JEAN CHRYSOSTOME

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XXVII JANVIER. SAINT JEAN CHRYSOSTOME, ÉVÊQUE ET DOCTEUR DE L'ÉGLISE.

 

Avant l'arrivée de notre Emmanuel, les hommes étaient comme des brebis sans pasteur ; le troupeau était dispersé, et le genre humain courait à sa ruine. Jésus ne s'est donc pas contenté d'être l'Agneau destiné à l'immolation pour nos péchés ; il a voulu revêtir le caractère de Pasteur, pour nous rallier tous dans le divin bercail. Mais, comme il devait remonter aux cieux, il a pourvu aux besoins de ses brebis en établissant une suite de pasteurs qui paissent, en son nom, le troupeau, jusqu'à la consommation des siècles. Or, les brebis du Seigneur ont principalement besoin de la doctrine, qui est la lumière dévie; c'est pourquoi l'Emmanuel a voulu que les Pasteurs fussent aussi docteurs. La Parole divine et les Sacrements, telle est la dette des pasteurs envers leurs troupeaux. Ils doivent dispenser par eux-mêmes, et sans cesse, cette double nourriture à leurs brebis, et donner leur vie, s'il le faut, pour l'accomplissement d'un devoir sur lequel repose l'œuvre tout entière du salut du monde.

Mais, comme le disciple n'est point au-dessus du Maître, les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien, s'ils sont fidèles, sont en butte à la haine

 

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des ennemis de Dieu ; car ils ne peuvent étendre le royaume de Jésus-Christ qu'au détriment de la domination de Satan. Aussi l'histoire de l'Eglise n'est-elle, à chaque page, que le récit des persécutions qu'ont endurées les Pasteurs et Docteurs qui ont voulu continuer le ministère de zèle et de charité que le Christ a ouvert sur la terre. Trois sortes de combats leur ont été livrés dans la suite des siècles, et ont donné occasion à trois admirables victoires.

Les Pasteurs et Docteurs des Eglises ont eu à lutter contre l'erreur païenne, qui s'opposait par le carnage à la prédication de la loi sublime du Christ; c'est cette persécution qui a couronné et réuni autour du berceau de l'Emmanuel, dans les quarante jours consacrés à sa Naissance, les Polycarpe, les Ignace, les Fabien, les Marcel, les Hygin, les Télesphore.

Après l'âge des persécutions , une nouvelle arène, non moins glorieuse, s'est ouverte pour les Pasteurs et Docteurs du peuple chrétien. Les princes, devenus d'abord enfants de l'Eglise, ont voulu bientôt l'enchaîner. Ils ont cru dans l'intérêt de leur politique d'asservir cette parole qui doit librement parcourir le monde en tous sens, comme la lumière visible qui est son image. Ils ont voulu être prêtres et pontifes, comme aux jours du paganisme, et mettre arrêt sur ces sources de vie qui se tarissent dès qu'une main profane les a touchées. Une lutte incessante s'est établie entre les deux pouvoirs, spirituel et temporel ; cette longue période a produit aussi ses athlètes et ses martyrs. En chaque siècle, Dieu a glorifié son Eglise par les combats et les triomphes de plus d'un vaillant champion de la parole et du ministère. Thomas de Cantorbéry, Hilaire

 

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de Poitiers, représentent dignement ces chevaliers à la Cour du Roi nouveau-né.

Mais il est une autre série de combats pour les Pasteurs et Docteurs du peuple fidèle : c'est la lutte contre le monde et ses vices. Elle dure depuis le commencement du Christianisme, elle occupera les forces de l'Eglise jusqu'au dernier jour; et c'est parce qu'ils l'ont soutenue avec courage, que tant de saints prélats ont été odieux pour le nom de Jésus-Christ. Ni la charité, ni les services de tout genre, ni l'humilité, ni la mansuétude, ne les ont garantis de l'ingratitude, de la haine, de la calomnie, des persécutions ; parce qu'ils étaient fidèles à proclamer la doctrine de leur Maître, à venger la vertu, à s'opposer aux pécheurs. François de Sales n'a pas été plus exempt des effets de la malice des hommes que Jean Chrysostome lui-même, dont le triomphe réjouit aujourd'hui l'Eglise, et qui se présente au berceau de l'Emmanuel comme le plus illustre des martyrs du devoir pastoral.

Disciple du Sauveur des hommes jusque dans la pratique de ses conseils par la profession monastique, ce prédicateur à la bouche d'or n'a employé le don de son éloquence sublime qu'à recommander les vertus apportées par le Christ sur la terre, qu'à reprendre toute sorte de pécheurs. Une impératrice, dont il avait dénoncé les vanités païennes ; des hommes puissants, dont il avait signalé les œuvres mauvaises; des femmes influentes, aux oreilles desquelles sa voix importune tonnait trop souvent ; un évêque d'Alexandrie, des prélats de cour, plus jaloux encore de sa réputation que de sa vertu : telles sont les forces que l'enfer réunit contre Jean. L'amour de son peuple ne le garantira pas plus que la sainteté de

 

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sa vie ; et l'on verra cet illustre pontife qui avait ravi par le charme de sa parole les habitants d'Antioche, et autour duquel Constantinople tout entière se réunissait dans un enthousiasme qui ne se ralentit pas un seul jour, après s'être vu déposé dans un indigne conciliabule, après avoir vu son nom effacé des diptyques de l'autel, malgré la protestation énergique du Pontife romain, s'en aller mourir de fatigue, entre les mains des soldats, sur la route de l'exil.

Mais ce Pasteur, ce Docteur n'était pas vaincu. Il répétait, avec le grand Paul : « Malheur à moi, si je ne prêche pas l'Evangile ! » (I Cor. IX, 16.) Et encore: « La parole de Dieu ne s'enchaîne pas. » (II Tim. II, 9.) L'Eglise triomphait en lui, plus glorifiée et plus consolidée par la constance de Chrysostome mené en captivité pour avoir prêché la doctrine de Jésus-Christ, que par les succès de cette éloquence que Libanius avait enviée pour le paganisme. Ecoutons les fortes paroles de Chrysostome, à la veille de partir pour son dernier exil. Déjà il a été enlevé une fois ; mais un affreux tremblement de terre, présage de la colère du ciel, a contraint Eudoxie elle-même à demander avec larmes son rappel à l'Empereur. De nouveaux orages se forment contre Jean; mais il sent que toute la force de l'Eglise est en lui, et il défie la tempête. Apprenons ce que c'est qu'un Evêque formé à l'école de Jésus-Christ, le Pasteur et l'Evêque de nos âmes (I Petr. II, 25), comme parle saint Pierre :

« Les flots et la tourmente s'avancent contre nous ; cependant nous ne craignons pas d'en être submergés ; car nous sommes assis sur la pierre. Que la mer s'élance dans tout son courroux, elle ne dissoudra pas la pierre ; que les

 

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flots montent, ils ne submergeront pas le vaisseau de Jésus. Je vous le demande, que craindrions-nous ? La mort ? Mais le Christ est ma vie, et mourir m'est un gain. (Philip, I, 21.) L'exil, me direz-vous ? Mais la terre est au Seigneur, avec tout ce qu'elle renferme. (Psalm. XXXIII, I.) La confiscation des biens ? Mais nous n'avons rien apporté en venant en ce monde, et nous rien pouvons rien emporter. (I Tim. VI, 7.)  Les terreurs de ce monde me sont à mépris, et ses biens n'excitent que ma risée. Je ne crains pas la pauvreté, je ne convoite pas les richesses, je ne redoute pas la mort ; et si je désire vivre, c'est uniquement pour votre avantage. Votre intérêt est même le seul motif qui me porte à faire allusion à la circonstance présente.

« Voici la prière que je fais à votre charité : « Ayez confiance. Nul ne pourra nous séparer ; ce que Dieu a joint, ce n'est pas à l'homme de le désunir. Dieu l'a dit à propos de l'union de l'homme et de la femme. Tu ne peux, ô homme ! briser le lien d'un seul mariage ; comment pourrais-tu diviser l'Eglise de Dieu? C'est donc elle que tu attaques, parce que tu ne peux atteindre celui que tu poursuis. Le moyen de rendre ma gloire plus éclatante, d'épuiser plus sûrement encore tes forces, c'est de me combattre ; car il te sera dur de regimber contre l'aiguillon. (Act. IX, 5.) Tu n'en émousseras pas la pointe, et tes pieds en seront ensanglantés. Les flots n'entament pas le rocher ; ils retombent sur eux-mêmes, écume impuissante.

« O homme ! rien n'est comparable à la force de l'Eglise. Cesse la guerre, si tu ne veux pas sentir épuiser tes forces ; ne fais pas la guerre au ciel. Si tu déclares la guerre à l'homme, tu

 

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peux vaincre, ou succomber ; mais quand tu attaques l'Eglise, l'espoir de vaincre t'est interdit ; car Dieu est plus fort que tout. Serions-nous donc jaloux du Seigneur ? Serions-nous plus puissants que lui ? Dieu a fondé, il a affermi ; qui essaiera d'ébranler? Tu ne connais donc pas sa force? Il regarde la terre, et il la fait trembler ; il commande, et ce qui était ébranlé devient solide. Si naguère il a raffermi votre ville agitée par un tremblement de terre, combien plus pourra-t-il rasseoir l'Eglise ! Mais elle est plus solide que le ciel même. Le ciel et la terre passeront, dit le Seigneur ; mais mes paroles ne passeront point. Et quelles paroles? Tu es Pierre, et sur cette pierre qui est à moi, je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.

« Si tu ne crois pas à cette parole, crois aux faits. Combien de tyrans ont essayé d'écraser l'Eglise ? Que de bûchers, que de bêtes féroces, que de glaives ! Et tout cela pour ne rien produire. Où sont maintenant ces redoutables ennemis ? Le silence et l'oubli en ont fait justice. Et l'Eglise, où est-elle ? Sous nos yeux, plus resplendissante que le soleil. Mais si, lorsque les chrétiens étaient en petit nombre, ils n'ont pas été vaincus ; aujourd'hui que l'univers entier est plein de cette religion sainte, comment les pourrais-tu vaincre? Le ciel et la terre passeront, dit le Christ, mais mes paroles ne passeront, pas. Et il en doit être ainsi ; car l'Eglise a est plus aimée de Dieu que le ciel même. Ce n'est pas du ciel qu'il a pris un corps ; la chair qu'il a prise appartient à l'Eglise. Le ciel est pour l'Eglise, et non pas l'Eglise pour le ciel.

« Ne vous troublez pas de ce qui est arrivé.

 

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« Faites-moi cette grâce, d'être immobiles dans la foi. N'avez-vous pas vu Pierre, lorsqu'il marchait sur les eaux, pour avoir douté un instant, courir le risque d'être submergé, non par l'impétuosité des flots, mais à cause de la faiblesse de sa foi ? Sommes-nous donc monté sur ce siège par les calculs humains ? L'homme nous a-t-il élevé, pour que l'homme nous puisse renverser? Je ne le dis pas par arrogance, ni par une vaine jactance : à Dieu ne plaise ! je veux seulement affermir ce qui en vous serait flottant.

« La ville était rassise sur ses bases ; le diable a voulu ébranler l'Eglise. O esprit de scélératesse et d'infamie ! tu n'as pas su renverser des murailles , et tu espères ébranler l'Eglise ! Consiste-t-elle donc dans des murailles, l'Eglise? Non; l'Eglise, c'est la multitude des fidèles ; ils sont ses fermes colonnes, non liées avec le fer, mais serrées par la foi. Je ne dis pas seulement qu'une telle multitude a plus de force que le feu ; ta rage ne saurait triompher même d'un seul chrétien. Rappelle-toi quelles blessures t'ont infligées les martyrs. N'a-t-on pas vu souvent comparaître une jeune fille délicate, amenée devant le juge, avant l'âge nubile ? elle était plus tendre que la cire, et cependant plus ferme que la pierre. Tu déchirais ses flancs ; tu ne lui enlevais pas la foi. La chair cédait sous l'instrument de torture, la constance dans la foi ne cédait pas. Tu n'as pu vaincre même une femme, et tu espères surmonter tout un peuple ? Tu n'as donc pas entendu le Seigneur qui disait : Là où deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, j’y suis au milieu d'eux? (MATTH. XVIII, 20.) Et il ne serait pas présent au milieu

 

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d'un peuple nombreux, enchaîné par les liens de la charité !

« J'ai en mes mains le gage, je possède sa promesse écrite ; c'est là le bâton sur lequel je m'appuie, c'est là ma sécurité, c'est là mon port tranquille. Que l'univers entier s'agite ; je me contente de relire ces caractères sacrés ; c'est là mon mur, c'est là ma forteresse. Mais quels caractères? Ceux-ci: Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. Le Christ est avec moi! qu'ai-je à craindre? Quand les flots s'élèveraient contre moi, quand les mers, quand la fureur des princes; pour moi, tout cela est moins qu'une toile d'araignée. Si votre charité ne m'eût retenu, j'étais prêt à partir pour l'exil, dès aujourd'hui même. Voici ma prière : « Seigneur, que votre volonté se fasse ; non telle ou telle volonté, mais la vôtre. Qu'il arrive ce que Dieu voudra; s'il veut que je reste ici, je l'en remercie; en quelque lieu qu'il veuille que je sois transporté, je lui rends grâces. »

Tel est le cœur du ministre de Jésus-Christ, humble et invincible. Et Dieu donne de ces hommes dans tous les siècles ; et quand ils deviennent rares, tout languit et s'éteint. Quatre Docteurs de ce caractère ont été donnés à l'Eglise Orientale: Athanase, Grégoire de Nazianze, Basile et Chrysostome; et le siècle qui les a produits conserva la foi, malgré les plus redoutables périls. Les deux premiers brillent au Cycle, à l'époque où l'Eglise est toute radieuse de l'éclat de son Epoux ressuscité ; le troisième signale le temps où les dons de l'Esprit d'amour ont fécondé l'Eglise ; Chrysostome nous réjouit par sa présence, en ce jour où le Verbe de Dieu nous apparaît sous les livrées de l'infirmité et de l'enfance. Nous, heureux

 

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fils de l'Eglise latine qui seule a eu le bonheur de conserver la foi primitive, parce que Pierre est avec elle, honorons ces quatre fortes colonnes de l'édifice de la tradition ; mais rendons aujourd'hui nos hommages à Chrysostome, le Docteur de toutes les Eglises, le vainqueur du monde, le Pasteur inébranlable, le successeur des Martyrs, le prédicateur par excellence, l'admirateur de Paul, l'imitateur du Christ.

 

L'Eglise Romaine lui consacre l'éloge suivant, dans les Leçons de l'Office de ce jour.

 

Jean, que les flots d'or de son éloquence firent surnommer Chrysostome, était né à Antioche. Il passa des travaux du barreau et des soins du siècle à l'étude des saintes Lettres, dans laquelle il s'acquit une grande réputation par son génie et sa science. Ayant été initié aux choses saintes, puis fait Prêtre de l'Eglise d'Antioche, il fut préposé, malgré lui, à l'Eglise de Constantinople, par les soins de l'Empereur Arcadius, après la mort de Nectaire. Ayant donc reçu la charge pastorale, il commença à reprendre avec force la corruption des mœurs et la vie licencieuse des grands. Cette liberté lui fît beaucoup d'ennemis. Il offensa grièvement l'Impératrice Eudoxie, parce qu'il l'avait reprise de s'être emparée de l'argent de la veuve Callitrope, et du champ d'une autre veuve.

 

C'est pourquoi elle fit rassembler quelques Evêques à Chalcédoine , où Jean, ayant été cité, ne voulut pas se rendre, disant que ce Concile n'était ni public, ni légitime. Il fut donc envoyé en exil, principalement par les efforts d'Eudoxie ; mais, peu de temps après, le regret de son absence excita une sédition dans le peuple, et il fut rappelé, aux grands applaudissements de la ville. Mais comme il ne cessait de crier contre les vices, et qu'il s'opposa à des jeux qui se célébraient devant la statue d'argent d'Eudoxie, sur la place de Sainte-Sophie, une nouvelle conspiration des évêques ses ennemis le fit encore condamner à l'exil, malgré les larmes des veuves et des pauvres qui pleuraient le bannissement de leur père commun. On ne saurait concevoir la grandeur des maux que Chrysostome souffrit dans son exil, ni le nombre de ceux qu'il convertit à la foi de Jésus-Christ.

 

Mais tandis que le Pape Innocent Ier ordonnait son rétablissement par un décret porté dans un Concile tenu à Rome, les soldats qui le gardaient l'accablèrent, durant la route, de maux et de souffrances incroyables. Comme on le conduisait par l'Arménie, le Martyr saint Basilisque , dans l'église duquel il venait de faire sa prière, lui dit durant la nuit : «Jean, mon frère, nous serons demain en un même lieu. » Il prit donc, le lendemain, le sacrement de l'Eucharistie, et s'étant muni du signe de la croix, il rendit son âme à Dieu, le dix-huit des calendes d'octobre. Après sa mort, une effroyable grêle tomba sur Constantinople, et, quatre jours après, l'Impératrice mourut. Théodose, fils d'Arcadius, fit apporter le corps du saint à Constantinople , avec une pompe magnifique et une grande affluence de peuple, et le fit ensevelir honorablement le six des calendes de février; puis, ayant vénéré ses reliques, il demanda pardon pour ses parents. Dans la suite, ce saint corps fut transféré à Rome et enseveli dans la Basilique Vaticane. Tout le monde admire le nombre, la piété, la beauté de ses sermons et de ses autres écrits, sa manière d'interpréter l'Ecriture, en s'attachant au sens littéral des Livres sacrés ; et on le juge digne de ce qu'on a cru de lui, que l'Apôtre saint Paul, pour qui il avait une vénération singulière, lui a dicté beaucoup de choses de ce qu'il a écrit et de ce qu'il a prêché.

 

L'Eglise Grecque emploie tout son enthousiasme

 

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liturgique, dans les Menées, pour exalter la gloire de son grand Docteur. Nous lui emprunterons quelques strophes.

 

DIE XIII NOVEMBRIS.

 

Célébrons, dans des hymnes mélodieuses la trompette d'or, l'orgue au souffle divin, l'inépuisable mer de la science, l'appui de l'Eglise , l'intelligence céleste, l'abîme de sagesse, la coupe dorée, de laquelle découlent, à flots de miel, les fleuves de doctrine qui arrosent toute créature.

 

Honorons dignement Jean le Chrysologue, l'astre sans couchant, qui illumine des rayons de la doctrine tout ce qui est sous le soleil, le prédicateur de la pénitence, l'éponge d'or qui sèche l'humidité du désespoir funeste dans les âmes, et qui humecte de rosée le cœur desséché par le péché.

 

Glorifions dans nos cantiques Chrysostome, l'Ange de la terre, l'homme céleste, la lyre éloquente aux sons variés, le trésor des vertus, la pierre immobile, la forme des fidèles, l'émule des Martyrs , le compagnon des saints Anges, le commensal des Apôtres.

 

La grâce est répandue sur tes lèvres, ô Père saint, Jean Chrysostome ! car Dieu t'a sacré Pontife de son peuple, pour paître son troupeau dans la sainteté et la justice. Ceint du glaive de la puissance, tu as tranché les discours insensés de l'hérésie; aujourd'hui prie sans cesse afin que le monde soit dans la paix, et que nos âmes soient sauvées.

 

Richement ornée de tes discours d'or, comme d'un or pur, ô Jean Chrysostome, l'Eglise, dans la joie de ta fête, s'écrie : « Je me suis rassasiée dans tes pâturages où croît l'or, désaltérée à tes courants où l'or coule avec le miel ; tes exhortations me font passer de l'action à la contemplation, et m'unissent au Christ, mon Epoux spirituel, pour régner avec lui » ; c'est pourquoi nous qui sommes réunis pour célébrer ta mémoire, nous te crions : Ne te lasse pas de prier pour le salut de nos âmes.

Il convenait que la reine des villes se glorifiât d'avoir possédé Jean, comme l'ornement de sa royauté, d'avoir entendu la trompette d'or, qui fait retentir par toute la terre les dogmes du salut, et qui convoque tous les hommes au concert des cantiques divins. C'est à lui que nous crions : Chrysologue et Chrysostome, supplie le Christ de sauver nos âmes.

 

Réjouis-toi, père des orphelins, puissant secours de ceux qui souffrent, trésor des pauvres, nourriture de ceux qui ont faim, appui qui relevé les pécheurs, habile médecin des âmes, mesure exacte de la plus haute théologie, interprète des Ecritures, loi lumineuse donnée par l'Esprit-Saint, règle très droite, théorie et pratique de la plus haute sagesse; supplie le Christ d'envoyer à nos âmes une grande miséricorde.

Tu as été un soleil éclatant, illuminant la terre de tes paroles, un astre étincelant, une lampe brillante, un phare sur la mer du monde, appelant au port tranquille du salut, dans la charité, les hommes battus par la tempête, ô Chrysostome, bouche d'or, avocat de nos âmes.

 

Dans ta charge pastorale. Père saint, tu as souffert l'injustice, tu as participé aux amères tribulations et aux exils, par lesquels tu t'es rendu digne d'une fin bienheureuse, ô toi qui, comme un athlète généreux, as surmonté l'artificieux ennemi; c'est pourquoi le Christ t'a couronné du diadème de la victoire, ô Jean Chrysostome, avocat de nos prières !

 

Que de couronnes ornent votre front, ô Chrysostome! que votre nom est glorieux dans l'Eglise de la terre et dans l'Eglise du ciel ! Vous avez enseigné avec vérité, vous avez combattu avec constance vous avez souffert pour la justice, vous

 

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êtes mort pour la liberté de la parole de Dieu. Les applaudissements des hommes ne vous ont point séduit; le don de l'éloquence évangélique, dont l'Esprit-Saint vous avait enrichi, n'était qu'une faible image de la splendeur et de la force des feux dont le Verbe divin remplissait votre cœur. Vous l'avez aimé, ce Verbe, ce Jésus, plus que votre gloire, plus que votre repos, plus que votre vie. Votre mémoire a été poursuivie par les hommes; des mains perfides ont effacé votre nom des tables de l'autel ; d'indignes passions ont dicté une sentence dans laquelle, comme votre Maître, vous étiez mis au rang des criminels, et vous avez été précipité des degrés de la chaire sacrée. Mais il n'est pas au pouvoir des hommes d'éteindre le soleil, ni d'effacer la mémoire de Chrysostome. Rome vous a été fidèle ; elle a gardé avec honneur votre nom, comme aujourd'hui encore elle garde votre corps sacré, près de celui du Prince des Apôtres. Le monde chrétien tout entier vous proclame comme l'un des plus fidèles dispensateurs de la Vérité divine.

En retour de nos hommages, ô Chrysostome, regardez-nous du haut du ciel comme vos brebis ; instruisez-nous, réformez - nous, rendez-nous chrétiens. Comme votre sublime maître Paul, vous ne saviez que Jésus-Christ ; mais c'est en Jésus-Christ que tous les trésors de la science et de la sagesse sont cachés. Révélez-nous ce Sauveur qui est venu à nous, avec tant de charmes et de douceur; faites-nous connaître son esprit; enseignez-nous la manière de lui plaire, les moyens de l'imiter ; faites-lui agréer notre amour. Comme vous, nous sommes exilés; mais nous aimons trop le lieu de notre exil; souvent nous sommes tentés de le prendre pour une patrie. Détachez-nous de

 

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ce séjour terrestre, et de ses illusions. Que nous ayons hâte d'être réunis à vous, comme vous fûtes réuni à Basilisque, afin d'être avec Jésus-Christ, en qui nous vous retrouverons pour jamais.

Pasteur fidèle, priez pour nos Pasteurs; obtenez-leur votre esprit, et rendez leurs troupeaux dociles. Bénissez les prédicateurs de la parole sainte, afin qu'ils ne se prêchent pas eux-mêmes, mais Jésus-Christ. Rendez-nous l'éloquence chrétienne qui s'inspire des Livres saints et de la prière, afin que les peuples, séduits par un langage du ciel, se convertissent et rendent gloire à Dieu. Protégez le Pontife romain dont le prédécesseur osa seul vous défendre; que son cœur soit toujours l'asile des Evêques persécutés pour la justice. Rendez la vie à votre Eglise de Constantinople, qui a oublié vos exemples et votre foi. Relevez-la de l'avilissement où elle languit depuis longtemps. Touché enfin par vos prières, que le Christ, Sagesse éternelle, se souvienne de son Eglise de Sainte-Sophie ; qu'il daigne la purifier, et y rétablir l'autel sur lequel il s'immola durant tant de siècles. Aimez toujours les Eglises de l'Occident, auxquelles votre gloire a constamment été chère. Hâtez la chute des hérésies qui ont désolé plusieurs de nos chrétientés, dissipez les ténèbres de l'incrédulité, ranimez la foi parmi nous et faites fleurir les vertus.

 

 

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