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XXX JANVIER. SAINTE MARTINE,VIERGE ET MARTYRE.Une troisième Vierge romaine, le front ceint de la couronne du martyre, vient partager les honneurs d'Agnès et d'Emérentienne, et offrir sa palme à l'Agneau. C'est Martine, dont le nom rappelle le dieu païen qui présidait aux combats, et dont le corps glorieux repose au pied du mont Capitolin, dans un ancien temple de Mars, devenu aujourd'hui la somptueuse Eglise de Sainte-Martine. Le désir de se rendre digne de l'Epoux divin que son cœur avait choisi, Fa rendue forte contre les tourments et la mort, et sa blanche robe a été aussi lavée dans son sang. L'Emmanuel est le Dieu fort, puissant dans les combats. (Psalm. XXIII, 8) ; mais comme le faux dieu Mars, il n'a pas besoin de fer pour vaincre. La douceur, la patience, l'innocence d'une vierge lui suffisent pour terrasser ses ennemis ; et Martine a vaincu d'une victoire plus durable que les plus grands capitaines de Rome. Cette illustre Vierge, l'une des patronnes de Rome, a eu l'honneur d'être chantée par un Pape. Urbain VIII est l'auteur des Hymnes que nous plaçons à la suite de la Légende. Martine, Vierge romaine, de
naissance illustre, était fille d'un père consulaire. Dès ses plus tendres
années, elle perdit ses parents, et embrasée du feu de la piété chrétienne,
elle distribua aux pauvres, avec une admirable libéralité, les richesses
abondantes dont elle jouissait. Sous l'empire d'Alexandre Sévère, on lui
ordonna d'adorer les faux dieux ; mais elle repoussa ce crime horrible avec une
noble liberté. C'est pourquoi on la frappa de verges à plusieurs reprises, on
la déchira avec des crocs, des ongles de fer, des têts de pots cassés, on lui
lacéra tous les membres avec des couteaux aigus ; puis elle fut enduite de
graisse bouillante, enfin condamnée aux bêtes de l'amphithéâtre. Mais avant été
miraculeusement protégée contre elles, on la jeta sur un bûcher ardent, d'où
elle sortit saine et sauve par un nouveau prodige. Quelques-uns de ses
bourreaux, frappés de la nouveauté de ce miracle, et touchés de la grâce de
Dieu, embrassèrent la foi de Jésus-Christ ; et, après plusieurs tourments, ils
eurent la tête tranchée, et méritèrent ainsi la palme glorieuse du martyre. Aux
prières de la Sainte, il y eut des tremblements de terre; des feux tombèrent du
ciel au milieu des tonnerres, renversèrent les temples des faux dieux, et
consumèrent leurs statues. Tantôt l'on voyait couler de ses blessures du lait
avec du sang, et de son corps s'échappait une très brillante splendeur et une
odeur très suave ; tantôt elle semblait élevée sur un trône royal, chantant les
louanges de Dieu avec les Saints. Ces merveilles, et surtout la
fermeté de la Vierge, exaspérèrent le juge, qui ordonna de lui trancher la
tête. Aussitôt après, l'on entendit une voix d'en haut qui appelait au ciel la
Vierge; toute la ville trembla, et plusieurs adorateurs des idoles se
convertirent à la foi de Jésus-Christ. Martine souffrit sous le Pontificat de
saint Urbain Ier; et sous celui d'Urbain VIII, on trouva son corps dans une
antique église, avec ceux des saints martyrs Concordius,
Epiphane et leurs compagnons, près de la prison Mamertine,
sur le penchant du mont Capitolin. On disposa cette église dans une forme plus
digne, on la décora convenablement, et on y déposa le corps de la Sainte, avec
une pompe solennelle, en présence d'un grand concours de peuple, et aux cris de
joie de la ville entière. Nous donnons ensuite, en les réunissant sous une seule doxologie, les trois Hymnes d'Urbain VIII, dans lesquelles la sainte Eglise prie 529 chaque année pour la délivrance de Jérusalem. C'est le dernier cri de la Croisade. HYMNE.Chante Martine, ô Rome,
célèbre son nom, applaudis à sa gloire ; chante l'illustre Vierge, célèbre la
Martyre du Christ. Issue de noble race, entourée
des délices et des charmes séduisants d'une vie livrée au luxe, elle vécut au
milieu des trésors d'un palais opulent. Mais elle dédaigne ces
jouissances d'une vie terrestre; elle se donne au Seigneur ; et sa main généreuse , versant les richesses au sein des pauvres du
Christ, cherche la récompense des cieux. Ni les ongles de fer, ni les
bêtes, ni les verges qui sillonnent cruellement ses membres, n'ont ébranlé son
courage. Descendus du séjour des bienheureux, les Anges la fortifient par un
pain céleste. Le lion même, oubliant sa
férocité, se prosterne paisible à tes pieds, ô Martine! Au glaive seul est réservé
l'honneur de t'ouvrir la demeure des cieux. Tes autels, sur lesquels
l'encens s'élève en nuage odorant, font monter vers toi nos prières assidues ;
ton nom vient effacer, par une pieuse relation, le souvenir profane d'une
fausse divinité. Protège le sol qui t'a vu
naître; accorde un repos paisible à la terre des chrétiens ; renvoie sur le
pays infidèle des Thraces le bruit des armes et les cruels combats. Rassemble tous les rois avec
leurs bataillons, sous l'étendard de la croix; délivre Jérusalem de la
captivité, venge le sang innocent, et renverse à jamais les remparts du Turc
notre ennemi. O Vierge, notre appui, notre
gloire éclatante, reçois l'hommage de nos coeurs. Agrée les vœux de Rome qui te
chante et t'honore dans son amour. Eloigne de nous les joies
mauvaises, ô Dieu, dont le bras soutient les Martyrs ; Unité, Trinité, donne à
tes serviteurs cette lumière par laquelle tu daignes faire le bonheur des âmes.
Amen. 531 C'est par ces chants, ô Vierge magnanime, que Rome chrétienne continue de remettre entre vos mains le soin de sa défense. Elle est captive ; si vous la protégez, elle reprendra possession d'elle-même et reposera dans la sécurité. Ecoutez ses prières, et repoussez loin de la ville sainte les ennemis qui l'oppriment. Mais souvenez-vous qu'elle n'a pas seulement à craindre les bataillons qui lancent la foudre et renversent les remparts ; même dans la paix, des attaques ténébreuses n'ont jamais cessé d'être dirigées contre sa liberté. Déjouez, ô Martine, ces plans perfides; et souvenez-vous que vous fûtes la fille de l'Eglise romaine, avant d'en être la protectrice. Détruisez de plus en plus la puissance du Croissant ; affranchissez Jérusalem, amenez l'Europe à sentir enfin ses entrailles émues pour les Eglises de Syrie. Demandez pour nous à l'Agneau votre Epoux la force nécessaire pour enlever de notre cœur les idoles auxquelles il pourrait encore être tenté de sacrifier. Dans les attaques que les ennemis de notre salut dirigent contre nous, prêtez-nous l'appui de votre bras. Il a ébranlé les idoles au sein même de Rome païenne ; il ne sera pas moins puissant contre le monde qui cherche à nous envahir. Pour prix de vos victoires, vous brillez auprès du berceau de notre Rédempteur; si, comme vous, nous savons combattre et vaincre, ce Dieu fort daignera nous accueillir aussi. Il est venu pour soumettre nos ennemis ; mais il exige que nous prenions part à la lutte. Fortifiez-nous, ô Martine, afin que nous ne reculions jamais, et que notre confiance en Dieu soit toujours accompagnée de la défiance de nous-mêmes. |