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LE XXXI AOUT. S. RAYMOND NONNAT, CONFESSEUR.Tout finit comme il a commencé, par une fête de délivrance : sceau divin de l'éternelle Sagesse sur ce mois qui lui est consacré. Depuis qu'au sortir d'Eden, elle fit son but de la rédemption du genre humain que poursuivait son amour, tous ses privilégiés ont eu leur part en ce grand œuvre : part de labeur, de prières, de souffrances, comme fut la sienne en la chair; part féconde en la mesure même de l'association qu'elle daigne leur octroyer à ses renoncements miséricordieux. Pierre dans ses liens avança plus l'émancipation du monde que les conspirateurs soulevés contre la tyrannie des Césars ; Raymond Nonnat et ses frères, prenant sur eux les chaînes des captifs, firent plus que tous les philosophes égalitaires ou les déclamateurs de liberté pour l'abolition de l'esclavage et l'extinction de la barbarie. Déjà les fêtes des saints Raymond de Pegnafort et Pierre Nolasque nous ont donné d'assister aux origines de l'Ordre illustre où Raymond Nonnat brille d'un éclat si grand. Bientôt sa fondatrice auguste elle-même, Notre-Dame de la Merci, daignera se prêter à l'expression de la reconnaissance du monde pour tant de bienfaits. Le récit qui suit dira les mérites particuliers du Saint de ce jour. 139 Raymond, surnommé Nonnat (Qui n'est pas né.) pour n'être venu au jour qu
après la mort de sa mère à l'encontre de la commune loi de nature, eut pour
patrie Portel en Catalogne. D'une famille pieuse et
noble, il donna dès l'enfance des marques de sa future sainteté par le mépris
des amusements de l'enfance et des attraits du monde, par une piété si soutenue
que tous admiraient déjà en lui la vertu de l'âge mûr. Après quelques années,
il s'adonna aux lettres, puis, sur l'ordre de son père, revint vivre à la campagne.
Une chapelle dédiée à saint Nicolas, dans le voisinage de Portel,
l'attira fréquemment dès lors; il y venait visiter une image sainte de la Mère
de Dieu qui est encore aujourd'hui l'objet de la grande vénération des fidèles.
Là, perdu dans la prière, il suppliait cette divine Mère de daigner l'adopter
pour fils et lui enseigner la voie du salut et la science des Saints. La très bénigne Vierge
accueillit son désir. Elle lui fit comprendre qu'il lui serait très agréable de
le voir entrer dans l'Ordre appelé de la Merci, ou de la Miséricorde pour la
rédemption des captifs, récemment fondé à son inspiration. Sur cet avis,
Raymond gagna aussitôt Barcelone, pour y embrasser l'institut qui taisait son
objet d'une charité si sublime envers le
prochain. Enrôlé donc dans la milice régulière, il redoubla de zèle pour garder
toujours sa virginité qu'il avait dès auparavant consacrée à la bienheureuse
Vierge. On le vit exceller aussi dans les autres vertus, parmi lesquelles brilla surtout la charité dont il
fit preuve à l'égard
des chrétiens malheureux détenus captifs au pays des païens. Député en
Afrique pour leur rachat, il en avait déjà délivré un grand nombre, lorsque, ses ressources épuisées, et ne voulant pas
cependant en délaisser d'autres qui se trouvaient dans le même péril prochain
de renier la foi, il se livra lui-même en gage ; mais, l'ardent désir du salut
des âmes
qui le possédait l'ayant amené à
convertir au Christ par ses discours plusieurs mahométans, les barbares le
jetèrent dans une étroite prison, lui infligèrent divers supplices,
et enfin, perçant ses lèvres, les
fermèrent d'un cadenas d'acier : cruel
martyre, qu'il subit longtemps. Ces faits et d'autres avaient
répandu au loin la renommée de sa sainteté. Grégoire IX, auquel elle était parvenue,
appela Raymond à faire partie de l'auguste collège des cardinaux de la
sainte Eglise Romaine. Mais, dans cette dignité,
l'homme de Dieu, conservant son horreur
de toute pompe, retint toujours
inflexiblement l'humilité d'un religieux.
Il se rendait à Rome, quand, parvenu
à Cardona, la maladie qui devait terminer sa vie
interrompit le voyage. Le mourant avait
instamment demandé d'être
fortifié par les sacrements de l'Eglise ;
le mal s'aggravant et le prêtre n'arrivant pas,
des Anges apparurent sous le
costume de religieux de son Ordre, qui lui donnèrent le
viatique du salut. L'ayant reçu,
il rendit grâces à Dieu et passa au
Seigneur ; c'était le dernier
Dimanche d'août de l'année mil
deux cent quarante. Des contestations s'étant élevées au sujet du lieu de
la sépulture, on chargea du cercueil une mule aveugle qui, conduite par
Dieu, le porta a la chapelle de saint Nicolas, pour qu'il fût enseveli où
avaient été jetés les premiers fondements de sa vie très sainte. On y
construisit une maison de son Ordre, où
les miracles et les prodiges ont accru sa gloire, et qui voit affluer de
toute la Catalogne des multitudes de fidèles venant acquitter leurs vœux. 142 Jusqu'où, illustre Saint, n'avez-vous pas suivi le conseil du Sage (1) ! Les liens de la Sagesse sont des liens de salut, disait-il (2). Et, non content de livrer vos pieds à ses fers et votre cou à ses entraves (3), vos lèvres sont allées, dans l'allégresse de l'amour, au-devant du cadenas redoutable dont ne parlait pas le fils de Sirach. Mais quelle récompense n'est pas la vôtre, aujourd'hui que cette Sagesse du Père, si totalement embrassée par vous (4) dans la plénitude de la divine charité en son double précepte, vous abreuve au torrent des éternelles délices (5), ornant votre front de cette gloire, de ces grâces (6) qui sont le rayonnement de sa propre beauté ! Afin que nous puissions vous rejoindre un jour près de son trône de lumière, montrez-nous à marcher en ce monde par ses voies toujours belles, par ses sentiers où la paix n'est jamais troublée (7), fût-ce au fond des cachots (8). Délivrez nos âmes, si le péché les captive encore ; rompez leurs attaches égoïstes, et remplacez-les par ces liens heureux de la Sagesse qui sont l'humilité, le renoncement, l'oubli de soi, l'amour de nos frères pour Dieu, de Dieu pour lui-même. 1.
Eccli. VI, 24. — 2. Ibid. 31. — 3. Ibid. 25. — 4. Prov. v, 8. —
5. Psalm. XXXV, 9. — 6.
Prov. V, 9. — 7. Ibid. III, 17. — 8. Sap. X,
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