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HOMÉLIE VIII. OR, PIERRE ET JEAN MONTÈRENT ENSEMBLE AU TEMPLE, A LA PRIÈRE DE LA NEUVIÈME HEURE. (ACT. III, 1, JUSQU'AU VERSET 11.)

 

ANALYSE. 1. Le sujet de cette homélie est la guérison d'un boiteux opérée par les apôtres saint Pierre et saint Jean, et pour mieux faire ressortir l'éclat du miracle, l'orateur constate d'abord l'état de cet homme. — Il développe ensuite tous les détails de ce miracle, et loue la conduite pleine de reconnaissance que tint ce boiteux.

2. Cependant le peuple s'étant rassemblé, Pierre en prend occasion de faire connaître Jésus-Christ. — Ici saint Chrysostome, après avoir rappelé le discours fait dans le cénacle, montre l'apôtre s'élevant dans celui-ci à une plus grande hauteur de force et de confiance. — Mais soudain il interrompt son sujet, et, abordant une question de morale, il exhorte. ses auditeurs à travailler courageusement à l'acquisition des vertus chrétiennes, leur prouvant que l'habitude d'une seule facilite la pratique de toutes les autres.

3. C'est pourquoi il les supplie avec prières et avec menaces d'extirper du milieu de Constantinople le jurement et le blasphème, et montre quelle sera sur l'univers entier l'heureuse influence d'un tel exemple. — Si un petit nombre seulement obéit à la voix du pasteur, il s'en consolera, parce qu'il vaut mieux pour lui n'avoir à diriger que quelques brebis dociles que de commander à une multitude de chrétiens qui déshonorent aux yeux des païens la sainteté de la religion.

 

 

1. Une étroite amitié unissait les deux apôtres, Pierre et Jean. Aussi voyons-nous 'que, dans la dernière cène, « Pierre fait signe à Jean », et qu'ils courent tous deux au tombeau. C'est encore Pierre qui interroge Jésus-Christ au sujet de Jean, et lui dit : « Et (15) celui-ci, que deviendra-t- il?» (Jean, XXI, 21.) Saint Luc, qui a omis le récit de plusieurs autres miracles, y rapporte là guérison du boiteux, parce qu'elle frappa plus fortement tous ceux qui en furent témoins. Mais observons tout d'abord que les deux apôtres ne montèrent point. au temple dans le dessein d'opérer un miracle, car, à l'imitation de leur divin Maître, ils évitaient tout ce qui pouvait tourner à leur avantage. Pourquoi donc vinrent-ils au temple ? Est-ce qu'ils observaient encore le culte mosaïque? Nullement : trais c'était pour l'édification générale. Nous les voyons en effet opérer un prodige nouveau qui les affermit eux-mêmes dans leur vocation, et qui détermine la conversion d'un grand nombre de disciples. Ce boiteux l'était de naissance, et par conséquent incurable par les moyens ordinaires. Il était âgé de quarante ans, comme on va nous le dire, et depuis quarante ans on n'avait pu le guérir. Au reste vous savez assez combien toute infirmité de ce genre est rebelle aux traitements de la médecine, et la sienne était si grande qu'il ne pouvait même pourvoir aux besoins de son existence.

        Du reste tout contribuait à le faire connaître, le lieu où il se tenait, et le genre même de son infirmité. « Or, il y avait, » dit saint Luc, un homme boiteux dès le sein de sa mère, qui était porté, et qu'on plaçait chaque jour à la porte du temple, appelée la Belle-Porte, pour demander l'aumône à ceux qui y entraient ». Il demandait donc l'aumône, et ne connaissait pas les apôtres auxquels il s'adressait. « Voyant Pierre et Jean entrer au temple, il les pria de lui «donner l'aumône. Mais Pierre et Jean le fixèrent, et Pierre lui dit: Regardez-nous ». A ces mots, il ne se lève point, et persiste à leur demander l'aumône. Car telle est la coutume du pauvre, il ne se rebute point d'un premier refus, et renouvelle ses instances. Rougissons donc, nous qui cessons de prier, si le Seigneur ne nous exauce sur-le-champ. Au reste voyez comme Pierre se hâte de lui adresser une parole de bienveillance : « Regardez-nous » , lui dit-il. Ainsi s'épanchaient au dehors les dispositions de son âme. «Mais celui-ci les regarda attentivement, «espérant en recevoir quelque aumône. Or, « Pierre dit : Je n'ai ni or, ni argent; mais ce que j'ai , je te le donne ». Il ne dit point : Je te donne une chose bien plus précieuse que l'argent; que dit-il donc? « Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche, et l'ayant pris par la main droite, il le souleva». L'apôtre imita dans cette circonstance le Sauveur Jésus, qui, lui aussi, tendait la main à tous ceux dont la foi était faible et chancelante, pour prouver que ce n'était pas en eux un mouvement spontané.

« Et l'ayant pris par la main droite, il le souleva.». Cette guérison attestait la résurrection de Jésus-Christ, car elle en était une image. « Et aussitôt ses jambes et ses pieds s'affermirent; et, s'élançant , il se leva et marcha ». Il s'essayait, pour ainsi dire, à marcher, et il expérimentait si ses jambes pourraient le soutenir; il avait des pieds, mais ils étaient perclus. Quelques-uns même disent que dans le premier moment il ne savait pas marcher. « Et marchant, il entra avec eux dans le temple ». En vérité, voilà un étonnant prodige. Ce boiteux n'est point conduit par les deux apôtres, mais il les suit, et fait ainsi connaître ses bienfaiteurs. Bien plus , sautant de joie, il louait le Seigneur, et non les hommes, car il ne les regardait que comme tes instruments de la bonté divine. C'est ainsi qu'il se montrait reconnaissant.

Mais revenons sur l'explication des versets précédents. « Pierre et Jean montaient au temple à la neuvième heure de la prière ». Peut-être était-ce l'heure où l'on y portait le boiteux, parce que , à ce moment, le temple était plus fréquenté. Au reste saint Luc réfute tout autre motif que celui de recevoir l'aumône , car il dit expressément : « On le plaçait à la porte du temple pour demander l'aumône à ceux qui y entraient». Ce détail si précis est une preuve de la sincérité du récit. Mais pourquoi , direz-vous, ses parents ne l'avaient-ils pas conduit à Jésus-Christ? Peut-être étaient-ils eux-mêmes incrédules; et, en effet, quoiqu'ils se trouvassent en ce moment dans le temple, ils ne le présentèrent point aux deux apôtres. Cependant ils les virent entrer, et ils ne pouvaient ignorer les grands prodiges qu'ils avaient déjà opérés. « Il les  priait de lui faire l'aumône ». Il les reconnut sans doute à leur extérieur pour des hommes charitables, aussi s'empressa-t-il de les arrêter.

Il n'est pas inutile d'observer qu'ici saint Jean garde le silence, et que saint Pierre (16) parle en son nom. « Je n'ai », dit-il, « ni or, ni argent ». Il ne dit point, comme nous, je n'ai pas sur moi ; mais absolument: je n'ai pas. Vous rejetez donc ma demande, pouvait lui dire ce boiteux. Non, reprenait Pierre; mais je vous fais part de ce que j'ai. Voyez l'humble modestie de l'apôtre ! il ne se glorifie point même devant celui dont il va devenir le bienfaiteur. On ne voit ici agir que les lèvres et la main. Ce boiteux représentait les Juifs , qui, au lieu d'implorer la guérison, de leurs âmes, rampaient sur la terre, et ne demandaient que des biens temporels. Ils fréquentaient le temple, mais c'était pour mieux s'enrichir. Quelle fut donc la conduite de l'apôtre? Il ne méprisa point ce boiteux, et ne chercha point un riche, disant : Si le miracle s'opère à son égard, il ne fera aucun bruit., Ainsi il n'attendit aucune gloire de celui qu'il allait guérir, et il ne le guérit point en présence de nombreux témoins, car il était encore sur le seuil de la porte, et non dans l'intérieur du temple que. remplissait la multitude. Pierre ne, s'entoura point de tant ale solennité, et quand il fut entré dans le temple , il ne, publia point ce miracle. Son extérieur seul avait engagé ce boiteux à lui demander l'aumône. Mais, par un prodige nouveau et plus grand, cet homme eut à l'instant la conscience de sa guérison. Tout au contraire, un malade guéri après de longues années , en croit à peine une guérison qu'il voit de ses propres yeux. Or, ce boiteux étant guéri, suivit les apôtres et rendit grâces à Dieu. « Il entra avec eux dans le temple », dit saint Luc, « marchant, sautant et louant Dieu ».

2. Admirez comme il saute de plaisir, et ferme ainsi la bouche à tous les murmures des Juifs. Je croirais aussi que, pour mieux prouver la réalité de sa guérison, il se donnait ces violents mouvements qu'on ne peut feindre. C'était bien ce même homme perclus des deux jambes, et qui ne pouvait se remuer, même pressé par la faim;-et certes, s'il eût pu marcher seul, il n'eût point voulu partager ses aumônes avec ceux qui l'assistaient. Comment donc aujourd'hui le voudrait-il? Ou comment feindrait-il une. guérison pour faire honneur à des gens qui lui auraient refusé une légère aumône? Mais il conservait, même après sa guérison, le sentiment d'une vive reconnaissance, et il en donna des preuves dans cette circonstance comme dans la suite. Au reste , il était généralement connu, et c'est ce que dit expressément saint Luc. « Et tout le peuple le vit marcher et louer Dieu. Et tous reconnaissaient que c'était celui-là même qui était assis à la Belle-Porte du temple pour demander l'aumône ». Cette expression « reconnaissaient », est parfaitement juste, car ce ne fut point ce miracle qui le fit connaître, comme nous le disons de ceux dont nous n'avons qu'un vague souvenir. Mais pouvait-on ne pas croire qu'au nom de ce même Jésus qui opérait de si grands prodiges, les péchés étaient remis ?

« Et comme celui qui avait été guéri tenait par la main Pierre et Jean, tout le peuple étonné courut vers eux, au portique qui s'appelle le portique de Salomon ». L'attachement et l'amitié ne permettaient pas à ce boiteux de quitter ses bienfaiteurs, et sans doute qu'il les louait et les remerciait. « Et tout le peuple courait vers eux, ce que voyant Pierre, il prit la parole ». Pour la seconde fois le même apôtre agit et parle. Dans le cénacle le prodige de l'universalité des langues lui avait gagné l'attention de ses auditeurs , et dans le temple c'est la guérison de ce boiteux. Alors il avait pris, comme pour texte de son discours , le déicide que les Juifs avaient commis, et maintenant il part du sujet même de leurs pensées. Il ne sera donc pas sans intérêt d'examiner en quoi ces deux discours diffèrent et se ressemblent. Le premier fut prononcé dans le cénacle, avant toute conversion et tout miracle. le second, au contraire, le fut en présence du peuple étonné, du boiteux guéri, et d'une foule qui ne doutait plus, et qui ne disait plus : « Ces gens sont pris de vin ». Observez encore que là Pierre parlait au nom de tous les apôtres, et ici au nom seul de saint Jean ; et enfin .qu'il s'exprime avec plus de force et de confiance.

Tel est, en effet, le caractère de la vertu ; qu'elle progresse toujours et rie s'arrête jamais. Remarquez aussi que ce premier miracle s'opère dans le temple, afin de fortifier la foi des nouveaux fidèles. Ce n'est donc point dans un lieu retiré, et comme en secret que Pierre agit, et néanmoins ce n'est point dans l'intérieur du temple, où le peuple était nombreux. Mais comment le peuple put-il croire à ce miracle? Parce que celui-là même sur qui il (17) avait été opéré publiait sa guérison; or, si elle n'eût été réelle, aurait-il seulement osé se montrer à la foule? Ainsi ce miracle s'opère dans un lieu qui est tout ensemble public et secret. Et voyez ce qui arrive : Pierre et Jean montaient au temple pour prier, et ils firent tout autre chose. Ainsi le centurion Corneille priait et jeûnait pour obtenir une grâce tout autre que la révélation dont il fut favorisé.

Jusqu'ici Pierre désigne le Sauveur sous le nom de Jésus de Nazareth ; et il dit au boiteux « Au nom de Jésus de Nazareth , lève-toi et marche ». C'était un moyen de l'amener à croire à sa parole. Mais, je,vous le demande, ne vous lassez pas dès les premiers instants de cet entretien ; et quoique plusieurs peut-être se retireront après ce premier récit , je veux y revenir. D'ailleurs avec un peu de bonne volonté, nous arriverons bientôt à la fin, et nous atteindrons le but. Car, comme dit le proverbe, le zèle engendre le zèle, et la lâcheté, la lâcheté. Le peu de bien que l'on a fait, encourage à en faire plus encore , et on le continue avec confiance. Plus on met de bois sur un brasier, et plus il devient ardent. Ainsi plus l'âme se nourrit de pieuses pensées, et plus elle devient invincible à la tentation. Vous faut-il un exemple? Dans notre coeur naissent, comme des ronces et des épines, le parjure-, le mensonge , la dissimulation , la fraude, la malignité, la raillerie, l'injure, la moquerie et les paroles impures et obscènes. D'un autre côté pullulent dans ce même coeur l'avarice, la rapine, l'injustice , l'hypocrisie et la malice. Ajoutez-y encore la concupiscence, l'immodestie, l’impureté, la fornication et l'adultère; et enfin l'envie, la jalousie, la colère, l'emportement, la haine; la vengeance, le blasphème et mille autres vices. Si vous triomphez des premiers, vous vaincrez facilement les seconds et même les troisièmes.

C'est qu'une première victoire fortifie l'âme et la prépare à de nouveaux succès. Que celui qui a l'habitude de jurer, se corrige donc de cette diabolique coutume, et non-seulement il remplira un devoir, mais encore il se sentira porté aux divers exercices de la piété. Car celui qui s'interdit le péché du blasphème, ne voudra point en commettre d'autre, et il gardera honorablement la vertu qu'il s'est acquise. Il se respectera lui-même avec le même soin que nous évitons de salir un habit précieux. Il en arrivera donc bientôt à ne plus se permettre aucun acte de colère, d'emportement, ni de méchanceté, et ainsi, en avançant peu à peu, il atteindra la perfection. Mais souvent nous voyons arriver tout le contraire : car celui qui a bien commencé, ne se soutient pas; il retombe par lâcheté dans ses premiers désordres et devient incorrigible. Par exemple, nous nous sommes imposé la loi de rie pas jurer, et pendant trois ou quatre jours nous v avons été fidèles: Mais dans une circonstance la tentation l'a emporté et nous avons perdu tout le fruit de notre première victoire. Alors, hélas ! nous tombons dans un lâche découragement, et nous ne voulons plus renouveler nos efforts. Cela se comprend jusqu'à un certain point ; car on est toujours peu empressé à relever un bâtiment qu'on a vu s'écrouler; et cependant il faudrait s'armer de courage et recommencer avec une nouvelle énergie.

3. Proposons-nous donc chaque jour la pratique d'une vertu , et commençons par les plus faciles. Renonçons à la mauvaise habitude de jurer, mettons un frein à notre langue et ne prenons jamais en vain le nom du Seigneur. Ici point de dépenses, point de pratiques et nuls efforts pénibles : il suffit de le vouloir et tout est fait; car c'est une affaire d'habitude. Aussi je vous le demande instamment : sachez vouloir. Si je vous avais annoncé une distribution d'argent, tous, vous vous seriez empressés d'accourir; et si vous me voyiez dans un péril extrême, vous n'hésiteriez pas à exposer votre vie pour m'en arracher. Eh bien ! aujourd'hui, je suis en proie à une vive douleur, et je souffre tout autant que si j'étais prisonnier, battu de verges ou condamné aux mines. Tendez-moi une main secourable, et réfléchissez à quels dangers vous m'exposez si je ne puis obtenir de vous-mêmes le plus léger acte de vertu; je dis léger sous le rapport du travail et des efforts. Et en effet, que répondrai-je à ces accusations : Pourquoi n'as-tu pas exhorté et repris? Pourquoi n'as-tu pas commandé, insisté sur l'obligation et menacé fortement les. désobéissants

Il ne me suffira pas de répondre que j'ai averti, car on répliquera qu'il fallait plus que de simples remontrances, et l'on me condamnera par l'exemple d'Héli. Ce n'est point, à Dieu ne plaise ! que je vous compare à ses fis. Mais enfin il les reprenait et leur disait : « Mes enfants, n'agissez pas ainsi, car j'apprends qu'on parle mal de vous ». (I Rois,  II, 24.) (18) Cependant l'Ecriture dit qu'il n'avertit point ses enfants, c'est-à-dire qu'il ne le fit pas avec assez .de force et de sévérité. De plus, n'est-il pas absurde de voir, parmi les Juifs, un chef de synagogue parler en maître et se faire obéir, tandis qu'ici ma parole est méprisée et dédaignée ? Je ne cherche point ma propre gloire et je n'en veux point d'autre que vos moeurs chrétiennes; mais je cherche votre, salut. Chaque jour je crie, je tonne à vos oreilles, et malgré la véhémence de mes paroles, personne ne m'écoute. Ah ! combien j'ai à craindre.qu'au jour du jugement je ne rende compte de ma trop grande indulgence ! C'est pourquoi je vous le déclare à haute et intelligible voix : j'interdis l'entrée de l'église à quiconque se permettra encore de parler le langage de Satan, c'est-à-dire de jurer.

Je vous donne un mois pour vous corriger; et ne m'alléguez point la nécessité de vos affaires ni la défiance que l'on a de votre parole, car vous pouvez changer cette habitude de tout attester par serment. Je sais bien que je vais prêter à la critique; mais il vaut mieux pour moi d'être critiqué pendant ma vie que de brûler après ma mort. Au reste, qui rira de moi, sinon les insensés? Car quel homme sage blâmerait mon zèle à faire observer la loi divine? Mais les plaisanteries des méchants retomberont bien moins sur moi que sur Jésus-Christ lui-même.: Ce mot vous fait horreur, et cependant il est vrai. Si j'étais l'auteur de cette loi, ces froides railleries m'atteindraient; mais puisque Jésus-Christ en est le législateur, elles se dirigent contre lui. Oui, il a été autrefois moqué, frappé à la joue et souffleté, et aujourd'hui encore il reçoit absolument les mêmes outrages. Aussi nous menace-t-il de l'enfer et du ver qui ne meurt pas.

Je le répète donc et je vous le déclare de nouveau : Rira et raillera qui voudra, peu m'importe; car je ne suis en place que pour être moqué et honni, et pour tout souffrir, étant, selon l'apôtre., « la balayure du monde ». (I Cor. IV, 13.) Mais quiconque enfreindra le précepte qui défend de jurer, j'interdis, comme à son de trompe, l'entrée de l'église, fût-il prince ou même empereur. Déposez-moi de ma charge, ou, si vous m'y laissez, ne m'exposez pas au péril de la damnation. Et comment oserais-je m'asseoir sur ce trône; si je ne fais rien de grand ? Il vaudrait beaucoup mieux alors que j'en descendisse, car je ne connais pas de position plus triste que celle d'un évêque qui est inutile à son peuple.

Convertissez-vous donc, je vous en supplie, et veillez sur vous-mêmes réunissons nos efforts et nous obtiendrons quelque succès. Avec moi employez le jeûne et la prière pour demander à Dieu qu'il vous accorde de déraciner cette funeste habitude. Est-il une gloire comparable à celle d'être les docteurs de l'univers? Et, ne sera-ce pas déjà beaucoup si partout on sait que le jurement est inconnu dans Constantinople? Par là vous aurez droit à une double. récompense, parce que vous aurez été vertueux et zélés pour la sanctification de vos frères. Car ce que je suis au milieu de vous, vous le serez à l'égard de toutes les nations pas une qui ne veuille vous imiter, en sorte que, vous luirez à tous les regards comme la lampe placée sur le chandelier. Est-ce tout? non certainement, et ce n'est que le commencement d'une vie vraiment chrétienne, car celui qui s'interdit le jurement s'adonnera bientôt, bon gré, mal gré, par honte ou par crainte, à la pratique des autres vertus.

Mais plusieurs, me direz-vous, vont se retirer, choqués de vos paroles. Eh ! ne savez-vous pas « qu'un seul qui fait la volonté de Dieu, vaut mieux que mille impies ». (Eccli. XVI, 3.) Aussi tout vous semble-t-il bouleversé, et sens dessus dessous, parce que, comme au théâtre, nous estimons plus le choix que le nombre des personnes. Et, en effet, à quoi sert le nombre? Voulez-vous connaître combien un saint l'emporte à lui seul sur toute une multitude? opposez-lui une armée entière, et vous verrez qui fera de plus grandes choses. Josué, fils de Navé, combattit seul contre les ennemis d'Israël, et il les vainquit, tandis que d'autres chefs succombèrent avec de -nombreuses armées. Ainsi, mon cher frère, une multitude qui ne fait pas la volonté de Dieu, est nulle. Sans doute, je désire et je souhaite, même aux dépens de ma vie, que cette Eglise brille par la multitude de ses fidèles, mais de véritables fidèles : et si je ne puis en réunir un grand nombre, je me consolerai par l'excellence du choix. Un seul diamant n'est-il pas plus précieux que mille oboles? ne vaut-il pas mieux avoir l'oeil bon et sain que de le perdre et de devenir gras et obèse? n'est-il pas plus avantageux de ne posséder qu'une brebis, que d'en avoir cent attaques de la teigne? enfin, un père ne préfère-t-il pas deux (19) ou trois enfants vertueux à un plus grand nombre méchants et vicieux?

D'ailleurs, ne savez-vous pas que peu entreront dans le royaume des cieux , et que beaucoup tomberont dans l'enfer ? Eh ! quel avantage me procurerait un grand nombre de mauvais chrétiens? aucun, ou plutôt leur exempte serait pernicieux aux autres. Ce serait comme si un chef, ayant le choix entre dix soldats valides et mille autres malades et infirmes, voulait les réunir tous ensemble. Certes, un tel mélange ne produirait aucun bon résultat; et de même je ne devrais en attendre que de la honte pendant nia vie, et d'affreux supplices après ma mort, car le grand nombre ne me justifiera point devant le Seigneur, et la stérilité de mes oeuvres me condamnera. N'est-ce pas même la réponse que nous font les païens, quand nous leur disons : Voyez comme nous sommes nombreux? Oui, vous êtes nombreux , disent-ils, mais mauvais.

Aussi je le déclare encore une fois à haute voix et du ton le plus sévère : J'éloignerai et j'exclurai de l'église tous ceux qui n'obéiront pas à cet ordre, et tant que je serai assis sur ce trône, je n'admettrai là-dessus aucune excuse. Si l'on m'en fait descendre, je n'aurai plus la responsabilité de votre conduite; mais aussi longtemps que je serai votre pasteur, je serai ferme et vigilant, moins par la crainte du. supplice que par le désir de votre salut. Ah ! que je le souhaite ardemment ! et combien, pour l'obtenir, je me répands en douloureux gémissements !  mais obéissez à votre pasteur, afin que sur la terre et dans le ciel votre obéissance soit magnifiquement récompensée, et que nous obtenions tous les biens éternels, par la grâce et la miséricorde du Fils unique, à qui soient, avec le Père et l'Esprit-Saint, la gloire , l'honneur et l'empire, maintenant , toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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