PASSION LUNDI

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PASSION
CHAPITRE I
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI-VII-VIII
PASSION DIMANCHE
PASSION LUNDI
PASSION MARDI
PASSION MERCREDI
PASSION JEUDI
PASSION VENDREDI
PASSION SAMEDI
DIMANCHE DES RAMEAUX
LUNDI SAINT
MARDI SAINT
MERCREDI SAINT
JEUDI SAINT
VENDREDI SAINT
SAMEDI SAINT

LE LUNDI DE LA SEMAINE  DE LA PASSION.

 

La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Saint-Chrysogone, l'un des plus célèbres Martyrs de l'Eglise Romaine, qui a inséré   son  nom  dans le  Canon de la

Messe.

 

COLLECTE.

 

Daignez, Seigneur, sanctifier nos jeûnes, et dans votre bonté accordez-nous le pardon de nos péchés Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

EPITRE.

 

Lecture du Prophète Jonas. Chap. III.

 

En ces jours-là, le Seigneur parla une seconde fois au Prophète Jonas , et lui dit : Lève-toi, va dans la grande ville de Ninive, et y prêche ce que je t'ordonne de leur dire. Et Jonas se leva, et il alla à Ninive, selon l'ordre du Seigneur. Et Ninive était une grande ville qui avait trois journées de chemin. Et Jonas, étant entré dans la ville, marcha pendant une journée, et ensuite il cria  en   disant :

Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. Et les Ninivites crurent en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne public, et se couvrirent de sacs, depuis le plus grand jusqu'au plus petit. La chose ayant été rapportée au roi de Ninive, il se leva de son trône, dépouilla ses habits royaux , se revêtit d'un sac et s'assit sur la cendre.  Ensuite il fit crier partout et publier dans Ninive cet ordre de la bouche du roi et de ses grands : Que les hommes et les bêtes, les bœufs et les brebis ne mangent rien ; qu'on ne les mène point au pâturage, et qu'ils ne boivent point d'eau ; que les hommes et les bètes se couvrent de sacs , et qu'ils crient au Seigneur de toute leur force; que l'homme se retire de sa mauvaise voie, et de l'iniquité dont ses mains sont souillées. Qui sait si Dieu ne se retournera pas vers nous, pour nous pardonner, et s'il ne reviendra pas de la fureur de sa colère, en sorte que nous ne périrons pas? Et Dieu considéra leurs œuvres : il vit qu'ils s'étaient convertis de leur voie mauvaise ; et le Seigneur notre Dieu eut pitié de son peuple.

 

La sainte Eglise nous offre aujourd'hui ce récit, afin de ranimer notre zèle dans la voie de la pénitence.

 

133

 

Une ville livrée à l'idolâtrie, une capitale superbe et voluptueuse, a mérité la colère du ciel. Dieu s'apprête à la renverser sous les coups de sa vengeance ; encore quarante jours, et Ninive s'écroulera sur ses habitants. Cependant qu’est-il arrivé ? La menace du Seigneur ne s'est pas accomplie, et Ninive a été épargnée. Ce peuple infidèle s'est souvenu du Dieu qu'il avait oublié; il a crié vers le Seigneur ; il s'est humilié, il a jeûné ; et l'Eglise conclut le récit du Prophète par ces touchantes paroles : « Et le Seigneur notre Dieu eut pitié de son peuple. » Ce peuple gentil était devenu le peuple du Seigneur, parce qu'il avait fait pénitence à la voix du Prophète. Le Seigneur n'avait fait alliance qu'avec une seule nation ; mais il ne repoussait pas les hommages des Gentils, qui, renonçant à leurs idoles, confessaient son saint Nom et voulaient aussi le servir. Nous voyons ici l'efficacité de la pénitence du corps unie à celle du cœur pour fléchir le courroux céleste : combien devons-nous donc estimer les saintes pratiques que l'Eglise nous impose en ces jours, et réformer les fausses idées qu'une spiritualité rationaliste et lâche pourrait nous avoir inspirées !

Cette lecture était, en même temps, un motif d'espoir et de confiance pour les catéchumènes dont l'initiation était proche, ils y apprenaient à connaître la miséricorde du Dieu des chrétiens, dont les menaces sont si terribles, et qui cependant ne sait pas résister au repentir d'un cœur qui renonce au péché. Sortis du sein de la gentilité, de cette Ninive profane, ils apprenaient par ce récit que le Seigneur, avant même d'avoir envoyé son Fils au monde, invitait tous les hommes à devenir son peuple; et songeant aux obstacles que leurs pères avaient eus à vaincre pour saisir la grâce qui leur était offerte et pour y persévérer, ils bénissaient le Dieu Sauveur qui, par son incarnation, son sacrifice, ses divins sacrements et son Eglise, a daigné mettre si près de nous ce salut dont il est la source unique pour l'ancien monde comme pour le nouveau. Les pénitents publics puisaient aussi dans cette lecture un nouvel encouragement à espérer le pardon. Dieu avait fait miséricorde à Ninive, la cité pécheresse et condamnée; il daignerait donc agréer aussi leur pénitence, et révoquer en leur faveur l'arrêt de sa justice.

 

EVANGILE.

 

La suite du saint Evangile selon   saint   Jean. Chap. VII.

 

En ce temps-là, les princes et les pharisiens envoyèrent des gardes pour prendre Jésus. Jésus donc leur dit : Je suis encore avec vous un peu de temps, et je m'en vais ensuite à celui qui m'a envoyé. Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas ; et où je serai, vous ne pouvez venir. Les Juifs dirent entre eux : Où donc ira-t-il, que nous ne pourrons le trouver? Ira-t-il vers les Gentils qui sont dispersés, et les enseignera-t-il? Quelle est cette parole qu'il a dite : Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas; et où je serai, vous ne pouvez venir? Le dernier jour de la fête, qui est le plus solennel, Jésus, se  tenant  debout, disait à haute voix : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive, dit l'Ecriture, couleront de son sein. Il disait ceci de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui.

 

Les ennemis du Sauveur n'ont pas seulement songé à lancer des pierres contre lui; aujourd'hui ils veulent lui ravir la liberté, et ils envoient des soldats pour se saisir de lui. En cette rencontre, Jésus ne juge pas à propos de fuir; mais quelle terrible parole il leur dit ! « Je m'en vais à celui qui m'a envoyé; vous me chercherez, et vous ne me trouverez plus. » Le pécheur qui a longtemps abusé de la grâce peut donc, en punition de son ingratitude et de ses mépris, ne plus retrouver ce Sauveur avec lequel il a voulu rompre ; ses efforts à le chercher sont donc quelquefois vains et stériles. Antiochus, humilié sous la main de Dieu, pria et n'obtint pas son pardon. Après la mort et la résurrection de Jésus, tandis que l'Eglise jetait ses racines dans le monde, les Juifs, qui avaient crucifié le Juste, cherchaient le Messie dans chacun des imposteurs qui s'élevèrent alors en Judée, et causèrent des soulèvements qui amenèrent la ruine de Jérusalem. Cernés de tous côtés par le glaive des Romains et par les flammes de l'incendie qui dévorait le temple et les palais, ils criaient vers le ciel, et suppliaient le Dieu de leurs pères d'envoyer, selon sa promesse, le libérateur attendu ; et il ne leur venait pas en pensée que ce libérateur s'était montré à leurs pères, même à plusieurs d'entre eux, qu'ils l'avaient mis à mort, et que les Apôtres

 

136

 

avaient déjà porte son nom aux extrémités de la terre. Ils attendirent encore, jusqu'au moment où la cité déicide s'écroula sur ceux que n'avait pas immolés l'épée du vainqueur; ceux qui survécurent furent traînes à Rome, pour orner le triomphe de Titus. Si on leur eût demandé ce qu'ils attendaient, ils auraient répondu qu'ils attendaient le Messie. Vaine attente : le moment était passé. Tremblons que la menace du Sauveur ne s'accomplisse en plusieurs de ceux qui laisseront encore passer cette Pâque, sans faire leur retour au Dieu de miséricorde ; prions, intercédons, afin qu'ils ne tombent pas entre les mains d'une justice que leur repentir trop tardif et trop imparfait ne fléchirait pas.

Des pensées plus consolantes nous sont suggérées par la suite du récit de notre Evangile. Ames fidèles, âmes pénitentes, écoutez; c'est pour vous que parle Jésus : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. » Rappelez-vous la prière de la pauvre Samaritaine : « Seigneur, donnez-moi toujours de cette eau. » Cette eau est la grâce divine; puisez à longs traits dans ces fontaines du Sauveur qu'avait annoncées le Prophète (1). Cette eau donne la pureté à l'âme souillée, la force a l'âme languissante, l'amour à celle qui se sentait tiède. Bien plus, le Sauveur ajoute: « Celui qui croit en moi deviendra, lui aussi, une source vive » ; car l'Esprit-Saint viendra en lui, et alors le fidèle épanchera sur les autres cette grâce qu'il a reçue dans sa plénitude. Avec quelle sainte joie le catéchumène entendait lire ces paroles qui lui promettaient que sa soif serait enfin étanchée à la divine fontaine ! Le Sauveur a voulu être toutes choses

 

1.   ISAI.   XII,   3.

 

137

 

pour l'homme régénéré : la Lumière qui éclaire ses ténèbres, le Pain qui le nourrit, la Vigne qui lui prête son cep, enfin l’Eau jaillissante qui rafraîchit ses ardeurs.

 

 

Humiliate capita vestra Deo.

Humiliez vos têtes devant Dieu.

 

ORAISON.

 

Donnez, s'il vous plaît, Seigneur, à votre peuple la santé de l'âme et du corps, afin que, s'attachant aux bonnes œuvres, il mérite d'être toujours assisté de  votre    protection.   Par Jésus-Christ  notre Seigneur. Amen

 

En ce jour où la sainte Eglise nous donne à lire et à méditer un trait de l'histoire de Jonas, nous placerons ici un nouveau fragment de l'Hymne de Prudence sur le jeûne. C'est le passage où il raconte la vie de ce Prophète, et spécialement la pénitence de Ninive.

 

HYMNE.

 

Je raconterai, à la gloire du jeûne, un fait antique rapporte dans le livre sacre ; je dirai comment la foudre du Père des hommes retint ses feux, et pardonna aux habitants d'une cité qu'elle devait dévaster.

 

Un peuple jadis avait mis le comble à son orgueil et à son insolence; la licence des mœurs l'avait fait descendre tout entier à une indigne corruption ; et , plonge dans une stupide insouciance, il avait mis en oubli le culte du grand Dieu.

 

Après une longue indulgence, la justice divine offensée s'indigne et arme sa main d'un glaive de feu. De sombres nuages éclatent avec fracas ; des feux livides et tonnants ébranlent la voûte du ciel sur la tète des coupables.

 

Toutefois un délai leur est accordé pour se repentir ; il leur est libre encore d'interrompre le cours de leurs infâmes débauches; ils peuvent, s'ils le veulent, arrêter les désordres dans lesquels ils ont vieilli ; la vengeance miséricordieuse daigne suspendre ses coups ; et la sentence prononcée retarde son exécution.

 

Le juge plein de douceur donne mission au prophète Jonas; il le charge d'annoncer à ce peuple le châtiment qui le menace. Il savait, le prophète , que ce juge redoutable aime à pardonner plutôt qu'à frapper et à punir. Il ose donc se dérober à ses ordres, et s'enfuit secrètement vers Tharsis.

 

Il prend place sur un navire des plus imposants; bientôt on lâche le câble, et l'on s'avance dans la haute mer ; mais tout à coup s'élève une furieuse tempête. L'équipage alarmé cherche quel peut être l'auteur d'un si grand péril; et le sort tombe sur le prophète fugitif.

 

Il est le seul coupable : seul il doit périr, lui dont le nom est sorti de l'urne avec son crime. On le précipite dans les flots, et l'abîme l'engloutit. Un monstre marin le reçoit. et le prophète descend tout vivant dans les vastes flancs de l'animal.

 

Enfin, après trois nuits, le monstre le vomit sur un rivage, à l'endroit où le flot expire avec un léger bruit, et où l'écume vient blanchir le rocher. Délivré par l'effort de la bête, le prophète s'étonne de se sentir encore vivant.

 

Contraint par la volonté divine, il se dirige sans délai vers Ninive. Censeur austère, il reprend les habitants ; il dénonce leurs crimes honteux. « La colère du vengeur suprême, dit-il, est sur vos têtes ; sous peu de jours la flamme dévorera votre cité : croyez à ma parole. »

 

Il monte ensuite sur la cime d'une haute montagne, afin de voir de là les épais tourbillons  de fumée qui s'élèveront de l'incendie, les ruines et les désastres qui vont s'accumuler. Il se tient sous le feuillage d'une plante aux nœuds abondants, qui, tout à coup, est sortie de terre pour lui prêter son ombrage.

 

Mais à peine la cité a reçu la lugubre nouvelle du fiéau qui la menace, qu'une dernière émotion la saisit ; dans la vaste enceinte de ses murs on voit s'agiter le peuple, le sénat, les citoyens de tous les âges, la jeunesse pâle d'effroi, les Femmes poussant des lamentations.

 

On décrète un jeûne public, pour tâcher d'apaiser la colère divine; il n'est plus question de repas dans la ville. La matrone jette loin d'elle ses brillantes parures, et se revêt d'habits sombres ; la cendre répandue sur sa chevelure y a remplacé les réseaux de soie et les pierreries.

 

Les patriciens paraissent en habits vulgaires et négligés ; dans sa douleur, chacun porte sur son corps de rudes tissus de crin ; la jeune fille fait subir à ses membres le contact de ces soies cruelles,  et couvre d'un voile noir son visage ; l'enfant lui-même languit étendu sur le sable.

 

Le roi détache l'agrafe qui retenait sur ses épaules le manteau teint delà pourpre de Cos. Il dépouille son front du bandeau sur lequel éclataient l'émeraude et le diamant; et ses cheveux ne connaissent plus que la poussière qui les souille.

 

Le manger et le boire sont oubliés; la tendre jeunesse livrée au jeûne ne se souvient plus des festins ; l'enfant à la mamelle réclame en vain le lait par ses vagissements ; ses larmes arrosent son berceau ; la nourrice sévère lui refuse l'aliment qui le soutenait.

 

Les troupeaux eux-mêmes ont leur part à cette abstinence ; on retient avec soin leurs pas dans la prairie. On les empêche de toucher le gazon numide de rosée, de se désaltérer aux eaux murmurantes des fontaines ; en face de sa crèche vide, le taureau fait entendre ses mugissements.

 

Bientôt, apaisé par ces expiations , Dieu retient sa colère. Il révoque son arrêt; de terrible qu elle était, sa sentence est devenue favorable. C'est ainsi que la clémence divine se montre facile à pardonner les crimes des mortels, lorsqu’ils l’implorent , et   qu'elle   prend bientôt le parti de ceux qui répandent les larmes du repentir à ses pieds.

 

 

Terminons la journée par ces strophes en l'honneur de la sainte Croix, que nous empruntons au Triodion de l'Eglise grecque.

 

(Feria IV mediœ Septimanœ.)

 

Purifiés et embellis par le jeûne, adorons, pour la gloire du Tout-Puissant, le bois sacré sur lequel le Christ, ayant les bras étendus, a vaincu les puissances ennemies.

 

La Croix salutaire qui donna la sanctification  est exposée à nos yeux. Approchons d'elle avec un cœur et un corps sans souillures.

 

Purifiez-moi , vous qui des bon, par le feu de vos commandements : donnez-moi de contempler votre Passion qui donne le salut, d'être protégé par la Croix, et de vous adorer avec un ardent désir.

 

Ayant nos cœurs lavés dans les eaux du jeûne , embrassons avec foi le bois de la Croix, du haut duquel le Christ crucifié a épanché sur nous l'eau d'immortalité.

 

Jésus Sauveur ! notre navire, dont votre Croix est la voile, a déjà traversé la plus grande partie de la carrière des jeûnes; par elle, conduisez-nous au port de votre Passion.

 

Moïse te figurait sur la montagne, ô Croix, pour la perte d'Amalec. Nous te formons sur nous ; nous te contemplons et t'adorons de cœur ; par ta vertu, nous triomphons des ennemis invisibles.

 

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante