JOUR DE NOEL II
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DEUXIÈME SERMON POUR LA FÊTE DE NOEL. Les trois principales œuvres de Dieu et ses trois mélanges.

1. « Les œuvres du Seigneur sont grandes (Psal. CX, 2), » dit le prophète David. Il est vrai, mes frères, que ses œuvres sont grandes, car il est grand lui-même ; mais celles de ses œuvres qui le sont davantage, sont celles qui ont rapport à nous; c'est ce qui fait dire au même Prophète : « Le Seigneur a fait pour nous de grandes choses (Psal. CXXV, 3). » Les plus belles et celles qui nous parlent le plus éloquemment, c'est, dans le principe, notre création; maintenant notre rédemption; et plus tard notre glorification. Ah ! Seigneur, que de grandes choses vous avez donc faites dans chacun de nous ! C'est bien à vous qu'il convient d'annoncer à votre peuple la vertu de vos œuvres ; pour nous, nous dirons à haute voix quelles sont ces œuvres. Il faut remarquer, mes frères, un triple mélange dans ces trois merveilles d'une opération céleste et d'une vertu divine. Dans la première de ses œuvres, qui est l'œuvre de la création, Dieu a façonné l'homme du limon de la terre, et lui a soufflé sur la face un esprit de vie. Quel artisan est-ce là, quel ajusteur de choses différentes, qui a pu, à sa volonté, unir si étroitement entre eux le limon de la terre et un esprit de vie! Quant au limon, il était déjà créé auparavant, au moment où Dieu fit dès le principe le ciel et la terre: mais l'esprit, il n'a point été créé en commun avec le reste, il le fut à part : Il ne se trouve point compris dans la masse, mais il est inspiré par une sorte de particulière excellence. Reconnais, 8 homme, ta dignité, reconnais la gloire de ta condition d'homme. Tu as le corps de commun avec l'univers, car il convenait que celui qui fut établi sur toute la masse des choses corporelles eût avec elles quelque point de ressemblance; mais tu as quelque chose de plus élevé et qui ne permet pas de te confondre avec le reste des créatures. Tu es un composé, une alliance d'un corps et d'une âme; le premier a été pétri des mains de son auteur, l'autre a été inspirée de sa bouche.

2. Mais à qui importe ce mélange? A qui cette union profite-t-elle? Car, selon la sagesse des enfants du siècle, lorsque les rangs inférieurs de la société s'unissent aux rangs plus élevés, il n'y a que ceux qui sont au pouvoir qui profitent de cette alliance, ils font du bas peuple l'usage qui leur plaît. Le plus fort écrase celui qui l'est moins que lui, le savant se rit de l'ignorant, l'homme rusé se joue de l'homme simple, et le puissant u'a que du dédain pour le faible. Il n'en est pas ainsi dans ce que vous faites, ô mon Dieu, il n'y a rien de pareil dans vos rapprochements; ce n'est point pour cela, que vous avez uni l'esprit au limon, quelque chose de sublime à quelque chose de bien humble, une créature digne d'estime et excellente à la matière abjecte et inutile. Qui de vous, mes frères, ne sent combien l'âme l'emporte sur le corps? Est-ce que sans l'âme, le corps ne serait point un tronc insensible? C'est elle qui lui donne la beauté et l'accroissement; c'est par elle que l'œil voit, et que la langue profère des paroles; en un mot, l'âme est le siège de tous nos sens. Aussi ce que m'inspire une telle union, c'est la charité; l'obligation que je lis à la première page de notre propre condition, c'est la charité; ce que, dès le commencement, la main infiniment aimable du Créateur me place devant les yeux, c'est la charité.

3. Assurément, mes frères, c'était une admirable alliance que celle-là, mais il eût fallu qu'elle fût durable. Mais, hélas! quoique marquée du sceau de Dieu, car Dieu avait créé l'homme à son image et à sa ressemblance, le sceau est rompu, et cette union est dissoute. Un détestable brigand est venu, qui a brisé ce sceau, dont l'empreinte était chaude encore, et l'homme, dans son malheur perdant sa ressemblance avec Dieu, devint semblable aux bêtes de somme. Ainsi, le Seigneur a créé l'homme droit, selon ce qui est dit de cette ressemblance dans le Psalmiste : « Le Seigneur notre Dieu est plein de droiture, et il n'y a point d'iniquité en lui (Psal. XCI, 13). » Il le fit aussi juste et véridique, comme il est lui-même, justice et vérité, et cette union ne pouvait être rompue tant que le sceau en serait demeuré entier. Mais un faussaire est survenu, qui promit un sceau meilleur aux hommes ignorants, et, ô infortune, ô malheur, il a brisé le sceau imprimé de la main de Dieu même. «Vous serez, leur dit-il, comme des dieux, et vous saurez le bien. et mal (Gen. III, 5). » O méchant, ô pervers, pourquoi leur parler de cette ressemblance de savoir ? Qu'ils soient comme des dieux, droits et justes; qu'à l'exemple de Dieu, en qui il n'y a point de péché, ils soient pleins de véracité, car tant que ce cachet demeurera intact en eux, cette union persévérera. Nous savons malheureusement aujourd'hui, par notre propre expérience, ce que valent les conseils que la perversité du diable nous a donnés. Le sceau divin étant rompu, il s'en est suivi pour nous, une séparation pleine d'amertume, un divorce rempli de tristesse. Qu'est devenue aujourd'hui cette promesse : « Vous ne mourrez point? » Nous sommes tous sujets à la mort, et il n'y a pas d'homme qui vive et qui ne doive ressentir les atteintes du trépas.

4. Mais quoi, Seigneur Dieu, ne réparerez-vous jamais votre ouvrage, et ne lui sera-t-il jamais donné de se relever de sa chute? Il n'y a que celui qui a fait une chose qui puisse la refaire, aussi le Seigneur s'est-il écrié : je vais me lever maintenant à cause de la misère de ceux qui sont sans secours et à cause des gémissements des pauvres; je les sauverai et je les placerai en lieu sûr (Psal. XI, 6, 7), en sorte que son ennemi ne gagnera rien à l'attaquer, et le méchant ne pourra lui nuire (Psal. LXXXVIII, 23). Je vais donc faire un nouveau mélange, où j'imprimerai plus clairement et plus profondément mon cachet, ce cachet qui n'est pas seulement fait à mon image, mais qui est mon image même, la splendeur de ma gloire, la figure de ma substance, qui n'a point été créé, mais que j'ai engendré avant tous les siècles. N'ayez pas peur qu'il soit brisé comme l'autre l'a été, car le Prophète a dit : « Ma force s'est desséchée comme un tesson (Psal. XXII, 16), » mais comme un tesson que le marteau de l'univers entier ne saurait rompre. Mais si le premier mélange se compose de deux éléments, le second en compte trois, et nous rappelle ainsi qu'il a quelque rapport avec le mystère de la Trinité. Ce sont, le verbe qui dès le commencement était en Dieu et était Dieu ; l'âme, qui a été créée de rien, et qui n'était point avant d'être créée; le corps, tiré exempt de corruption par un art divin de la masse même de corruption, et tel que nul corps n'existait auparavant; voilà quels sont les éléments qui concourent à former une seule personne par des liens indissolubles. Or nous avons là trois actes distincts de puissance : ce qui n'était point a été créé; ce qui avait péri a été réparé; et ce qui était plus élevé que les anges mêmes s'est abaissé un peu au dessous d'eux. Voilà les trois mesures de farine de l'Evangile (Matt. XIII, 21), qui fermentent ensemble et deviennent le pain des anges dont l'homme se nourrit, le pain qui fortifie son cœur. Heureuse et bénie entre toutes les femmes, celle qui a mêlé à ces trois mesures de farine le levain de la foi; c'est en effet par la foi qu'elle a conçu et par la foi qu'elle a enfanté, selon ces paroles d'Elisabeth : «Vous êtes bienheureuse d'avoir cru, parce que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s'accompliront en vous (Luc. I, 45). » Ne soyez pas surpris si je vous dis que c'est par le moyen de sa foi que le Verbe s'est uni à un corps, puisque c'est du corps même de Marie qu'il a tiré le sien. Ce qu'on dit de la ressemblance du royaume des cieux, au sujet de ces trois mesures, n'empêche point que l'explication que j'en donne ici ne soit exacte; rien ne s'oppose évidemment à ce qu'on compare le royaume du ciel à la foi de Marie, puisqu'elle a servi à le réparer.

5. Il ne saurait exister de créature qui puisse rompre le lien de cette union, car le prince de ce mande ne peut rien sur le Christ, et saint Jean lui-même n'est point digne de dénouer les cordons de ses souliers. Et pourtant, il faudra un jour que ces liens soient brisés, sans cela ce qui est brisé maintenant ne saurait être réparé. A quoi peut servir un pain qui n'est point entamé, un trésor enfoui, une sagesse qui se cache ? Saint Jean avait bien raison de pleurer (Apoc. V), parce qu'il ne se trouvait personne pour ouvrir le livre et rompre les sceaux dont il était fermé, car tant qu'il demeure fermé, nul de nous ne saurait arriver à la science de Dieu. Mais ouvrez-le vous-même, Agneau de Dieu, vous qui êtes la vraie mansuétude: livrez aux Juifs vos pieds et vos mains pour qu'ils les ouvrent afin d'en faire tomber les trésors de salut et les richesses de rédemption qu'ils recèlent. Rompez, Seigneur, votre pain aux hommes qui en sont affamés; il n'y a que vous qui puissiez le rompre, vous qui seul êtes capable de tenir bon et de raffermir ce qui est rompu, seul vous avez le pouvoir, dans cette fraction, de déposer la vie pour la reprendre quand il vous plaira. Par un effet de votre miséricorde, renversez en quelque façon ce temple mais n'en dispersez point tout à fait les matériaux. Que le corps soit séparé de l'âme, mais que le Verbe conserve votre chair incorruptible et votre âme en pleine liberté, en sorte que seule, au milieu des morts, elle soit libre dans ses actions, tire de leur prison les âmes qui y sont enchaînées et emmène avec elle celles qui sont assises à l'ombre et dans les ténèbres de la mort. Que votre âme sainte se sépare de son corps immaculé, mais pour le reprendre trois jours après. Que le Christ meure pour faire mourir la mort même, et que la vie des hommes ressuscite ensuite avec lui quand il sortira lui-même du tombeau. C'est en effet ce qui a eu lieu, mes bien chers frères, et nous nous réjouissons qu'il en ait été ainsi. Cette mort a tué la mort, et nous renaissons à l'espérance de la vie après la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts.

6. Mais qui peut dire en quoi consistera le troisième mélange ? « L'œil n'a point vu, l'oreille n'a point entendu et le cœur de l'homme n'a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (I Corinth. II, 9). » Ce sera le comble de tout, quand le Christ remettra le royaume à Dieu son Père et qu'ils seront deux non pas en une seule chair mais en un seul esprit. Car, si en prenant un corps, le Verbe s'est fait chair, à plus forte raison ne fera-t-il plus qu'un seul et même esprit avec lui quand il se sera réuni à Dieu. Dans l'union présenté se montre l'humilité qui en est le moyen, et même une humilité on ne peut plus grande; mais dans celle que nous attendons et qui fait l'objet de tous nos soupirs, se trouve pour nous, si toutefois nous en sommes dignes, le comble de la gloire. Si nous ne l'avons pas oublié, dans le premier mélange d'un corps et d'une âme, d'où résulte un homme, c'est la charité qui nous est recommandée; dans la seconde, ce qui éclate le plus, c'est l'humilité; car il n'y a que la vertu de l'humilité qui puisse réparer les ruines de la charité. Mais l'union d'une âme raisonnable à un corps formé du limon de la terre, n'est pas tout entière le fait de l'humilité, car ce n'est pas par suite de sa volonté propre qu'elle se trouve unie à un corps, mais elle y est envoyée en même temps qu'elle est créée et elle est créée en même temps qu'elle y est envoyée. Il n'en fut pas de mémé de cet Esprit souverain et infiniment bon, il ne s'unit à la chair sans souillure que parce qu'il l'a voulu. C'est donc avec raison que la- gloire du ciel suit la charité et l'humilité, puisque, d'un côté, sans la charité, tout ne sert de rien, et qu'il n'y a que ceux qui s'abaissent qui seront élevés (Luc. XIV, 11).

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