V. DE NOËL IV
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QUATRIÈME SERMON POUR LA VEILLE DE NOËL. Le remède se trouve dans la main gauche du Très-Haut, et sa droite est pleine de délices.

1. La coutume de notre ordre n'exige point de sermon aujourd'hui; néanmoins, comme la célébration des messes doit nous prendre demain plus de temps qu'à l'ordinaire, et nous en laisser trop peu pour un sermon d'une certaine étendue, j'ai pensé que je devais préparer dés aujourd'hui vos cœurs à cette grande solennité, surtout en considérant la profondeur et l'incompréhensible hauteur de ce mystère, qu'on pourrait comparer à une source d'eau vive, qui serait d'autant plus abondante qu'on y puise davantage, en sorte qu'on ne saurait l'épuiser. D'ailleurs, je connais toutes vos tribulations pour Jésus-Christ, Dieu inouïe ! une Vierge enfante et reste immaculée après son enfantement, possédant ainsi la fécondité du sexe et l'intégrité de la chair; la joie de la mère et l'honneur de la vierge. J'attends maintenant, avec confiance, la gloire promise de mon incorruptibilité dans ma chair, puisqu'il a conservé cette incorruptibilité dans sa mère. Il sera facile en effet, à celui qui laissa sa Mère immaculée dans l'enfantement, de me rendre incorruptible en me ressuscitant.

5. Mais il y a de plus grandes richesses encore et une gloire plus complète que ces richesses et cette gloire-là. C'est une femme devenue mère sans rien perdre de sa virginité, et un fils exempt de toute souillure du péché. Si la malédiction d'Eve n'atteint point cette mère, l'enfant, né d'elle, échappe aussi au sort commun de tous ceux dont le Prophète a dit : « Nul n'est exempt de souillure, pas même l'enfant qui n'a encore vécu qu'un jour sur la terre (Job XV, 14). » Voilà cet enfant sans souillure, seul vrai entre tous les hommes, disons mieux, la Vérité même. «Voilà l'Agneau sans tache, l'Agneau qui ôte les péchés du monde (Joan. I, 29). » Qui est-ce qui peut, en effet, mieux ôter les péchés du monde que celui en qui il n'y a point place pour le péché? Oui, celui-là peut me purifier qui est lui-même exempt de toute souillure. Que sa main, la seule que la poussière n'ait point salie. vienne enlever la boue dont mes yeux sont couverts; puisqu'il n'a point de poutre dans l'œil, qu'il vienne ôter la paille qui se trouve dans le mien; bien plus, comme il n'a pas même le plus petit grain dé poussière dans le sien, qu'il débarrasse le mien de la poutre qui l'offusque.

6. Nous avons vu quelles sont ces richesses de salut et de vie, nous avons vu sa gloire, la gloire qui convient au Fils unique du Père. Si vous me demandez de quel Père, je vous répondrai par ces mots « Il sera appelé le Fils du Très-Haut (Luc. I, 32). » Tout le monde sait quel est ce Très-Haut, mais pour qu'il ne reste aucun doute sur ce point, l'ange Gabriel dit lui-même à Marie : «Le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu (Ibid. 35): » O fruit véritablement saint, Seigneur, vous ne souffrirez point que votre saint, qui a exempté sa mère de toute corruption, éprouve lui-même la corruption (Ps. XV, 10). Les miracles s'accroissent, les richesses se multiplient, les trésors s'ouvrent. Celle qui enfante est mère et vierge, celui qui est enfanté est Dieu et homme. Maïs les choses saintes seront-elles données aux chiens et les perlés jetées aux pourceaux? Cachons notre trésor dans le champ et renfermons notre argent dans notre bourse. Que les fiançailles de la mère dérobent aux regards une conception à laquelle l'homme demeure étranger, que le vagissement et les cris de l'enfant nouveau-né donnent le change sur cet enfantement sans douleur; voilez, ô Marie, voilez l'éclat de ce soleil levant; déposez votre enfant dans une crèche, enveloppez-le de langes, car ces langes sont eux-mêmes toute notre richesse. En effet, les langes du Sauveur sont plus précieux que la pourpre, cette crèche est plus glorieuse que les trônes dorés des rois, la pauvreté de Jésus-Christ plus riche que toutes les richesses et que tous les trésors. Où trouver, en effet, quelque chose de plus riche et de plus précieux que l'humilité qui sert à acheter le ciel et à acquérir la grâce? car il est écrit : « Bien heureux les pauvres d'esprit parce que le royaume des cieux leur appartient (Matth. V, 3), et l'Apôtre nous assure que « Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles (Jac. IV, 6). » Vous voyez combien l'humilité nous est recommandée dans la naissance du Sauveur qui, en venant au monde, s'est anéanti lui-même, a pris la forme et la nature de serviteur, et a passé pour homme par tout ce qui a paru de lui au dehors.

7. Mais voulez-vous des richesses plus précieuses et utile gloire plus excellente encore? Vous avez sa charité dans sa passion.; car « personne ne peut avoir un, plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Joan. XV, 13). » Ces richesses de salut et cette gloire ce sont le précieux sang par lequel nous avons été rachetés, et la croix du Seigneur dans laquelle nous mettons toute notre gloire, comme l'Apôtre qui disait : « Pour moi, Dieu me préserve de me glorifier en quoi que ce soit, si ce n'est dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Gal. VI,14), » et qui s'écriait encore : « Je n'ai point fait profession de savoir autre chose, parmi vous, que Jésus-Christ crucifié ( I Corinth. II, 2). » La gauche de Dieu c'est donc Jésus-Christ, mais Jésus crucifié, et la droite c'est encore Jésus-Christ, mais Jésus glorifié : a Je ne connais, disait-il, que Jésus et Jésus crucifié. » Peut-être bien est-ce nous qui sommes nous-mêmes la croix de Jésus, à laquelle on rapporte qu'il a été attaché, car l'homme représente en lui la forme de la croix, comme on peut le voir lorsqu'il étend les bras. En effet, le Christ dit par la bouche du Psalmiste : « Je me trouve plongé dans le limon de l'abîme (Psal. LXVIII, 3). » Or, évidemment ce limon n'est autre chose que nous-mêmes, attendu que nous avons été faits de limon; mais celui qui a servi à nous faire était le limon du paradis terrestre, et maintenant nous sommes le limon de l'abîme. «Je suis plongé, » dit-il, non pas j'ai passé par le limon où j'en suis sorti. « Je suis avec vous jusqu'à la consommation, du siècle (Matth. XVIII, l0). » Attendu qu'il est Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous. Il est donc avec nous, mais par sa main gauche. Ainsi voyons-nous qu'autrefois, quand Thamar enfanta, Zara la première montra, hors du sein de sa mère, une main à laquelle fut lié un fil d'écarlate, symbole de la passion du Seigneur.

8. Nous tenons donc maintenant la main gauche, mais il nous faut encore crier : « Seigneur, tendez votre droite à l’ouvrage de vos mains (Job XIV, 15), » car « elle est pleine de délices pour nous jusqu'à la fin des siècles (Psal. XV, 12). » Seigneur, tendez-nous la main droite et cela nous suffit. « La gloire et les richesses sont dans sa demeure, dit le Psalmiste (Psal. CXI, 3), » sans doute dans la demeure de celui qui craint le Seigneur; mais dans la vôtre, Seigneur, qu'y a-t-il? Des actions de grâces et des paroles de louanges. « Bienheureux, en effet, sont ceux qui demeurent dans votre maison, etc. (Psal. LXXXIII, 5). « Car l'œil n'a point vu l'oreille n'a point entendu, et le cœur de l'homme n'a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (I Corinth. II, 9). » C'est une lumière inaccessible, une paix qui surpasse tout sentiment, une source qui, au lieu de jaillir en haut, jaillit en bas. L'œil de l'homme n'a point vu la lumière inaccessible, et son oreille n'a point entendu la paix incompréhensible. Il est vrai, les pieds de ceux qui portent la bonne nouvelle de la paix sont beaux (Rom. X, 15), mais quoique leur, voix ait retenti dans le monde entier, cependant bien loin de faire entendre aux oreilles des hommes cette paix qui surpasse tout sentiment, ils n'ont pas pu l'entendre. En effet, saint Paul lui-même dit : «Mes frères, je ne crois pas l'avoir comprise (Philip. III, 13). La foi vient de ce qu'on a entendu, et on a entendu, parce que la parole de Jésus-Christ a été prêchée (Rom, X, 17) ; » remarquez, la foi non la vue; la promesse non le don de la paix. Il y a bien une paix dès maintenant sur la terre pour les hommes de bonne volonté; mais qu'est-ce que cette paix-là comparée à la plénitude et à la surexcellence de cette autre paix? Voilà pourquoi le Seigneur a dit lui-même : « Je vous laisse, je vous donne ma paix (Joan. XIV, 27), » comme s'il avait dit Vous n'êtes pas encore capables dé goûter ma paix, cette paix qui surpasse tout sentiment et qui est une paix dans la paix même. Voilà pourquoi je vous donne la patrie de la paix et vous laisse, en attendant, le chemin de la paix.

9. Mais pourquoi ces paroles : « Le cœur de l'homme n'a point conçu? » Sans doute, c'est parce que c'est une source qui ne jaillit point en haut. Nous savons, en effet, qu'il est dans la nature des sources d'aimer le creux des vallées et de fuir les hauteurs escarpées ides montagnes, selon ce qui est écrit : «Vous conduisez les fontaines dans les vallées et vous faites couler les eaux entre les montagnes (Psal. CIII, 10). » Voilà pourquoi je rappelle si souvent à vos charités que « Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles (Jac. IV, 6). » Les sources ne remontent point, de quelque lieu qu'elles jaillissent. On pourrait croire à la première vue que, suivant cette règle, les voies de la grâce ne sont point fermées à l'orgueil, d'autant plus que le premier orgueilleux que l'Ecriture appelle le roi des enfants de l'orgueil n'a point dit, selon les Saintes Lettres : Je serai plus haut, mais « je serai semblable au Très-Haut (Is. XIV, 14). » Cependant l'Apôtre n'a point avancé un mensonge quand il a dit : « Il s'élève au-dessus de tout ce qui est cru et adoré comme Dieu (II Thess. II, 4). » L'homme ne peut entendre cette parole sans frémir d'horreur. Plaise à Dieu que son âme frémisse d'une égale horreur à ces pensées et à ces sentiments mauvais. Car je vous dis, moi aussi, que non-seulement le démon mais tout orgueilleux s'élève au-dessus de Dieu même. En effet, Dieu veut qu'on fasse sa volonté, et l'orgueilleux veut aussi qu'on fasse la sienne; il vous semble que jusque-là les choses sont égales, mais remarquez combien les rapports sont disproportionnés. Dieu, il est vrai, veut que sa volonté soit faite, mais seulement dans les choses que la raison approuve; l'orgueilleux, au contraire, veut que la sienne se fasse, qu'elle soit conforme ou non à la raison. Voyez-vous comme il se tient sur les hauteurs et comment les ruisseaux de la grâce ne peuvent remonter jusqu'à lui? « Si vous ne vous convertissez, dit le Sauveur, et si vous ne devenez comme un petit enfant. — Il voulait parler de lui en qui habite et d'où s'épanche la plénitude de toutes les grâces, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (Matth. XVIII, 3). » Creusez donc des canaux, aplanissez ces montagnes de pensées terrestres et orgueilleuses, devenez semblables au Fils de l'homme, non point au premier homme, attendu que la source de la grâce ne saurait remonter jusque dans le cœur de l'homme charnel et terrestre; purifiez aussi votre œil, si vous voulez voir la plus pure des lumières; inclinez votre oreille à l'obéissance si vous voulez parvenir un jour au repos éternel et à la paix dans la paix. C'est une lumière à cause. de sa sérénité; c'est une paix pour sa tranquillité et une source pour son éternel épanchement. La source ce sera le Père, de qui naît le Fils et procède le Saint-Esprit; la lumière ce sera le Fils qui est la splendeur de la vie éternelle, la vraie lumière éclairant tout homme venant en ce monde: la paix ce sera le Saint-Esprit qui se repose sur les cœurs humbles et pacifiques. Mais si je parle ainsi ce n'est point pour dire que ces choses soient propres à chacune des trois personnes de la Trinité; car le Père est aussi lumière, puisque le Fils est lumière de lumière; le Fils est aussi paix, car il est notre paix celui qui a réuni les deux en un; le Saint-Esprit également est une source d'eau jaillissante jusqu'à la vie éternelle.

10. Mais quand y arriverons-nous? Seigneur, quand me remplirez-vous de la joie de voir votre face? Nous nous réjouissons déjà en vous parce que vous nous avez visités comme un soleil levant qui nous vient du haut des cieux; nous nous réjouissons de nouveau dans la bienheureuse espérance de votre second avènement. Mais quand goûterons-nous la plénitude de la joie, non par un effet de notre souvenir, mais par suite de votre présence ? Non dans le bonheur de l'attente, mais dans le charme de la claire vue? « Que votre modestie, disait l'Apôtre, soit connue de tous les hommes, le Seigneur est proche (Philip. IV, 5). » N'est-il pas juste, en effet, que notre modestie soit connue comme celle du Seigneur l'est de tous les hommes? Est-il rien de plus inconvenant que de voir l'homme agir sans modestie, l'homme, dis-je, qui rie peut ignorer sa faiblesse, quand le Seigneur de majesté s'est montré modeste au milieu des hommes? « Apprenez de moi, dit-il, que je suis doux et humble de cœur (Matth. XI, 29), » afin que votre modestie puisse aussi être connue des autres. Par ces paroles qui suivent, « le Seigneur est proche, » il faut entendre sa main droite, attendu que lorsqu'il parle de sa gauche il dit lui-même : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles (Matth. XXVIII, 20). » Oui, mes frères, le Seigneur est proche, ne vous mettez plus en peine de rien; il est là tout prêt et ne peut tarder à paraître. Ne vous laissez aller ni à la fatigue ni à la défaillance; cherchez-le pendant qu'on peut encore le trouver, invoquez-le tandis qu'il n'est pas loin. « Le Seigneur est tout près des cœurs qui sont dans les épreuves et la tribulation (Psal. XXXII, 19). » Il est tout proche de ceux qui l'attendent, mais de ceux qui l'attendent en vérité. D'ailleurs, voulez-vous savoir combien il est proche, écoutez les chants de l'Épouse quand elle parle de l'Époux : «Le voici, dit-elle,, qui se tient derrière la muraille (Cant. II, 9). » Or, par cette muraille c'est votre corps qu'il faut entendre, car il n'y a que lui qui vous empêche de le voir, quoiqu'il soit près de vous. Aussi saint Paul s'écriait-il : «Je voudrais être débarrassé des liens de ce corps et me trouver avec le Christ (Philip. I, 23). » Ailleurs il disait en gémissant « Malheureux homme que je suis, qui donc me délivrera de ce corps de mort (Rom. VII, 24).» Tel aussi le Psalmiste s'écriait : » Tirez mon âme de sa poison. afin que je bénisse votre nom (Psal.. CXLI, 8). »

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