CHAPITRE LVIII
DE LA MANIERE DE RECEVOIR
LES FRÈRES EN RELIGION
Quelqu'un vient-il dans le but de
mener la vie monastique, il ne faut pas s'empresser de l'y introduire, mais plutôt se
conformer à l'avis de l'Apôtre " : Eprouvez ses dispositions, voyez si elles
s'inspirent de Dieu." Lors donc que le nouveau venu persévère à frapper à
la porte. Et que, devant les rebuffades et les difficultés qu'on oppose à son admission,
il montre pendant quatre ou cinq jours autant de patience à les supporter que de
persistance dans sa requête, ou lui donnera l'entrée et on le logera pour quelques jours
à l'appartement des hôtes.
Après quoi, il passera dans le quartier où se groupent les
novices pour l'étude, les repas et le sommeil, sous la conduite d'un ancien qui ait le
don de gagner les curs et qui exerce sur eux la vigilance la plus attentive. Et
cette sollicitude a pour objet de s'assurer que le novice cherche véritablement Dieu, et
qu'il se montre généreux dans le service divin, dans l'obéissance et dans les
épreuves. Qu'on ne manque pas de l'avertir de tous les durs travaux et aspérités de la
voie qui mène à Dieu.
S'il témoigne d'une constante volonté de se stabiliser, deux
mois déjà s'étant écoulés, on lui donnera une explication suivie de la Règle, en
ajoutant ces mots : " Telle est la loi sous laquelle vous désirez combattre :
si vous êtes disposé à l'observer, allez plus avant ; si vous ne vous en croyez
pas capable, vous êtes libre de vous retirer." S'il tient bon, qu'on le
ramène au susdit quartier des novices pour le soumettre derechef à tous les exercices de
la patience.
Après un laps de six mois, on lui expose de
nouveau la Règle, pour qu'il comprenne à quoi il s'engage. S'il demeure ferme, on lui
lira une fois encore, au bout de quatre mois, ce texte de la Règle. Et si, en pleine
maturité de conscience, il promet d'en garder tous les articles et d'accomplir tout ce
qu'on lui ordonnera, il sera alors incorporé à la communauté, étant averti que
l'autorité de la Règle inclut aussi, pour un profès, l'interdiction de quitter
désormais le monastère et de secouer le joug de la vie régulière, qu'au terme de si
longues réflexions il était à même de refuser ou d'accepter.
Le frère admis à la profession s'engagera
publiquement dans l'oratoire à garder la stabilité, les murs monastiques et
l'obéissance ; et si jamais il rompait ce pacte conclu en présence de Dieu et des
Saints, il sentirait peser sur lui la réprobation de ce Dieu qu'il aurait bravé. Il
rédigera cette promesse en forme de pétition au nom des Saints dont on possède les
reliques, avec mention de la présence de l'abbé. Il écrira de sa propre main cette
formule ; s'il ne sait les lettres, un autre à sa demande, l'écrira pour lui. Le novice