PSAUME CXVIII-XXX
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TRENTIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIII.

LA GRÂCE DE DIEU.

 

Cette loi que le Prophète n’a point oubliée, est celle qui élève les humbles, et abaisse les orgueilleux; or, l’élévation des saints, c’est la vie éternelle, due à la grâce qui nous sépare des pécheurs. Cette grâce a produit dans l’Eglise la force en face des persécuteurs: de là tant de martyrs; et la charité qui pleure les apostasies, en même temps qu’elle raffermit dans la parole divine.

 

1. Nul d’entre les membres du Christ ne regardera comme étrangère pour lui cette parole, que répète le corps mystique du Christ, tout entier dans l’humilité, et qui commence, dans notre psaume, notre lecture d’aujourd’hui : « Voyez mon humiliation et délivrez-moi, car  je n’ai point oublié votre loi 1 ». Nous ne

 

1. Ps. CXVIII, 153.

 

pouvons entendre ici nulle autre loi de Dieu que le décret qui astreint irrévocablement à être humilié quiconque s’élève, et quiconque s’humilie, à être élevé 1. Le superbe est donc en proie aux misères afin d’en être humilié, et l’humble en est délivré afin d’être élevé.

 

1. Luc, XIV, 11; XVIII, 14.

 

2. «Jugez ma cause »,dit le Prophète, « et rachetez-moi 1». C’est là une répétition de la pensée précédente. Car « voyez mon humiliation », revient à «jugez ma cause » ; et « délivrez-moi », revient à « rachetez-moi ». Enfin cette parole qui précède: « Je n’ai point oublié votre loi », a rapport à cette autre qui suit: « Donnez-moi la vie à cause de votre parole ». Car cette parole est la loi de Dieu, qu’il n’a point oubliée, afin de s’humilier pour être ensuite élevé. Or, à cette élévation revient cette parole: « Donnez-moi la vie » ; car l’élévation des saints est la vie éternelle.

3. « Loin des pécheurs est le salut, parce qu’ils n’ont point recherché vos justifications 2 ». Qui te sépare en effet, ô toi, qui proclames « que loin des pécheurs est le salut », qui te sépare de ces pécheurs, de sorte que ce salut ne soit point éloigné de toi, mais avec toi? Ce discernement vient peut-être de ce que tu as fait ce qu’ils n’ont point fait, c’est-à-dire recherché les justifications de Dieu. « Qu’as-tu que tu n’aies pas reçu ? » N’est-ce pas toi qui disais un peu plus haut « J’ai crié de tout mon coeur : exaucez-moi, mon Dieu, je chercherai vos ordonnances? » C’est donc de celui à qui tu en appelais que tu as reçu de les chercher. C’est donc lui qui t’a séparé de ceux qui sont éloignés du salut, par cela même qu’ils n’ont point recherché les ordonnances de Dieu.

4. Voilà ce qui n’a point échappé au Prophète. Et moi je ne le verrais point si je ne le voyais en lui, si je n’étais en lui. Car ces paroles sont du corps de Jésus-Christ, dont nous sommes les membres. Voilà, dis-je, ce qu’il a vu, et aussitôt il ajoute : « Seigneur, vos miséricordes sont grandes ». Et ces recherches que nous faisons de vos ordonnances ne sont qu’un effet de vos miséricordes. « Vivifiez-moi selon votre jugement 4 ». Car je sais que votre jugement sur moi ne sera point sans miséricorde.

5. « Mes persécuteurs et mes ennemis deviennent de plus en plus nombreux, je ne me suis point détourné de vos oracles 5 ». C’est là un fait: nous le savons, nous nous en souvenons, nous le proclamons. Toute la terre a été rougie du sang des martyrs; les couronnes des martyrs embellissent le ciel, les

 

1. Ps. CXVIII, 154.— 2. Id. 155.—  3. I Cor. IV, 7.— 4. Ps. CXVIII, 156.

 

Eglises sont illustrées par les temples élevés aux martyrs, les fêtes des martyrs viennent rehausser les jours de l’année, et chaque jour on voit des guérisons par les mérites des martyrs. D’où viennent tous ces honneurs, sinon parce que s’est accomplie à l’égard de cet homme répandu dans l’univers entier cette prophétie: « Mes persécuteurs et mes ennemis deviennent de plus en plus nombreux, et je ne me suis point détourné de vos oracles ?» Nous le reconnaissons et en rendons à Dieu des actions de grâces. Car c’est bien toi, ô homme, c’est toi qui as dit dans un autre psaume: « Si le Seigneur ne nous eût assistés, les hommes nous auraient dévorés tout vivants 1». Voilà pourquoi tu n’as point dévié de ces témoignages, et pourquoi, environné de cette foule de persécuteurs et d’ennemis, tu as pu néanmoins cueillir la palme céleste à laquelle Dieu t’appelait.

6. « J’ai vu les insensés, et j’ai séché de dépit », ou comme on lit en d’autres exemplaires, et c’est la version la plus commune « J’ai vu ceux qui n’observaient point votre  pacte 2 ». Mais quels sont les violateurs du pacte, sinon ceux qui se sont éloignés des témoignages de Dieu, et qui n’ont pu supporter les nombreuses persécutions? Et le pacte c’est la couronne décernée au vainqueur. Ce pacte, ils l’ont violé, ceux qui succombant aux persécutions, se sont éloignés par l’apostasie des témoignages du Seigneur. Voilà ceux qu’a vus le Prophète, et il en séchait de dépit parce qu’il les aimait. Or, ce zèle est ban, il vient de l’amour et non de l’envie. Le Prophète nous montre ensuite en quoi ces apostats ont violé le pacte du Seigneur : « C’est », dit-il, « parce qu’ils n’ont point gardé vos paroles ». Ils les ont reniées au milieu des souffrances.

7. Pour montrer combien il diffère de ces apostats, le Prophète s’écrie : « Voyez, Seigneur, combien j’ai aimé vos préceptes ». Il ne dit point : J’ai renié vos paroles ou vos témoignages, comme on voulait y contraindre les martyrs, dont la fidélité était accablée de douleurs si violentes, mais il nous signale tout l’avantage des souffrances : car en vain je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité cela ne me sert de rien 3. Telle est la charité dont il s’applaudit: « Voyez, Seigneur, combien j’ai aimé vos préceptes ».

 

1. Ps. CXIII, 2. — 2. Id. CXVIII, 158. — 3. I Cor. XIII, 3.

 

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Puis il demande sa récompense : « Seigneur, donnez-moi la vie dans votre miséricorde». Ceux-là me donnent la mort, vous, donnez-moi la vie. Mais s’il demande à la miséricorde le prix que lui doit la justice, combien plus doit-il à cette miséricorde cette victoire même qui mérite une récompense !

8. « Le principe de vos paroles est la vérité, et tous les jugements de votre justice sont éternels 1 ». C’est de la vérité, dit-il, que découlent vos paroles, et dès lors elles sont vraies ; sans jeter personne dans l’erreur, elles assurent la vie au juste, la damnation à l’impie. Tels sont les jugements de Dieu qui subsistent dans l’éternité.

 

1. Ps. CXVIII, 160.

 

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