L'EPIPHANIE DE NOTRE-SEIGNEUR.
La Fête de l'Epiphanie est la
suite du mystère de Noël ; mais elle se présente, sur le Cycle chrétien, avec
une grandeur qui lui est propre. Son nom. qui signifie
Manifestation, indique assez qu'elle est destinée à honorer l'apparition
d'un Dieu au milieu des hommes. !
Ce jour, en effet, fut consacré
durant plusieurs siècles à fêter la Naissance du Sauveur ; et lorsque, vers
l'an 376, les décrets du Saint-Siège obligèrent toutes les Eglises à célébrer
désormais, avec Rome, le mystère de la Nativité au 25 décembre, le 6 janvier ne
fut pas entièrement déshérité de son antique gloire. Le nom d'Epiphanie
lui resta avec la glorieuse mémoire du Baptême de Jésus-Christ, dont une
tradition fixe l'anniversaire à ce jour.
L'Eglise Grecque donne à cette
Fête le vénérable et mystérieux nom de Théophanie, si célèbre dans
l'antiquité pour signifier une Apparition divine. On trouve ce nom dans Eusèbe,
dans saint Grégoire de Nazianze, dans saint Isidore
de Péluse ; il est le propre titre de la Fête dans les livres liturgiques de
l'Eglise Grecque.
Les Orientaux appellent encore cette solennité les
saintes Lumières, à cause du Baptême que l'on conférait autrefois en ce
jour, en mémoire du Baptême de Jésus-Christ dans le Jourdain. On sait
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que le Baptême est appelé dans les
Pères illumination, et ceux qui l’ont reçu illuminés.
Enfin, nous nommons
familièrement, en France, cette fête la Fête des Rois, en souvenance des Mages,
dont la venue à Bethléhem est particulièrement
solennisée aujourd'hui.
L'Epiphanie partage avec les
Fêtes de Noël, de Pâques, de l'Ascension et de la Pentecôte, l'honneur d'être
qualifiée de jour très saint, au Canon de la Messe ; et on la range
parmi les fêtes cardinales, c'est-à-dire parmi les solennités sur lesquelles repose
l'économie de l'Année liturgique. Une série de six Dimanches emprunte d'elle
son nom, comme d'autres successions dominicales se présentent sous le titre de Dimanches
après Pâques, Dimanches après la Pentecôte.
Par suite de la Convention faite
en 1801 entre Pie VII et le Gouvernement français, le légat Caprara procéda à
une réduction des fêtes, et la piété des fidèles en vit, à regret, supprimer un
grand nombre. Il y eut des solennités qui ne furent pas supprimées, mais dont
la célébration fut remise au Dimanche suivant. L'Epiphanie est de celles qui
subirent ce sort ; et toutes les fois que le 6 janvier n'est pas un Dimanche,
nos Eglises voient retarder jusqu'au Dimanche suivant les pompes qui
accompagnent un si grand jour dans tout l'univers catholique. Espérons que des
jours meilleurs luiront enfin sur notre Eglise, et qu'un avenir plus heureux
nous rendra les joies dont la sage condescendance du
Saint-Siège nous a sevrés pour un temps.
Ce jour de l'Epiphanie du
Seigneur est donc véritablement un grand jour ; et l'allégresse dans laquelle
nous a plongés la Nativité du divin Enfant doit s'épanouir, tout de nouveau,
dans cette
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solennité. En effet, ce second
rayonnement de la Fête de Noël nous montre la gloire du Verbe incarné dans une
splendeur nouvelle ; et sans nous faire perdre de vue les charmes ineffables du
divin Enfant, il manifeste dans tout l'éclat de sa divinité le Sauveur
qui nous a apparu dans son amour. Ce ne sont plus seulement les bergers qui
sont appelés par les Anges à reconnaître le VERBE FAIT CHAIR, c'est le genre
humain, c'est la nature entière que la voix de Dieu même convie à l’ adorer et à l'écouter.
Or, dans les mystères de sa
divine Epiphanie, trois rayons du Soleil de justice descendent jusqu'à nous. Ce
sixième jour de janvier, sur le cycle de Rome païenne, fut assigné à la
célébration du triple triomphe d'Auguste, auteur et pacificateur de l'Empire;
mais lorsque notre Roi pacifique, dont l'empire est sans limites et pour
jamais, eut décidé, par le sang de ses martyrs, la victoire de son Eglise,
cette Église jugea, dans la sagesse du ciel qui l'assiste, qu'un triple
triomphe de l'Empereur immortel devait remplacer, sur le Cycle régénéré,les
trois triomphes du fils adoptif de César.
Le six janvier restitua donc au
vingt-cinq décembre la mémoire de la Naissance du Fils de Dieu ; mais, en
retour, trois manifestations de la gloire du Christ vinrent s'y réunir dans une
même Epiphanie : le mystère des Mages, venus d'Orient sous la conduite de
l'Etoile, pour honorer la Royauté divine de l'Enfant de Bethléhem
; le mystère du Baptême du Christ, proclamé Fils de Dieu, dans les eaux du
Jourdain, par la voix même du Père céleste ; enfin le mystère de la puissance
divine de ce même Christ, transformant l'eau en vin, au festin symbolique des Noces
de Cana.
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Le jour consacré à la mémoire de
ces trois prodiges est-il en même temps l'anniversaire de leur accomplissement
? Cette question est débattue entre les savants. Dans ce livre, où notre but
n'est autre que de favoriser la piété des fidèles, nous n'entrerons point dans
ces discussions purement critiques ; nous nous contenterons de dire que
l'adoration des Mages a eu lieu en ce jour même, d'après le sentiment si grave
de Baronius, de Suarez, de Théophile Raynaud,
d'Honoré de Sainte-Marie, du cardinal Gotti, de Sandini, et d'une infinité d'autres, à l'opinion desquels
se joint expressément le suffrage éclairé de Benoît XIV. Le Baptême du Christ,
au six janvier, est un fait reconnu par les critiques les plus exigeants, par
Tillemont lui-même, et qui n'a été contesté que par une imperceptible minorité
d'écrivains. Quant au miracle des Noces de Cana, la certitude du jour précis de
son accomplissement est moins grande, bien qu'il soit impossible de démontrer
que ce prodige n'ait pas eu lieu le six janvier. Mais il suffit aux enfants de
l'Eglise que leur Mère ait fixé la mémoire de ces trois manifestations
dans la Fête d'aujourd'hui, pour que leurs cœurs applaudissent aux triomphes du
divin Fils de Marie.
Si nous considérons maintenant en
détail le multiple objet de la solennité, nous remarquons d'abord que
l'adoration des Mages est celui des trois mystères que la sainte Eglise Romaine
honore aujourd'hui avec le plus de complaisance. La majeure partie des chants
de l'Office et de la Messe est employée à le célébrer ; et les deux grands
Docteurs du Siège Apostolique, saint Léon et saint Grégoire, ont paru vouloir y
insister presque uniquement, dans leurs Homélies sur cette fête, quoiqu'ils
confessent avec saint Augustin, saint
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Paulin de Nole, saint Maxime de
Turin, saint Pierre Chrysologue, saint Hilaire d'Arles, et saint Isidore de
Séville, la triplicité du mystère de l'Epiphanie. La raison de la préférence de
l'Eglise Romaine pour le mystère de la Vocation des Gentils, vient de ce que ce
grand mystère est souverainement glorieux à Rome, qui, de chef de la gentilité
qu'elle était jusqu'alors, est devenue le chef de l'Eglise chrétienne et de
l'humanité, par la vocation céleste qui appelle en ce jour tous les peuples à
l'admirable lumière de la foi, en la personne des Mages.
L'Eglise Grecque ne fait point
aujourd'hui une mention spéciale de l'adoration des Mages; elle a réuni ce
mystère à celui de la Naissance du Sauveur dans ses Offices pour le jour de
Noël. Toutes ses louanges, dans la présente solennité, ont pour objet unique le
Baptême de Jésus-Christ.
Ce second mystère de l'Epiphanie
est célébré en commun avec les deux autres par l'Eglise latine, au six janvier.
Il en est fait plusieurs fois mention dans l'Office d'aujourd'hui ; mais la
venue des Mages au berceau du Roi nouveau-né attirant surtout l'attention de
Rome chrétienne en cette journée, il a été nécessaire, pour que le mystère de
la sanctification des eaux fût dignement honoré, d'en attacher la mémoire à un
autre jour. L'Octave de l'Epiphanie a été choisie par l'Eglise d'Occident pour
honorer spécialement le Baptême du Sauveur.
Le troisième mystère de
l'Epiphanie étant aussi un peu offusqué par l'éclat du premier, quoiqu'il soit
plusieurs fois rappelé dans les chants de la Fête, sa célébration spéciale a
été pareillement remise à un autre jour, savoir au deuxième Dimanche après
l'Epiphanie.
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Plusieurs Eglises ont réuni au
mystère du changement de l’eau en vin celui de la multiplication des pains, qui
renferme en effet plusieurs analogies avec le premier, et dans lequel le
Sauveur manifesta pareillement sa puissance divine ; mais l'Eglise
Romaine, en tolérant cet usage dans les rites Ambrosien et Mozarabe, ne l'a
jamais reçu, pour ne pas déroger au nombre de trois qui doit marquer sur le Cycle
les triomphes du Christ, au six janvier ; et aussi parce que saint Jean nous
apprend, dans son Evangile, que le miracle de la multiplication des pains eut
lieu aux approches de la Fête de Pâques: ce qui ne pourrait convenir en aucune
façon à l'époque de l'année où l'on célèbre l'Epiphanie.
Pour la disposition des matières,
dans cette solennité, nous garderons l'ordre suivant. Aujourd'hui, nous
honorerons avec l'Eglise les trois mystères à la fois ; dans le cours de
l'Octave, nous contemplerons le mystère de la venue des Mages ; nous vénérerons
le Baptême du Sauveur, au jour même de l'Octave ; et nous traiterons le mystère
des Noces de Cana, au deuxième Dimanche après la fête, jour auquel l'Eglise a
réuni, dans ces derniers temps, avec une parfaite harmonie, la solennité du
très saint Nom de Jésus.
Livrons-nous donc tout entiers à
l'allégresse d'un si beau jour; et dans cette fête delà Théophanie, des saintes
Lumières, des Rois Mages, considérons avec amour l'éblouissante
lumière de notre divin Soleil qui monte à pas de géant, comme dit le Psalmiste(Ps. XVIII), et qui verse sur nous les flots d'une
lumière aussi douce qu'éclatante. Déjà les bergers accourus à la voix de l'Ange
ont vu renforcer leur troupe fidèle ; le prince des Martyrs, le Disciple Bien-Aimé, la blanche cohorte
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des Innocents, le glorieux Thomas,
Silvestre, le Patriarche de la paix, ne sont plus seuls à veiller sur le
berceau de l'Emmanuel ; leurs rangs s'ouvrent pour laisser passer les Rois de
l'Orient, porteurs des vœux et des adorations de l'humanité entière. L'humble
étable est devenue trop étroite pour un tel concours ; et Bethléhem
apparaît vaste comme l'univers. Marie, le Trône de la divine Sagesse, accueille
tous les membres de cette cour avec son gracieux sourire de Mère et de Reine ;
elle présente son Fils aux adorations de la terre et aux complaisances du ciel.
Dieu se manifeste aux hommes, parce qu'il est grand ; mais il se manifeste
par Marie, parce qu'il est miséricordieux.
Nous trouvons dans les premiers
siècles de l'Eglise deux événements remarquables qui ont signalé la grande
journée qui nous rassemble aux pieds du Roi pacifique. Le six janvier 361, le
César Julien, déjà apostat dans son cœur, à la veille de monter sur le trône
impérial que bientôt la mort de Constance allait laisser vacant, se trouvait à
Vienne dans les Gaules. 11 avait besoin encore de l'appui de cette Eglise
chrétienne dans laquelle on disait même qu'il avait reçu le degré de Lecteur,
et que cependant il se préparait à attaquer avec toute la souplesse et toute la
férocité du tigre Nouvel Hérode, artificieux comme l'ancien, il voulut aussi,
dans ce jour de l'Epiphanie, aller adorer le Roi nouveau-né. Au rapport de son
panégyriste Ammien Marcellin, on vit le philosophe
couronné sortir de l'impie sanctuaire où il consultait en secret les aruspices,
puis s'avancer sous les portiques de l'église, et au milieu de l'assemblée des
fidèles, offrir au Dieu des chrétiens un hommage aussi solennel que sacrilège.
Onze ans plus tard, en 372, un
autre Empereur
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pénétrait aussi dans l'église, en
cette même solennité de l'Epiphanie. C'était Valens, chrétien parle Baptême
comme Julien, mais persécuteur, au nom de l’Arianisme, de cette même Eglise que
Julien poursuivait au nom de ses dieux impuissants et de sa stérile philosophie.
La liberté évangélique d'un saint Evêque abattit Valens aux pieds du Christ
Roi, en ce même jour où la politique avait contraint Julien de s'incliner
devant la divinité du Galiléen.
Saint Basile sortait à peine de
son célèbre entretien avec le préfet Modestus, dans
lequel il avait vaincu toute la force du siècle par la liberté de son âme
épiscopale. Valens arrive à Césarée, et, l'impiété arienne dans le cœur, il se
rend à la basilique où le Pontife célébrait avec son peuple la glorieuse
Théophanie. « Mais, comme le dit éloquemment saint Grégoire de Nazianze, à peine l'Empereur a-t-il franchi le seuil de
l'enceinte sacrée, que le chant des psaumes retentit à ses oreilles comme un
tonnerre. Il contemple avec saisissement la multitude du peuple fidèle,
semblable à une mer. L'ordre, la pompe du sanctuaire éclatent à ses yeux d'une
majesté plus angélique qu'humaine. Mais ce qui l'émeut plus que tout le reste,
c'est cet Archevêque debout en présence de son peuple, le corps, les yeux,
l'esprit aussi fermes que si rien de nouveau ne se fût passé ; tout entier à
Dieu et à l'autel. Valens considère aussi les ministres sacrés, immobiles dans
le recueillement, remplis de la sainte frayeur des Mystères. Jamais l'Empereur
n'avait assisté à un spectacle si auguste ; sa vue s'obscurcit, sa tête tourne,
son âme est saisie d'étonnement et d'horreur. »
Le Roi des siècles, Fils de Dieu
et Fils de
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Marie, avait vaincu. Valens sentit s'évanouir ses projets de
violence contre le saint Evêque ; et si, dans ce moment, il n'adora pas le
Verbe consubstantiel au Père, du moins il confondit ses hommages extérieurs
avec ceux du troupeau de Basile. Au moment de l'offrande, il s'avança vers la
barrière sacrée, et présenta ses dons au Christ en la personne de son Pontife.
La crainte que Basile ne les voulût pas recevoir agitait si violemment le
prince, que la main des ministres du sanctuaire dut le soutenir pour qu'il ne
tombât pas, dans son trouble, au pied même de l'autel.
Ainsi, dans cette grande solennité, la Royauté du Sauveur
nouveau-né a-t-elle été honorée par les puissants de ce monde qu'on a vus,
selon la prophétie du Psaume, abattus, et léchant la terre à ses pieds (1).
Mais de nouvelles générations
d'empereurs et de rois devaient venir qui fléchiraient les genoux, et présenteraient
au Christ-Seigneur l'hommage d'un cœur dévoué et
orthodoxe. Théodose, Charlemagne, Alfred le Grand, Etienne de Hongrie, Edouard
le Confesseur, Henri II l'Empereur, Ferdinand de Castille, Louis IX de France,
tinrent ce jour en grande dévotion ; et leur ambition fut de se présenter avec
les Rois Mages aux pieds du divin Enfant, et de lui ouvrir comme eux leurs
trésors. L'usage s'était même conservé à la cour de France jusqu'à l'an 1378 et
au delà, comme en fait foi le continuateur de Guillaume de Nangis, que le Roi
très chrétien, venant à l'offrande, présentât de l'or, de l'encens et delà
myrrhe, comme un tribut à l'Emmanuel.
Mais cette représentation des
trois mystiques
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présents des Mages n'était pas
seulement usitée à la cour des rois : la piété des fidèles au moyen âge
présentait aussi au Prêtre pour qu'il les bénît, en la Fête de l'Epiphanie, de
l'or, de l'encens et de la myrrhe ; et l'on conservait en l'honneur des trois
Rois ces signes touchants de leur dévotion envers le Fils de Marie, comme un
gage de bénédiction pour les maisons et pour les familles. Cet usage s'est
conservé encore en quelques diocèses d'Allemagne, et il n'a disparu du Rituel
Romain que dans l'édition de Paul V, qui crut devoir supprimer plusieurs bénédictions,
que la piété des fidèles ne réclamait plus que rarement.
Un autre usage a subsisté plus
longtemps, inspiré aussi par la piété naïve des âges de foi. Pour honorer la
royauté des Mages venus de l'Orient vers l'Enfant de Bethléhem,
on élisait au sort, dans chaque famille, un Roi pour cette fête de l'Epiphanie.
Dans un festin animé d'une joie pure, et qui rappelait celui des Noces de
Galilée, on rompait un gâteau ; et l'une des parts servait à désigner le
convive auquel était échue cette royauté d'un moment. Deux portions du gâteau
étaient détachées pour être offertes à l'Enfant Jésus et à Marie, en la
personne des pauvres, qui se réjouissaient aussi en ce jour du triomphe du Roi
humble et pauvre. Les joies de la famille se confondaient encore une fois avec
celles de la Religion ; les liens de la nature, de l'amitié, du voisinage, se
resserraient autour de cette table des Rois ; et si la faiblesse humaine
pouvait apparaître quelquefois dans l'abandon d'un festin, l'idée chrétienne
n'était pas loin, et veillait au fond des cœurs.
Heureuses encore aujourd'hui les
familles au sein desquelles la fête des Rois se célèbre avec une pensée
chrétienne ! Longtemps, un faux zèle
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a déclamé contre ces usages naïfs
dans lesquels la gravité des pensées de la foi s'unissait aux épanchements de
la vie domestique ; on a attaqué ces traditions de famille sous le prétexte du
danger de l'intempérance , comme si un festin dépourvu de toute idée religieuse
était moins sujet aux excès. Par une découverte assez difficile, peut-être, à
justifier, on est allé jusqu'à prétendre que le gâteau de l'Epiphanie, et la
royauté innocente qui l'accompagne, n'étaient qu'une imitation des Saturnales
païennes : comme si c'était la première fois que les anciennes fêtes païennes
auraient eu à subir une transformation chrétienne. Le résultat de ces
poursuites imprudentes devait être et a été, en effet, sur ce point comme sur
tant d'autres, d'isoler de l'Eglise les mœurs de la famille, d'expulser de nos
traditions une manifestation religieuse, d'aider à ce qu'on appelle la
sécularisation de la société. Dans une grande partie de la France, le festin
des Rois est resté ; et l'intempérance a seule désormais la charge d'y
présider.
Mais retournons contempler le
triomphe du royal Enfant dont la gloire resplendit en ce jour avec tant
d'éclat. La sainte Eglise va nous initier elle-même aux mystères que nous avons
à célébrer. Revêtons-nous de la foi et de l'obéissance des Mages ; adorons,
avec le Précurseur, le divin Agneau au-dessus duquel s'ouvrent les cieux ;
prenons place au mystique festin de Cana, auquel préside notre Roi trois fois manifesté,
et trois fois glorieux. Mais, dans les deux derniers prodiges, ne perdons pas
de vue l'Enfant de Bethléhem, ne cessons pas non plus
de voir le grand Dieu du Jourdain, et le maître des éléments.
L'Eglise prélude à la solennité
de l'Epiphanie par le chant des premières Vêpres.
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LES PREMIÈRES VÊPRES DE L'EPIPHANIE.
1. Ant. ENGENDRÉ avant les siècles, le Seigneur,
notre Sauveur, apparaît aujourd'hui au monde.
Psaume CIX. Dixit Dominus,
page 67.
2. Ant.
Ta lumière a brillé, ô Jérusalem, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi,
et les nations marcheront à ta lumière. Alléluia.
Psaume CX. Confitebor tibi, Domine, page 68.
3. Ant.
Les Mages, ouvrant leurs trésors, offrirent au Seigneur l'or, l'encens et la
myrrhe. Alléluia.
Psaume CXI. Beatus vir, page 69.
4. Ant.
Mers et fleuves sanctifiés aujourd'hui, bénissez le Seigneur ; fontaines,
chantez l'hymne au Seigneur. Alléluia.
Psaume CXII. Laudate pueri, page 70.
5. Ant.
Cette étoile brille comme une flamme, et manifeste le Dieu, Roi des rois ; les
Mages l'ont vue et sont venus offrir leurs présents au grand Roi.
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PSAUME CXVI.
Toutes les nations, louez le
Seigneur ; tous les peuples, proclamez sa gloire.
Car sa miséricorde s'est
affermie sur nous et la vérité du Seigneur demeure éternellement.
La sainte Eglise, après avoir
ainsi célébré la puissance donnée au divin Enfant sur les rois, dont il
brisera la tête, au four de sa colère ; son alliance avec les nations qu
il donnera en héritage à son Eglise; sa lumière qui s'est levée
au milieu des ténèbres ; son Nom proclamé de l'aurore au couchant ;
après avoir, en ce jour de la Vocation des Gentils, invité toutes les nations,
tous les peuples, à louer la miséricorde et la Vérité éternelles, s'adresse à
Jérusalem, figure de l'Eglise, et l'appelle, par la bouche d'Isaïe, à jouir de
la Lumière qui se lève aujourd'hui sur la race humaine tout entière.
CAPITULE. (ISAÏE, LX.)
Lève-toi, Jérusalem ! sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du
Seigneur s'est levée sur toi.
L'Hymne vient ensuite ; et c'est
ce beau cantique de Sédulius dont nous avons chanté
les premières strophes dans les Laudes de Noël. L'Eglise y célèbre les trois
Epiphanies. Bethléhem, le Jourdain et Cana témoignent
tour à tour de la gloire du grand Roi Jésus.
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HYMNE.
Cruel Hérode, que crains-tu
de l'arrivée d'un Dieu qui vient régner? 11 ne ravit pas les sceptres mortels,
lui qui donne les royaumes célestes.
Les Mages s'avançaient,
suivant l'étoile qu'ils avaient vue et qui marchait devant eux : la lumière les
conduit à la Lumière ; leurs présents proclament un Dieu.
Le céleste Agneau a touché
l'onde du lavoir de pureté ; dans un bain mystique, il lave en nous des péchés
qu'il n'a point commis.
Nouveau prodige de puissance!
L'eau rougit dans les vases du festin ; docile, et changeant sa nature, elle
s'écoule en flots de vin.
O Jésus! qui
vous révélez aux Gentils, gloire à vous, avec le Père et l'Esprit divin, dans les
siècles éternels!
Amen.
V/. les
Rois de Tharsis et des îles lointaines lui
offriront des présents.
R/. Les Rois de l'Arabie et de
Saba lui apporteront des
dons.
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ANTIENNE DE Magnificat.
Les Mages, voyant l'étoile, se dirent l'un à l'autre : Voici
le signe du grand Roi; allons à sa recherche, et offrons-lui en présent l'or,
l'encens et la myrrhe. Alléluia.
Le Cantique Magnificat, page 75.
COLLECTE.
O Dieu, qui avez manifesté
aujourd'hui, par une étoile, votre Fils unique aux Gentils : faites, dans votre
bonté, que nous qui vous connaissons déjà par la foi, nous arrivions un jour à
contempler l'éclat de votre gloire. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.
Les chants de l'Eglise en
l'honneur de l'auguste Théophanie sont commencés. Demain, l'offrande du grand
Sacrifice viendra réunir tous les vœux; achevons cette journée dans le
recueillement et l'allégresse.
L'Office des Matines est d'une
grande magnificence ; mais comme il n'est pas fréquenté par les fidèles, nous
nous abstiendrons d'en reproduire ici les particularités. Dans l'Eglise de
Milan, les Matines de l'Epiphanie sont célébrées la nuit comme celles de Noël,
et se composent pareillement de trois Nocturnes, contre l'usage de la Liturgie
Ambrosienne qui n'a ordinairement qu'un
100
seul Nocturne à Matines. Le peuple
y assiste avec un grand concours : et cette sainte Veille est presque aussi
fréquentée que celle de la Naissance du Sauveur.