AMBROISE

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VII DÉCEMBRE. SAINT AMBROISE, ÉVÊQUE ET DOCTEUR DE L'ÉGLISE.

 

Cet illustre Pontife figure dignement sur le Cycle catholique, à côté du grand Evoque de Myre. Celui-ci a confessé, à Nicée, la divinité du Rédempteur des hommes; celui-là, dans Milan, a été en butte à toute la fureur des Ariens, et par son courage invincible, il a triomphé des ennemis du Christ. Qu'il unisse donc sa voix de Docteur à celle de saint Pierre Chrysologue, et qu'il nous annonce les grandeurs et les abaissements du Messie. Mais telle est en particulier la gloire d'Ambroise,comme Docteur, que si. entre les brillantes lumières de l'Eglise latine, quatre illustres Maîtres de la Doctrine marchent en tête du cortège des divins interprètes de la Foi, le glorieux Pontife de Milan complète, avec Grégoire, Augustin et Jérôme, ce nombre mystique.

Ambroise doit l'honneur d'occuper sur le Cycle une si noble place en ces jours, à l'antique coutume de l'Eglise qui, aux premiers siècles, excluait du Carême les fêtes des Saints. Le jour de sa sortie de ce monde et de son entrée au ciel fut le quatre Avril; or, l'anniversaire de cet heureux trépas se rencontre, la plupart du temps, dans le cours de la sainte Quarantaine: on fut donc contraint de faire choix d'un autre jour dans l'année.

 

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et le sept Décembre, anniversaire de l'Ordination épiscopale d'Ambroise, se recommandait de lui-même pour recevoir la fête annuelle du saint Docteur.

Au reste, le souvenir d'Ambroise est un des plus doux parfums dont pût être embaumée la route qui conduit à Bethléhem. Quelle plus glorieuse, ci en même temps quelle plus charmante mémoire que celle de ce saint et aimable Evêque, en qui la force du lion s'unit à la douceur de la colombe ? En vain les siècles ont passé sur cette mémoire : ils n'ont fait que la rendre plus vive et plus chère. Comment pourrait-on oublier ce jeune gouverneur de la Ligurie et de l'Emilie, si sage, si lettré, qui fait son entrée à Milan, encore simple catéchumène, et se voit tout à coup élevé, aux acclamations du peuple fidèle, sur le trône épiscopal de celte grande ville? Et ces beaux présages de son éloquence enchanteresse, dans l'essaim d'abeilles qui, lorsqu'il dormait un jour, encore enfant, sur les gazons du jardin paternel, l'entoura et pénétra jusque dans sa bouche, comme pour annoncer la douceur de sa parole ! et cette gravité prophétique avec laquelle l'aimable adolescent présentait sa main à baiser à sa mère et à sa sœur, parce que, disait-il, cette main serait un jour celle d'un Evêque !

Mais quels combats attendaient le néophyte de Milan, sitôt régénéré dans l'eau baptismale, sitôt consacré prêtre et pontife ! Il lui fallait se livrer sans retard à l'étude assidue des saintes lettres, pour accourir docteur à la défense de l'Eglise attaquée dans son dogme fondamental par la fausse science des Ariens; et telle fut en peu de temps la plénitude et la sûreté de sa doctrine que, non seulement elle opposa un mur d'airain aux progrès de

 

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l'erreur contemporaine, mais encore que les livres écrits par Ambroise mériteront d'être signalés par l'Eglise, jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des arsenaux de la vérité.

Mais l'arène de la controverse n'était pas la seule où dût descendre le nouveau docteur; sa vie devait être menacée plus d'une fois par les sectateurs de l'hérésie qu'il avait confondue. Quel sublime spectacle que celui de cet Evêque bloqua dans son église par les troupes de l'impératrice Justine, et gardé au dedans, nuit et jour, par son peuple! Quel pasteur! Quel troupeau! Une vie dépensée tout entière pour la cité et la province avait valu à Ambroise cette fidélité et cette confiance de la part de son peuple. Par son zèle, son dévouement, son constant oubli de lui-même, il était l'image du Christ qu'il annonçait.

Au milieu des périls qui l'environnent, sa grande âme demeure calme et tranquille. C'est ce moment même qu'il choisit pour instituer, dans l'Eglise de Milan, le chant alternatif des Psaumes. Jusqu'alors la voix seule du lecteur faisait entendre du haut d'un ambon le divin Cantique; il n'a fallu qu'un moment pour organiser en deux chœurs l'assistance, ravie de pouvoir désormais prêter sa voix aux chants inspirés du royal Prophète. Née ainsi au fort de la tempête, au milieu d'un siège héroïque, la psalmodie alternative est désormais acquise aux peuples fidèles de l'Occident. Rome adoptera l'institution d'Ambroise, et cette institution accompagnera l'Eglise jusqu'à la fin des siècles. Durant ces heures de lutte, le grand Evêque a encore un don à faire à ces fidèles catholiques qui lui ont fait un rempart de leurs corps. Il est poète, et souvent il a chanté dans des vers pleins de douceur  et  de  majesté les

 

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grandeurs du Dieu des chrétiens et les mystères du salut de l'homme. Il livre à son peuple dévoué ces nobles hymnes qui n'étaient pas destinées à un usage public, et bientôt les basiliques de Milan retentissent de leur mélodie. Elles s'étendront plus tard à l'Eglise latine tout entière ; à l'honneur du saint Evêque qui ouvrit ainsi une des plus riches sources de la sainte Liturgie, on appellera longtemps un Ambrosien ce que, dans la suite, on a désigné sous le nom d'Hymne, et l'Eglise romaine acceptera dans ses Offices ce nouveau mode de varier la louange divine, et de fournir à l'Epouse du Christ un moyen de plus d'épancher les sentiments qui l'animent.

Ainsi donc, notre chant alternatif des Psaumes, nos Hymnes elles-mêmes sont autant de trophées de la victoire d'Ambroise. Il avait été suscité de Dieu, non seulement pour son temps, mais pour les âges futurs. C'est ainsi que l'Esprit-Saint lui donna le sentiment du droit chrétien avec la mission de le soutenir, dès cette époque où le paganisme abattu respirait encore, où le césarisme en décadence conservait encore trop d'instincts de son passé. Ambroise veillait appuyé sur l'Evangile. Il n'entendait pas que l'autorité impériale pût à volonté livrer aux Ariens, pour le bien de la paix, une basilique où s'étaient réunis les catholiques. Pour défendre l'héritage de l'Eglise, il était prêt à verser son sang. Des courtisans osèrent l'accuser de tyrannie auprès du prince. Il répondit : « Non; les évêques ne sont pas des tyrans, mais c'est de la part des tyrans qu'ils ont eu souvent à souffrir. » L'eunuque Calligone , chambellan de Valentinien II, osa dire à Ambroise: « Comment, moi vivant, tu oses mépriser Valentinien ! Je te trancherai la tête. » — « Que Dieu

 

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te le permette ! répondit Ambroise : je souffrirai  alors ce que souffrent les évêques ; et toi tu auras a fait ce que savent faire les eunuques. »

Cette noble constance dans la défense des droits de l'Eglise avait paru avec plus d'éclat encore, lorsque le Sénat romain, ou plutôt la minorité du Sénat restée païenne, tenta, à l'instigation du Préfet de Rome Symmaque, d'obtenir le rétablissement de l'autel de la Victoire au Capitole, sous le vain prétexte d'opposer un remède aux désastres de l'empire. Ambroise qui disait : « Je déteste la religion des Nérons », s'opposa comme un lion à cette prétention du polythéisme aux abois. Dans d'éloquents mémoires à Valentinien, il protesta contre une tentative qui avait pour but d'amener un prince chrétien à reconnaître des droits à l'erreur, et de faire reculer les conquêtes du Christ, seul maître des peuples. Valentinien se rendit aux vigoureuses remontrances de l'Evêque qui lui avait appris « qu'un empereur chrétien ne devait savoir respecter que l'autel du Christ », et ce prince répondit aux sénateurs païens qu'il aimait Rome comme sa mère, mais qu'il devait obéir à Dieu comme à l'auteur de son salut.

On peut croire que si les décrets divins n'eussent irrévocablement condamné l'empire à périr, des influences comme celles d'Ambroise, exercées sur des princes d'un cœur droit, l'auraient préservé de la ruine. Sa maxime était ferme; mais elle ne devait être appliquée que dans les sociétés nouvelles qui surgirent après la chute de l'empire, et que le Christianisme constitua à son gré. Il disait donc : « Il n'est pas de titre plus honorable pour un Empereur que celui de Fils de l'Eglise. L'Empereur est dans l'Eglise ; il n'est pas au-dessus d'elle. »

 

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Quoi de plus touchant que le patronage exercé avec tant de sollicitude par Ambroise sur le jeune Empereur Gratien, dont le trépas lui fit répandre tant de larmes ! Et Théodose, cette sublime ébauche du prince chrétien, Théodose, en faveur duquel Dieu retarda la chute de l'Empire, accordant constamment la victoire à ses armes, avec quelle tendresse ne fut-il pas aimé de l'évêque de Milan ? Un jour, il est vrai, le César païen sembla reparaître dans ce fils de l'Eglise ; mais Ambroise, par une sévérité aussi inflexible qu'était profond son attachement pour le coupable, rendit son Théodose à lui-même et à Dieu. « Oui, dit le saint Evêque, dans l'éloge funèbre d'un si grand prince, j’ai aimé cet homme qui préféra à ses flatteurs celui qui le réprimandait. Il jeta à terre tous les insignes de la dignité impériale, il pleura publiquement dans l'Eglise le péché dans lequel on l'avait perfidement entraîné, il en implora le pardon avec larmes et gémissements. De simples particuliers se laissent détourner par la honte, et un Empereur n'a pas rougi d'accomplir la pénitence publique ; et désormais, pas un seul jour ne s'écoula pour lui sans qu'il eût déploré sa faute. » Qu'ils sont beaux dans le même amour de la justice, ce César et cet Evêque ! le César soutient l'Empire prêt à crouler, et l'Evêque soutient le César.

Mais que l'on ne croie pas qu'Ambroise n'aspire qu'aux choses élevées et retentissantes. Il sait être le pasteur attentif aux moindres besoins des brebis de son troupeau. Nous avons sa vie intime écrite par son diacre Paulin. Ce témoin nous révèle qu'Ambroise, lorsqu'il recevait la confession des pécheurs, versait tant de larmes qu'il entraînait à pleurer avec lui  celui qui était venu

 

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découvrir sa faute. « Il semblait, dit le biographe, qu'il fût tombé lui-même avec celui qui avait failli. » On sait avec quel touchant et paternel intérêt il accueillit Augustin captif encore dans les liens de l'erreur et des passions; et qui voudra connaître Ambroise, peut lire dans les Confessions de l'évêque d'Hippone les épanchements de son admiration et de sa reconnaissance. Déjà Ambroise avait accueilli Monique, la mère affligée d'Augustin; il l'avait consolée et fortifiée par l'espérance du retour de son fils. Le jour si ardemment désiré arriva; et ce fut la main d'Ambroise qui plongea dans les eaux purifiantes du baptême celui qui devait être le prince des Docteurs.

Un cœur aussi fidèle à ses affections ne pouvait manquer de se répandre sur ceux que les liens du sang lui avaient attachés. On sait l'amitié qui unit Ambroise à son frère Satyre, dont il a raconté les vertus avec l'accent d'une si émouvante tendresse dans le double éloge funèbre qu'il lui consacra. Marcelline sa sœur ne fut pas moins chère à Ambroise. Dès sa première jeunesse, la noble patricienne avait dédaigné le monde et ses pompes. Sous le voile de la virginité qu'elle avait reçu da mains du pape Libère, elle habitait Rome au sein de la famille. Mais l'affection d'Ambroise ne connaissait pas de distances ; ses lettres allaient chercher la servante de Dieu dans son mystérieux asile. Il n'ignorait pas quel zèle elle nourrissait pour l'Eglise, avec quelle ardeur elle s'associait à toute les œuvres de son frère, et plusieurs des lettre qu'il lui adressait nous ont été conservées. On es ému en lisant seulement la suscription de ces épîtres : « Le frère à la sœur », ou encore : « A Marcelline ma sœur, plus chère à moi que mes yeux et ma vie. » Le texte de la lettre vient ensuite,

 

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rapide, animé, comme les luttes qu'il retrace. Il en est une qui fut écrite dans les heures même où grondait l'orage, pendant que le courageux pontife était assiégé dans sa basilique par les troupes de Justine. Ses discours au peuple de Milan, ses succès comme ses épreuves, les sentiments héroïques de son âme épiscopale, tout se peint dans ces fraternelles dépêches, tout y révèle la force et la sainteté du lien qui unit Ambroise et Marcelline. La basilique Ambrosienne garde encore le tombeau du frère et celui de la sœur ; sur l'un et l'autre chaque jour le divin Sacrifice est offert.

Tel fut Ambroise, dont Théodose disait un jour : « Il n'y a qu'un évêque au monde ». Glorifions l'Esprit-Saint qui a daigné produire un type aussi sublime dans l'Eglise, et demandons au saint Pontife qu'il daigne nous obtenir une part à cette foi vive, à cet amour si ardent qu'il témoigne dans ses suaves et éloquents écrits envers le mystère de la divine Incarnation. En ces jours qui doivent aboutir à celui où le Verbe fait chair va paraître, Ambroise est l'un de nos plus puissants intercesseurs.

Sa piété envers Marie nous apprend aussi quelle admiration et quel amour nous devons avoir pour la Vierge bénie. Avec saint Ephrem, l'évêque de Milan est celui des Pères du m siècle qui a le plus vivement exprimé les grandeurs du ministère et de la personne de Marie. II a tout connu, tout ressenti, tout témoigné. Marie exempte par grâce de toute tache de péché, Marie au pied de la Croix s'unissant à son fils pour le salut du genre humain, Jésus ressuscité apparaissant d'abord à sa mère, et tant d'autres points sur lesquels Ambroise est l'écho de la croyance antérieure, lui donnent un des premiers rangs parmi les témoins

 

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de la tradition sur les mystères de la Mère de Dieu.

Cette tendre prédilection pour Marie explique l'enthousiasme dont Ambroise est rempli pour la virginité chrétienne, dont il mérite d'être considéré comme le Docteur spécial. Aucun des Pères ne l'a égalé dans le charme et l'éloquence avec lesquels il a proclamé la dignité et la félicité des vierges. Quatre de ses écrits sont consacres à glorifier cet état sublime, dont le paganisme expirant essayait encore une dernière contrefaçon dans ses vestales, recrutées au nombre de sept, comblées d'honneurs et de richesses, et déclarées libres après un temps. Ambroise leur oppose l'innombrable essaim des vierges chrétiennes, remplissant le monde entier du parfum de leur humilité, de leur constance et de leur désintéressement. Mais sur un tel sujet sa parole était plus attrayante encore que sa plume, et l'on sait, par les récits contemporains, que, dans les villes qu'il visitait et où sa voix devait se faire entendre, les mères retenaient leurs filles à la maison, dans la crainte que les discours d'un si saint et si irrésistible séducteur ne leur eussent persuadé de n'aspirer plus qu'aux noces éternelles.

Mais un culte filial pour l'Evêque de Milan nous a entraîné au de la des bornes ; il est temps de lire le récit que l'Eglise elle-même consacre à ses vertus.

 

 

Ambroise, évêque de .Milan, eut pour père Ambroise, citoyen romain, préfet de la Gaule Cisalpine. On dit que, dans son enfance, un essaim d'abeilles se reposa sur ses lèvres : indice prophétique de sa divine éloquence. Il fut  instruit à Rome dans les arts libéraux, et peu après reçut du Préfet Probus le gouvernement de la Ligurie et de l'Emilie. Plus tard, par l'ordre du même Probus, il se trouva présent, avec l'autorité de sa charge, dans la ville de Milan, au moment où le peuple, après la mort de l'évêque arien Auxence, était en dissension pour le choix d'un successeur. Ambroise se rendit donc à l'église pour y remplir son office et calmer la sédition qui s'élevait. Or, après qu'il eut fait un discours éloquent, dans lequel il traitait longuement de la paix et de la tranquillité de la chose publique, soudain un enfant s'écria : Ambroise Evêque! — Ambroise Evêque ! reprit tout d'une voix le peuple adoptant ce choix.

 

Ambroise refusant cette dignité et résistant aux prières de l'assemblée, le vœu ardent du peuple fut déféré à l'empereur Valentinien, auquel il fut très agréable de voir appeler aux honneurs du sacerdoce les magistrats de son choix. Le Préfet Probus n'en fut pas moins charmé ; lui qui, au départ d'Ambroise, lui avait dit, comme dans un pressentiment prophétique : « Allez et agissez, non pas en Juge, mais en Evêque. » Ainsi, la volonté impériale  s'unissant au désir du peuple, Ambroise fut baptisé (car il était catéchumène), reçut les ordres sacrés, passa par tous les degrés prescrits par la discipline de l'Eglise; et huit jours après son élection, le sept des ides de décembre, il reçut la charge épiscopale. Devenu Evêque, il fut l'intrépide champion de la foi et de la discipline ecclésiastique, ramena à la vérité de la foi beaucoup d'Ariens et d'autres hérétiques, entre lesquels il enfanta à Jésus-Christ saint Augustin, le flambeau sacré de l'Eglise.

 

A près la mort violente de l'empereur Gratien, il alla deux fois en députant n auprès de Maxime, son meurtrier ; et ne pouvant l'amener à la pénitence, il se sépara de su communion. L'empereur Théodose s'étant rendu coupable du massacre de Thessalonique, il lui refusa l'entrée de l'église; et comme le prince représentait que David, roi comme lui, avait été adultère et homicide : « Vous l'avez imité dans sa faute, répondit Ambroise, imitez-le dans son repentir. » C'est pourquoi Théodose se soumit humblement à la pénitence publique que lui imposa Ambroise. Le saint Evêque, ayant donc accompli pour l'Eglise de Dieu de grands travaux,  encouru beaucoup de fatigues, écrit beaucoup de livres excellents, annonça le jour de sa mort avant d'entrer en maladie. Honorât,évêque de Verceil, trois fois averti par la voix de Dieu, accourut à son lit de souffrance, et lui donna le très saint C0rps du Seigneur. Ambroise, l'ayant reçu, disposa ses mains en forme de croix, se mit en prières, et rendit son âme à Dieu, la veille des nones d'avril, l'an de l'incarnation de notre Seigneur trois cent quatre-vingt-dix-sept.

 

 

Saluons un si grand Docteur, en répétant ces paroles de la sainte Eglise, dans l'Office des Vêpres :

 

O Docteur excellent ! lumière de la sainte Eglise, bienheureux Ambroise, amateur de la loi divine, priez pour nous le Fils de Dieu.

 

La Liturgie Ambrosienne est moins riche qu'on ne devait s'y attendre, sur les éloges de saint Ambroise. La Préface même de la Messe est trop brève et trop générale pour que nous l'insérions ici. Nous nous contenterons de donner deux des Répons de l'Office de la Nuit, l'Hymne, et celle des Oraisons qui nous a semblé la plus remarquable.

Quant à l'Hymne, nous devons avertir qu'elle est presque tout entière de composition récente, ayant été largement corrigée dans ces derniers temps, comme un grand nombre d'autres Hymnes

 

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du Bréviaire Ambrosien. L'ancienne commençait par ce vers: Miraculum laudabile; mais elle est d'une grande médiocrité de pensées et d'expression.

 

RÉPONS.

 

R/. Sur qui me reposerai-je, dit le Seigneur ? ce sera sur l'homme humble et doux,* Celui qui tremble à ma parole, V/. J'ai trouvé David, mon serviteur; je l'ai oint de mon huile sainte,* Celui qui tremble à ma parole.

 

R/. Cet homme illustre a été suscité pour détruire Arius : il est la splendeur de l'Eglise, l'éclat du Pontificat; * Pendant qu'il ceint la mitre de la terre, il obtient celle du Paradis, V/. On lui avait dit, lorsqu'il partait pour Milan : Va, agis non en Juge, mais en Evêque. * Pendant qu'il ceint la mitre de la terre, il obtient celle du Paradis.

 

 

HYMNE.

 

Chantons ensemble notre auguste Père, qui a repoussé loin de nous les flots tumultueux du siècle.

 

Enfant, il dort, et sur se lèvres tendres comme la fleur, les abeilles se reposent; habiles à composer le miel,  elles indiquent déjà celui qui régnera par une éloquence douce comme le miel.

 

Pressentant sa destinée future, il veut qu'on baise avec respect sa main d'enfant; à peine dégagé des langes du berceau, il se joue avec les bandelettes de la mitre.

 

Un enfant parle et décerne à Ambroise l'insigne du Pontificat milanais; il fuit, et toujours l'honneur suprême l'atteint dans sa fuite.

 

Enfin la mitre sacrée orne son docte front ; comme un guerrier couvert de son casque, il défie Arius au combat.

 

Inébranlable, il ne redoute ni le sceptre, ni l'altière Impératrice; et, fermant les portes du temple, il repousse un César couvert de sang.

 

Il lave dans les eaux célestes les souillures d'Augustin; égal aux Martyrs par la foi, il découvre les ossements des Martyrs.

 

Et maintenant, saint Pontife, armé du fouet vengeur, chassez au loin le loup infernal, et protégez sans relâche le troupeau que votre main pastorale a conduit.

 

A Dieu Père soit la gloire, et à son unique Fils, avec l'Esprit Paraclet, maintenant et par tous les siècles. Amen.

 

ORAISON.

 

Dieu tout-puissant et éternel, qui avez donné le bienheureux Ambroise,Confesseur de votre Nom, pour Docteur non seulement à cette Eglise de Milan, mais à toutes les Eglises répandues dans le monde ; faites que la doctrine qu'il nous a enseignée par le souffle de l'Esprit-Saint, s'affermisse à jamais dans nos cœurs, et que celui-là même que nous aimons avec tendresse comme le Patron que vous nous avez donné, soit aussi notre défenseur en présence de votre miséricorde. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

La Liturgie Mozarabe n'a rien de propre sur saint Ambroise. Les Grecs, au contraire, honorent la mémoire du grand Evêque de Milan par des Hymnes remplies des plus magnifiques éloges. Nous leur empruntons les strophes principales.

 

HYMNE A SAINT AMBROISE.

 

(Tirées des Menées des Grecs, VII Décembre.)

 

 

Toi, qui par  une double vertu fut l'honneur du trône sur lequel tu siégeais en Préfet, l'inspiration divine te plaça bientôt, fidèle ministre, sur le trône de la Hiérarchie ; c'est pourquoi, intègre administrateur de la puissance, tu as mérité dans ces deux, emplois une double couronne.

 

Tu as purifié ton corps et ton âme par la continence , les travaux, les veilles et les prières continuelles ; ô très prudent Pontife, vase d'élection de notre Dieu, semblable aux Apôtres, tu as reçu comme eux les dons de l'Esprit-Saint.

 

Comme Nathan reprit autrefois David, tu repris le pieux Empereur après son péché ; tu le soumis avec sagesse à l'excommunication ; et l'ayant exhorté à une pénitence digne de Dieu, tu le rappelas parmi ton troupeau.

 

O Père très saint, ô divin Ambroise, lyre résonnante, mélodie salutaire des vrais enseignements, tu attires au Seigneur les âmes des Fidèles. Harpe harmonieuse du divin Paraclet, grand instrument de Dieu, trompette célèbre de l'Eglise, source très limpide, fleuve qui purifie nos âmes de toute passion ; prie, supplie le Christ de donner à l'Eglise une paix unanime et une grande miséricorde.

 

Imitant le prophète Elie et Jean-Baptiste, tu as repris avec courage les Princes qui se livraient à l'iniquité; tu as orné le trône hiérarchique auquel tu fus divinement appelé, et tu as enrichi le monde de la multitude de tes miracles ; tu as corroboré les fidèles, et converti les infidèles par l'aliment des saintes Ecritures. Ambroise ! ô saint Pontife ! prie Dieu de nous accorder la rémission de nos pèches, à nous qui fêtons avec amour ta sainte mémoire.

 

Tu as préservé ton troupeau de tout dommage de la part des ennemis, ô Bienheureux ! et tu as dissipé l'erreur d'Arius parla splendeur de tes paroles.

 

L'assemblée des Pontifes se réjouit en ta douce mémoire ; les chœurs des Fidèles, mêlés aux Esprits célestes, tressaillent d'allégresse; et l'Eglise se nourrit spirituellement en ce jour de ta parole, ô Ambroise, auguste Père !

 

Tu es le laboureur habile, qui traces les sillons dans le champ ouvert à tous de la foi et de la doctrine ; tu y sèmes, ô très sage, tes divines leçons; et l'épi s'étant multiplié par tes soins, tu distribues à l'Eglise le céleste pain de l'Esprit-Saint.

 

Rome célèbre tes glorieuses œuvres ; car, ainsi qu'un astre radieux, tu répands partout les clartés de tes prodiges, ô grand Pontife, vraiment admirable !

 

T'approchant du Christ dès l'aurore, tu sortais d'auprès de lui richement irradié de ses splendeurs ; c'est pourquoi ayant puisé à la source de la divine lumière, tu illumines ceux qui avec foi t'honorent en tous lieux.

 

Tu as consacré à Dieu ton corps et ton âme; et ton cœur, ô Père, capable des célestes dons, tu l'as attaché au doux amour, t'y fixant avec ardeur.

 

Ayant reçu, ô très prudent, le talent de la parole, ainsi qu'un serviteur fidèle, tu l'as fait valoir et multiplié; et tu l'as apporté avec l'intérêt à ton Seigneur, ô divin Ambroise !

 

Tu as illustré la tunique sacrée par tes grands travaux, et tu fus, ô très prudent, le pasteur d'un troupeau raisonnable, que tu guidais devant toi aux pâturages de la doctrine.

 

Nous vous louerons aussi, tout indignes que nous en sommes, immortel Ambroise ! Nous exalterons les dons magnifiques que le Seigneur a placés en vous. Vous êtes la Lumière de l'Eglise, le Sel de la terre, par votre doctrine céleste ; vous êtes le Pasteur vigilant, le Père tendre, le Pontife invincible : mais combien votre cœur aima le Seigneur Jésus que nous attendons ! Avec quel indomptable courage vous sûtes, au péril de vos jours, vous opposer à ceux qui blasphémaient ce Verbe divin ! Par là, vous avez mérité d'être choisi pour initier, chaque année, le peuple fidèle à la connaissance de Celui qui est son

 

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Sauveur et son Chef. Faites donc pénétrer jusqu'à notre œil le rayon de la vérité qui vous éclairait ici-bas ; faites goûter à notre bouche la saveur emmiellée de votre parole ; touchez notre cœur d'un véritable amour pour Jésus qui s'approche d'heure en heure. Obtenez qu'à votre exemple, nous prenions avec force sa cause en main, contre les ennemis de la foi, contre les esprits de ténèbres, contre nous-mêmes. Que tout cède, que tout s'anéantisse, que tout genou ploie, que tout cœur s'avoue vaincu, en présence de Jésus-Christ, Verbe éternel du Père, Fils de Dieu et fils de Marie, notre Rédempteur, notre Juge, notre souverain bien.

Glorieux Ambroise, abaissez-nous comme vous avez abaissé Théodose ; relevez-nous contrits et changés, comme vous le relevâtes dans votre pastorale charité. Priez aussi pour le Sacerdoce catholique, dont vous serez à jamais l'une des plus nobles gloires. Demandez à Dieu, pour les Prêtres et les Pontifes de l'Eglise, cette humble et inflexible vigueur avec laquelle ils doivent résister aux Puissances du siècle, quand elles abusent de l'autorité que Dieu a déposée entre leurs mains. Que leur front, suivant la parole du Seigneur, soit dur comme le diamant ; qu'ils sachent s'opposer comme un mur pour la maison d'Israël; qu'ils estiment comme un souverain honneur, comme le plus heureux sort, de pouvoir exposer leurs biens, leur repos, leur vie, pour la liberté de l'Epouse du Christ.

Vaillant champion de la vérité, armez-vous de ce fouet vengeur que l'Eglise vous a donné pour attribut ; et chassez loin du troupeau de Jésus-Christ ces restes impurs de l'Arianisme qui, sous divers noms, se montrent encore  jusqu'en nos

 

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temps. Que nos oreilles ne soient plus attristées par les blasphèmes de ces hommes vains qui osent mesurer à leur taille, juger, absoudre et condamner comme leur semblable le Dieu redoutable qui les a créés, et qui, par un pur motif de dévouement à sa créature, a daigné descendre et se rapprocher de l'homme, au risque d'en être méconnu.

Bannissez de nos esprits, ô Ambroise, ces timides et imprudentes théories qui font oublier à des chrétiens que Jésus est le Roi de ce monde, et les entraînent à penser qu'une loi humaine qui reconnaît des droits égaux à l'erreur et à la vérité, pourrait bien être le plus haut perfectionnement des sociétés. Obtenez qu'ils comprennent, à votre exemple, que si les droits du Fils de Dieu et de son Eglise peuvent être foulés aux pieds, ils n'en existent pas moins ; que la promiscuité de toutes les religions sous une protection égale est le plus sanglant outrage envers Celui « à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre » ; que les désastres périodiques de la société sont la réponse qu'il fait du haut du ciel aux contempteurs du Droit chrétien, de ce Droit qu'il a acquis en mourant sur la Croix pour les hommes ; qu'enfin, s'il ne dépend pas de nous de relever ce Droit sacré chez les nations qui ont eu le malheur de l'abjurer, notre devoir est de le confesser courageusement, sous peine d'être complices de ceux qui n'ont plus voulu que Jésus régnât sur eux.

Enfin, au milieu de ces ombres qui s'appesantissent sur le monde, consolez, ô Ambroise, la sainte Eglise qui n'est plus qu'une étrangère, une pèlerine à travers les nations dont elle fut la mère et qui l'ont reniée ; qu'elle cueille encore sur sa route, parmi ses  fidèles,  les  fleurs de la

 

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virginité ; qu'elle soit l'aimant des âmes élevées qui comprennent la dignité d'Epouse du Christ. S'il en fut ainsi aux glorieux temps des persécutions qui signalèrent le commencement de son ministère, à notre époque d'humiliations et de défections, qu'il lui soit donné encore de consacrer à son Epoux une élite nombreuse de cœurs purs et généreux, afin que sa fécondité la venge de ceux qui l'ont repoussée comme une mère stérile, et qui sentiront un jour cruellement son absence.

 

Considérons le dernier préparatif sensible à la venue du Messie sur la terre : la paix universelle. Au bruit des armes le silence a tout à coup succédé, et le monde se recueille dans l'attente. « Or, nous dit saint Bonaventure dans un de ses Sermons pour l'Avent, nous devons compter trois silences : le premier, au temps de Noé, après que tous les pécheurs furent submergés ; le second, au temps de César Auguste, quand toutes les nations furent soumises ; enfin le troisième qui aura lieu à la mort de l'Antéchrist, quand les Juifs se seront convertis. » O Jésus ! Roi pacifique, vous voulez que le monde soit en paix, quand vous allez descendre. Vous l'avez annoncé par le Psalmiste, votre aïeul selon la chair, lorsqu'il a dit en parlant de vous : « Il fera cesser la guerre dans tout l'univers ; il brisera l'arc, il rompra les armes, il jettera au feu les boucliers » (Psaume XLV, 10). Qu'est-ce à dire tout ceci, ô Jésus ? C'est que vous aimez à trouver silencieux et attentifs les cœurs que vous visitez. C'est qu'avant de venir vous-même dans une âme, vous l'agitez dans votre

 

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miséricorde, comme fut agité le monde avant cette paix universelle, et bientôt vous l'établissez dans le calme, et vous venez ensuite en prendre possession. Oh ! venez promptement soumettre nos puissances rebelles, abattre les hauteurs de notre esprit, crucifier notre chair, réveiller la mollesse de notre volonté : afin que votre entrée en nous soit solennelle comme celle d'un conquérant dans une place forte qu'il a réduite après un long siège. 0 Jésus, Prince de la Paix, donnez-nous la paix; établissez-vous en nos cœurs d'une manière durable, comme vous vous êtes établi dans votre création, au sein de laquelle votre règne n'aura plus de fin.

 

REPONS DE L’AVENT.

 

(Au Ier Dimanche de l'Avent, à Matines)

 

R/. Je voyais dans une vision de nuit, et voilà le Fils de l'homme qui venait sur les nuées du ciel : et il lui fut donné honneur et empire ; * Et tous les peuples, toutes les tribus et toutes les nations lui seront soumis. V/. Sa puissance est une puissance éternelle qui ne lui sera point ôtée ; et son empire, un empire qui ne se dissoudra pas. * Et tous les peuples, toutes les tribus et toutes les nations lui seront soumis.

 

 

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