CYRILLE

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LE IX  FÉVRIER. SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE, ÉVÊQUE ET DOCTEUR DE L'ÉGLISE.

 

« Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et la sienne ; elle t'écrasera la tête, et tu chercheras à la mordre au talon (1) » Cette parole qui fut dite au serpent dans les jours que l'Eglise rappelle maintenant à la pensée de ses fils, domine l'histoire entière du monde. La femme, tombée la première par la ruse de Satan, s'est aussi, en Marie, relevée la première. Dans son immaculée Conception, dans son enfantement virginal, dans l'offrande qu'elle fit à Dieu de l'Adam nouveau sur la montagne d'expiation, la nouvelle Eve a montré à l'antique ennemi la puissance de son pied victorieux. Aussi l'ange révolté, devenu le prince du monde autrefois par la complicité de l'homme (2), a-t-il sans cesse, dès lors, dirigé contre la femme qui triompha de lui les forces réunies de son double empire sur les légions infernales et les fils de ténèbres. Marie, au ciel, poursuit la lutte qu'elle commença sur la terre. Reine des esprits bienheureux et des fils de lumière, elle meneau combat, comme une seule armée, les phalanges célestes et les bataillons de l'Eglise militante. Le triomphe  de  ces troupes

 

1. Gen. III, 15. — 2. JOHAN. XII, 31.

 

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fidèles est celui de leur souveraine : l'écrasement continu de la tête du père du mensonge, par la défaite de l'erreur et l'exaltation de la vérité révélée, du Verbe divin, fils de Marie et  fils de Dieu.

Mais jamais cette exaltation du Verbe divin n'apparut plus intimement liée au triomphe de son auguste mère, que dans le combat mémorable où le pontife proposé en ce jour à nos hommages reconnaissants eut une part si glorieuse. Cyrille d'Alexandrie est le Docteur de la maternité divine, comme son prédécesseur, Athanase, avait été celui de la consubstantialité du Verbe ; l'Incarnation repose sur les deux ineffables mystères qui furent, à un siècle de distance, l'objet de leur confession et de leurs luttes. Comme Fils de Dieu, le Christ devait être consubstantiel à son Père; caria simplicité infinie de l'essence divine exclut toute idée de division ou de partage : nier en Jésus, Verbe divin, l'unité de substance avec son principe, était nier sa divinité. Comme fils de l'homme en même temps que vrai Dieu de vrai Dieu (1), Jésus devait naître ici-bas d'une fille d'Adam, et cependant rester dans son humanité une même personne avec le Verbe consubstantiel au Père: nier dans le Christ cette union personnelle des deux natures, était de nouveau méconnaître sa divinité ; c'était proclamer du même coup que la Vierge bénie, vénérée jusque-là comme ayant enfanté Dieu dans la nature qu'il avait prise pour nous sauver, n'était que la mère d'un homme.

Trois siècles de persécution furieuse avaient essayé vainement d'arracher à l'Eglise le désaveu de la divinité de l'Epoux.  Le monde cependant

 

1. Symbol. Nic.

 

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venait à peine d'assister au triomphe de l'Homme-Dieu, que déjà l'ennemi exploitait la victoire; mettant à profit l'état nouveau du christianisme et sa sécurité du côté des bourreaux, il allait s'efforcer d'obtenir désormais sur le terrain de la fausse science le reniement qui lui avait été refusé dans l'arène du martyre. Le zèle amer des hérétiques pour réformer la croyance de l'Eglise allait servir l'inimitié du serpent, et concourir plus au développement de sa race maudite que n'avaient fait les défaillances des apostats. Bien digne par son orgueil d'être, à l'âge de la paix, le premier de ces docteurs de l'enfer, Arius parut d'abord, portant le débat jusque dans les profondeurs de l'essence divine, et rejetant au nom de textes incompris le consubstantiel. Au bout d'un siècle où sa principale force avait été l'appui des puissances de ce monde, l'arianisme tombait, ne gardant de racine que chez les nations qui, récemment baptisées, n'avaient point eu à verser leur sang pour la divinité du Fils de Dieu. C'est alors que Satan produisit Nestorius.

Habile à se transformer en ange de lumière (1), l'ancien ennemi revêtit son apôtre d'une double auréole menteuse de sainteté et de science; l'homme qui devait exprimer plus nettement qu'aucun autre la haine du serpent contre la femme et son fruit, put s'asseoir sur le siège épiscopal de Constantinople aux applaudissements de l'Orient tout entier, qui se promettait de voir revivre en lui l'éloquence et les vertus d'un nouveau Chrysostome. Mais la joie des bons fut de courte durée. En l'année même qui avait vu l'exaltation de l'hypocrite pasteur, le jour de Noël 428, Nestorius,

 

1. II Cor, XI, 14.

 

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profitant du concours immense  des fidèles assemblés pour fêter l'enfantement de la Vierge-mère, laissait tomber du haut de la chaire épiscopale cette parole de blasphème : « Marie n'a point  enfanté Dieu ; son fils n'était  qu'un  homme, instrument de la divinité. » Un frémissement d'horreur parcourut à ces mots la multitude; interprète de l'indignation  générale, le scolastique Eusèbe, simple laïque, se leva du milieu de la foule et protesta contre l'impiété. Bientôt, une protestation plus explicite fut rédigée  au nom  des membres de cette Eglise désolée, et répandue  à nombreux exemplaires, déclarant anathème à quiconque oserait dire : « Autre est le Fils unique du  Père, autre celui de la vierge Marie. » Attitude généreuse, qui fut alors la sauvegarde de Byzance, et  lui valut l'éloge des conciles  et des papes ! Quand le pasteur se change en loup, c'est au troupeau à se défendre tout d'abord.  Régulièrement sans doute la  doctrine  descend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l'ordre de la foi, n'ont point à juger leurs chefs. Mais il est dans le trésor de la révélation des  points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le principe ne change  pas, qu'il s'agisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme. Les trahisons pareilles à celle de Nestorius sont rares dans l'Eglise;  mais il peut  arriver que des pasteurs restent silencieux, pour une cause ou pour l'autre, en certaines circonstances  où la religion même serait engagée. Les  vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur seul baptême, en de telles conjonctures, l'inspiration d'une ligne de conduite; non les pusillanimes  qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs

 

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établis, attendent pour courir à l'ennemi, ou s'opposer à ses entreprises, un programme qui n'est pas nécessaire et qu'on ne doit point leur donner.

Cependant l'émotion produite par les blasphèmes de Nestorius agitait tout l'Orient, et gagna bientôt Alexandrie. Cyrille occupait alors la chaire fondée par Marc au nom  de Pierre, et décorée de l'honneur du second siège par la volonté de ce chef des Eglises. L'accord d'Athanase et des pontifes romains avait, au siècle précédent, vaincu l'arianisme ; c'était l'union d'Alexandrie avec Rome qui devait, cette fois encore, écraser l'hérésie. Pourtant l'ennemi,  instruit par l'expérience, avait mis à prendre les devants une prévoyance tout  infernale ; au jour où le futur vendeur de la  Mère de Dieu était monté sur le siège de saint Athanase, l'alliance si formidable au démon n'existait plus. Théophile, le dernier patriarche, l'auteur principal de la condamnation de saint Jean  Chrysostome au conciliabule  du Chêne, avait refusé jusqu'à la fin de souscrire à la réhabilitation de sa victime par le Siège apostolique, et Rome avait dû rompre avec sa fille aînée. Or Cyrille était le neveu de Théophile ; il ne connaissait rien des motifs inavouables de son oncle en cette triste affaire ; habitué dès l'enfance à vénérer en lui son légitime supérieur autant que son bienfaiteur et son maître dans la  science  sacrée, Cyrille, devenu patriarche à son tour, n'eut même pas la pensée de rien changer aux décisions  de celui qu'il regardait comme un père:  Alexandrie resta séparée de l'Eglise romaine. Véritablement pareil au serpent, dont la bave empoisonne tout ce qu'elle touche,  Satan avait donc tourné à son profit contre  Dieu  les  plus nobles  sentiments.

 

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Mais Notre-Dame, amie des cœurs droits, n'abandonna pas son chevalier. Au bout de quelques années dont les traverses apprirent au jeune patriarche à connaître les hommes, un saint moine, Isidore de Péluse, ouvrait pleinement ses yeux à la lumière ; Cyrille, convaincu, n'hésitait pas à rétablir sur les diptyques sacrés le nom de Jean Chrysostome. La trame ourdie par l'enfer était dénouée: pour les nouvelles luttes de la foi qui allaient s'engager en Orient, Rome retrouvait sur les bords du Nil un nouvel Athanase.

Ramené par un moine dans les sentiers de la sainte unité, Cyrille voua aux solitaires une affection pareille à celle dont les avait entourés son illustre prédécesseur. Il les choisit pour confidents de ses angoisses, au premier bruit des impiétés nestoriennes ; dans une lettre devenue célèbre, c'est leur foi qu'il veut éclairer la première sur le danger qui menace les Eglises. « Car, leur dit-il, ceux qui ont embrassé dans le Christ l'enviable et noble vie qui est la vôtre, doivent premièrement briller par l'éclat d'une foi sans équivoque et non diminuée, et greffer ensuite sur cette foi la vertu ; cela fait, ils doivent mettre leur opulence à développer en eux la connaissance du mystère du Christ, tendant par tous les efforts à en acquérir l'intelligence la plus parfaite. C'est ainsi que je comprends, ajoute le saint Docteur, la poursuite de l'homme parfait dont parle l'Apôtre (1), la manière d'arriver à la mesure du Christ et à sa plénitude (2). »

Le patriarche d'Alexandrie ne devait pas se contenter d'épancher son âme avec ceux dont l'assentiment lui était assuré d'avance.  Par des  lettres

 

1.Eph. IV, 13. — 2. Cyr. Al. Ep. I ad monach.

 

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la mansuétude de l’évêque  ne le cède qu'à  la force et à l'ampleur de son exposition doctrinale, Cyrille tenta de ramener Nestorius. Mais le sectaire s'opiniâtrait; à défaut d'arguments, il se plaignit de l'ingérence  du patriarche. Comme toujours en  pareille circonstance,  il se trouva  des hommes d'apaisement qui, sans partager son erreur, estimaient que le mieux eût été en effet de ne pas lui répondre, par crainte de l'aigrir, d'augmenter le scandale, de blesser en un mot la charité. A ces hommes dont la vertu singulière avait  la propriété de s'effrayer moins des audaces de l'hérésie que de  l'affirmation de la foi chrétienne, à ces partisans de la paix quand même, Cyrille répondait : « Eh ! quoi ; Nestorius ose laisser dire en sa présence dans l'assemblée des  fidèles : « Anathème à quiconque nomme Marie mère  de  Dieu ! par la bouche de ses partisans il frappe a  ainsi d'anathème nous et les autres évêques de l'univers, et les anciens Pères qui, partout  et dans tous les âges, ont reconnu et honoré unanimement la sainte Mère de Dieu ! Et il n'eût pas été dans  notre droit de lui retourner sa parole et de dire : Si quelqu'un nie  que Marie soit mère de Dieu, qu'il soit anathème ! Cependant cette parole, par égard pour lui, je ne l'ai  pas dite encore (1) ».

D'autres hommes, qui sont aussi de tous les temps, découvraient le vrai motif de leurs hésitations, lorsque faisant valoir bien haut les avantages de la concorde et leur vieille amitié pour Nestorius, ils rappelaient timidement le crédit de celui-ci, le danger qu'il pouvait y avoir à contredire un aussi puissant adversaire. « Que ne puis-

 

1. Ep. VIII, al. VI.

 

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 je en perdant tous mes biens, répondait Cyrille, satisfaire l'évêque de Constantinople, apaiser l'amertume de mon frère! Mais c'est de la foi qu'il s'agit ; le scandale est dans toutes les Eglises ; chacun s'informe au sujet de la doctrine nouvelle. Si nous, qui avons reçu de Dieu la mission d'enseigner, ne portons pas remède à de si grands maux, au jour du jugement y aura-t-il pour nous assez de flammes? Déjà la calomnie, l'injure, ne m'ont pas manqué ; oubli sur tout cela: que seulement la foi reste sauve, et je ne concéderai à personne d'aimer plus ardemment que moi Nestorius. Mais si, du fait de quelques-uns, la foi vient à souffrir, qu'on n'en doute point : nous ne perdrons pas nos âmes, la mort même fût-elle sur notre tête. Si la crainte de quelque ennui l'emporte en nous sur le zèle de la gloire de Dieu et nous fait taire la vérité, de quel front pourrons-nous célébrer en présence du peuple chrétien les saints martyrs, lorsque ce qui fait leur éloge est uniquement l'accomplissement de cette parole (1) : « Pour la vérité, combats jusqu’à la mort (2) ! »

Lorsqu'enfin, la lutte devenue inévitable, il organise la milice sainte qui devra combattre avec lui, appelant à ses côtés les évêques et les moines, Cyrille ne retient plus l'enthousiasme sacré qui l'anime : « Quant à ce qui est de moi, écrit-il à ses clercs résidant pour lui dans la ville impériale, peiner, vivre et mourir pour la foi de Jésus-Christ est mon plus grand désir. Comme il est écrit, je ne donnerai point de sommeil à mes yeux, je ne clorai point mes paupières, je n'accorderai point de repos à ma tête (3), que je

 

1. Eccli. IV, 33.— 2. Cyr. AL. Ep. IX, al. VII.— 3. Psalm. CXXXI, 4-5.

 

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n'aie livré le combat nécessaire au salut de tous. C'est pourquoi, bien pénétrés de notre pensée, agissez virilement ; surveillez l'ennemi, informez-nous de ses moindres mouvements. Au premier jour je vous enverrai, choisis entre tous, des hommes pieux et prudents, évêques a et moines; dès maintenant je prépare mes lettres, telles qu'il les faut et pour qui il convient. J'ai résolu pour la foi du Christ et de travail1er sans trêve, et de supporter tous les tourments, même réputés les plus terribles, jusqu'à ce qu'enfin m'arrive de subir la mort qui sera douce pour une telle cause (1)».

Informé par le patriarche d'Alexandrie de l'agitation des Eglises, saint Célcstin Ier, qui occupait alors le Siège apostolique, condamna l'hérésie nouvelle, et chargea Cyrille de déposer l'évêque  de Constantinople au nom du Pontife romain, s'il ne venait à résipiscence. Mais les intrigues de Nestorius allaient prolonger la lutte. C'est ici qu'à côté de Cyrille, dans ce triomphe de la femme sur l'antique ennemi, nous apparaît l'admirable figure d'une femme, d'une sainte, qui fut, quarante années durant, la terreur de l'enfer et, par deux fois, au nom de la Reine du ciel, écrasa la tête de l'odieux serpent. En un siècle de ruines, chargée à quinze ans des rênes de l'empire, Pulchérie arrêtait par sa prudence dans le conseil et son énergie dans l'exécution les troubles intérieurs, tandis que par la seule force de la divine psalmodie, avec ses sœurs, vierges comme elle, elle contenait les barbares. Lorsque l'Occident s'agitait dans les convulsions d'une dernière agonie, l'Orient retrouvait dans  le génie de son impératrice

 

1. Cyr. Al. Ep. X, al. VIII.

 

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la prospérité des plus beaux jours. En voyant la petite-fille du grand Théodose consacrer ses richesses privées à multiplier dans ses murs les églises de la Mère de Dieu, Byzance apprenait d'elle ce culte de Marie qui devait être sa sauvegarde en tant de mauvais jours, et lui valut du Seigneur fils de Marie mille ans de miséricorde et d'incompréhensible patience. Sainte Pulchérie, saluée par les conciles généraux comme la gardienne de la foi et le boulevard de l'unité (1), eut, d'après saint Léon, la part principale atout ce qui se fit de son temps contrôles adversaires de la vérité divine (2). Deux palmes sont en ses mains, deux couronnes sur sa tête, dit ce grand Pape ; car l'Eglise lui doit la double victoire sur l'impiété de Nestorius et d'Eutychès qui, se divisant l'attaque, allaient au même but de côtés opposés: la négation de la divine Incarnation et du rôle de la Vierge-mère dans le salut du genre humain (3).

 

1. Labbe, Conc. IV, 464. — 2. Leo. Ep. XXXI, al. XXVII.— 3. Ibid. et Ep. LXXIX, al. LIX.

 

Mais il faut nous borner. Que ne pouvons-nous du moins suivre aujourd'hui les péripéties des luttes glorieuses dont fut témoin la ville d'Ephèse, lorsque Cyrille, appuyé sur Rome, soutenu par Pulchérie, affermit pour jamais au front de Notre-Dame le plus noble diadème qu'il puisse être donné de porter à une simple créature ! Le récit abrégé consacré par l'Eglise à l'histoire de notre grand pontife, en donnera quelque idée.

 

L'éloge de Cyrille d'Alexandrie ne repose point sur le témoignage de quelques hommes, mais il a été célébré dans les actes même des conciles œcuméniques d'Ephèse et de Chalcédoine. Né d'illustres parents et neveu de Théophile, évêque d'Alexandrie, il donna jeune encore des marques éclatantes d'un esprit supérieur. Formé avec soin dans les lettres et les sciences, il se rendit auprès de Jean, évêque de Jérusalem, pour s'y perfectionner dans la foi chrétienne. Etant revenu ensuite à Alexandrie, lorsque Théophile mourut, il fut porté sur son siège ; dans cette charge, il montra si constamment en lui la forme du pasteur parfait décrite par l'Apôtre, qu'il acquit à bon droit la renommée d'un très saint Pontife.

 

Embrasé du zèle du salut des âmes, il mit tous ses soins à garder le troupeau qui lui était confié dans l'intégrité de la foi et des moeurs, le préservant des pâturages empoisonnés de l'infidélité et de l'hérésie. C'est pourquoi il fit en sorte que les sectateurs de Novat fussent chassés de la ville, et les Juifs, dont la fureur s'était portée à conspirer le massacre des chrétiens, punis selon les lois. Mais le zèle de Cyrille pour la foi catholique brilla surtout dans la défense qu'il en entreprit contre Nestorius, évêque de Constantinople, lequel affirmait que Jésus-Christ était né de la Vierge Marie homme seulement et non Dieu, et que la divinité lui avait été conférée pour ses mérites ; ayant tenté vainement de l'amener à résipiscence, il le dénonça au Souverain Pontife saint Célestin.

 

Délégué par Célestin,  il présida le concile d'Ephèse dans  lequel l'hérésie nestorienne fut  proscrite entièrement, Nestorius condamné et déposé de son siège ; le dogme catholique d'une seule et divine personne dans le Christ et de la maternité divine de  la glorieuse Vierge Marie fut affirmé par l'assemblée aux applaudissements de tout le peuple qui, transporté d'une joie incroyable, reconduisit les évêques dans leurs maisons avec des torches allumées. Mais ce fut la cause pour Cyrille de calomnies, d'injustices  et de persécutions sans nombre de la part de Nestorius et de ses fauteurs; sa patience était telle cependant, que , soucieux uniquement de la  foi, il comptait pour rien les dires et les machinations des hérétiques contre lui.  Enfin, ayant pour l'Eglise de Dieu accompli d'immenses travaux, publié de nombreux écrits tant pour la réfutation des païens et des hérétiques, que  pour l'explication des saintes Ecritures et des dogmes catholiques, il mourut saintement l'an quatre cent quarante-quatre, de son épiscopat le trente-deuxième. Le Souverain Pontife Léon XIII a étendu à l'Eglise universelle l'Office et la Messe de cet illustre défenseur de la foi catholique, lumière de l'Eglise d'Orient.

 

Saint Pontife, les cieux se réjouissent et la terre tressaille (1) au souvenir du combat où la Reine de la terre et des cieux voulut triompher par vous de l'ancien serpent. L'Orient vous honora toujours comme sa lumière. L'Occident saluait en vous dès longtemps le défenseur de la Mère de Dieu ; et voilà qu'aujourd'hui la solennelle mention qu'il consacrait à votre mémoire, dans les  fastes des Saints, ne suffît plus à sa reconnaissance.  C'est qu'en effet une fleur nouvelle est apparue, dans nos jours, à la couronne de Marie  notre  Reine; et cette fleur radieuse est sortie du sol même que vous arrosiez de  vos sueurs.  En proclamant au nom de Pierre et de Célestin la maternité divine, vous prépariez à Notre-Dame un autre triomphe, conséquence du premier : la mère d'un Dieu ne pouvait être qu'immaculée. Pie IX, en le définissant, n'a fait que compléter l'œuvre de Célestin et la vôtre ; et c'est pourquoi les dates du 22 juin 431 et du 8 décembre 1854 resplendissent d'un même éclat au ciel, comme elles ont amené sur terre les mêmes manifestations

d'allégresse  et d'amour.

 

1. Cyr. Al. Ep. XXXIX, al. XXXIV, ex Psalm. XCV, 11.

 

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L'Immaculée embaume le monde de ses parfums, et c'est pourquoi, ô Cyrille, l'Eglise entière se tourne vers vous à quatorze siècles de distance ; jugeant que votre œuvre est achevée, elle vous proclame Docteur, et ne veut pas que rien manque désormais aux hommages que vous doit la terre. Ainsi, ô Pontife aimé du ciel, le culte qui vous est rendu se complète avec celui de la Mère de Dieu; votre glorification n'est qu'une extension nouvelle de la gloire de Marie. Heureux êtes-vous! car nulle illustration ne pouvait valoir un rapprochement pareil de la souveraine du monde et de son chevalier.

Comprenant donc que la meilleure manière de vous honorer, ô Cyrille,  est  d'exalter celle dont la gloire est devenue la vôtre,  nous reprenons les accents enflammés que l'Esprit-Saint vous suggérait pour chanter ses grandeurs, au lendemain du triomphe d'Ephèse: « Nous vous saluons, ô Marie Mère de Dieu, comme le  joyau resplendissant de l'univers, la lampe qui ne s'éteint pas, la couronne de virginité, le sceptre de l’orthodoxie, le temple indestructible et le lieu où se renferme l'immense, Mère et Vierge, par qui nous est présenté le béni des saints Evangiles, celui qui vient au nom  du  Seigneur. Salut, ô vous dont le sein  virginal et toujours  pur a porté l'Infini, par qui est glorifiée la Trinité, par qui la croix  précieuse est honorée  et adorée dans toute la terre ; joie du ciel, sérénité des archanges et des anges qui  mettez en fuite les démons, par vous le tentateur est tombé du ciel, tandis que la créature tombée se relève par vous jusqu'aux cieux. La folie des idoles enserrait le monde, et vous ouvrez ses yeux à la vérité ;  à vous les croyants doivent le  saint baptême, à

 

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 vous ils doivent l'huile d'allégresse ; par toute la terre vous fondez les églises, vous amenez les nations à la pénitence. Que dire encore? C'est par vous que le Fils unique de Dieu a brillé comme la lumière de ceux qui étaient assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort, par vous que les prophètes ont prédit l'avenir, que les apôtres ont annoncé le salut aux nations, que ressuscitent les morts, que règnent les rois par la Trinité sainte. Quel homme jamais pourra célébrer Marie, la toute digne de louange, d'une manière conforme à sa dignité (1) ? »

Si la dignité de la Mère de Dieu surpasse en effet toute louange, ô Cyrille, obtenez d'elle pourtant qu'elle suscite parmi nous des hommes capables de célébrer comme vous ses grandeurs. Que la puissance dont elle daigna vous revêtir contre ses ennemis, ne fasse point défaut à ceux qui ont à soutenir, de nos jours, la lutte engagée dès l'origine du monde entre la femme et le serpent. L'adversaire a crû en audace; notre siècle est allé plus loin dans la négation de Jésus que Nestorius, que Julien lui-même, cet empereur apostat contre lequel vous défendîtes aussi la divinité du Fils de la Vierge-mère. O vous qui portâtes à l'erreur des coups si terribles, montrez aux docteurs de nos temps la manière de vaincre : qu'ils sachent comme vous s'appuyer sur Pierre ; qu'ils ne se désintéressent de rien de ce qui touche à l'Eglise ; qu'ils regardent toujours comme leurs propres ennemis, et leurs seuls ennemis, ceux du règne de Dieu. Dans vos sublimes écrits, les pasteurs apprendront la vraie science, celle des saintes Lettres, sans laquelle leur zèle serait impuissant.

 

1. Cyr. Al. Hom. IV, Ephesi habita ad S. Mariam.

 

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Les chrétiens comprendront à votre école qu'ils ne peuvent espérer croître dans la vertu, sans grandir dans la foi tout d'abord, sans développer en eux la connaissance du mystère de l'Homme-Dieu. En un temps où le vague des notions suffit à tant d'âmes, répétez à tous que « c'est l'amour du vrai qui conduit à la vie (1). » A l'approche de la sainte Quarantaine, nous nous rappelons ces Lettres pascales qui chaque année, en ces jours mêmes, allaient porter partout, avec l'annonce de la Solennité des solennités, l'exhortation à la pénitence ; pénétrez nos cœurs amollis du sérieux de la vie chrétienne, excitez-les à entrer vaillamment dans la carrière sainte où ils doivent retrouver la paix avec Dieu parle triomphe sur la chair et les sens.

 

1. Cyr. Al. Homil. div. I.

 

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