ACTES LII

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HOMÉLIE LII. LE LENDEMAIN DONC, AGRIPPA ET, BÉRÉNICE VINRENT AVEC GRANDE POMPE, ET ETANT ENTRÉS DANS LA SALLE DES AUDIENCES AVEC LES TRIBUNS ET. LES PRINCIPAUX DE LA VILLE. PAUL FUT AMENÉ PAR LE COMMANDEMENT DE FESTUS. (CHAP. XIV, VERS. 23, JUSQU'AU VERS. 29 DU CHAP. XXVI.) .

 

ANALYSE. 1. Paul devant le tribunal de Festus, et en présence du roi Agrippa et de la reine Bérénice. — Il se justifie et enseigne la résurrection de Jésus-Christ.

2 et 3. Éloge de Paul. — Qu'il ne faut pas souhaiter d'être craint des hommes et que la vertu: l'emporte sur tous les biens.

 

1. Voyez quel auditoire se forme autour de Paul ! « Avec les principaux de la ville », dit le texte; car le gouverneur et le roi ne s'avancent qu'après avoir réuni autour de leurs personnes tous leurs gardes, et au cortège se sont joints les tribuns ainsi que les premiers citoyens de la ville: en effet, ce sont ceux-là que. le texte sacré appelle, par.excellence, « les principaux ». Paul est ensuite amené, et voyez de quelle manière Festus annonce à l'assemblée qu'il l'y a fait comparaître , ne se contentant pas, de le proclamer innocent, mais prenant, en outre, sa défense: Que dit-il en effet? « O roi Agrippa et vous qui êtes ici présents, vous voyez cet homme contre lequel tout le peuple juif m'est venu trouver dans Jérusalem et ici, me représentant avec de grands cris qu'il n'était pas juste de le laisser vivre plus longtemps. Cependant j'ai trouvé qu'il n'avait rien fait qui fût digne de mort; et comme lui-même en a appelé à Auguste, j’ai décidé de le lui envoyer. Mais parce que je n'ai rien de certain à écrire à l'empereur, je l'ai fait avenir devant cette assemblée, et principalement devant vous, ô roi Agrippa, afin qu'après avoir examiné cette affaire je sache ce que j'est dois écrire. Car il me semble déraisonnable d'envoyer un prisonnier; sans marquer en même temps quels, sont les  crimes dont on l'accuse (24-27) ». Considérez de quelle manière d'une part, il accuse les Juifs, et de l'autre, proclame l'innocence de Paul. Quel luxe inutile de formalités judiciaires ! Après l'enquête la plus approfondie, .le gouverneur ne trouve pas de motif pour le condamner. Or les Juifs le disaient digne de mort. Voilà pourquoi il dit : « Cependant j'ai trouvé qu'il n'avait rien fait qui fût digne de mort » ; ajoutant ceci : « Je n'ai rien de certain à écrire à l'empereur ». Ainsi un trait bien frappant de l'innocence de Paul, c'est que le juge n'a rien à en dire. « C'est pourquoi, dit-il, je l'ai fait venir devant vous; car il me semble déraisonnable .d'envoyer un prisonnier sans marquer en même temps quels sont les crimes dont ou l'accuse ». Voyez dans quels embarras inextricables les Juifs ont jeté leurs magistrats ! Mais que fait Agrippa? Désireux d'être renseigné touchant ces choses, il dit à Paul : « On vous permet de parler, pour votre défense ». Poussé par le vif désir qu'il a de l'entendre, le roi lui permet de parler. Et Paul prend immédiatement la parole, et  s'énonce avec assurance, sans flatterie, se bornant à se dire heureux de ce qu'il lui est permis de parler en présence d'un prince qui sait tout; et, ce qui le prouve, ce sont les raisons Mêmes qu'il avance; écoutez-les : « Alors Paul, ayant étendu la main, commença sa défense en ces termes : Je m'estime heureux, ô roi (268) Agrippa, de pouvoir me justifier devant vous de tous les griefs que les Juifs élèvent contre moi, parce que vous êtes pleinement informé de toutes les coutumes des Juifs, et de toutes les questions, qui sont entre eux; c'est pourquoi je vous supplie de m'écouter avec patience ». (Chap. XXVI. 1-3.) Certes, si sa conscience lui eût reproché quelque chose, il n'eût pas manqué de se troubler à la pensée d'être jugé par celui qui savait tout : mais c'est le propre d'une conscience pure, non-seulement de ne pas refuser comme juge celui-là même qui sait exactement ce qui s'est passé, mais encore de s'en réjouir voilà pourquoi il s'estime heureux de cette circonstance, et dit : « Je vous supplie de m'écouter avec patience ». Et c'est parce qu'il avait quelques développements.à donner à son discours, et qu'il avait quelque chose à dire sur lui-même, qu'il a pris celte précaution oratoire; puis il ajoute : « Premièrement, pour ce qui regarde la vie que j'ai menée dans Jérusalem parmi ceux de ma nation depuis ma jeunesse, elle est connue de tous les Juifs. S'ils veulent. rendre témoignage à la-vérité, ils savent déjà que dès mes plus tendres années, j'ai vécu en pharisien , faisant profession de cette secte»qui est la plus exacte de votre religion (4-6) ». C'est comme s'il disait : Comment pourrait-il se faire que j'aie été un séditieux , étant encore si jeune, et alors que je puis invoquer le témoignage de tous? Et pour qu'on ajoute foi à ce qu'il avance, il rappelle la secte à laquelle il appartient : « J'ai vécu faisant profession de cette secte. qui est la plus exacte de votre religion ».           

Et comme quelques-uns auraient pu lui adresser cette objection : Mais quoi ! ne peut-il pas se faire que ta secte soit admirable et que tu sois un méchant? Voyez comme il prévient cette difficulté, en invoquant le témoignage de tous les Juifs qui connaissent sa vie et tout l'ensemble de sa conduite. « C'est ce que savent tous les Juifs, dit-il, s'ils veulent rendre témoignage à la vérité, m'ayant déjà connu dès mes plus tendres années. Et voilà que maintenant on m'oblige à paraître devant des juges; parce que j'espère en la promesse que Dieu a faite à nos pères : de laquelle nos douze tribus, qui servent Dieu sans relâche nuit et jour, espèrent obtenir l'effet. « C'est cette espérance, ô roi Agrippa ! qui est le sujet de l'accusation que les Juifs forment contre moi : est-ce que l'on regarde donc, parmi vous, comme incroyable que Dieu ressuscite les morts (6-8)? » — Il donne deux preuves de la résurrection : l'une est tirée des prophètes; il ne cite aucun prophète en particulier, mais se contente de dire que telle est la croyance des Juifs ; l'autre, qui est plus forte, il la tire des faits mêmes. Et quelle est-elle? Que le Christ, après être ressuscité des morts, s'est entretenu avec lui. Et cette preuve elle-même, il l'entoure d'autres preuves, en racontant, dans tous ses détails, son ancien emportement contre les chrétiens; et il la relève ensuite par l'éloge des Juifs : « De laquelle nos douze tribus, qui servent Dieu nuit et jour, espèrent obtenir l'effet». C'est comme s'il disait : Alors même que ma vie ne serait pas irréprochable, ce n'est pas sur ces choses que je devrais être jugé. Ô roi Agrippa ! Vient ensuite une autre raison : « Eh quoi, est-ce que l'on regarde parmi vous comme incroyable que Dieu ressuscite les morts?» Car si telle n'était pas leur croyance, s'ils n'avaient pas été élevés. dans ces dogmes, et que maintenant on vînt les mettre en avant, il y aurait probablement des gens qui fermeraient leurs oreilles à ce discours de Paul. Il rappelle ensuite ses persécutions contre les chrétiens, et cet exposé ne peut que donner plus de force à son raisonnement ; il invoque le témoignage des princes des prêtres, et des villes étrangères, et t'appelle la voix qui s'est fait entendre à lui, et qui lui a dit : « Il vous est dur de regimber contre l'aiguillon ». Après cela, il fait voir combien est grande la miséricorde de Dieu, lui apparaissant à lui, Paul; qui le persécutait. Et il n'a pas seulement été bon en, vers moi, l’a-t-il entendre, mais encore envers les autres hommes, auprès desquels il m'a envoyé pour leur enseigner la vérité.

2. Il cite ensuite la prophétie qu'il a entendue :  « C'est pour cela que je vous ai apparu,  vous délivrant de ce peuple et des gentils, auxquels je vous envoie maintenant ». Et pour mieux montrer les caractères divins de sa mission, il expose les faits en ces termes: « Pour moi, j'avais cru d'abord qu'il n'y avait rien que je ne dusse faire contre le nom de Jésus de Nazareth. Et c'est ce que j'ai exécuté dans Jérusalem, où j'ai mis en prison plusieurs dès Saints, en ayant reçu le pouvoir des princes des prêtres; et lorsqu'on les (269) faisait mourir, j'y ai donné mon consentement. J'ai été souvent dans toutes les synagogues où je les contraignais à blasphémer à force de supplices, et étant transporté de fureur contre eux, je les persécutais jusque dans les villes étrangères. Un jour donc, que j'allais dans ce dessein à Damas avec un pouvoir et une commission des princes des prêtres, et que j'étais en chemin, je vis, ô roi, briller du ciel, en plein midi, une lumière plus éclatante que celle du soleil, qui m'environna ainsi que tous ceux qui m'accompagnaient. Et étant nous tous tombés parterre, j'entendis une voix qui me disait en langue hébraïque : Saul, Saul, pourquoi me persécutez-vous ? Il vous est dur de regimber contre l'aiguillon. Et moi je dis : Qui êtes-vous, Seigneur? Et le Seigneur me dit : de suis Jésus, que vous persécutez. Mais levez-vous et vous tenez debout ; car je vous ai apparu, afin de vous établir ministre et témoin des choses que vous avez vues, et aussi de celles, que je vous montrerai, vous ayant délivré de ce peuple et des gentils auxquels je vous envoie maintenant, pour leur ouvrir les yeux, afin qu'ils se convertissent des ténèbres à la lumière, et de la puissance de Satan à Dieu, et que, pour la foi «qu'ils,auront en moi, ils reçoivent la rémission des péchés et aient leur part à l'héritage des saints (9-18) ». Considérez avec quelle douceur Paul s'exprime : « Dieu m'a dit : je vous ai  apparu afin de vous établir a ministre et témoin des choses que vous avez vues, et de celles aussi que je vous montrerai, vous ayant délivré de ce peuple et des gentils auxquels je vous envoie maintenant, «pour leur ouvrir les yeux, afin qu'ils, se convertissent.des ténèbres à la lumière, et de la puissance de Satan à Dieu, et qu'ils reçoivent la rémission des péché». C'est comme s'il disait : J'ai cru à ces paroles, c'est par cette vision qu'il m'a ramené à lui, et qu'il m'a tellement convaincu que je n'ai pu différer d'un. seul instant. « Je ne résistai donc pas, ô roi Agrippa ! à la vision céleste ; mais j'ai annoncé premièrement. à ceux de Damas, et ensuite dans Jérusalem, dans toute la Judée et aux gentils, qu'ils fissent pénitence, et qu'ils se convertissent à Dieu, en faisant de dignes oeuvres de pénitence (19-20) ». Moi donc qui enseigne aux autres à vivre le plus saintement qu'il est possible, comment ai-je pu, dit-il , me faire le chef et l'instigateur de séditions et de disputes? « Voilà le sujet pour lequel les Juifs s'étant saisis de moi dans le temple, se sont efforcés de me tuer. Mais par l'assistance que Dieu m'a donnée, j'ai subsisté jusqu'à ce jour, rendant témoignage de Jésus aux grands et aux petit !  et ne disant autre chose que ce que les prophètes et Moïse ont prédit comme devant arriver; à savoir que le Christ souffrirait la mort, et qu'il serait le premier qui ressusciterait d'entre les morts, et qui annoncerait la lumière au peuple et aux gentils (21-23) »: Voyez comme tout ce discours est exempt de vanité et de vaine gloire, et comme il rapporte tout à Dieu. Voyez aussi avec quelle noble liberté il s'exprime : « Et maintenant même je ne me désiste pas de mon dessein ». Voyez son assurance : « Je suis fortifié dans ma croyance par les prophètes qui ont prédit que le Christ souffrirait la mort, et qu'il serait le premier qui, ressuscité d'entre les morts, annoncerait la lumière ». Comme si il disait : « Le premier ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus ». (Rom. VI, 9.) Il est clair que cette vérité, étant annoncée à tous, tous doivent s'attendre à ce qu'elle se réalise pour eux-mêmes.

Festus voyant la liberté avec laquelle Paul parlait au roi, sans cesser d'avoir les yeux sur lui, lui dit comme s'il ressentait quelque chose en lui-même : « Vous êtes insensé , Paul ». Et la suite vous prouve l'émotion qui le fait parler ainsi : « Lorsqu'il disait ces choses pour sa .défense, Festus s'écria : Vous êtes insensé, Paul ; votre grand savoir vous met hors de sens (24) ». Et que fait Paul? Il se borne à répondre avec douceur : « Je ne suis point insensé, très-excellent Festus; mais a l'es paroles que je viens de dire sont des paroles de vérité , et de bon sens (25) ». Il expose ensuite les raisons qu'il a pour adresser .au roi son discours. « Car le roi devant lequel je parle avec liberté est bien informé de tout ceci ; je sais qu'il n'ignore rien de ce que je dis, parce que ce ne sont pas des choses qui se soient passées en secret. O roi Agrippa ! ne croyez-vous pas aux prophètes? Je sais que vous y croyez ». Il s'exprimait ainsi avec une sorte d'ironie; car c'est comme s'il leur disait : Je sois qu'Agrippa connaît ces choses parfaitement, et vous, vous devriez être les premiers à les savoir (car c'est à cette (270) conséquence que conduisent nécessairement ces mots : « Car ce ne sont pas des choses qui se soient passées en secret »); mais vous n'avez pas. voulu. « O roi Agrippa ! ne croyez-vous pas aux prophètes? Je sais que vous y croyez. — Et Agrippa dit à Paul : Il ne s'en faut.guère que vous me persuadiez d'être chrétien. Paul lui répondit : Plût à Dieu que nons-seulement il ne s'en fallût guère, mais qu'il ne s'en fallût rien du tout que vous, et tous ceux qui m'écoutent présentement, devinssent tels que je, suis, à la -réserve de, ces liens (26-29) ». Voyez comme il prie : « Plût à Dieu que, etc. ». Et non-seulement il prie, mais il prie avec ferveur : « Non-seulement vous, mais vous tous qui m'écoutez, puissiez-vous devenir tels que je suis » ! Puis il ajoute : « A la réserve de ces liens». Ce n'est pas qu'il éprouve de la peine à porter ces chaînes, ce n'est pas qu'il en rougisse (car rien n'était plus glorieux pour lui); mais il s'exprime ainsi, pour avoir égard à leur manière de voir. Telle est la raison polir laquelle il ajoute : « A la réserve de ces liens ».

Mais revenons sur ce qui a été lu plus haut. Le lendemain dont, comme ils furent entrés dans la salle des audiences, Paul fut amené par le commandement de Festus. » Déjà les  Juifs s'étaient désistés, voyant que. Paul en avait appelé, et c'est alors qu'il trouvé devant .lui un brillant auditoire , le roi et toute la multitude des Juifs s'étant rendus là en grande pompe, sans. qu'on pût dire de ceux-ci que les uns y étaient venus, et.les autres non : « Tout le peuple Juif, dit. Festus, m'est venu trouver dans Jérusalem et ici, me représentant avec de grands cris qu'il n'était pas juste de le laisser vivre plus longtemps ».

3. Voyez leur folie: ils vociféraient, disant qu'il fallait le mettre à mort. Il montre par là que c'est à bon droit que Paul en a appelé à César. Car s'ils n'ont rien de grave à lui reprocher, et qu'en même temps ils se mettent en fureur, il est tout naturel qu'il s'adresse- à César. «Afin qu'après que vous aurez examiné son affaire, je sache ce que j'ai à écrire n, Avez-vous remarqué à combien d'informations diverses cette affaire est soumise? Et c'est aux Juifs que nous, devons cette défense que Paul. présente en ce moment ,, et qui sera bientôt entendue par ceux qui sont à Rome. « Je m'estime heureux, dit-il, ô roi Agrippa ! de pouvoir aujourd'hui me justifier devant vous de toutes les choses dont les Juifs m'accusent». Voyez.comme, malgré eux, ils sont devenus, auprès de celui-là même qui règne sur eux, les hérauts.de leur propre méchanceté et de la vertu de Paul, de sorte que Paul est renvoyé, à la suite de sa défense , avec plus d'éclat que si on l'avait délivré de ses chaînes; car ce n'était pas un trompeur, un magicien, qu'un si grand nombre de juges renvoyaient ainsi absous. Laissant donc tout ce qu'il avait, chez ses compatriotes , il part pour Rome, mon purement et simplement, mais exempta de tout soupçon. Et il n'a pas dit : Qu'est-ce donc? J'en ai déjà appelé à César; j'ai déjà été jugé bien des fois; quand tout cela, finira-t-il? Non. Il est encore.prêt à rendre compté de sa conduite devant celui qui connaît le mieux les affaires des Juifs. Aussi présente-t-il sa défense avec la plus grande liberté, en homme qui sait que ceux qui l'ont traduit en justice n'ont déjà plus de pouvoir sur lui ; toutefois, bien qu'ils fussent sans pouvoir sur lui, et qu'il ne relevât plus que de cette sentence : « Vous irez devant César », il rend compte très au long de toutes choses, et sans se permettre, d'éclaircir les unes et de passer les autres sous silence. Sa réplique revient à ceci: Ils m'accusent d'être un séditieux, ils m'accusent d'être u n sectaire , ils m'accusent d'avoir profané le temple. Eh bien ! je rends compte de tout cela : « Quant à la vie que j'ai menée dans Jérusalem depuis ma jeunesse, elle est connue de tous les Juifs ». Et c'est ainsi que rues accusateurs mêmes sont témoins qu'il n'est pas, dans mes habitudes de fomenter des séditions. Ce qu'il a déjà dit auparavant «Zélé sectateur des traditions de nos pères», il l'insinue ici par ces paroles : « La vie que j'ai menée dès mon enfance »..Et c'est au moment même où le peuple était rassemblé qu'il invoque leur témoignage : ce qu'il a déjà fait, à cet égard, devant le tribunal de Lysias, il le renouvelle devant le tribunal de Festus, et il le renouvelle en ce, lieu, précisément parce qu'un plus grand nombre de Juifs étaient là pour l'entendre. Et il n'avait pas besoin d'une bien longue justification, en présence, des lettrés de Lysias qui l'absolvaient. « Tous les Juifs, dit-il, qui m'ont connu dès mes plus tendres années, le savent ». Et il ne se met pas à exposer quelle a été sa vie; c'est à leur conscience qu'il laisse ce point à décider, faisant tout dépendre de cette doctrine de la (271) résurrection des morts qu'il a embrassée, et faisant entendre par là qu'il ne l'aurait pas embrassée, s'il eût été un pervers, un criminel. « C'est donc, dit-il, pour cette doctrine de la résurrection , que je suis en ce moment «en jugement ». Cette même résurrection, ils la révèrent; c'est pour elle qu'ils prient; c'est pour elle qu'ils rendent un culte à Dieu, afin qu'il les y fasse participer; ors c'est cette doctrine même que j'annonce, c'est parce que j'entretiens cette espérance que l'on m'accuse en ce moment. N'y a-t-il pas folie à tout faire pour obtenir cette résurrection , en même temps que l'on chasse et que l'or persécute celui qui y croit? « Pour moi, dit-il, j'avais cru d'abord qu'il n'y avait rien que je ne dusse faire contre le nom de Jésus de Nazareth », c'est-à-dire, si j'ai cru devoir agir ainsi,.c'est que, je n'étais pas au nombre des disciples du Christ, mais plutôt au nombre de ceux qui le combattaient. Ainsi Paul devint de la vérité chrétienne. un témoin digne de foi, puisqu'après avoir tout fait pour combattre les chrétiens, après les avoir excités à blasphémer, après avoir mis tout en oeuvre pour cette f ri, dans les villes, auprès des magistrats, et qu'après avoir fait tout cela par lui-même et de son propre mouvement, un changement si soudain s'est opéré en lui. feux qui agissaient de concert avec lui à cette époque sont aussi comme autant de témoins qu'il cite, et il montre ensuite toutes les raisons qu'il a eues de croire ; cette lumière resplendissante, les prophètes, les événements passés qui ont réalisé leurs prédictions, et ceux qui s'accomplissent en ce moment. Car il ajoute : « Lorsque j'étais en chemin, je vis en plein midi briller une lumière éclatante, qui m'environna ainsi que tous ceux qui m'accompagnaient ». Voyez donc de quelle manière il leur.propose comme motifs de croire et les prophètes et ces derniers faits. Pour ne pas se donner à leurs yeux les airs d'un novateur, bien qu'il lui soit facile, dans cet ordre d'idées, de leur dire de grandes choses, il a de nouveau recours aux prophètes , et met en avant leurs prédictions. Ce qui lui est arrivé est plus digne de foi, comme s'étant passé tout récemment; mais comme il a été seul à le voir, il le confirme de nouveau par l'autorité des prophètes : Et remarquez qu'il ne s'exprime pas devant le tribunal de la même manière que dans la synagogue. Là, en effet, il s'écrie : « Vous l'avez tué ! » Ici, il ne dit rien de semblable, pour ne pas enflammer encore davantage leur colère. Mais c'est bien la même chose qu'il fait entendre par ces mots : « Ne disant autre chose que ce que les prophètes et Moïse ont prédit devoir arriver, à savoir : que le Christ souffrirait ». Et ces paroles ne renferment aucune accusation, contre eux. Ainsi , ce que j'annonce, semble-t-il titre, à savoir : que le Christ serait le premier qui ressusciterait d'entre les morts, je le prouve par les prophètes : car c'est cela, même qu'ils annoncent. Recevez donc ce discours qui est le discours même des prophètes. Mais comme il a dit qu'il avait eu lui-même une vision , il s'exprime ensuite avec plus de fierté sur les belles et. saintes oeuvres dont l'accomplissement lui a. été confié dans cette vision même; et quelles sont-elles ? « Pour leur ouvrir les yeux , afin qu'ils se convertissent des ténèbres à la lumière, et de la puissance de Satan à Dieu; car c'est pour cela que je vous ai apparu », c'est-à-dire, non pour punir, mais pour faire de vous un apôtre.

Remarquez qu'il énumère les    maux . qui sont le partage des incrédules , Satan, les ténèbres; et les biens qui attendent les vrais croyants, la lumière, Dieu; et le sort réservé aux saints. Et par là il n'exhorte pas seulement à la, pénitence; il exhorte encore à mener une vie exemplaire. Remarquez en même temps que les gentils reviennent partout dans ce discours; car, outre les Juifs;il y avait des gentils dans l'auditoire. « Rendons, dit-il, témoignage de Jésus aux grands et aux petits », c’est-à-dire , aux hommes d'un rang élevé comme à ceux d'une condition obscure. Cela est dit à cause des soldats. Puis quittant le poste qu'il a occupé jusqu'ici pour sa propre défense, il prend le rôle de docteur. Et c'est alors que Festus lui dit : « Vous êtes insensé, Paul ». Ensuite , pour ne pas paraître s'ériger lui-même en maître, et de sa propre autorité, il cite les prophètes , Moïse prédisant que le Christ souffrirait, et qu'il serait le premier qui ressusciterait d'entre les morts , et qui «annoncerait la lumière air peuple et aux gentils. Festus s'écria alors de toute la puissance de sa voix..... », tant cette voix était pleine de fureur et de colère.

4. Et que répond Paul? Ce ne sont pas là des choses qui se soient passées en secret ». Il veut parler de la croix, de la résurrection, (272) de ces croyances qui se sont établies dans l'univers entier. « O roi Agrippa », dit-il, « ne croyez-vous pas », il ne dit pas: à la résurrection, mais « aux prophètes? » Puis prévenant sa réponse : « Je sais », dit-il, « que vous y croyez ». Et Agrippa se borne à lui dire : « Il s'en faut peu que vous ne me persuadiez d'être chrétien ». Le mot : « Il s'en faut peu» , Paul ne l'entend pas du fond des choses, mais dans le sens de : « Depuis peu de temps », et c’est à ce sens qu'il répond en homme simple et peu familier avec les artifices de la parole. Et il ne dit pas : « Je voudrais », mais « je prie Dieu que non-seulement vous, mais tous ceux qui m’écoutent présentement... ». Remarquez combien ces paroles sont exemptes de toute flatterie : « Je prie Dieu », dit-il, « que vous deveniez tous aujourd'hui. tels que je suis, à la réserve de ces liens ». Voyez : Lui qui se glorifie de ses chaînes, lui qui est fier de les montrer comme une chaîne d'or, les détourne maintenant des autres par ses voeux. Mais ne vous en étonnez pas; car ils étaient encore trop faibles, et par condescendance, il appropriait son langage à leur faiblesse. Et. quant au haut prix qu'il attacher à ses chaînes, écoutez comme il les met, dans ses épîtres, au-dessus de tout, quand il dit : « Moi, Paul, qui suis prisonnier de Jésus-Christ» (Ephés. III, 1); et encore : C'est pour Jésus-Christ que je suis dans les liens: c'est pour lui que je souffre beaucoup «de maux , jusqu'à être dans les chaînes comme un scélérat : mais la parole de Dieu n'est point enchaînée ». (Coloss. IV, 3 ; et II Tim. II, 9.) Remarquez qu'il ne mentionne pas seulement les chaînes » , mais qu'il ajoute encore : « Comme un scélérat », pour élever d'autant la gloire qu'il tire de ces chaînes. Un double supplice lui a été infligé : il était enchaîné, et il l'était comme un scélérat. Car s'il eût été jeté dans les fers comme pour une bonne action, il trouverait quelque consolation dans cette circonstance même ; mais il l'a été comme un scélérat, comme un homme qu'on surprend dans une action criminelle, et il ne s'est pas inquiété de cette aggravation de châtiment. C'est ainsi que l'âme s'élève sur les ailes de l'amour divin. En effet, si ceux qui brûlent d'un amour déshonnête, n'estiment rien d'honorable et de précieux que ce qui peut servir à la satisfaction de leurs convoitises, de tells sorte que la  femme qu'ils aiment est tout à leurs jeux, combien plus ceux que captive ce céleste amour méprisent-ils tout ce que les autres recherchent. Et il n'est pas étonnant que nous ne comprenions pas le sens sublime de ces paroles :.nous sommes tout à fait étrangers à cette haute philosophie. Celui qu'embrase ce feu du Christ, devient comme s'il était le seul homme vivant sur la terre, tant il n'a nul souci, ni de ce qu'on appelle la gloire, ni de ce qu'on appelle l'ignominie : il est aussi indifférent à. tout cela que le serait celui qui se trouverait seul au monde. Il méprise les afflictions, les flagellations, les cachots, comme s'il endurait tout cela dans un autre corps que le sien, ou plutôt comme s'il avait un corps plus dur que le diamant. Et quant aux plaisirs de cette vie, il s'en moque, il est insensible à leur égard, comme nous le sommes à l'égard des corps morts, ou comme si nous étions morts nous-mêmes. Il est aussi éloigné de se laisser surprendre par quelque passion, que l'or pur et, éprouvé par le feu est exempt de toute souillure. Et de même que les moucherons se gardent bien de se laisser tomber au milieu de la flamme, mais s'en écartent; de même les passions n'osent même pas s'approcher de ce feu divin. Je voudrais bien pouvoir tirer de nous-mêmes les exemples que j'ai à vous proposer à ce sujet; mais, n'en trouvant pas, je suis forcé de recourir à celui-là.

        Considérez donc de quelle manière Paul envisage le monde entier. « Le monde », dit-il, « est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Gal. VI, 14), c'est-à-dire, je suis mort au monde, et le monde est mort en moi. Et encore : « Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi ». (ibid. II, 20.) Il n'appartient qu'à Paul de s'exprimer ainsi; mais nous qui sommes au-dessous de lui, autant que la- terre est éloignée du ciel, nous n'avons qu'à nous cacher, dans notre confusion, sans oser même ouvrir la bouche. Et ce qui prouve qu'il regardait les choses présentes tout comme s'il eût été dans un désert, c'est ce qu'il dit ailleurs; écoutez-le : « Nous ne considérons pas les choses visibles, mais les invisibles », (II Cor. IV, 18. » Vous allez me dire : c'est précisément le contraire de ce que vous dites, qui est vrai : ce sont les choses invisibles que nous ne voyons pas, et les visibles que nous voyons. — Les yeux qui liens Ont été donnés par le Christ sont tels que (273) ceux que vous aviez déjà : ceux-ci voient les choses visibles, ruais ne voient pas les invisibles; il en est de même des autres, mais dans un sens inverse : aucun homme voyant les choses invisibles, ne voit les choses visibles;  aucun homme voyant les choses visibles, ne voit les Invisibles. Est-ce qu'il.n'en est pas de même chez nous ? Car lorsque, recueillant notre esprit par la réflexion; nous raisonnons sur quelque chose d'invisible, c'est à l'aide de certaines facultés sublimes qui deviennent comme des yeux pour nous.

Méprisons la gloire ; préférons les moqueries aux éloges; celui dont on se' moque, n'en éprouve aucun mal; mais celui qu'on loue et qu'on flatte, éprouve dé grands maux. N'attachons pas grande importance aux choses qui ont coutume d'effrayer les hommes, mais traitons-les comme des jeux d'enfants. Si nous apercevons quelqu'un qui se met à faire peur à des enfants, nous ne. l'admirons pas pour, cela, car quel que soit d'ailleurs cet individu, il n'effraie, après tout, que des enfants , et n'aurait pas le pouvoir d'effrayer un homme. Physiquement, comment s'y prennent ceux qui cherchent à effrayer? Ils relèvent les sourcils, ou contournent de toute autre manière leur visage, pour. avoir l'aspect menaçant, et ceux qui ont le regard doux et bon ne pourraient y réussir : de même; au sens moral, c'est comme en émoussant la perspicacité naturelle de l'esprit de leurs semblables qu'ils parviennent à leur fin. Aussi un homme doux et doué d'une belle âme n'effraie personne tout au contraire, nous le révérons tous , nous l'honorons , nous avons pour lui une crainte respectueuse. Ne voyez-vous pas comme l’homme qui cherche à se rendre terrible est pour vous un objet de haine et d'abomination ? Ne suffit-il pas que certaines choses puissent nous effrayer pour que nous nous en détournions avec horreur? N'en est-il pas ainsi des bêtes féroces, de certaines voix, de certains spectacles, de certains lieux, de l'air.même, par exemple , quand nous sommes dans les ténèbres?

5. N'attachons donc pas une grande importance à ce que les hommes nous craignent. Car, premièrement, aucun homme ne nous craint véritablement. En second lieu, il n'y a aucune grandeur véritable à être nain. La grandeur vraiment estimable réside dans la vertu. Remarquez ce qui en fait la grandeur. Tout en considérant comme méprisables isolément, certaines choses dont elle se compose, nous la proclamons admirable et bienheureuse en elle-même. En effet, qui pourrait se refuser à proclamer bienheureux le philosophe, quoique la pauvreté et beaucoup d'autres choses pareilles semblent méprisables ? Ainsi, bien que le philosophie ne brille, pour ainsi dire , qu'à travers ce cortège de choses qui semblent méprisables, voyez à quelle hauteur incomparable il se place! Tu es orgueilleux de ta puissance , ô homme ! Mais, dis-moi, n'est-ce 'pas des hommes que te vient le pouvoir que tu exerces ? Eh bien, cet empire que tu as au dehors, exerce-le en toi-même et dans l'intérieur de ton être. Le véritable magistrat n'est pas celui qu'on appelle ainsi, mais celui qui l'est réellement. Car de même qu'un roi ne saurait faire un médecin, ni. un orateur, de même ne saurait-il faire un magistrat ; ce qui fait le magistrat, ce n'est ni la missive qui l'investit de.sa charge, ni le titre qui lui est conféré. — Une comparaison éclaircira ma pensée : Supposez qu'un homme établisse une officine de pharmacien ; qu'il y réunisse des élèves; qu'il y place des instruments de chirurgie et des remèdes, et qu'il aillé ensuite' visiter des malades. Est-ce que tout cela suffit pour faire un médecin? Nullement: il. lui faut l'art et l'habileté, et à défaut de cette condition , non-seulement toutes ces choses que nous venons d'énumérer ne servent de rien, mais encore sont dangereuses : car il vaut mieux que celui qui n'est pas médecin n'ait pas de remèdes à sa disposition. En effet, n'en ayant. pas, il ne peut ni guérir ni tuer les malades; mais s'il en a, comme en même temps il ne sait pas s'en servir : il ne peut que faire des victimes, l'efficacité des remèdes ne résidant pas seulement dans leur nature propre, mais encore dans fart et l'intelligence de celui qui les applique : sans cette condition, tout est perdu. Eh bien, il en est de même quand il s'agit d'un. magistrat : il a à sa disposition dès armes, une voix souvent enflée par la colère, des licteurs, les proscriptions qu'il peut prononcer : il est comblé d'honneurs, de présents, d'éloges; il a aussi ses remèdes, ce sont lés lois ; il a ses malades, ce sont les .hommes qu'il gouverne ; il a son officine, c'est le tribunal; ses élèves, ce sont les soldats : mais s'il ignore l'art du médecin, toutes ces choses ne lui serviront de rien. Le juge est le (274) médecin des âmes, et non des corps; or, si la santé du corps exige tant de soins, à combien plus forte raison la santé de l'âme, qui a sur le corps une telle prééminence. Ainsi, avoir le nom de magistrat, ce n'est pas être magistrat; car d'autres aussi sont appelés de grands noms, tels que Paul, Pierre, Jacques, Jean; mais ce n'est pas à cause des noms qu'ils portent qu'ils sont tels qu'on les appelle : pour ne citer qu'un exemple, bien que je porte le même nom que le dernier des saints que je viens de mentionner, cette homonymie ne fait pas que je sois une seule et même personne avec lui; je ne suis pas Jean, mais je m'appelle Jean. Ainsi, les hommes dont je parle ne sont pas des magistrats, mais on leur en donne le nom. Et il y en a qui sont magistrats, sans avoir rien de commun avec ceux dont je parle, comme le médecin est médecin, bien qu'il n'exerce pas son art, mais le tienne caché au-dedans de, lui-même. Il y a les magistrats qui se commandent à eux-mêmes.

Il y a pour l'âme trois choses : la maison, la cité, l'univers. Il faut que celui qui est chargé d'édifier une maison à laquelle il sera ensuite préposé, s'applique, au préalable, à régler son âme; car cette âme est sa maison  et s'il ne peut pas gouverner cette maison, où il est le maître, où il habite toujours avec lui-même, comment pourra-t-il n édifier n les autres? Celui qui peut gouverner son âme, qui peut à telle de ses facultés assurer le commandement, à telle autre imposer l'obéissance, celui-là pourra aussi gouverner sa maison; or, celui qui sait gouverner sa maison, saura gouverner la cité., et celui qui sait- gouverner la cité, pourra gouverner l'univers. Mais s'il ne peut gouverner son âme, comment pourra-t-il gouverner l'univers? — J'ai dit tout cela pour que nous ne soyons pas follement engoués de l'autorité et de la puissance, pour que nous voyions bien ce que c'est que le pouvoir; car ce que je viens de retracer, n'est pas un vrai pouvoir : c'est une dérision, un esclavage, ou de tout autre nom qu'on veuille l'appeler. Dites-moi, quel est le propre d'un magistrat? N'est-ce pas d être utile à ceux qui sont sous son autorité, et de leur faire du bien? Or, comment pourra-t-il être utile aux autres, celui qui n'a pu être utile à lui-même? Celui dont l'âme est en proie aux mille tyrannies des passions, comment pourra-t-il apaiser les passions des autres?

Le même raisonnement pourrait s'appliquer à notre engouement pour le plaisir. Examinons quels sont ceux qui ont le plaisir en partage. Est-ce, que ce sont les riches,-ou ceux qui ne le sont pas ? Le plaisir n'appartient, absolument parlant, ni aux uns ni aux autres, mais à ceux qui règlent et gouvernent leur âme de manière à ne pas nourrir d'avance en eux-mêmes une foule de sujets de tristesse et de chagrin. Et en quoi, me dira-t-on peut-être, consiste cette manière de vivre? Car je vous vois tous impatients d'apprendre quelle est donc cette vie ainsi exempte de chagrins. Eh bien; que ce soit d'abord pour vous une chose constante qu'il y a plaisir, qu'il y a jouissance pour l'homme à ne pas être tourments par de vains.désirs, à ne pas ressentir cette sensualité qui recherche la délicatesse des mets et les vins, la somptuosité de la table et le luxe des vêtements. Et si je vous montre que cette vie exempte de chagrins, dont je viens de parler, consiste précisément à réprimer ses désirs et cette sensualité, attachez-vous à cette manière de vivre, et cherchez-y votre plaisir, car beaucoup de sujets de tristesse nous arrivent faute d'avoir convenablement réfléchi. Or, quel est celui des deux qui sera exposé à plus de chagrins: celui. qui recherche toutes ces choses que j'ai énumérées, ou celui qui ne s'en préoccupe pas; celui qui craint les vicissitudes des affaires humaines, ou celui qui ne les craint pas ; celui qui redoute les calomnies, l'envie, les délations, les embûches, l'a mort, ou celui qui est exempt de toi . Toutes ces craintes; celui qui a besoin de beaucoup de gens, ou celui qui n'a besoin de personne; celui qui est, pour ainsi dire, l'esclave de tout le monde, ou celui qui n'est l'esclave de personne; celui qui a mille maîtres, ou celui qui ne craint qu'un seul maître? C'est donc, dans la condition et dans la situation du second de ces deux hommes, que le plaisir est le plus grand. Attachons-nous donc à ce plaisir, et ne soyons pas engoués des choses présentes, mais tournons en risée les pompes et les vanités du monde, et gardons en tout la mesure, afin que nous puissions passer cette vie sans chagrins, et obtenir les biens promis, par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec lequel, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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