ACTES XLIX

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
ACTES I
ACTES II
ACTES III
ACTES IV
ACTES V
ACTES VI
ACTES VII
ACTES VIII
ACTES IX
ACTES X
ACTES XI
ACTES XII
ACTES XIII
ACTES XIV
ACTES XV
ACTES XVI
ACTES XVII
ACTES XVIII
ACTES XIX
ACTES XX
ACTES XXI
ACTES XXII
ACTES XXIII
ACTES XXIV
ACTES XXV
ACTES XXVI
ACTES XXVII
ACTES XXVIII
ACTES XXIX
ACTES XXX
ACTES XXXI
ACTES XXXII
ACTES XXXIII
ACTES XXXIV
ACTES XXXV
ACTES XXXVI
ACTES XXXVII
ACTES XXXVIII
ACTES XXXIX
ACTES XL
ACTES XLI
ACTES XLII
ACTES XLIII
ACTES XLIV
ACTES XLV
ACTES XLVI
ACTES XLVII
ACTES XLVIII
ACTES XLIX
ACTES L
ACTES LI
ACTES LII
ACTES LIII
ACTES LIV
ACTES LV

HOMÉLIE XLIX. OR, PAUL SACHANT QU'UNE PARTIE DE CEUX QUI ÉTAIENT LA ÉTAIENT SADUCÉENS, ET L'AUTRE PHARISIENS, IL S'ÉCRIA DANS L'ASSEMBLÉE : « MES FRÈRES, JE SUIS PHARISIEN ET FILS DE PHARISIEN; ET C'EST A CAUSE DE L'ESPÉRANCE D'UNE AUTRE VIE ET DE LA RÉSURRECTION QUE L'ON VEUT ME CONDAMNER ». PAUL AYANT PARLÉ DE LA SORTE, IL S'ÉLEVA UNE CONTESTATION ENTRE LES PHARISIENS ET LES SADUCÉENS , ET L'ASSEMBLÉE FUT DIVISÉE. CAR LES SADUCÉENS DISENT QU'IL N'Y A NI RÉSURRECTION, NI ANGE, NI ESPRIT; AU LIEU QUE LES PHARISIENS RECONNAISSENT L'UN ET L'AUTRE. (CHAP. XXIII, VERS. 6-8, JUSQU'AU VERS. 30.)

 

247

 

ANALYSE. 1-3. Saint Paul devant le conseil des Juifs. — Il divise habilement ses adversaires. — Le tribun, averti du complot que les Juifs ont formé de le tuer, l'envoie, pour le mettre en sûreté, à Césarée sous bonne escorte.

3 et 4. Fermeté de saint Paul. — Comme tout ce que l'on entreprend contre les amis de Dieu tourne à leur avantage.

 

1. Voici encore un endroit où l'homme se montre seul. Paul en effet n'a pas continuellement l'assistance divine à son service, et il trouve parfois l'occasion de mettre du sien dans l'accomplissement de sa mission. Il le fait dans ce qui précède, il le fait encore après en continuant son apologie, et il réussit à diviser l'assemblée injustement conjurée contre lui. Il est sincère quand il se dit pharisien ; il était en effet pharisien.de père en fils. Ecoutez comment il use de cette circonstance pour se défendre . « Je suis pharisien et fils de pharisien, et c'est à cause de l'espérance d'une autre vie et de la résurrection des morts que l'on veut me condamner». Puisque ses accusateurs ne veulent pas dire pourquoi Ils cherchent à le faire condamner, il faut bien que Paul le dise : « Or les pharisiens reconnaissent l'un et l'autre ». Mais il y avait trois choses, pourquoi donc l'auteur dit-il l'un et l'autre? C'est parce que esprit et ange sont une même chose, ou bien encore, c'est parce que le mot .ne se dit pas seulement de deux, mais aussi de trois: Dans ce cas l'auteur se serait exprimé abusivement, et sans s'occuper de la propriété des termes. Et voyez dès qu'il s'est déclaré du parti des pharisiens, ceux-ci aussitôt prennent sa défense. — «Il y eut donc un grand bruit. Et quelques-uns des scribes du parti des pharisiens contestaient en disant : Nous ne trouvons point de mal en cet homme. Si un esprit lui est apparu en effet,  ou bien un ange (9), n'allons pas combattre Dieu », Et pourquoi n'avaient-ils -pas pris sa défense auparavant? Parce que Paul ne s'était pas encore montré comme un des leurs, et qu'il n'était pas encore connu avant cette apologie comme un pharisien de naissance. Voyez-vous comment, à l'instant même où les passions se dissipent, la vérité se découvre? Ce qu'ils disent revient à ceci : Quel crime y a-t-il si un ange lui a parlé, ou bien un esprit, et si, instruit par lui, il enseigne maintenant la résurrection ? Donc laissons-le, de peur qu'en le persécutant nous ne combattions contre Dieu même. La justification est parfaite, et Paul n'offre aucune prise à l'accusation. « Comme le tumulte augmentait, le tribun craignant que Paul ne. fût mis en pièces par ces gens-là, commanda qu'on fit venir des soldats, afin qu'ils l'enlevassent d'entre leurs mains et le menassent dans la forteresse (10) ». Maintenant qu'il a appris que Paul est citoyen romain, le tribun (248) appréhende que l'apôtre ne soit mis en pièces par la foule; la situation n'était donc pas sans péril. Voyez-vous qu'il a eu raison de faire connaître sa qualité de citoyen romain; sans cette révélation, le tribun n'eût pas conçu cette crainte. L'armée enlève donc l'apôtre. Les scélérats virent par là tous leurs efforts déjoués; néanmoins, ils redoublèrent d'ardeur sans se laisser arrêter par l'échec qu'ils avaient subi. C'est ainsi que la. méchanceté persiste toujours dans sa voie en dépit des obstacles. Combien cependant la Providence leur avait ménagé de motifs propres à faire tomber leur colère et à les faire venir à.résipiscence. Ils n'en persistent pas moins dans leur voie. Paul avait donc usé pour sa défense d'un moyen efficace, puisque par là il a échappé. au péril imminent d'être mis en pièces par ces furieux.

« La nuit suivante, le Seigneur se présenta à lui, et lui dit : Paul, ayez bon courage; car comme vous avez rendu témoignage.de moi dans Jérusalem, il faut aussi que vous me rendiez témoignage dans Rome. Le jour étant venu, les Juifs firent une ligue, et jurèrent, en appelant l'anathème sur eux-mêmes, de ne manger ni boire qu'ils n'eussent tué Paul. Ils étaient plus de quarante qui avaient fait cette conjuration (11-13). Ils jurèrent en appelant l'anathème sur eux-mêmes », dit le texte; voyez quelle violence et quelle ardeur pour la vengeance et pour le mal. Que veut dire « appeler sur, soi l'anathème »? Cela veut dire que ces Juifs jurèrent de renoncer à la .foi en Dieu s'ils n'accomplissaient leur complot contre la vie de Paul. Ils ont donc été anathématisés à jamais, puisqu'ils ne tuèrent point Paul. Il y en eut quarante qui entrèrent dans .cette conspiration. Voilà bien cette nation, s'il s'agit de s'entendre pour faire le bien, on ne trouvera pas deux hommes pour agir de concert; s'il s'agit d'un crime à commettre, vous voyez aussitôt accourir un peuple entier. Et ils prennent pour complices même les chefs du peuple, comme l'affirme le texte en ajoutant : « Et ils vinrent se présenter aux princes:des prêtres et aux sénateurs, et ils leur dirent: Nous avons fait vœu, en appelant sur nous l'anathème, de ne point manger que nous n'ayons tué Paul. Vous n'avez donc qua faire savoir de la part du conseil au tribun, que vous le priez de faire amener demain Paul devant vous, comme pour connaître plus particulièrement de son affaire: et nous serons prêts pour le tuer avant qu'il arrive. « Mais le fils de la soeur de Paul ayant appris cette conspiration, vint et entra dans la forteresse, et en avertit Paul. Paul ayant appelé un des centeniers, lui dit : Je vous prie de mener ce jeune homme au tribun, car il a quelque chose à lui dire. Le. centenier prit le jeune homme avec lui, et le mena au tribun ». Voici encore une fois Paul sauvé par une mesure de. prudence humaine. Et voyez Paul ne.dit ce secret à personne, pas même au centenier, il ne veut pas que le complot formé contre lui se divulgue. « Et le centenier vint trouver le tribun et lui dit : Paul le prisonnier m'a prié de vous amener ce jeune homme, qui a quelque chose à vous dire. « Le tribun le prenant par la main, et l'ayant tiré à part, lui demanda : Qu'avez-vous à me dire? Ce jeune homme lui dit :Les Juifs ont résolu ensemble de vous prier que demain vous envoyiez Paul dans leur assemblée, comme .s'ils„ voulaient connaître plus exactement de son affaire; mais ne consentez pas à leur demande , car plus de quarante hommes d'entre eux doivent lui dresser des embûches,. ayant fait voeu, avec de grands serments, de ne manger ni boire qu'ils n'aient tué Paul ; et ils sont déjà tout préparés, attendant seulement que vous leur ayez accordé ce qu'ils désirent. Le tribun ayant appris cela, renvoya le jeune homme, et lui défendit de. découvrir à personne qu'il lui eût donné cet avis (14-22)».

2. Le tribun fait sagement de lui recommander de ne rien dire à personne. Il donne ensuite ses ordres aux centurions. Paul est envoyé à Césarée pour s'y faire entendre sur un plus grand théâtre et devant. un plus illustre auditoire. Les Juifs ne pourront pas dire qu'ils - auraient embrassé la foi s'ils avaient vu Paul, s'ils 'avaient entendu enseigner. Cette excuse leur est ainsi enlevée. La nuit suivante, le Seigneur se présenta à lui, et lui dit: « Paul, ayez bon courage; car comme vous avez rendu témoignage de moi dans Jérusalem, il faut aussi que vous me rendiez témoignage dans Rome ».. Remarquez : le Seigneur lui apparaît, puis il le laisse se sou-. ver par des voies humaines. Admirez l'apôtre, il ne se trouble pas, il ne dit pas : Qu'est-ce que ceci veut dire? Suis-je trompé par le (249) Seigneur? Pareille pensée ne lui vient même pas, nul soupçon de ce genre n'effleure son esprit, il croit simplement. Bien qu'il croie cependant, il ne s'endort pas, il ne néglige pas de prendre les mesures que lui suggère la sagesse humaine. Remarquez aussi comment les Juifs se sont imposés une sorte de nécessité, par l'anathème qu'ils ont appelé sur leurs têtes. Voilà le jeûne converti en un instrument de meurtre. Hérode s'était déjà assujéti à la nécessité du serment. Tel est l'artifice du démon, il cache ses piéges sous les apparences de la piété. Il eût fallu citer, accuser, composer un tribunal. Une conduite pareille n'était pas celle de prêtres, mais de chefs de brigands; ni de magistrats, mais de fléaux publics. Et voyez l'excès de la méchanceté. Il ne leur suffit pas de se corrompre entre eux, ils entreprennent encore de corrompre le gouverneur. C'est pourquoi la Providence permet qu'il soit instruit de leurs menées. Ainsi ces hommes montrent, tant par l'impossibilité où ils sont de rien dire, que par leurs menées secrètes, qu'ils ne sont rien. Il est vraisemblable qu'après le départ de Paul, les princes des prêtres se présentèrent chez le gouverneur pour le demander, et qu'ils se retirèrent couverts de confusion à cause de l'insuccès de leur démarche. Le tribun agit sagement. Il ne voulait point livrer Paul par une complaisance coupable. Comment, demandera-t-on, ajouta-t-il foi à ravis du jeune homme? Par ce qui s'était passé, il conjectura la vraisemblance de ce complot. Voyez que de méchanceté: ils imposent une sorte de nécessité aux prêtres eux-mêmes. Si les prêtres prirent sur eux une charge si importante, s'ils coururent ainsi tout le risque de l'affaire, faut-il s'étonner que les autres aient fait ce qu'ils ont fait. Paul est déclaré innocent par la sentence des païens, comme le Christ  l'avait été par la voix de Pilate. Remarquez comme l'iniquité se combat elle-même. Ils :l'avaient livré pour le faire condamner et mettre à mort; et c'est le contraire qui arrive, il est trouvé innocent et sauvé. Sans cela il eût été mis en pièces; sans cela il eût été condamné, il eût péri. Non-seulement le tribun le dérobe à la rage de ses ennemis, mais il devient l'instrument de son salut en le faisant protéger par une si forte escorte. Ecoutez comment.

« Et ayant appelé deux centeniers, il leur dit. Tenez prêts dès la troisième heure de la nuit, deux cents soldats , soixante-dix cavaliers et deux cents lances , pour aller jusqu'à Césarée. Il leur ordonna aussi d'avoir des chevaux pour monter Paul, et le mener sûrement au gouverneur Félix. Il écrivit en même temps une lettre en ces termes : Claude Lysias, au très-excellent gouverneur Félix, salut. Les Juifs s'étant saisis de cet homme, et étant sur le point de le tuer, je suis intervenu avec des soldats et l'ai tiré de leurs mains, ayant su qu'il était citoyen romain. Et voulant savoir de quel crime ils l'accusaient, je le menai en leur conseil. J'ai trouvé qu'il n'était accusé que de. certaines choses qui regardent leur loi, sans qu'il y eût en lui aucun crime- qui fût digne de mort ou de prison. Et sur l'avis qu'on m'a donné d'une entreprise que les Juifs avaient formée pour le tuer, je vous l'ai envoyé, ayant aussi commandé à ses accusateurs d'aller proposer devant vous ce qu'ils ont à dire contre lui. Adieu. (23-30) ». Cette lettre contient une justification de Paul : « Je n'ai trouvé en lui aucun crime qui fût digne de mort», en même temps qu'une accusation contre les Juifs. — Ils étaient, dit-il, sur le point de le tuer. Puis il ajoute : « Je l'ai mené en leur conseil », et ils n'ont rien trouvé à lui reprocher. Et- au lieu de s'arrêter après leur première tentative et d'en rougir, ils cherchent de nouveau à le tuer, en sorte que la justice de sa cause paraît avec plus d'éclat. Et pourquoi le tribun envoie-t-il aussi les accusateurs? Afin que devant le tribunal Paul fût déclaré innocent, après un. minutieux examen.

Reprenons. « Je suis pharisien », dit-il. Il dit cette parole pour se les concilier. Puis, pour ne pas s'en tenir à une flatterie pure et simple, il ajoute : « Et c'est à cause de l'espérance d'une autre vie, et de la résurrection des morts, que l'on veut me condamner ». Il attaque pour se, mieux défendre; car les saducéens disent qu'il n'y a ni ange, ni esprit. Il n'existe rien d'incorporel selon les saducéens, pas même Dieu lui-même, tant ils étaient matériels. Par conséquent, ils refusaient de croire à la résurrection. « Et quelques scribes du parti des pharisiens s'étant levés, discutaient et disaient : Nous ne trouvons rien de mal en cet homme ».

3. Voyez : le tribun entend les pharisiens déclarer Paul innocent ; et il ne prononce dans le même sens et il l'enlève plus (250) hardiment. Les discours tenus par Paul avaient été remplis de sagesse. « La nuit suivante, le Seigneur se présentant à lui, lui dit: Ayez bon courage, Paul, comme vous m'avez rendu témoignage à Jérusalem, il faut de même que vous me rendiez témoignage dans Rome». Voyez quelle consolation ! Le Seigneur commence par louer son apôtre; ensuite, pour que son départ imprévu pour Rome ne l'effraie pas , il le lui annonce d'avance; comme s'il disait : non-seulement tu iras là, mais tu auras encore l'occasion d'y montrer la même intrépidité apostolique. Ensuite, il n'est pas dit qu'il. se sauvera du péril, mais qu'il méritera par son témoignage la grande couronne dans. la grande ville. Pourquoi l'apparition n'a-t-elle pas lieu avant le péril ? parce que c'est toujours dans les tribulations que Dieu console, c'est alors que sa présence est la plus désirée, et il nous exerce dans les périls. A ce moment-là, c'est vrai, il était dans le calme, étant débarrassé de ses liens; mais il allait bientôt courir un danger terrible : «Nous avons juré en appelant l'anathème sur nous, de ne pas manger ni boire ». Quelle fureur étrange ! ils se soumettent à l'anathème sans aucune raison. « Afin qu'il l'amène vers vous, comme devant connaître plus exactement de son affaire ». Que dites-vous? Est-ce qu'il ,n'a point parlé publiquement devant vous jusqu'à deux fois? n'a-t-il pas dit qu'il était pharisien ? N'est-il pas superflu d'aller plus loin? Mais ils aimaient tant les tribunaux et les lois, ils tenaient si fort à ne rien négliger ! Et ils déclarent leur dessein, et ils annoncent le forfait qu'ils méditent. «Le fils de la soeur de Paul ayant appris le complot ». C'est pan trait, de la divine providence qu'ils n'aient pas remarqué qu'on les entendait.

Que fit Paul? Il ne fut pas troublé, mais il vit dans ce qui se passait l'oeuvre de Dieu, et remettant tout à Dieu il sut tirer de ce fait son salut. Voyez .comment Dieu a tout dispensé pour le bien. Le jeune homme dénonce le complot, on l'en croit, et Paul est sauvé. — Mais, dira-t-on , puisqu'il avait été renvoyé absous, pourquoi faire partir des accusateurs? — Pour que l'enquête soit plus exacte et l'innocence de l'apôtre mieux établie. Telle est la conduite de Dieu: ce qui devait nous perdre dans la pensée de nos ennemis est souvent ce qui nous sauve. Aussi Joseph fut en butte aux  pièges de la femme de son maître, et ce qui paraissait un piège se changea en voie de salut. Le séjour de la prison était en effet bien préférable à là maison où vivait ce monstre. Dans cette maison il était traité avec douceur, mais sa crainte des obsessions de sa maîtresse était continuelle, crainte pire pour lui que le séjour de la prison. Après l'accusation, il fut désormais libre et tranquille, et n'eut plus à redouter les piéges impurs de cette femme. Mieux valait pour lui la société des infortunés que celle d'une maîtresse égarée par sa passion. Ici il se consolait lui-même par la pensée qu'il était captif pour la chasteté; là il redoutait les blessures qui pouvaient être faites à son âme : rien de plus fâcheux qu'une femme amoureuse pour un jeune homme qui ne veut pas consentir à son désir, rien de plus impur, de plus repoussant. Il n'y a pas de prison qui soit aussi dure. On peut donc dire qu'au lieu d'être jeté en prison, il en fut délivré. Cette femme attira sur Joseph l'inimitié de son maître, mais elle lui assura l'amitié de Dieu, elle le fit avancer dans l'intimité du Maître véritable et absolu; elle le dépouilla de l'intendance de sa maison, mais elle l'introduisit dans la. maison dû Maître par excellence.

D'un autre côté ses frères le vendirent, mais ils le délivrèrent ainsi des ennemis qu'il rencontrait dans la maison de son père, de la haine, de l'envie, des embûches quotidiennes, ils l'envoyèrent loin de ceux qui le haïssaient. Quoi de plus fâcheux que d'être forcé de vivre avec des frères envieux, d'être en butte aux soupçons, aux pièges de toute espèce ? La Providence fit servir à ,la grandeur du juste Joseph ce que ses frères et la femme de Putiphar avaient tenté pour le perdre. Etait-il dans les honneurs, c'est alors qu'il était en danger; était-il dans l'abaissement, c'est alors qu'il était le plus en sûreté. Les eunuques l'oublient, et ceci tourne encore à sa gloire et ne fait que lui ménager une. occasion plus brillante pour sortir de prison ; de la sorte sa délivrance sera due non à la faveur humaine,.mais tout entière à la divine Providence ; il sortira à propos pour rendre de grands services, et Pharaon, en le tirant de sa prison, sera son obligé plus que son bienfaiteur. Il convenait que sa délivrance fût non pas une grâce accordée à un esclave, mais une conséquence de la nécessité où se (251) trouverait le roi. Il convenait aussi que la sagesse de ce juste fût manifestée avec éclat. Si l'eunuque l'oublie, c'est afin que l'Égypte ainsi que le roi apprennent à le connaître. S'il eût été délivré plus tôt, il eût peut-être désiré de revoir sa patrie. C'est pour cela que mille nécessités, l'arrêtent, d'abord la servitude, puis la prison, enfin le service du roi; c'est par ces ménagements que Dieu arrivait à ses fins. Il était donc comme un jeune cheval de bonne race qui brûlait de s'élancer librement dans l'espace pour rejoindre les siens, et que Dieu retenait là pour des motifs glorieux. Qu'il désirât de revoir son vieux père et de le délivrer de son chagrin, cela est évident puisque aussitôt il l'appelle près de lui.

4. Voulez-vous que nous.considérions d'autres embûches pour faire voir, plus clairement encore qu'elles sont utiles à ceux qui y sont exposés, non-seulement parce qu'elles sont toujours suivies d'une récompense sûre, mais encore parce qu'elles, sont accompagnées d'avantages actuels et présents? L'oncle de Joseph persécuta le père, de celui-ci, il le contraignit à quitter son pars. Hé bien ! il ne fit que l'éloigner du péril et le mettre en sûreté. Il contribua à le rendre plus sage, il lui procura la faveur d'une vision. On objectera qu'il servit sur une terre étrangère. Mais il «arrive dans sa parenté, et ii y prend une épouse, et se fait estimer de son beau-père. Il est vrai que celui-ci voulut aussi lui tendre des embûches. Or, ces embûches tournent encore à son avantage, en le ramenant dans son pays. Un bonheur sans mélange lui eût fait oublier ce retour. J'avoue qu'on lui fit perdre la récompense à laquelle il avait droit, mais par suite cette même récompense se trouva encore augmentée. Plus la  persécution multipliait ses attaques, plus la prospérité de Jacob florissait. S'il n'eût pas épousé l’aînée des filles de Laban, il ne se serait point vu promptement père de tant d'enfants, il eût- passé d'assez longues années sans enfants, et dans le chagrin comme Rachel. Celle-ci avait un motif de pleurer étant si longtemps stérile, tandis que lui trouvait de la consolation, et pouvait repousser les plaintes de sa femme. De plus, s'il n'avait été privé de sa récompense, le désir. ne lui serait pas venu de revoir sa terre natale, sa sagesse n'eût pas été mise en évidence, il n'eût pas vu Rachel et Lia s'attacher à lui plus étroitement qu'auparavant. Écoutez ce qu'elles dirent : « Votre père ne nous a-t-il pas dévorées nous et notre argent? » (Gen. XXXI, 15.) Ainsi donc, à être persécuté, il gagna d'être aimé d'avantage. Il eut desservantes au lieu d'épouses, et il fut aimé d'elles, possession à laquelle nulle autre n'est comparable: Nul trésor, en effet, ne vaut l'amour qu'on se porte mutuellement entre époux. « Et une. femme vivant en parfait accord avec son mari » (Eccli. XXV, 2) : béatitude unique proclamée par le Sage. Cette condition existant, tout le reste , richesse et prospérité, vient par surcroît; si au contraire elle manque, tout le reste devient inutile, tout se trouve bouleversé, tout se remplit d'amertume et de confusion. Recherchons donc ce point- avant tout. Celui qui recherche l'argent, ne recherche pas autre chose. Recherchons ce qui peut être durable.

Ne recherchons pas en mariage les femmes riches, de peur que la disproportion de la fortune ne donne à l'épouse des sentiments de hauteur qui pourraient devenir une cause de discorde. Voyez ce que Dieu a fait, comment il a soumis la femme à son mari. Pourquoi n'avez-vous ni reconnaissance ni bon sens? Cessez de pervertir le don de Dieu. Ne recherchez donc pas une femme gui soit riche, mais une femme qui soit votre compagne dans la vie,  pour la procréation des enfants. Dieu a donné la femme à l'homme, non pour qu'elle lui rapporte des revenus, mais pour qu'elle soit son aide..Celle qui vient avec une riche dot vient en ennemie, en souveraine, et non simplement comme une femme. Riche, elle se croit en droit d'être arrogante. Rien de plus vil qu'un homme qui a résolu de s'enrichir par cette voie. Si la richesse est déjà par elle- même remplie de tentations, que dire de la richesse ainsi acquise ? Ne considérez pas si un tel ou un tel a quelquefois réussi de cette manière par hasard, et contre toute vraisemblance. Ces heureuses fortunes; qui arrivent extraordinairement à quelques-uns, ne méritent guère qu'on s'y arrête. Or, si l'on examine cette question au point de vue de la raison, il est certain que ces sortes d'unions sont remplies d'amertume. De plus le déshonneur ne vous atteint pas seul, il atteint encore vos enfants que vous laisserez pauvres si vous vous en allez le premier, car votre femme ne manquera pas de prétextes pour contracter un second mariage. N'en voyons-nous pas un grand nombre se remarier sous le prétexte (252) d'éviter le mépris, et d'avoir quelqu'un qui administre leurs biens. Ne nous laissons donc pas entraîner au milieu de tant de maux par l'appât des richesses. Mais négligeons tout le reste, et recherchons une belle âme pour rencontrer l'affection. C'est là une grande richesse, un grand trésor qui comprend tous les biens de la vie; puissiez-vous en jouir convenablement et vivre selon les lois de Dieu, afin que vous puissiez aussi obtenir les biens futurs par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soit au Père, en même temps qu'au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans lés siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

Cette dernière homélie a été traduite par M. JEANNIN.

 

 

Haut du document

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante