ACTES XXV

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HOMÉLIE XXV. CEUX DONC QUI AVAIENT ÉTÉ DISPERSÉS PAR LA TRIBULATION SURVENUE A CAUSE D'ÉTIENNE, ALLÈRENT JUSQU'EN PHÉNICIE, EN CHYPRE, ET A ANTIOCHE, N'ENSEIGNANT LA PAROLE A PERSONNE, SI CE N'EST AUX JUIFS. (CHAP. XI, VERS. 19, JUSQU'A LA FIN DU CHAPITRE.)

 

120

 

ANALYSE.

1-3. Le Christianisme s'introduit à Antioche.

3 et 4. Puissance de l’aumône. — Les moyens de faire l'aumône sont nombreux.

 

1. La persécution ne servit pas peu au progrès de la parole de Dieu : « Pour ceux qui  aiment Dieu », dit saint Paul « tout concourt « au bien ». (Rom. VIII, 28.) Si donc, on se fût proposé de propager l'Église, on n'eût pas fait autre chose : je veux dire, autre chose que disperser les docteurs. Voyez jusqu'où s'étendit cette prédication: «Ils allèrent », disent les Actes, « jusqu'en Phénicie et en Chypre, et à Antioche, n'enseignant la parole à personne, si ce n'est aux Juifs ». Voyez-vous comment tout se passa par l'action de la Providence pour Corneille? Ceci sert à la défense du Christ et à l'accusation des Juifs. Lors donc qu'Étienne est mis à mort, que deux fois Paul est en danger, que les apôtres sont flagellés, les nations et les.Samaritains sont reçus à la foi. Et Paul le proclame en disant : « Il fallait d'abord vous enseigner la parole de Dieu, mais vous vous en êtes vous-mêmes jugés indignes, voici donc que nous nous dirigeons vers les nations ». (Act. XIII, 46.) Ils parcoururent donc les nations et les instruisirent.

« Quelques-uns d'entre eux, des hommes de Chypre et de Cyrène , étant venus à Antioche , conversaient avec les Grecs, et leur annonçaient le Seigneur Jésus. Et la main du Seigneur était avec eux, et un grand « nombre crut et Se convertit au Seigneur Jésus (120, 21) ». Il est vraisemblable, du reste, qu'ils savaient la langue grecque , et qu'il y avait un grand nombre de ces hommes à Antioche. « Et la main du Seigneur,» disent les Actes, « était avec eux », c'est-à-dire, ils faisaient des prodiges. Ne voyez-vous pas qu'il fut besoin de prodiges pour les porter à croire ? « Cette nouvelle parvint aux oreilles de l'Église qui était à Jérusalem, et on députa Barnabé pour aller jusqu'à Antioche (22) ». Pourquoi donc, lorsqu'une si grande ville recevait la parole de Dieu, n'y allèrent-ils pas eux-mêmes , et y envoyèrent-ils Barnabé? Ce fut à cause des Juifs. Cependant ce qu'il y a à faire est d'une grande importance , et d'une si grande , que Paul doit se rendre à Antioche. Ce n'est pas sans raison, mais tout à fait d'après les vues de la Providence, qu'on déteste Paul, afin que ne soit pas renfermée dans Jérusalem la voix de la prédication, la trompette du ciel. Ne voyez-vous pas comment, partout, suivant qu'il l'a décrété dans les cieux, le Christ se sert pour le bien, de la malice des Juifs, et même de la haine qu'ils portent à Paul pour édifier l'Église des gentils? Examinez aussi ce saint homme, je veux dire Barnabé, comme il s'oublie lui-même et court à Tarse : « Lorsqu'il fut arrivé (à Antioche), voyant la grâce de Dieu, il s'en réjouit; et il les exhortait tous à persévérer dans le Seigneur dans (121) le dessein de leur coeur, parce qu'il était un homme juste, rempli de l'Esprit-Saint et de foi. Et une foule nombreuse fut acquise au Seigneur. Barnabé partit pour Tarse , afin d'y aller chercher Paul, et l'ayant trouvé, il le conduisit à Antioche (23, 25) ». Barnabé, homme simple et bon, était l'ami de Paul. C'est à cause de cela qu'il alla chercher l'athlète, le général, le lutteur, le lion : Je ne sais ce que je dois dire, car quoi que je dise, mes paroles seront toujours au dessous de la grandeur de Paul. Barnabé alla donc vers le chien de chasse, capable de tuer les lions, vers le taureau vigoureux, vers la lampe éclatante, vers la bouche assez puissante pour enseigner l'univers. C'est réellement à cause du long séjour de Paul à Antioche, que les fidèles furent appelés chrétiens. « Et il advint qu'ils restèrent une année tout entière avec l’Eglise ; ils instruisirent une foute nombreuse, et c'est à Antioche pour la première fois que les disciples furent appelés chrétiens (26) ».

C'est une grande gloire pour cette ville; car, cela la place bien haut entre toutes les autres, d'avoir possédé la première pendant un si long temps, cette voix éloquente. C'est de là que tout d'abord les disciples furent honorés de ce nom: Ne voyez-vous pas à quel haut rang Paul éleva cette ville, et quelle célébrité il lui donna? C'est l'oeuvre de Paul. Là, où trois mille et cinq mille avaient cru, ainsi qu'une si grande multitude, rien de semblable n'arriva, et les disciples, disait-on seulement, marchaient dans la voie du Christ : à Antioche on les nomma chrétiens. « Il vint dans ces jours de Jérusalem des prophètes à Antioche (27) ». Comme c'était là que devait être planté l'arbre fruitier de l'aumône, la providence pourvoit utilement à y envoyer des prophètes. Observez avec moi que nul des plus illustres apôtres ne fut le docteur des chrétiens d'Antioche ; ils eurent pour docteur des Cypriens, des Cyrénéens, et Paul (celui-ci supérieur aux autres), de même que Paul avait eu pour maître Barnabé et Ananie; mais cela ne le rabaisse en rien, car il eut aussi pour maître le Christ. « L'un d'entre eux, nommé Agabus, se leva, et prédit qu'une grande famine affligerait la terre entière. C'est cette famine qui advint sous Claudius César (28)». Cet homme prédisait par avance qu'une grande famine arriverait nécessairement, et elle est arrivée suivant qu'il l'avait annoncé. Pour que certaines personnes ne, pensent pas que la famine arriva parce que le christianisme faisait son entrée dans le monde, et que les démons s'étaient enfuis, le Saint-Esprit prédit les événements à venir, comme le Christ a prophétisé une foule de choses qui sont arrivées depuis.

La famine ne vint pas cependant parce que dans le principe elle devait arriver, mais bien à cause des maux dont on avait accablé les apôtres. Ces maux, Dieu les supportait quelque temps avec patience, mais comme ils persévéraient, la famine vint pour annoncer aux Juifs leur malheur à venir. Mais, si la famine était venue à cause des Juifs, il fallait, à cause des autres nations, qu'elle cessât. Quelle injure avaient faite les Grecs aux apôtres, pour être frappés, innocents qu'ils étaient, des mêmes malheurs? Si ce n'était pas à cause d'eux que ce fléau frappait le monde, les Juifs eussent dû voir grandir leur gloire, puisque c'était pour leur loi qu'ils agissaient, qu'ils mettaient à mort les apôtres, les persécutaient, les opprimaient et les poursuivaient de tous côtés. Considérez à quelle époque la famine arrive c'est lorsque les gentils étaient reçus à la foi.

2. Mais si c'est à cause des maux endurés par les disciples, que vint la famine, il fallait, dit-on, tes en préserver eux-mêmes. Pourquoi, dites-le-moi? Le Christ n'avait-il pas prédit aux apôtres : « Vous aurez des tribulations « dans le monde? » Mais vous qui dites ces choses, peut-être ajouterez-vous aussitôt qu'il n'eût pas fallu permettre qu'ils fussent flagellés. Considérez donc que pour eux la famine fut une cause de salut, l'occasion de l'aumône, la source de beaucoup de biens, comme elle l'eût été pour vous, si vous l'aviez voulu; mais vous ne l'avez pas voulu. La famine est prédite afin de prédisposer les chrétiens à l'aumône, puisque ceux qui sont à Jérusalem souffrent de grands maux. Auparavant, ils ne supportaient pas la famine. On envoie Paul et Barnabé pour servir « chacun des disciples suivant ses moyens... (29)» Ne voyez vous pas qu'aussitôt qu'ils ont reçu la foi, aussitôt elle porte des fruits, non-seulement pour ceux qui sont avec eux, ruais encore pour ceux qui sont éloignés? Il me semble que cela veut dire ici ce que Paul répète ailleurs, à savoir : « Ils nous ont donné la main en signe de commune pensée à Barnabé et à moi... nous recommandant seulement de nous souvenir des pauvres ». (Gal. XXIX.) Telle fut la grande (122) utilité de la famine. Regardez, dans leur tribulation, ils ne fondent point comme nous en larmes et en gémissements; mais ils se livrent à un travail immense et plein de zèle, car ils annoncent la parole avec une plus grande liberté. Ils ne disaient pas : Nous, gens de Cyrène et de Chypre, oserons-nous entreprendre la conquête de cette grande et brillante cité mais, confiants dans la grâce de Dieu, ils entreprirent d'enseigner la doctrine, et les autres ne dédaignèrent pas de se faire instruire par eux. Voyez toutes les choses accomplies par ces petits, la prédication étendue, ceux qui sont à Jérusalem prenant soin de tout le reste ensemble, et dirigeant la terre entière comme une seule maison. Ils apprennent que Samarie a reçu la parole de Dieu, et ils y envoient Pierre et Jean; ils apprennent ce qui se passe à Antioche, ils y envoient Barnabé. Li route était longue , il ne fallait pas que les apôtres s'absentassent longtemps, de peur qu'on ne s'imaginât qu'ils avaient pris la fuite et quitté leurs disciples. Ils s'éloignent par nécessité, lorsqu'ils voient l'état désespéré de la nation juive, lorsque d'ailleurs la guerre est imminente, et que ce peuple doit être anéanti, et que la sentence est portée. Ils restèrent à Jérusalem jusqu'à l'époque où Paul partit pour Rome. lis partent donc, non par crainte de la guerre, puisqu'ils allaient chez le peuple qui devait la faire? La guerre commence après la mort des apôtres, et la parole dite contre les Juifs reçoit son accomplissement. « La colère de Dieu contre eux touche à sa fin ». (I Thess. II, XVI.) La grâce brilla d'un éclat d'autant plus vif, que les apôtres étaient plus obscurs, elle fit de grandes choses par de faibles instruments.

Mais reprenons ce qui a été dit : « Il les encourageait tous à persévérer dans le Seigneur », dit le texte, « parce qu'il était un homme bon ». Il me semble que le mot bon signifie un homme simple, sans détours, embrasé d'ardeur pour le salut du prochain. C'était non-seulement un homme bon, mais encore rempli de l'Esprit-Saint et de foi. C'est pour cela qu'il les exhortait tous, selon la disposition de son coeur, avec des éloges et des encouragements. Remarquez que, comme une terre féconde, cette ville reçut la parole, et produisit de grands fruits. Pourquoi donc Barnabé fit-il sortir Paul de Tarse pour l'amener à Antioche? Ce n'est pas sans raison, mais parce qu'il y avait là grande espérance la ville est vaste, et la population nombreuse. Voyez comme c'est la grâce qui fait tout, et -non point Paul ; considérez aussi comment cette couvre a été commencée par d'obscurs ouvriers : dès qu'elle commence à briller, les apôtres y envoient Barnabé. Mais pourquoi ne l'y envoyèrent-ils pas plus tôt? Ils agissaient avec une grande circonspection, en ce qui les concernait, et ils ne voulaient pas se faire reprocher par les Juifs d'admettre les gentils. Cependant comme l'admission des gentils dans l'Eglise était nécessaire, et qu'il devait y avoir une discussion à ce sujet, le fait de la conversion de Corneille la précède. C'est alors que se prononce cette parole: « Pour que nous, nous allions chez les gentils, et eux chez les circoncis ». Mais voyez combien heureusement la famine établit des relations entre les convertis de la gentilité et les fidèles de Jérusalem. Ceux-ci reçoivent donc ce que leur envoient leurs frères. Les chrétiens de ce temps-là, plus courageux que nous, avaient autre chose que des larmes à opposer au malheur. Quoi qu'il en soit, les chrétiens vivaient désormais avec plus de liberté, loin de ceux qui les pouvaient gêner, au milieu d'hommes qui n'avaient rien à craindre des Juifs. Ce qui ne contribuait pas peu au progrès de l'oeuvre. Ils émigrèrent même à Chypre, où la sécurité et la liberté étaient plus grandes. « Ils n'enseignaient la parole à personne, si ce n'est aux Juifs ». Ce n'était pas par la crainte des hommes qu'ils ne comptaient pour rien; mais par respect pour la loi, dont ils supportaient encore le fardeau. « Il y avait à Antioche des hommes de Chypre et de Cyrène », ceux-ci surtout ne s'occupaient guère des Juifs. Ces hommes conversaient avec les Grecs, « et leur annonçaient le Seigneur Jésus ». Peut-être est-ce parce qu'ils ne savaient has parler hébreu, qu'on les appelait grecs. « Lorsque Barnabé fût arrivé et qu'il eût vu l'oeuvre de la grâce de Dieu » (non l'oeuvre des hommes), « il les exhortait à persévérer dans le Seigneur ». Peut-être, ces louanges et ces félicitations données par lui à la foule, en convertirent plusieurs. Mais d'où vient qu'on n'écrit pas à Paul, et qu'on envoie Barnabé à Antioche? Les apôtres ne connaissaient pas encore la vertu de cet homme, et c'est pour cela qu'il fut décidé d'envoyer Barnabé. Comme la multitude était grande, et aussi parce que (123) personne n'y mettait d'obstacle, la foi germa facilement; et surtout parce qu'il n'y avait aucune épreuve à subir, parce que Paul prêchait, et qu'il n'y avait aucune nécessité de fuir; c'est avec raison que des prophètes, et non les apôtres eux-mêmes, prédisent la famine; ce ministère les eût rendus odieux. On peut à bon droit s'étonner que les habitants d'Antioche ne se soient point offensés d'être initiés à l'Evangile par ces docteurs de second ordre, et qu'au lieu de se tenir pour méprisés, ils aient été satisfaits, tant ils avaient d'ardeur pour la parole de Dieu. Les apôtres n'attendirent pas le temps de la famine, et envoyèrent Barnabé avant qu'elle fût venue. « Chacun donnait suivant ses moyens ».

3. Remarquez que, dans le conseil des apôtres, on confie cette oeuvre à d'autres personnes : Paul et Barnabé sont envoyés à Antioche. C'est par une grande prévoyance qu'on agit ainsi. D'ailleurs l'oeuvre était commencée, il n'y avait plus lieu de s'en scandaliser. Aujourd'hui personne ne fait de même, quoique la famine soit plus grande que celle d'alors. Un fléau qui fait souffrir tout le monde, sans exception, est chose plus grave sans comparaison qu'une famine, dont les plus pauvres souffrent seuls, tandis que les autres sont dans l'abondance. Alors il n'y avait qu'une espèce de famine, et les pauvres eux-mêmes donnaient. « Chacun donnait suivant ses moyens ». Aujourd'hui il y a double famine, comme double abondance : une dure famine, non pas celle qui fait désirer d'entendre la parole de Dieu mais celle qui doit être soulagée par l'aumône. Alors les pauvres de Jérusalem, et les habitants d'Antioche qui leur envoyèrent de l'argent, profitèrent les uns et les autres de la famine, ceux-ci toutefois plus que ceux-là; maintenant, les pauvres et nous, nous souffrons de la famine : les pauvres, parce qu'ils sont dépourvus de la nourriture nécessaire; nous, parce que nous sommes privés de la miséricorde de Dieu. Rien n'est plus nécessaire que cette dernière nourriture. On n'a pas à subir les maux qui naissent de l'abondance. Le trop plein de cette nourriture n'est point à rejeter aux lieux secrets; rien de plus admirable, rien de plus sain qu'une âne qui en est rassasiée. Elle habite une région où n'arrive ni maladie, ni famine, ni infirmité d'aucune sorte : rien ne peut la vaincre. Mais de même que le fer, non plus qu'aucune autre substance, ne saurait entamer un corps de diamant; de même rien ne pourra triompher d'une âme corroborée par l'aumône. Qui donc, dites-le-moi, pourrait la dompter? La pauvreté? Non, car elle est appuyée sur les trésors des rois. Le voleur et le bandit? Mais personne ne peut transpercer ses murailles. Les vers? Mais son trésor est dans un lieu inaccessible à ce fléau. La jalousie et l'envie? Mais elle ne saurait en être atteinte. Les calomnies et les embûches? Cela non plus. Ce trésor est inviolable. Mais j'aurais honte de montrer seulement les inconvénients dont est affranchie l'aumône, si je ne parlais aussi des avantages qu'elle possède. Non-seulement, elle est à l'abri de l'envie, mais elle est comblée de bénédictions même par ceux qui ne reçoivent pas ses bienfaits. De même que les hommes cruels et sans pitié n'ont pas seulement pour ennemis les victimes de leurs injustices, mais aussi ceux qui n'ayant rien souffert d'eux ont compassion de leurs victimes et les accusent; ainsi ceux dont la vie est un tissu de bonnes oeuvres, n'obtiennent pas seulement les louanges de ceux à qui ils ont fait du bien, mais encore celles des autres hommes. Que dis-je, que l'envie ne peut rien contre elle, et qu'elle est à l'abri des trames des méchants, des voleurs et des bandits? Ce n'est pas là son seul bonheur; non-seulement elle ne subit pas d'amoindrissement, mais elle s'accroît et se multiplie. Qu'y a-t-il de plus ignoble que Nabuchodonosor? Quoi de plus honteux? Qui fut plus injuste que lui? C'était un homme impie ; il vit mille présages,.mille signes précurseurs, et il ne voulut pas se repentir; au contraire, il précipita les serviteurs de Dieu dans la fournaise ardente, bien qu'après cela il ait adoré le Seigneur. Que lui dit donc le prophète : « O roi, que mon conseil trouve grâce devant vous ; rachetez vos péchés par l'aumône, et vos iniquités par la pitié pour les pauvres, peut« être le pardon viendra pour vos fautes ». (Daniel, IV, 24.) Il lui parla ainsi, sans hésiter (car il était persuadé); il voulut le porter à une crainte plus grande, et lui montrer D'extrême nécessité d'agir ainsi. S'il eût parlé par affirmation, le roi eût été plus négligent. C'est ainsi que nous vous pressons aussi quelquefois, lorsque nous disons : Exhortez tel et tel, et nous n'ajoutons pas qu'il vous écoutera certainement , mais que peut-être il vous écoutera. Car le doute cause une plus grande (124) appréhension, et excite davantage. Cependant ces paroles ne furent pas claires pour le roi. Que dites-vous? Y aurait-il un pardon pour de si grands crimes? Certainement.

Il n'y a pas de péché que l'aumône ne puisse purifier et qu'elle ne puisse détruire. Tout péché est au-dessous d'elle, et elle est le remède souverain contre toute blessure. Quoi de plus bas que le publicain ? Son état est l'occasion de toute injustice. Mais Zachée se justifia entièrement par l'aumône. Voyez comme le Christ le démontre, puisqu'il veillait à ce que l'on eût une bourse parmi les siens pour porter ce que l'on donnait. Et Paul dit : « Nous recommandant seulement de nous « souvenir des pauvres ». Il existe partout, dans les Ecritures, de nombreux textes sur ce sujet : « Les richesses particulières», dit l'Esprit-Saint, « sont le prix de l'âme de l'homme ». Et le Christ ajoute:  « Si vous voulez être parfait, vendez ce que vous avez, donnez aux pauvres, puis venez et suivez-moi ». Telle est la véritable perfection. Mais l'aumône ne s'exerce pas seulement par l'argent, elle se fait aussi par les oeuvres. Voici un exemple : Le cas se présente de protéger quelqu'un, de lui tendre la main ; souvent la protection par les actions fait plus que de grands dons d'argent.

4. Permettez-nous d'exposer à présent les divers genres d'aumônes. Vous pouvez faire l'aumône par vos richesses? Ne soyez pas négligent. Vous pouvez faire l'aumône en patronnant quelqu'un? Ne dites pas : Puisque je n'ai pas de fortune, ceci n'est rien; car c'est beaucoup; ayez conscience de votre action comme si vous aviez donné de l'or. Vous pouvez faire l'aumône par un service quelconque? Faites encore cela. Par exemple, vous êtes médecin? Soignez les malades, c'est là une noble chose. Vous pouvez donner un bon conseil? C'est là une couvre plus grande que toutes les autres. Elle est meilleure, porte plus de fruits et procure un plus grand gain; car par là vous ne chassez pas la famine, mais une mort funeste. C'était l'espèce de richesse dont les apôtres étaient comblés. Aussi confièrent-ils à des inférieurs la distribution des aumônes, tandis qu'eux s'occupaient de l'enseignement. Croyez-vous que ce serait une faible aumône- de pouvoir délivrer de son mal une âme inquiète, livrée aux derniers périls et en proie aux ardeurs qui la dévorent. Par exemple, vous voyez un ami en proie à l'amour de l'argent?

Ayez pitié de cet homme. Sa passion le suffoque? Eteignez ce feu. Mais quoi, il n'est pas persuadé? Faites tout ce que vous pouvez, et ne négligez rien. Vous le voyez enlacé par mille liens ? (Car les richesses sont de véritables chaînes.) Allez vers lui, visitez-le, exhortez-le, efforcez-vous de briser ses chaînes. S'il ne le veut pas, la faute en sera toute à lui. Voyez-vous un homme nu et sans asile? (Car au regard du ciel celui-là est nu et sans asile qui ne s'occupe pas de marcher dans la voie droite.) Conduisez-le dans votre demeure, revêtez-le du vêtement de la vérité, donnez-lui droit de cité au ciel. Que ferais-je donc, si moi aussi je suis nu, dit-on? Revêtez-vous tout d'abord vous-même; si vous voyez que vous êtes nu, vous voyez clairement que vous avez besoin de vous vêtir. Si vous savez la raison de cette nudité, vous saurez facilement comment la couvrir. Combien de femmes portent des vêtements de soie, qui sont tout à fait dépouillées des vêtements de la vertu ? Que leurs époux les en revêtent. Mais ces vêtements ne leur conviennent pas, elles veulent les autres? Faites d'abord ainsi que j'ai dit. Poussez-les au désir de ces vêtements, montrez-leur qu'elles sont nues , dissertez avec elles sur le jugement à venir ! Dites : Nous aurons besoin là-bas de ces vêtements et non des autres.

Si vous voulez me le permettre, je vous montrerai cette nudité. L'homme nu, en hiver, devient raide et tremblant, il se tient debout tout contracté , il serre ses bras contre son corps; en été, il n'en est plus ainsi. Si donc je montre que les hommes et les femmes riches sont d'autant plus nus de cette façon , qu'ils sont plus revêtus, ne vous en irritez pas. Que sera-ce donc, dites-moi , lorsque nous parlerons de la géhenne et de ses tourments : est-ce que ceux-ci ne deviendront pas et plus raides et plus tremblants que ces hommes nus? Est-ce qu'ils ne gémiront pas cruellement et ne se condamneront pas eux-mêmes? Mais quoi, lorsqu'ils vont au devant de quelqu'un et lui disent : Priez pour moi , ne disent-ils pas la même chose que ceux-là? Mais, malgré tout ce que nous avons dit , cette nudité n'est pas évidente encore, là-bas elle le sera. Comment et de quelle manière ? Lorsque tous apparaîtront, dépouillés de leurs vêtements de soie et de leurs pierres précieuses, et, revêtus des seuls vêtements de leur vertu et de leur (125) malice; lorsque les pauvres seront environnés d'une gloire immense; alors les riches nus et couverts de honte seront livrés aux supplices. Quoi de plus beau que ce riche revêtu de pourpre? Quoi de plus misérable que Lazare? Lequel suppliait à la façon des mendiants ? Lequel était dans l'abondance? Dites-moi, si quelqu'un couvre sa demeure de tapisseries, et reste nu à l'intérieur, quel bien en tirera-t-il? Il en est ainsi pour les femmes. Elles couvrent de nombreux ornements la demeure de leur âme, je veux dire leurs corps , et au dedans la maîtresse de la demeure reste nue. Prêtez-moi les yeux de l'âme, et je vous montrerai la nudité de l'âme. Quel est donc le vêtement de l'âme? La vertu , c'est évident. Quelle est sa nudité? Le vice. De même que si on dépouille un homme libre, celui-ci rougit, se resserre et s'enfuit; ainsi de l'âme , si nous voulons la contempler, privée de ce vêtement de la vertu, elle rougit. Combien, pensez-vous, rougissent maintenant, et descendent dans le fond de leur coeur, comme pour aller chercher quelque vêtement, afin de ne pas entendre ces paroles? Celles à qui la conscience ne reproche aucun vice, sont heureuses, se réjouissent, sont dans les délices et sont glorieuses de ces paroles. Ecoutez quelques mots sur la bienheureuse Thècle. Pour voir Paul,elle donna ses joyaux.Tous pour voir le Christ , vous n'avez pas donné une obole ; vous admirez ce que Thécle a fait, et vous ne l'imitez pas. N'entendez-vous pas comment le Verbe béatifie les miséricordieux : « Bienheureux les miséricordieux », dit-il, « car il leur sera fait miséricorde ». Quel gain retirerez-vous des vêtements précieux? Jusques à quand serons-nous dans l'admiration de ces vêtements? Revêtons-nous de la gloire du Christ, enveloppons-nous de sa beauté, pour mériter la louange ici-bas, et posséder là-haut les biens éternels, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire , puissance, honneur, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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