, qui la renouvela et la soutint pour des siècles dans tout le corps de l'Eglise : tant de services, tant de grands exemples ont marqué la place de Grégoire dans la mémoire des chrétiens avec des traits qui ne s'effaceront jamais.

 

Lisons maintenant le récit abrégé que l'Eglise nous présente de quelques-unes des actions du saint Pontife, dans les fastes de sa Liturgie.

 

Grégoire le Grand, né à Rome, fils du sénateur Gordien, étudia la philosophie dans sa jeunesse, et exerça la charge de Préteur. Après la mort de son père, il fonda six monastères en Sicile. Il en établit un septième, à Rome, sous le nom de Saint-André, dans sa maison, près de la Basilique des Saints-Jean-et-Paul, sur la pente dite de Scaurus. Là, sous la conduite d'Hilarion et de Maximien, il professa la vie monastique, et fut ensuite Abbé. Peu après, il fut créé Cardinal-Diacre, et envoyé par le Pape Pelage à Constantinople, en qualité de légat auprès de l'empereur Tibère-Constantin. Ce fut là qu'eut lieu cette conférence mémorable dans laquelle il convainquit d'erreur si évidemment le Patriarche Eutychius, qui avait écrit contre la résurrection corporelle des morts, que l'empereur jeta au feu le livre composé par ce prélat. Eutychius lui-même, étant peu après tombé malade, lorsqu'il se vit proche de la mort, tenant la peau de sa main, dit en présence de plusieurs personnes: «Je confesse que nous ressusciterons tous dans cette chair. »

 

De retour à Rome, Grégoire fut élu Pontife, du consentement commun, à la place de Pelage que la peste avait enlevé; mais il refusa cet honneur aussi longtemps qu'il lui fut possible. Déguisé sous un habit étranger, il alla se cacher dans une caverne; mais une colonne de feu ayant indiqué sa retraite, on l'arrêta; et il fut consacré dans l'Eglise de Saint-Pierre. Dans son pontificat, il a laissé à ses successeurs de nombreux exemples de doctrine et de sainteté. Il admettait tous les jours des étrangers à sa table; et parmi eux, il lui arriva de recevoir un Ange, et même le Seigneur des Anges, sous la figure d'un pèlerin. Il nourrissait libéralement les pauvres, tant de la ville que du dehors, et il en tenait une liste. Il rétablit la foi catholique en beaucoup d'endroits où elle avait souffert : car il réprima les Donatistes en Afrique et les Ariens en Espagne, et il chassa les Agnoïtes d'Alexandrie. Il refusa le pallium à Syagrius, Evêque d'Autun, jusqu'à ce qu'il eût chassé de la Gaule les hérétiques Néophytes. Il obligea les Goths à renoncer à l'hérésie des Ariens. Il envoya dans la Grande-Bretagne Augustin et plusieurs autres moines, tous hommes saints et savants, par lesquels il convertit cette île à la foi de Jésus-Christ : ce qui l'a fait appeler avec raison Apôtre de l'Angleterre par le prêtre Bède. Il réprima l'audace de Jean, Patriarche de Constantinople, qui s'arrogeait le nom d'Evêque universel de l'Eglise. L'empereur Maurice avant défendu aux soldats d'embrasser la vie monastique, il lui fit révoquer ce décret.

 

Il a orné l'Eglise de plusieurs institutions et lois très saintes. Dans un concile rassemblé à Saint-Pierre, il établit entre autres choses qu'on répéterait neuf fois Kyrie eleison à la Messe; que l'on dirait Alleluia hors le temps qui sépare la Septuagésime de la Pâque ; qu'on ajouterait au Canon ces mots : Dies que nostros in tua pace disponas. Il augmenta le nombre des processions et des Stations, et compléta l'Office ecclésiastique. Il voulut qu'on honorât à  l'égal  des quatre Evangiles les quatre Conciles de Nicée, de Constantinople,d'Ephèse et de Chalcédoine. Il accorda aux évêques de Sicile, qui, selon l'ancienne coutume de leurs Eglises, allaient à Rome tous les trois ans, la liberté de n'y venir que tous les cinq ans. Il a composé plusieurs livres ; et Pierre Diacre atteste avoir vu souvent, pendant qu'il les dictait, le Saint-Esprit en forme de colombe sur la tète du saint. Les choses qu'il a dites, faites, écrites, décrétées, sont admirables, et d'autant plus qu'il souffrit constamment des maladies et des infirmités dans son corps. Enfin, après avoir fait beaucoup de miracles, il fut appelé au bonheur céleste après treize ans, six mois et dix jours de pontificat, le quatre des ides de mars, que les Grecs eux-mêmes célèbrent avec une vénération particulière, à cause de l'insigne sainteté de ce Pontife. Son corps fut enseveli dans la Basilique de Saint-Pierre, près du Secretarium.

 

A la suite de cette belle Légende, nous placerons ici quelques Antiennes et quelques Répons extraits d'un Office approuvé par le Saint-Siège en l'honneur d'un si grand Pape.

 

51

 

ANTIENNES ET RÉPONS

 

Le bienheureux Grégoire, élevé sur la chaire de Pierre, réalisa par sa vigilance la signification de son nom.

 

Pasteur excellent, il fut le modèle de la vie pastorale, en même temps qu'il en traça les règles.

 

Un jour qu'il expliquait les mystères de la sainte Ecriture, on vit près de lui une colombe plus blanche que la neige.

 

Grégoire, le miroir des moines, le père de Rome, les délices du monde entier.

 

Ayant arrêté ses regards sur de jeunes Anglais, Grégoire dit : « Ils ont des visages d'Anges, il est juste de les faire participer au sort des Anges dans le ciel. »

 

R/. Dès son adolescence, Grégoire se livra avec ferveur au service de Dieu : * Et il aspira de toute l'ardeur de ses désirs à la patrie de la vie céleste.

 

V/. Ayant distribué aux pauvres ses richesses, il se mit pauvre à la suite du Christ qui s'est fait pauvre pour  nous ;

* Et il aspira de toute l'ardeur de ses désirs à la patrie de la vie céleste.

 

R/. Ayant établi six monastères en Sicile, il y réunit des frères pour le service du Christ; il en fonda un septième dans l'enceinte de la ville de Rome : * Et c'est là qu'il s'enrôla dans les rangs de la céleste milice.

 

V/. Dédaignant le monde en sa fleur, il n'eut plus d'attrait que pour sa chère solitude ;

*  Et c'est là qu'il s'enrôla dans les rangs de la céleste milice.

 

R/. Comme on le cherchait pour l'élever aux honneurs du Pontificat suprême, il s'enfuit à l'ombre des forêts et des antres ;

* Mais une colonne lumineuse apparut, descendant du ciel en ligne directe jusque sur lui.

 

V/. Dans son ardeur de posséder un si excellent pasteur, le peuple se livrait au jeune et aux prières ;

*  Mais une colonne lumineuse apparut, descendant du ciel en ligne directe jusque sur lui.

 

R/. Me voici donc maintenant battu des flots de la grande mer, brisé des tempêtes de la charge pastorale : * Et lorsque, au souvenir de ma vie antérieure, je jette mes regards derrière moi, à la vue du rivage qui s'éloigne, je soupire.

 

V/. Plein de trouble, je me sens emporté par des vagues immenses ; à peine aperçois-je encore le port que j'ai quitté :

*  Et lorsque, au souvenir de ma  vie antérieure, je jette mes regards derrière moi., à la vue du rivage qui s'éloigne, je soupire.

 

R/. Ayant puisé dans la source des Ecritures l'enseignement moral et la doctrine mystique, Grégoire dirigea vers les peuples le fleuve de l'Evangile ; * Et après sa mort sa voix se fait entendre encore.

 

V/. Il parcourt le monde comme l'aigle ; dans sa vaste charité, il pourvoit aux grands et aux petits.

*  Et après sa mort sa voix se fait entendre encore.

 

R/. Ayant vu des jeunes gens de la nation anglaise, Grégoire regrettait que des hommes d'un si beau visage fussent dans la possession du prince des ténèbres; * Et que sous des traits si agréables se cachât une âme privée des. joies intérieures.

 

V/. Du fond de son cœur il poussait de profonds soupirs, déplorant que l'image de Dieu eût été ainsi souillée par l'ancien serpent.

*  Et que sous des traits si agréables se cachât une âme privée des joies intérieures.

 

R/. L'évêque Jean ayant voulu, dans son audace, porter atteinte aux droits du premier Siège, Grégoire se leva dans la force et la mansuétude ; * Tout éclatant de l'autorité apostolique, tout resplendissant  d'humilité.

 

V/. Il fut invincible  dans la défense des clefs de Pierre, et préserva de toute atteinte la Chaire principale ;

*  Tout éclatant de l'autorité apostolique, tout resplendissant d'humilité,

 

R/. Pontife illustre par ses mérites comme par son nom, Grégoire renouvela les mélodies de la louange divine ; * Et il réunit dans un même concert la voix de l'Eglise militante aux accords de l'Epouse triomphante.

 

V/. Ayant transcrit de sa plume mystique le livre des Sacrements, il fit passer à la postérité les formules sacrées des anciens Pères.

* Et il réunit dans un même concert la voix de l'Eglise militante aux accords de l'Epouse triomphante.

 

R/. Il régla les Stations aux Basiliques et aux Cimetières des martyrs; * Et l'armée du Seigneur s'avançait, suivant les pas de Grégoire.

 

V/. Chef de la milice céleste, il distribuait à chacun les armes spirituelles.

*  Et l'armée du Seigneur s'avançait, suivant les pas de Grégoire.

 

Saint Pierre Damien, dont nous avons célébré la fête il y a quelques jours, a consacré à la gloire de notre grand Pontife l'Hymne suivante.

 

455

 

HYMNE

 

Apôtre des Anglais, maintenant compagnon des Anges, Grégoire, secourez les nations qui ont reçu la foi.

 

Vous avez méprisé l'opulence des richesses et toute la gloire du monde, pour suivre pauvre le Roi Jésus dans sa pauvreté.

 

Un malheureux naufragé se présente à vous : c'est un Ange qui, sous ces traits, vous demande l'aumône ; vous lui faites une double offrande, à laquelle vous ajoutez encore un vase d'argent.

 

Peu après, le Christ vous place à la tête de son Eglise; imitateur de Pierre, vous montez sur son trône.

 

O Pontife excellent, gloire et lumière de l'Eglise ! n'abandonnez pas aux périls ceux que vous avez instruits par tant d'enseignements.

 

Vos lèvres distillent un miel qui est doux au cœur ; votre éloquence surpasse l'odeur des plus délicieux parfums.

 

Vous dévoilez d'une manière admirable les énigmes mystiques de la sainte Ecriture ; la Vérité elle-même vous révèle les plus hauts mystères.

 

Vous possédez le rang et la gloire des Apôtres ; dénouez les liens de nos péchés ; restituez-nous au royaume des cieux.

 

Gloire au Père incréé ; honneur au Fils unique ; majesté souveraine à l'Esprit égal aux deux autres. Amen.

 

Père du peuple chrétien, Vicaire de la charité du Christ autant que de son autorité, Grégoire, Pasteur vigilant, le peuple chrétien que vous avez tant aimé et servi si fidèlement, s'adresse à vous avec confiance. Vous n'avez point oublié ce troupeau qui vous garde un si cher souvenir ; accueillez aujourd'hui sa prière. Protégez et dirigez le Pontife qui tient de nos jours la place de Pierre et la vôtre ; éclairez ses conseils, et fortifiez son courage. Bénissez tout le corps hiérarchique des Pasteurs, qui vous doit de si beaux préceptes et de si admirables exemples. Aidez-le à maintenir avec une inviolable fermeté le dépôt sacré de la foi ; secourez-le dans ses efforts pour le rétablissement de la discipline ecclésiastique, sans laquelle tout n'est que désordre et confusion. Vous avez été choisi de Dieu pour ordonner le

 

437

 

service divin, la sainte Liturgie, dans la chrétienté ; favorisez le retour aux pieuses traditions de la prière qui s'étaient affaiblies chez nous, et menaçaient de périr. Resserrez de plus en plus le lien vital des Eglises dans l'obéissance à la Chaire romaine, fondement de la foi et source de l'autorité spirituelle.

Vos yeux ont vu surgir le principe funeste du schisme désolant qui a séparé l'Orient de la communion catholique ; depuis, hélas ! Byzance a consommé la rupture ; et le châtiment de son crime a été l'abaissement et l'esclavage, sans que cette infidèle Jérusalem ait songé encore à reconnaître la cause de ses malheurs. De nos jours, son orgueil monte de plus en plus ; un auxiliaire a surgi de l'Aquilon, plein d'audace et les mains teintes du sang des martyrs. Dans son orgueil, il a juré de poser un pied sur le tombeau du Sauveur, et l'autre sur la Confession de saint Pierre : afin que toute créature humaine l'adore comme un dieu. Ranimez, ô Grégoire ! le zèle des peuples chrétiens, afin que ce faux Christ soit renversé, et que l'exemple de sa chute demeure comme un monument de la vengeance du véritable Christ notre unique Seigneur, et un accomplissement de la promesse qu'il a faite : que les portes de l'enfer ne prévaudront point contre la Pierre. Nous savons^ saint Pontife ! que cette parole s'accomplira; mais nous osons demander que nos yeux en voient l'effet.

Souvenez-vous, ô Apôtre d'un peuple entier ! souvenez-vous de l'Angleterre qui a reçu de vous la foi chrétienne. Cette île qui vous fut si chère, et au sein de laquelle fructifia si abondamment la semence que vous y aviez jetée, est devenue infidèle à la Chaire romaine, et toutes les erreurs se sont

 

458

 

réunies dans son sein. Depuis trois siècles déjà, elle s'est éloignée de la vraie foi ; mais de nos jours, la divine miséricorde semble s'incliner vers elle. O Père ! aidez cette nation que vous avez enfantée à Jésus-Christ ; aidez-la à sortir des ténèbres qui la couvrent encore. C'est à vous de rallumer le flambeau qu'elle a laissé s'éteindre. Qu'elle voie de nouveau la lumière briller sur elle, et son peuple fournira comme autrefois des héros pour la propagation de la vraie foi et pour la sanctification du peuple chrétien.

 

En ces jours de la sainte Quarantaine, priez aussi, ô Grégoire, pour le troupeau fidèle qui parcourt religieusement la sainte carrière de la pénitence. Obtenez-lui la componction du cœur, l'amour de la prière, l'intelligence du service divin et de ses mystères. Nous lisons encore les graves et touchantes Homélies que vous adressiez, à cette époque, au peuple de Rome ; la justice de Dieu, comme sa miséricorde, est toujours la même : obtenez que nos cœurs soient remués par la crainte et consolés par la confiance. Notre faiblesse s'effraie souvent de la rigidité des lois de l'Eglise qui prescrivent le jeûne et l'abstinence; rassurez nos courages, ranimez dans  nos cœurs

, l'esprit de mortification. Vos exemples nous éclairent, vos enseignements nous dirigent; que votre intercession auprès de Dieu fasse de nous tous de vrais pénitents afin que nous puissions retrouver, avec la joie d'une conscience purifiée, le divin Alleluia que vous nous avez appris à chanter sur la terre, et que nous espérons répéter avec vous dans l'éternité.

 

Nos âmes sont désormais préparées ; l'Eglise peut ouvrir la carrière quadragésimale. Dans

 

459

 

les trois semaines qui viennent de s'écouler, nous avons appris à connaître la misère de l'homme déchu, l'immense besoin qu'il a d'être sauvé par son divin auteur ; la justice éternelle contre laquelle le genre humain osa se soulever, et le terrible châtiment qui fut le prix de tant d'audace ; enfin, l'alliance du Seigneur, en la personne d'Abraham, avec ceux qui, dociles à sa voix, s'éloignent des maximes d'un monde pervers et condamné.

Maintenant nous allons voir s'accomplir les mystères sacrés et redoutables, par lesquels la blessure de notre chute a été guérie, la divine justice désarmée, la grâce qui nous affranchit du joug de Satan et du monde répandue sur nous avec surabondance.

L'Homme-Dieu, dont nous avons cessé un moment de suivre les traces, va reparaître à nos regards, courbé sous sa Croix, et bientôt immolé pour notre Rédemption. La douloureuse Passion que nos péchés lui ont imposée va se renouveler sous nos yeux dans le plus solennel des anniversaires.

Soyons attentifs, et purifions-nous. Marchons courageusement dans la voie de la pénitence ; que chaque jour allège le fardeau que nos péchés font peser sur nous; et lorsque nous aurons participé au calice du Rédempteur par une sincère compassion pour ses douleurs, nos lèvres longtemps fermées aux chants d'allégresse seront déliées par l'Eglise, et nos cœurs, dans une ineffable jubilation, tressailliront tout à coup au divin Alleluia!

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante