ÉPIPHANIE V
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EPIPHANIE VI

PREMIER SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE APRÈS L'OCTAVE DE L’ÉPIPHANIE. Sur le miracle de Cana et sur ces paroles de Notre-Seigneur : «Et vous, soyez semblables à ceux qui attendent que leur maître revienne des noces (Luc. XII, 36). »

1. L'Evangile nous apprend aujourd'hui, mes frères, que Notre-Seigneur rendit à des noces. Eh bien, suivant le conseil qu'il nous donnes un endroit « soyons semblables à ceux qui attendent que leur maître revienne des noces (Luc, XII, 36). » Lorsque nous voyons dans les champs un hommes qui à la main à la charrue ou dans le marché, quelqu'un qui vend ou qui achète quelque chose, nous ne leur disons point qu'attendez-vous ? Car ils ne ressemblent tas à des, gens qui sont dans l'attente. Mais quand nous voyons quelqu'un debout à la porte, frapper plusieurs fois de suite, et jeter les yeux vers les fenêtres, nous lui demandons ce qu'il attend, et personne n'est surpris de notre question. Ceux qui n'ont point fait la sourde oreille à la voix qui leur rasait: « Soyez dans un saint repos et considérez crue c'est moi qui suis véritablement Dieu (Ps. XLV, 11),» ressemblent à des gens qui, sont dans l'attente. Or, le Seigneur viendra trouver ceux qui l'attendent en vérité et qui sont dans les mêmes dispositions que celui qui disait : «J'ai attendu le Seigneur dans une grande impatience (Psal. XXXIX, 2). » Il arrivera comme s'il revenait des noces, le cœur enivré du vin de la charité et oublieux de toute iniquité. Pour ceux qui ne l'attendent pas, il arrivera comme un maître qui revient des noces et comme un homme dont le vin, qu'il a bu en abondance, a doublé les forces (Psal. LXXVII, 71). Oui, il sera ivre et il aura oublié son penchant à la miséricorde, car pour ce qui concerne ces gens-là, Dieu ne saura plus ce que c'est que la pitié. Il viendra, mais colère, indigné, furieux en quelque sorte. Mais, ô Seigneur, veuillez ne point me reprendre quand vous serez ainsi animé par la fureur. Mais en voilà assez comme cela, non-seulement sur les noces présentes, mais encore sur ce qui m'a donné occasion de vous en parler.

2. Unissons-nous maintenant aux apôtres, et suivons le Seigneur avec eux afin de voir ce qu'il va faire, et de croire comme eux. « Or, le vin étant venu à manquer, la mère de Jésus lui dit : ils n'ont plus de vin (Joan. II, 3);» elle eut pitié d'eux dans sa bonté et prit part à leur embarras. Que peut-il couler de la source de la bonté sinon de la bonté ? Oui, je vous le demande, comment nous étonner que des entrailles mêmes de fa bienveillance se produise une telle bienveillance? Est-ce que la main qui, pendant une demi-journée, a tenu un fruit n'en conservera point l'odeur le reste du jour? Quels parfums de bonté n'a donc point répandus dans les entrailles de Marie, la vertu même de charité qui y a séjourné pendant neuf mois entiers? D'ailleurs elle remplit son cœur avant d'avoir rempli son sein, mais en sortant de son sein, elle n'est point sortie de son cœur. Peut-être la réponse du Seigneur paraîtra-t-elle un peu dure et sévère; mais celui qui la fit savait bien à qui il parlait, de même que, celle-ci n'ignorait pas, qui- la lui faisait. Mais si vous voulez savoir comment elle reçut cette réponse et combien elle comptait sur la bonté de son Fils, écoutez ce qu'elle dit à ceux qui servaient : « Faites tout ce qu'il vous ordonnera (Joan. II, 4). »

3. « Or, il y avait là six grandes urnes de pierre ( Ibid., 6 ). » Il faut maintenant que je place devant vous ces urnes qui doivent servir aux purifications des vrais Juifs, je veux dire de ceux qui sont Juifs selon l'esprit, non selon la lettre : ou plutôt fi faut que je vous explique le sens de ces urnes qui se trouvaient là. Tant que l'Eglise ne sera point encore arrivée à cet état de perfection dans lequel le Christ la fera paraître devant lui pleine de gloire, n'ayant ni tache, ni rides, ni rien de semblable (Eph. V, 27), elle aura besoin de nombreuses purifications, que l'indulgence abonde autant que le péché, la miséricorde à l'égal de la misère; bien plus, que la grâce ne suive même pas la proportion du péché (Rom. V, 15), car non-seulement elle efface le péché, mais encore elle est la source des mérites. Il y a donc six urnes disposées dans l'Eglise pour ceux qui tombent dans quelque péché après leur baptême, nous ne parlons que de ceux-là parce que nous sommes de leur nombre. Nous avons déposé notre ancien vêtement, mais hélas! nous l'avons repris pour notre plus grand mal. Nous nous sommes lavés les pieds, mais nous les avons depuis souillés plus qu'ils ne l'étaient d'abord. Mais de même 'que ce fut un autre que nous qui lava nos pieds qu'un autre que nous aussi avait souillés, ainsi maintenant comme c'est nous qui les avons salis de nouveau, c'est à nous de les laver. L'eau versée par des mains étrangères nous a purifiés d'une faute que nous tenions d'un autre que nous. Pourtant je ne dois point la présenter comme nous étant si étrangère qu'elle ne soit pas nôtre en même temps, autrement elle n'aurait pu nous;souiller, mais elle est étrangère en ce sens que c'est à notre insu que nous en sommes tous devenus coupables en Adam, et elle est nôtre en ce sens , que, bien que nous ayons péché dans un autre, cependant c'est nous qui avons péché, et cette faute nous sera imputée par un jugement aussi juste qu'impénétrable de Dieu. Mais pour que tu n'aies point d'excuse; ô homme, pour réparer la désobéissance d'Adam, il t'a été donné l'obéissance de Jésus-Christ, en sorte que si tu as été vendu gratuitement , tu sois aussi racheté gratuitement; si tu as péri dans Adam à ton insu, c'est également à ton insu que tu es purifié en Jésus-Christ. Quand Adam a porté une main malheureuse sur le fruit défendu, tu n'en eus pas plus conscience de ce que fit le Sauveur quand il étendit ses mains innocentes sur l'arbre du salut. Du premier homme a découlé en ton âme la faute qui l'a souillée, et du côté de Jésus-Christ, l'eau qui l'a purifiée. Mais à présent, souillé par tes propres fautes, c'est dans ton eau à toi que tu devras te laver, mais toujours en celui et par celui qui seul purifie l'homme de ses péchés.

4. La première de ces urnes et la première de nos purifications est la componction dont nous lisons que le Seigneur a dit : « du moment que le pécheur la ressentira dans son cœur, je ne me rappellerai plus aucune de ses iniquités (Ezech. IV, 18). » La seconde est la confession, car la confession lave tous les péchés. La troisième consiste dans l'aumône, selon ce que nous voyons dans l'Evangile : « Donnez l'aumône, et toutes choses seront pures pour vous (Luc. XI, 41). » Le pardon des injures est le quatrième; car nous disons dans la prière : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés (Matth. VI,12). » La cinquième est la mortification de la chair, aussi demandons-nous dans la prière a d'être purifiés -par l'abstinence, afin de chanter la gloire de Dieu. La sixième est la soumission aux préceptes, à l'exemple des disciples qui méritèrent d'entendre ces paroles, et Dieu veuille que nous nous rendions dignes de les entendre aussi : « Pour vous, vous êtes purs à cause de la parole que je vous ai dite (Joan. XV, 3). » Il est vrai qu'ils ne ressemblaient point à ceux dont il est dit : « Ma parole ne trouve point d'accès en vous (Joan. VIII, 37), »

a Ces paroles se trouvent dans l'hymne de Prime.

du contraire ils étaient soumis à la parole du Sauveur dès qu'ils l'entendaient. Voilà quelles sont les six urnes qui ont été disposées pour nous purifier; elles sont vides ou ne sont pleines que de vent si elles tue vous servent qu'à la vaine gloire, au contraire elles sont remplies d'eau si elles sont gardées par la crainte de Dieu, attendu que la crainte du Seigneur est une source de vie. Oui, la crainte du Seigneur est une eau, une eau qui peut-être flatte peu le palais, mais dont la fraîcheur tempère admirablement les ardeurs des mauvais désirs; enfin c'est une eau qui éteint les traits enflammés de l'ennemi. Une ressemblance de plus entre la crainte et l'eau, c'est que celle-ci recherche toujours les fonds, et celle-là abaisse nos pensées, se plaît aussi à descendre, parcourt les endroits horribles avec une âme tremblante, selon ces paroles : « J'irai aux portes mêmes de l'enfer (Is. XXXVIII, 10). » Mais par un effet de la puissance de Dieu, cette eau se change en vin, lorsque la chasteté parfaite chasse toute crainte de notre âme.

5. Il est dit que ces urnes étaient de pierre, c'est moins pour en indiquer la dureté que pour en montrer la fixité. « Chacune contenait environ deux ou trois mesures.» Les deux mesures nous représentent deux sortes de craintes; la première, de nous voir peut-être un jour précipités en enfer, la seconde de nous entendre peut-être, exclure de la vie éternelle. Mais comme il s'agit là de choses qui peuvent ne point arriver, et que l'âme peut se flatter de faire un jour pénitence après avoir passé une partie de la vie dans les plaisirs des sens, et de pouvoir échapper ainsi à l'enfer et obtenir le ciel, il est bon d'ajouter une troisième crainte aux deus premières, une crainte bien connue des hommes spirituels, et d'autant plus utile qu'elle se rapporte au temps présent. Or ceux qui connaissent la nourriture spirituelle ne craignent rien tant que de s'en voir privés. C'est qu'en effet quiconque a mis la main à de fortes entreprises sent le besoin d'une forte nourriture. Que ceux qui passent leur vie aux œuvres de terre et de briques se contentent des pailles de l'Egypte; pour nous qui avons une longue route à faire, nous avons besoin d'une nourriture plus forte afin de continuer notre chemin. Or cette nourriture c'est le pain des anges, c'est le pain de vie, c'est notre pain quotidien. C'est: de lui qu'il est question dans la promesse qui nous a été faite que nous recevrions le centuple en cette vie. De même a qu'aux mercenaires on donne leur pain quotidien pendant que durent leurs travaux, en réservant la récompense pour la fin, ainsi le Seigneur nous donnera à la fin, la vie éternelle; mais il nous montre et nous promet en attendant le centuple en cette

a Geoffroy rapporte les mêmes paroles au n. 63 des Déclamations qui jusqu'alors ont été attribuées à saint Bernard, et il ajoute au n. 70 que notre Saint entendait par ce centuple, qu'il dit être propre aux religieux, la grâce dé la dévotion, les délices de la charité, la gloire de la bonne conscience et la joie qu'on goûte au milieu même des épreuves. C'est à peu prés ce que dit saint Bernard lui-même, dans son quatrième sermon sur le Psaume quatre-vingt-dixième, n. 1 et 2. On peut voir encore sur ce sujet ce qu'il dit dans le troisième sermon pour le dimanche après l'octave de l’Epiphanie, n. 8.

vie. Faut-il s'étonner si tous ceux qui, ont déjà reçu ce centuple ont peur de le perdre?, Or voilà quelle est la troisième mesure qui ne se trouve liée aux deux premières que par la disjonctive, ou pour donner à entendre que le centuple n'est point promis à tout le monde, mais seulement à ceux qui ont tout quitté.

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