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XXIII JANVIER. SAINT RAYMOND DE PEGNAFORT, CONFESSEUR.De nombreux essaim de Martyrs qui fait la garde autour de l'Emmanuel, jusqu'au jour de sa Présentation au Temple, entr'ouvre de temps en temps ses rangs glorieux pour donner place aux Confesseurs que la divine Sagesse a fait briller sur le Cycle dans cette saison. Les Martyrs y sont les plus nombreux ; mais la gloire des Confesseurs y est noblement représentée. Après Hilaire, Paul, Maur et Antoine , resplendit aujourd'hui Raymond de Pegnafort, l'une des gloires de l'Ordre de saint Dominique et de l'Eglise, au XIII° siècle. Selon la parole des Prophètes, le Messie est venu pour être notre Législateur; il est lui-même la Loi. Sa parole sera la règle des hommes, et il laissera à son Eglise le pouvoir de la législation, afin qu'elle puisse conduire les peuples dans la sainteté et dans la justice, jusqu'à l'éternité. La sagesse de l'Emmanuel préside à la discipline canonique, comme sa vérité à l'enseignement de la foi. Mais l'Eglise, dans la compilation et la disposition de ses lois, emprunte le secours des hommes qui lui semblent joindre à un plus haut degré la science du Droit et l'intégrité de la morale. Saint Raymond de Pegnafort a l'honneur d'avoir 418 tenu la plume pour la rédaction du code canonique qui régit aujourd'hui l'Eglise. Ce fut lui qui, en 1234, compila, par ordre de Grégoire IX, les cinq livres des Décrétales; et son nom est associé, pour jamais, à la gloire de cette œuvre qui forme encore la base de la discipline actuelle. Disciple de Celui qui est descendu du ciel dans le sein d'une Vierge pour sauver les pécheurs, en les appelant au pardon, Raymond a mérité d'être appelé par l'Eglise l’insigne Ministre du Sacrement de Pénitence. Il est le premier qui ait recueilli, en corps de doctrine, les maximes de la morale chrétienne, qui servent à déterminer les devoirs du confesseur à l'égard des pécheurs qui viennent lui déposer leurs péchés. La Somme des Cas Pénitentiaux a ouvert la série de ces importants travaux, dans lesquels d'habiles et vertueux docteurs se sont appliqués à peser les droits de la loi et les obligations de l'homme, afin d'instruire le prêtre dans l'art de discerner , comme parle l'Ecriture, la lèpre d'avec la lèpre. (Deuter. XVII, 8.) Enfin, lorsque la glorieuse Mère de Dieu, qui est aussi la Mère des hommes, suscita pour opérer la Rédemption des captifs le généreux Pierre Nolasque, que nous verrons arriver, sous quelques jours, au berceau du Rédempteur, Raymond fut l'instrument puissant de ce grand œuvre de miséricorde ; et ce n'est pas en vain que l'Ordre de la Merci le considère comme l'un de ses fondateurs, et que tant de milliers de captifs, délivrés de la servitude musulmane, l'ont honoré comme l'un des principaux auteurs de leur liberté. Lisons, avec l'Eglise, le récit des actions d'un homme dont la vie a été si pleine les mérites si grands. 419 Le bienheureux Raymond, né à
Barcelone, de la noble maison de Pegnafort, fut
instruit des éléments de la religion chrétienne; et, dès son enfance, l'heureux
naturel de son esprit et de son corps sembla présager quelque chose de grand.
Jeune encore, il professa les humanités dans sa patrie; puis il se rendit à Bologne,
où il s'adonna avec ardeur aux exercices de la piété et à l'étude du droit
canonique et civil ; il y fut honoré du bonnet dé Docteur, et il y expliqua les
sacrés Canons avec l'admiration de ses auditeurs. Le bruit de ses vertus se répandant
au loin, Bérenger, Evêque de Barcelone, à son retour de Rome à son Eglise,
passa par Bologne pour le voir, et enfin, à force de prières, il l'engagea à revenir
avec lui dans sa patrie. Bientôt Raymond devint Chanoine et Prévôt de l'Eglise
de cette ville, où il brilla au milieu du clergé et du peuple par son
intégrité, sa modestie, sa doctrine et la suavité de ses mœurs. La Vierge Mère
de Dieu était pour lui l'objet d'une piété et d'une affection particulières ;
et toujours, autant qu'il le put, il augmenta son culte et son honneur. A l'âge d'environ quarante-cinq
ans , il fit profession solennelle dans l'Ordre des
Frères Prêcheurs. Alors, comme un nouveau soldat, il s'exerça dans tous les
genres de vertus, principalement dans la charité envers les indigents, et
surtout envers ceux que les infidèles retenaient captifs. Ce furent ses
exhortations qui engagèrent saint Pierre Nolasque , dont il était le confesseur, à sacrifier son bien à cette
œuvre de piété. La bienheureuse Vierge apparut à Pierre, ainsi qu'au
bienheureux Raymond et à Jacques Ier , Roi d'Aragon, et leur dit qu'elle aurait
pour agréable, ainsi que son Fils unique, qu'on instituât en son honneur un
Ordre de Religieux, dont le soin serait de délivrer les captifs de la tyrannie
des infidèles. C'est pourquoi, après en avoir conféré entre eux, ils fondèrent
l'Ordre de Notre-Dame de la Merci de la Rédemption des Captifs,pour lequel Raymond statua certaines règles de vie,
appropriées à la vocation de cet institut. Il en obtint l'approbation de
Grégoire IX, quelques années après, et il créa premier Général de cet Ordre saint Pierre Nolasque,
auquel il en donna l'habit de sa propre main. Il fut appelé à Rome par le
même Grégoire; et ce Pontife en fit son Chapelain, son Pénitencier et son
Confesseur. Ce fut par son ordre que Raymond rédigea, dans le volume appelé
Décrétâtes, les statuts des Pontifes Romains, épars dans divers Conciles et
diverses Epîtres. Il refusa toujours, avec fermeté, l'Archevêché de Tarragone
que lui offrait le même Pape, et il se démit lui-même du Généralat de son
Ordre, après avoir rempli très saintement cette charge durant l'espace de deux
ans. Il détermina Jacques, Roi d'Aragon, à établir dans ses Etats le
Saint-Office de l'Inquisition. Il fit un grand nombre de miracles ; mais le
plus éclatant fut lorsque, revenant de l'île Majorque, il étendit son manteau
sur les eaux, fit cent soixante milles de chemin en six heures, et entra dans
son monastère , lorsque les portes en étaient fermées.
Enfin, âgé de près de cent ans, comblé de vertus et de mérites, il s'endormit
dans le Seigneur, l'an du salut mil deux cent soixante-quinze. Clément VIII l'a
inséré au nombre des Saints. Nous empruntons l'Hymne suivante au Bréviaire des Frères Prêcheurs. 422 HYMNE.
Prélats, Princes, peuples de
la terre, célébrez le nom illustre de Raymond , de cet
homme qui eut à cœur le salut éternel de tous. Ce qu'offre de plus admirable
une piété profonde apparaît dans la pureté sans tache de ses mœurs ; la lumière
de toutes les vertus éclate en sa personne. D'une main habile et
studieuse, il recueille les Décrets épars des Souverains Pontifes, et les
sentences du Droit antique dignes d'être conservées. Sous ses pas, les flots
inconstants deviennent solides; il parcourt, sans navire, un espace immense :
son manteau et son bâton sont la barque sur laquelle il traverse la mer. Donnez-nous, ô Dieu, la
pureté des mœurs ; donnez-nous de passer, sans désastre, le cours de notre vie;
donnez-nous de toucher le port de la vie éternelle. Amen. Dispensateur fidèle du Mystère de la réconciliation, vous avez puisé, au sein du Dieu incarné, 423 cette charité qui a fait de votre cœur l'asile des pécheurs. Vous avez aimé les hommes ; et les besoins de leurs corps, aussi bien que ceux de leurs âmes, ont été l'objet de votre sollicitude. Eclairé des rayons du Soleil de justice, vous nous avez aidés à discerner le bien du mal, en nous donnant des règles pour apprécier les plaies de nos âmes. Rome a admiré votre science des lois; elle se fait gloire d'avoir reçu de vos mains le Code sacré qui régit les Eglises. Réveillez dans nos cœurs, ô Raymond, cette componction sincère qui est la condition du pardon dans le Sacrement de Pénitence. Faites-nous comprendre la gravité du péché mortel qui sépare de Dieu pour l'éternité, et les dangers du péché véniel qui dispose l'âme tiède au péché mortel. Obtenez-nous des hommes pleins de charité et de science pour exercer ce sublime ministère qui guérit les âmes. Défendez-les du double écueil d'un rigorisme désespérant et d'une mollesse perfide. Ranimez chez nous la vraie science du Droit ecclésiastique, sans laquelle la maison du Seigneur deviendrait bientôt le séjour du désordre et de l'anarchie. Vous dont le cœur fut si tendre envers les captifs, consolez tous ceux qui languissent dans les chaînes ou dans l'exil ; préparez leur délivrance ; mais affranchissez-nous tous des liens du péché, qui retiennent trop souvent les âmes de ceux-là mêmes dont le corps est libre. Vous avez été, ô Raymond, le confident du cœur de notre miséricordieuse Reine Marie ; elle vous a associé à son œuvre du rachat des captifs. Vous êtes puissant sur ce Cœur, qui est notre espérance après celui de Jésus. Présentez-lui nos hommages. Demandez pour nous à cette incomparable 424 Mère de Dieu la grâce d'aimer toujours le céleste Enfant qu'elle tient dans ses bras. Qu'elle daigne aussi, par vos prières, être notre étoile sur cette mer du monde, plus orageuse que celle dont vous avez bravé les flots sur votre manteau miraculeux. Souvenez-vous aussi de l'Espagne, votre patrie, au sein de laquelle vous avez opéré tant d'oeuvres saintes. Longtemps son illustre Eglise fut dans le deuil d'avoir perdu les Ordres religieux qui faisaient sa force et sa splendeur ; une hospitalité généreuse a commencé de réparer ces maux : que toute entrave disparaisse enfin. Protégez l'Ordre des Frères Prêcheurs, dont vous avez honoré l'habit et la règle. Vous l'avez gouverné avec sagesse sur la terre ; aimez-le toujours paternellement dans le ciel. Qu'il répare ses pertes ; qu'il refleurisse dans toute l'Eglise, et qu'il produise, comme aux jours anciens, ces fruits de sainteté et de science qui en ont fait une des principales gloires de l'Eglise de Jésus-Christ. Le troisième jour n'est pas écoulé depuis le martyre de sainte Agnès; et la Liturgie, fidèle à recueillir toutes les traditions, nous rappelle à son tombeau. Voici que la Vierge Emérentienne, amie et sœur de lait de notre héroïne de treize ans, s'en est allée prier et pleurer sur le lieu où repose celle qui lui a été si tôt et si cruellement ravie. Emérentienne n'a pas encore été régénérée dans les eaux du Baptême ; elle suit encore les exercices du catéchuménat ; mais son cœur est déjà au Christ par la foi et par le désir. Tandis que la jeune fille épanche ses regrets et son admiration sur la tombe d'Agnès, des païens 425 surviennent ; insultant à sa douleur, ils veulent troubler ces hommages rendus à leur victime. C'est alors que Emérentienne, enflammée du désir de se réunir au Christ, et d'être bientôt dans les bras de sa douce compagne, puisant un mâle courage sur ce sépulcre glorieux, se tourne vers les barbares, et, confessant Jésus-Christ, maudissant les idoles, leur reproche l'atroce cruauté dont l'innocente Agnès est tombée victime. La férocité païenne s'indigne dans les cœurs de ces hommes asservis au culte de Satan, et à peine la jeune fille a cessé de parler, qu'elle tombe sur le sépulcre de son amie, accablée sous les pierres meurtrières que lui lancent ceux qu'elle a osé défier. Baptisée dans son propre sang, Emérentienne laisse sur la terre sa dépouille sanglante ; et son âme s'envole sur le sein de l'Emmanuel, pour jouir éternellement de ses embrassements divins, et de la chère présence d'Agnès. Unissons-nous à l'Eglise, qui recueille avec tant d'amour de si touchants souvenirs; demandons à Emérentienne la grâce d'être réunis à Jésus et à Agnès, et saluons son triomphe par les prières de la sainte Liturgie. Ant. Viens Epouse du Christ ; reçois la couronne que le
Seigneur t'a préparée pour l'éternité. V/. La grâce est répandue sur
tes lèvres. R/. C'est pourquoi le
Seigneur t'a bénie à jamais. PRIONSFaites, Seigneur, que nous
obtenions le pardon de nos péchés par l'intercession de la bienheureuse Emérentienne, Vierge et Martyre, qui vous a toujours été
agréable parle mérite de la chasteté, et par la profession qu'elle a faite de
la vertu dont vous êtes la source. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. |