ACTES XLVII

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HOMÉLIE XLVII. PAUL DIT : « JE SUIS JUIF, NATIF DE TARSE EN CILICIE, CITOYEN DE CETTE VILLE. JE VOUS EN PRIE, PERMETTEZ-MOI DE PARLER AU PEUPLE ». LE TRIBUN LE LUI AYANT PERMIS, PAUL, SE TENANT DEBOUT SUR LES DEGRÉS, FIT SIGNE DE LA MAIN AU PEUPLE. UN GRAND SILENCE S'ÉTANT FAIT, IL PARLA EN HÉBREU, DISANT... (CHAP. XXI, VERS. 39 ET 40, JUSQU'AU VERS. 16 DU CHAP. XXII.)

237

 

ANALYSE. 1 et 2. Discours de saint Paul au peuple juif. — Habileté chrétienne de ce discours - Commentaire sur la conversion de saint Paul. — Il faut faire accorder sa croyance et sa conduite. — N'écoutons pas nos passions.

3 et 4. Que le témoignage que nous rendons à la foi s'accorde avec notre fidélité à la pratique des vertus. — Force de persuasion d'une bonne vie. — Maux produits par une vie mauvaise. — Punition de la mauvaise vie.

 

1. Remarquez que Paul, quand. il parle à ceux qui sont en dehors de la foi , ne refuse pas d'user du secours des lois. Dans ce moment, il rappelle le tribun au respect, en nommant sa cité. C'est ainsi qu'il disait autrefois: « Après nous avoir battus de verges, sans connaissance de cause, nous. qui sommes «citoyens romains, ils nous ont mis en prison ». (Act. XVI, 37.) Le tribun lui ayant demandé: « N'êtes-vous pas cet Egyptien », Paul répond ; « Je suis Juif ». En parlant ainsi il fait cesser les soupçons du tribun. Ensuite, pour qu'on ne le croie pas Juif de naissance, il dit sa religion,; ailleurs il dit qu'il vit sous la loi du Christ. Qu'est-ce que cela ? Paul ment-il donc? Loin de là. Quoi donc? N'a-t-il pas nié ? Il n'en saurait être ainsi. Il était Juif et chrétien, observant ce qu'il fallait, puisqu'il obéissait à la loi plus que tout le monde, en croyant au Christ; en parlant à Pierre, il dit : « Nous sommes Juifs de race ». (Gal. II , 15.) — Je vous en prie, permettez-moi de parler «au peuple ». Et c'est là un signe qu'il ne ment pas, puisqu'il les prend tous à témoin. Remarquez de nouveau comme il parle avec douceur. Et c'est 1à une nouvelle et forte preuve de son innocence, qu'il soit ainsi prêt à rendre compte de ses actes, et qu'il veuille répondre,en présence du peuple.

Considérez cet homme tout préparé , voyez l'action de la Providence. Si le tribun n'était venu, s’il ne l'avait enchaîné , il n'eût pas eu l'occasion de faire un discours pour sa défense, il n'eût pas obtenu un si grand silence. « Le tribun le lui ayant permis, Paul se tenait sur les degrés ». L'endroit où il était placé lui donnait une plus grande facilité à cause de l'élévation des degrés et des chaînes dont il était attaché. Quel spectacle plus beau à voir que celui de Paul parlant au peuple, les mains liées par une double chaîne? Comment ne se trouble-t-il pas, comment n'est-il pas confondu à la vue d'une foule si nombreuse exaspérée contre lui, et en présence du chef des soldats? D'abord il calme leur fureur, puis il discute. Voyez avec quelle prudence. En effet, ce qu'il fait dans son épître aux Hébreux, il le fait là aussi : Tout d'abord., il les apprivoise par l'usage de leur langue, ensuite par sa douceur. C'est pour cela que l'auteur continue :. « Il se fit un grand silence: et leur parlant en hébreu, il dit : Hommes mes frères et mes pères, entendez mon apologie que je vous adresse ». Remarquez ce discours d'où toute flatterie est bannie, et si plein de douceur ; Il ne dit pas : maîtres ou seigneurs, mais « Frères» ; ce qu'ils aimaient le plus, comme s'il leur disait : Je ne vous suis pas étranger, (238) je ne suis pas contre vous. « Hommes mes frères et mes pères », dit-il. Ce second mot est un titre d'honneur; le premier, l'expression de la fraternité. « Ecoutez mon apologie que je vous adresse ». Il ne dit pas l'enseignement, ni la harangue, mais l'Apologie »; il se pose lui-même comme un suppliant. « Entendant qu'il parlait hébreu, ils firent un plus grand silence, ». Ne voyez-vous, pas comme il s'empare d'eux par leur propre langue pour laquelle ils avaient une sorte de vénération ? Voyez comme il continue son discours ainsi commencé, en disant: « Je suis Juif, né à Tarse de Cilicie, mais élevé dans cette ville, aux pieds de Gamaliel, instruit suivant la vérité de la loi paternelle, serviteur zélé de Dieu, comme vous l'êtes aujourd'hui ». — « Je suis », leur dit-il, « Juif », ce qu'ils aimaient le plus à entendre, « né à Tarse de Cilicie ». Pour qu'ils n'aillent pas se figurer une nation étrangère , il ajoute sa religion : « mais élevé dans cette ville ».

Il montre son grand zèle pour le culte, puisqu'il avait quitté sa patrie, ville célèbre et si éloignée, et avait voulu être élevé à.Jérusalem pour s'instruire dans la loi. Voyez quel respect il avait autrefois pour la loi. Il ne parle pas ainsi , seulement pour se défendre , mais pour montrer que ce n'est pas dans un but humain qu'il a été conduit à la prédication, mais parla puissance divine; autrement il n'aurait pas été ainsi instruit tout d'un coup. S'il eût fait partie du commun des hommes, on eût pu faire cette supposition; si, contraire, il était du nombre de ceux qui étaient le plus attachés à 1a loi, il n'était pas vraisemblable qu'il eût changé d'avis au hasard, et sans l'impulsion d'une urgente nécessité. Mais peut-être quelqu'un dira-t-il : Qu'il eût été élevé à Jérusalem, cela importe peu ; qu'est-ce que cela signifie en effet, si pour quelque intérêt ou pour toute autre cause vous êtes venu ici? Pour qu'on ne pense pas ainsi, il ajoute « aux pieds de Gamaliel » : et il ne dit pas simplement auprès de Gamaliel , mais « aux pieds de Gamaliel ». Montrant par là sa persévérance, son. assiduité , son ardeur pour apprendre et son profond respect pour cet homme. « Instruit suivant la vérité de la loi paternelle »; il ne dit pas simplement de la loi, mais « de la loi paternelle.», pour montrer qu'autrefois il était observateur de la loi , et qu'il ne la connaissait pas simplement. Il

semble dire ces choses pour eux, mais c'est contre eux qu'il parle , puisqu'il a abandonné cette loi qu'il connaissait si bien. Ensuite, de peur qu'on ne lui fasse cette nouvelle objection :Pourquoi donc, si vous connaissez complètement la loi , ne la défendez-vous pas et ne l'aimez-vous pas? Il ajoute : « Zélé pour la «pratique de la loi», c'est-à-dire : Non-seulement je la connaissais, mais j'étais fort zélé pour elle. Et après qu'il a parlé de lui-même avec tant d'éloges, il dit: « Comme vous l'êtes tous aujourd'hui». Il les montre par là agissant, non par des raisons humaines, mais par zèle pour Dieu. Il parle ainsi pour capter leurs bonnes grâces, s'emparer de leurs. esprits, et les retenir par des moyens légitimes; voici des preuves : « Moi qui ai persécuté cette voie jusqu'à la mort, enchaînant et emprisonnant les hommes et les femmes, ainsi que le grand prêtre et les anciens m'en rendent témoignage ». Afin, d'empêcher, de dire : Et la preuve? Il apporte le témoignage du grand prêtre et du conseil des anciens. Il dit pour les adoucir : « Zélé dans la pratique de la loi comme vous » ; c'est-à-dire, autant que vous, et par ses oeuvres il leur montre qu'il l'était plus qu'eux. En effet, certes, je ne perdais pas de temps pour les saisir; mais de plus je pressais les prêtres, j'entreprenais, des voyages, je n'attaquais pas seulement les hommes comme vous, mais encore les femmes, et je les emprisonnais tous, et je les jetais dans les cachots. Ce témoignage est indubitable, les accusations des Juifs sont insoutenables. Voyez combien il cite de témoins : les anciens, le grand prêtre, les habitants de la cité.

2. Remarquez que sa défense n'est pas marquée au cachet de -l'a crainte , mais plutôt de l'enseignement et .de la- doctrine. Si les auditeurs n'eussent été des pierres, ils auraient fait attention à ses paroles. Jusqu'ici il a eu les Juifs pour témoins; ce qui suit s'était fait sans témoins. « De qui,ayant reçu des lettres, j'allais vers les frères à Damas pour emmener enchaînés ceux qui demeuraient en cette ville, et les conduire à Jérusalem afin qu'on les punît. Il arriva que lorsque j'étais en route et proche de Damas, vers le midi tout à coup une grande lumière venue du ciel m'enveloppa, je tombai par terre et j'entendis une voix qui me disait : Saul, Saul, « pourquoi me persécutes-tu ? Je répondis : (239) Qui êtes-vous, Seigneur.? Et il me dit : Je suis Jésus de Nazareth que tu persécutes » (Chap. XXII, 1-8.) Ces paroles étaient dignes de foi, la conversion de Paul inexplicable autrement, devait leur mériter créance. Qu'est-ce que cela prouve, dira-t-on, s'il se vante ? Il ne se vante nullement. Pourquoi, dites-moi, se serait-il tout d'un coup enflammé d'un tel zèle? Parce qu'il recherchait les honneurs? Or il a enduré les outrages. Il recherchait le repos? Cela non plus; quelqu'autre chose? La pensée ne peut rien"découvrir. Paul leur laisse ces conclusions à tirer, il raconte les choses , et leur dit: « J'étais proche de Damas, vers a midi tout à coup une grande lumière venue du ciel m'enveloppa , je tombai par «terre ». Ceux qui m'accompagnaient, qui m'ont conduit par la main , qui ont vu la.lumière, me sont témoins que je ne me vante point. « Ceux qui étaient avec moi virent la lumière ; et furent épouvantés ; mais ils n'entendirent pas là voix de celui qui me parlait». Ne vous étonnez pas s'il parle ainsi en cet endroit, et si , ailleurs, il est dit d'une autre manière : « Ils, restèrent debout entendant la voix, mais ne voyant personne ». (Act. IX, 7.) Il n'y a pas contradiction. En effet il y avait deux voix : la voix de Paul, et celle du Seigneur ! Dans le dernier passage, la voix dont parle Paul est la sienne. Mais dans celui qui nous occupe, Paul ajoute: « Ils n'entendirent pas la voix de celui qui me parlait ! » Donc ce mot ne voyant personne », ne s'applique pas à la vision , mais signifie qu'ils n'entendirent pas. En effet; Paul ne dit pas qu'ils ne virent pas la lumière; mais : « Ne voyant personne, ils restèrent immobiles » c'est-à-dire, né voyant pas la personne qui me parlait. Il convenait que ce fait se passât ainsi, car il fallait que Paul fût seul jugé digne de cette voix. Si ceux qui accompagnaient Paul eussent entendu la voix, le prodige n'eût pas été aussi grand. Comme c'étaient des hommes grossiers, la vision était plus propre à les persuader; c'est pour cela qu'ils virent seulement la lumière, ce qui suffisait pour les persuader, et qui les épouvanta. D'ailleurs la lumière n'agit pas autant sur eux que sur Paul: La lumière en effet aveugla Paul, et, par ce qui lui arrivait, fournit à ses compagnons le moyen de voir, s'ils le voulaient. Il me semble que ce fut par une disposition de la Providence que ces hommes, ne crurent pas, pour qu'ils fussent des témoins dignes de foi. « Il me dit », rapporte Paul : «Je suis Jésus de Nazareth que tu persécutes ». La ville est à propos nommée, pour qu'ils le reconnaissent. Et les apôtres disaient de même : «Jésus de Nazareth ». Voyez : le Christ lui-même témoignait qu'il était persécuté. « Ceux qui étaient avec moi virent la lumière et furent épouvantés; mais ils n'entendirent pas la voix de celui qui me parlait. Je dis : Que ferai-je, Seigneur? Le Seigneur me dit : Lève-toi , va à Damas, et là on te dira ce qu'il faut que tu fasses. Et comme je ne voyais pas , à cause de la splendeur de cette lumière, conduit par la main de mes compagnons, j'allai à Damas; mais Ananie , homme pieux suivant la loi, ayant le témoignage de tous les Juifs qui sont a Damas ; vint vers moi , et se tenant auprès de moi, me dit : Saul, mon frère, voyez. Et à l'heure même, je le regardai. Entrez, dit le Christ, dans la ville, et là on vous dira ce que vous devez faire ». Voici un nouveau témoin; et voyez comme il le montre digne de foi. « Un certain Ananias, homme pieux suivant la loi, ayant le témoignage de tous les Juifs, qui sont à Damas; étant venu vers moi, et s'étant tenir auprès de moi, me dit : « Voyez ». Ainsi, rien n'était étranger. « Et à la même heure, je le regardai ». C'est là le témoignage par les faits. Voyez comme il est mélangé de personnages amis et étrangers. Les personnages, ce sont les prêtres, les anciens, les compagnons de route de Paul; les événements, ce sont ce qu'il fait, ce qu'il souffre; les faits servent de témoins aux faits, et non pas seulement les personnes; ou bien encore d'une autre manière : Ananie était étranger. Ensuite, l'événement lui-même, c'est-à-dire, Paul recouvre la vue; puis une grande prophétie : « Ananie dit : Le Dieu de nos Pères a étendu sa main sur vous. par avance ; pour que vous connaissiez sa volonté et voyiez ce qui est juste ». Il dit à propos de nos pères », pour montrer qu'ils ne sont pas Juifs, mais étrangers à la loi; et qu'ils agissent par envie ;et non par zèle. « Pour que vous connaissiez sa volonté et voyiez ce qui est juste ». Donc, c'est là sa volonté. Voyez comme la doctrine est expliquée par l'ordre de la narration. « Et que a vous entendiez la voix de sa bouche , parce d que vous serez son témoin auprès de tous (240) les hommes de ce que vous avez vu et entendu. — Et pour que vous voyiez ce qui est juste », dit Ananie; ce qui revient à dire : Si donc vous êtes juste, les Juifs sont coupables. « Et pour que vous entendiez la voix de sa bouche ». Voyez comme il développe la chose : « Parce que », dit-il , « vous serez son témoin ». Ainsi donc, à cause de cela, vous ne trahirez pas la vue et l'audition de ce que vous avez vu et entendu ; il le rend fidèle par ses deux sens qui ont été frappés. « Et maintenant qu'attendez-vous? Levez-vous et soyez baptisé; purifiez-vous de vos péchés, après avoir invoqué son nom (9-16) ».

3. Ananie, en cet endroit, prononça une grande parole; car il ne dit pas : Soyez baptisé en son nom, mais bien « après avoir invoqué le nom du Christ. » C'était proclamer le Christ Dieu, car il n'est pas permis d'invoquer quelqu'autre que Dieu. Paul montre ensuite qu'il n'a point été contraint, car il dit : « Le Seigneur me dit : Va à Damas, et là on te dira ce qu'il te faut faire ». Rien qui n'ait son témoignage, mais il produit ici le témoignage de cette ville entière qui l'a vu conduit par la. main. Remarquez aussi la, prophétie qu'il entend , dans laquelle on lui déclare qu'il sera le témoin du Seigneur. En effet, il a été le témoin du Seigneur; et le témoin tel qu'il convenait qu'il fût, et par ses oeuvres , et par ses paroles. Soyons nous-mêmes des témoins tels que lui, et ne trahissons pas nos croyances, non-seulement dogmatiques, mais morales. Voyez donc : ce qu'il a vu et entendu, Paul en a rendu témoignage à tous les hommes, et rien n'a pu l'arrêter. Nous aussi, nous avons appris qu'il y aura une résurrection et mille biens; donc, nous devons en rendre témoignage à tous les hommes; mais nous rendons témoignage, direz -vous , et nous croyons: Comment cela, lorsque vous faites tout le contraire? Mais, dites-mbi, le vous prie: Si quelqu'un se disait chrétien, et_ensuite, comme un-apostat, s'adonnait au judaisme, est-c'çe que ce témoignage serait suffisant? En aucune façon, parce qu'on rechercherait 1e témoignage de -ses, actions, Ainsi de nous,, si nous disons. qu'il y aura une résurrection, qu'il y aura des biens sans nombre, et qu'ensuite nous les dédaignions et nous. attachions aux choses d'ici-bas, qui nous croira? Tous, en effet, ne font attention qu'à ce que nous faisons et non à ce que nous disons. « Vous serez témoin devant tous les hommes », non-seulement devant vos proches, mais aussi au milieu des infidèles. Les témoins, en effet, sont ceux qui persuadent ceux qui ne savent pas, et non ceux qui savent, Soyons des témoins dignes de foi. Mais comment serons-nous  dignes de foi? Par notre vie. Les Juifs s'insurgeaient contre Paul : Les passions s'insurgent contre nous pour nous pousser à renier. notre témoignage. Mais ne leur cédons pas; mous sommes des témoins envoyés par Dieu. Il y a des hommes qui jugent que Dieu n'est pas Dieu; il nous a envoyés pour lui rendre témoignage. Rendons témoignage et Persuadons ceux qui nous contestent, car, si nous ne rendons pas témoignage, nous serons cause de leur erreur. Si, dans un tribunal où se traitent les affaires terrestres , on ne recevrait pas un témoin chargé de milles crimes, bien moins encore en ce cas où de si grandes choses sont l'objet de l'enquête. Nous disons, nous, que nous avons reçu renseignement du Christ, et que nous croyons à ce qu'il a enseigné; ils nous disent, eux : Montrez-nous cela par vos actes. Votre vie, en effet, nous témoigne tout lé contraire, c'est-à-dire, que vous ne croyez pas.

Voulez-vous que nous examinions les avares, les voleurs, les gens qui amassent des richesses; ceux qui pleurent, qui gémissent, qui bâtissent, qui s’occupent de toutes sortes d'affaires, comme s'ils ne devaient pas mourir? Si vous ne croyez pas que vous deviez mourir, quoique la chose soit tellement certaine et évidente, comment croirons-nous à votre témoignage? Il y a, en effet, beaucoup d'hommes qui vivent de telle sorte, qu'ils semblent ne pas croire qu'ils doivent mourir. Lorsque, dans une vieillesse avancée, ils commencent à bâtir, à cultiver leurs terres, quand donc penseront-ils à la mort? Notre punition sera grave, si, appelés en témoignage, nous ne pouvons attester ce que. nous voyons. Nous avons vu de nos .yeux les anges, et plus clairement que ceux qui les ont vu de leurs yeux. Rendons donc témoignage au Christ, car les apôtres ne sont pas seuls ses témoins, mais nous le sommes aussi. Les apôtres ont été appelés témoins (martyrs) parce que, sommés d'abjurer, ils souffrirent tout pour, dire la vérité; et nous, lorsque nos passions nous somment d'abjurer nos devoirs, ne succombons pas. L'or dit: Dis que le Christ n'est pas (241) le Christ: Ne l'écoutez pas comme un Dieu, mais méprisez ses insinuations. Les convoitises mauvaises disent la même chose : mais vous, ne vous laissez pas persuader, tenez bon pour qu'on ne dise pas de nous : « Ils confessent de «bouche qu'ils connaissent Dieu, et le nient par leurs actes ». (Tit. I, 16.) Ce n'est pas là l'oeuvre de témoins, c'est tout le contraire. Que les autres nient Dieu, il n'y a rien là d'étonnant; mais que nous, appelés à être ses témoins, devenions des renégats, cela est pénible et accablant, cela surtout nuit à la religion. « Il viendra en témoignage pour eux » (Luc, XXI, 1.3); mais si nous ne bronchons pas et sommes stables dans la foi. Si nous voulions tous rendre témoignage au Christ, bientôt nous aurions persuadé beaucoup, de gentils.

La vie est une grande chose , mes bien-aimés. Un homme, quelque sauvage qu'il soit, pourra condamner nos principes, mais il les admettra en secret, il les trouvera louables et les admirera. Et par quel moyen rendra-t-on sa vie la meilleure possible ? direz-vous. Par nul autre moyen qu'en agissant suivant l'impulsion de Dieu: Mais, quoi ! n'y a-t-il pas des gentils qui sont aussi vertueux? Ces gentils, quand ils sont tels, le sont ou par nature ou par vaine gloire. Voulez-vous savoir quelle est la splendeur d'une bonne vie, et quelle force de persuasion elle possède ? Si beaucoup d'hérétiques ont eu des succès malgré la corruption de leurs dogmes, ils ne les ont obtenus que parce que beaucoup de personnes; par respect pour la pureté de leur vie, n'examinèrent même pas leur doctrine; d'autres, qui les désapprouvaient dans leur doctrine, les respectaient à cause de leur bonne vie. Ce n'était pas juste, sans doute ; mais cependant c'est ce qui est arrivé. C'est là ce qui a diminué la vénération pour notre foi; tout est détruit et renversé, si l'on n'a pas une vie réglée; la foi elle-même est pervertie par là. Nous disons que le Christ est Dieu, nous proférons mille autres choses, celle-ci entre autres, qu'il a ordonné à tous de bien vivre; mais on ne voit la pratique de ce précepte que chez un petit nombre. Le dérèglement de la vie affaiblit le dogme de la résurrection, de l'immortalité de l'âme et du jugement, et il entraîne après lui beaucoup d'autres maux, tels que la croyance au destin, à la fatalité, et la négation de la Providence. L'âme, plongée dans des maux sans nombre, cherche à se consoler de cette façon pour ne pas s'attrister de la pensée qu'il doit y avoir un jugement, et que les principes de la vertu et de la malice sont en nous.

            Une telle vie est la source de mille maux; elle rend les hommes semblables à des bêtes sauvages, et même plus déraisonnables qu'elles; car ce qui se trouve dans toutes les natures des bêtes sauvages, souvent se rencontre dans un seul homme, et détruit tout en lui: C'est pour cela que le démon a inventé l'erreur de la fatalité; c'est pour cela qu'il a dit qu'aucune providence ne gouvernait le .monde; pour cela qu'il a imaginé de dire qu'il y avait de bonnes et de mauvaises natures, qu'il suppose le mal sans commencement et matériel; c'est pour cela enfin qu'il fait tout pour corrompre notre vie. En effet, il n'est pas possible que celui qui mène une telle vie ne soit pas entraîné par les dogmes corrompus, et persévère dans la saine croyance; ruais de toute nécessité il devra embrasser la mauvaise doctrine. Je ne pense pas, en effet, que l'on puisse parfaitement trouver, parmi ceux qui ne mènent pas .une vie droite, quelqu'un qui ne médite mille choses sataniques; par exemple, que tout marche au hasard et pêle-mêle dans le monde. Ayons soin de bien régler notre vie, je vous en conjure, pour ne point nous laisser aller aux mauvaises doctrines. Caïn eut pour châtiment de gémir et de trembler. Tels sont les méchants : ils ont tellement conscience de leurs maux sans l’ombre que souvent ils se réveillent en sursaut; leurs pensées sont troublées, leurs yeux égarés; tout fait naître en eux le soupçon, le doute est partout, leur âme est remplie d'une terreur mêlée d'une attente accablante, elle est bouleversée et rendue par la frayeur incapable d'agir. Rien de plus dissolu que cette âme, rien de plus insensé qu'elle. De même que les fous ne s'arrêtent à rien, de même elle est mobile dans ses pensées; comment s'apercevrait-elle de son aveuglement, elle qui ne peut qu'à grand'peine, au sein de la paix et de la sérénité, découvrir sa propre noblesse originelle? Lorsque tout est pour elle objet de trouble et de crainte, songes, paroles, figures, soupçons téméraires,-comment pourrait-elle se contempler elle-même, troublée et agitée ainsi? Délivrons cette âme de ses craintes, brisons ses chaînes, quand bien même il n'y aurait pas de châtiment futur; quel châtiment plus dur y (242) aurait-il, que de vivre toujours dans la crainte, de n'avoir jamais confiance en qui que ce soit, et de n'être jamais en repos? Sachant pleinement toutes ces choses, conservons-nous dans la tranquillité, cultivons la vertu, et nous pourrons obtenir les biens promis à ceux qui aiment, par la grâce et la miséricorde du Fils unique, avec qui appartiennent, au Père et à l'Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, louange, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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