PSAUME CXVIII-XIV
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QUATORZIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIII.

LES EFFETS DE LA GRÂCE.

 

Après avoir prié, le Prophète raconte le bien qu’il a fait, comme pour nous dite qu’il a été exaucé. Il a marché dans la voie large par la charité, parce qu’il s’appliquait à suivre les préceptes du Seigneur avec le secours de la prière, et cette prière est avivée par l’Esprit-Saint qui demeure en nous. Ensuite il a publié sans rougir les témoignages du Seigneur, comme les martyrs, parce qu’il méditait les préceptes elles pratiquait.

 

1. Les versets précédents de ce long psaume contenaient une prière; ceux que nous avons à traiter maintenant sont une narration. L’homme de Dieu implorait en effet le secours

de la grâce, quand il disait: « Vivifiez-moi dans votre justice, et que votre miséricorde, ô mon Dieu, descende sur moi » ; ainsi des autres versets qui précèdent ou qui suivent. Maintenant il s’écrie : « Et je marchais dans la voie spacieuse, parce que j’ai cherché vos commandements. J’annonçais vos témoignages en présence des rois, sans en rougir. Je méditais vos préceptes qui font mes délices. Et j’ai levé mes mains vers vos commandements, objet de mon amour, et je m’exerçais dans les oeuvres de votre justice 1». Ce langage est d’un homme qui raconte, et non d’un homme qui prie; il a, ce semble, obtenu de Dieu ce qu’il demandait, et reconnaît en louant Dieu ce qu’a fait de lui cette miséricorde, qu’il appelait sur lui-même. Il ne cherche pas à relier ces paroles à ce qui précède, et ne dit pas:

 

1. Ps. CXVIII, 40-48.

 

Et n’ôtez point à ma bouche votre parole à jamais, parce que j’ai espéré en vos jugements , et je garderai toujours votre loi dans le siècle , et dans le siècle des siècles, et je marcherai dans la voie spacieuse, parce que j’ai recherché vos commandements. Et je parlerai de vos témoignages en présence des rois, sans en rougir ; et ainsi de suite: alors on eût compris qu’il rattachait ce qui suit à ce qui précède ; mais il dit : « Et je marchais dans la voie spacieuse », phrase inconséquente, puisque la particule copulative : « Et » ne lie absolument rien ; car il ne dit pas : « Et je marcherai », comme il disait: « Et je garderai toujours votre loi ».Ou bien, s’il est dit au mode optatif: Custodiam, « Que je garde votre loi » ; il n’est pas dit : Que je marche dans la voie large, comme si le Prophète eût fait un souhait et une prière. Mais il dit : Ambulabam, « je marchais dans la voie large » ; et si l’on ne voyait ici une conjonction, si la phrase sans se rattacher à ce qui précède eût été absolue : Je marchais dans la voie large; rien d’extraordinaire n’eût (681) forcé le lecteur à voir ou à chercher ici un sens caché. Il nous laisse donc à entendre ce qu’il n’a pas dit, c’est-à-dire qu’il a été exaucé: et il nous montre l’état où nous a mis la grâce de Dieu, comme s’il disait: Quand je faisais cette prière, vous m’avez exaucé : « Et je marchais dans la voie spacieuse», et le reste que nous lisons ensuite.

2. Que signifie donc: « Et je marchais dans la voie large », sinon je marchais dans

la charité, « qui a été répandue dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné 1? » C’est dans cette voie large que marchait celui qui disait : « O Corinthiens, ma bouche vous est ouverte, et mou coeur se dilate 2 ». Or, cette charité est renfermée complètement dans les deux préceptes de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, qui renferment à leur tour la loi et les Prophètes 3. Aussi, après avoir dit: « Et je marchais dans la voie large, le Prophète nous en donne-t-il la raison: «C’est»,dit-il, « parce que j’ai cherché vos préceptes ». Dans plusieurs exemplaires, on voit, non point, « vos préceptes, mais, vos témoignages»: plus souvent, néanmoins, nous avons lu, « vos préceptes » surtout chez les Grecs, et qui ferait difficulté

de s’en tenir à cette traduction d’où est venu le texte latin? Si donc nous voulons savoir

comment le Prophète a cherché ces commandements, ou comment il faut les chercher,

écoutons ce que nous dit le divin maître, qui nous enseigne et nous domine ce que nous

devons demander : « Demandez et vous recevrez; cherchez et vous trouverez; frappez et l’on vous ouvrira ». Et un peu après: « Si donc vous qui êtes méchants, savez donner ce qui est bon à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il ce qui est bon à ceux qui le lui demandent  4 ? » Par là il nous montre évidemment que ces paroles : « Demandez, cherchez, frappez », ne sont qu’une recommandation de prier avec instance. Mais un autre Evangéliste ne dit point : « Il donnera des biens à ceux qui les lui demandent », ce qui peut avoir plusieurs sens et se rapporter aux biens corporels, ou aux biens spirituels; mais il retranche tout le reste et nous montre d’une manière précise ce que le Seigneur veut que nous demandions avec ardeur et avec instance : « A

 

1. Rom. V, 5. — 2. II Cor. VI, II. — 3. Matth. XXII, 40. — 4. Id. VII, 7, 51.

 

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combien plus forte raison», dit-il, « votre Père du ciel donnera-t-il l’Esprit à ceux qui l’invoqueront 1?» C’est ce même Esprit qui répand la charité dans nos coeurs, afin que nous accomplissions les commandements par l’amour de Dieu et du prochain. C’est par ce même Esprit que nous crions : Père, Père 2. C’est lui dès lors qui nous fait demander ce que nous voulons recevoir, qui nous fait chercher ce que nous désirons trouver, qui nous fait frapper où nous essayons d’arriver. Voilà ce qu’enseigne l’Apôtre qui, après nous avoir dit que le Saint-Esprit nous fait crier : Père, Père, ajoute dans un autre endroit : « Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, mon Père 3 ». Comment est-ce nous qui crions, si lui-même crie en nous, sinon parce qu’il nous fait crier, quand il commence d’habiter en nous? li le fait encore dès qu’il est en nous, afin qu’en demandant, en cherchant, en frappant, on le demande, et on le reçoive plus abondamment. Soit en effet que l’on demande à Dieu une vie sainte, soit que l’on vive déjà saintement, tous ceux qui sont dirigés par l’Esprit de Dieu sont enfants de Dieu 4. Donc: « Je marchais », dit le Prophète, « dans la voie large, parce que j’ai cherché vos préceptes ». Il avait cherché et il avait trouvé, parce qu’il avait demandé et reçu l’Esprit-Saint, par lequel, devenu bon lui-même, il avait fait des bonnes oeuvres, par la foi qui opère par la charité 5.

3. « Et je parlais de vos témoignages en présence des rois, sans en rougir » ; non plus que celui qui avait demandé et obtenu la faveur de répondre à ceux qui lui reprocheraient le Verbe, et à la bouche duquel ne devait pas être dérobé le Verbe de Ii vérité. Il combat donc pour elle jusqu’à la mort et ne rougit point de la proclamer en présence des rois. Ces témoignages, en effet, qu’il nous dit avoir proclamés, s’appellent en grec martyres, expression que nous avons adoptée en latin; et de là vient que nous avons appelé martyrs ceux à qui Jésus a prédit qu’ils le confesseraient en présence des rois 6.

4. « Et je méditais », dit le Prophète, « vos commandements qui font mes délices. Et  j’ai levé les mains vers vos préceptes, objet de mon amour 7 ». D’autres ont traduit dilexi

valde, que j’ai aimés beaucoup, d’autres nimis,

 

1. Luc, XI, 13.— 2. Rom. VII, 15.— 3. Gal. IV, 6.— 4. Rom. VIII, 14. — 5. Gal. V, 6. — Matth. X, 18. — 6. Ps. CXVIII, 47, 48.

 

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« à l’excès », d’autres encore vehementer, « avec violence», cherchant à rendre ainsi le grec sphodra. Il aimait donc les commandements de Dieu, dès lors qu’il marchait dans la voie large, par ce même Esprit-Saint qui a répandu dans nos coeurs la charité, et qui dilate les coeurs des fidèles 1. Or, il les a aimés en les méditant et en les pratiquant. Quant à la méditation, il nous dit : « Je réfléchissais à vos œuvres »; et quant à la pratique : « Je levais les mains vers vos préceptes ». Et à chacun de ces versets, il ajoute : quae dilexi, « que j’ai aimés ». « Or, la fin de tout précepte, c’est la charité émanant d’un coeur 2». Quand c’est dans cette fin, c’est-à-dire d’après cette considération que l’on accomplit les préceptes de Dieu, alors l’oeuvre est bonne, et on élève les mains, parce que c’est vers Dieu qu’on les élève. Aussi l’Apôtre voulant parler de la charité, nous dit-il: « Je vous indique une voie

 

1. Rom. V, 5 — 2. I Tim. I, 5.

 

bien supérieures 1» ; et ailleurs, «afin», dit-il, « de connaître l’amour de Jésus Christ envers nous, lequel surpasse toute connaissance ».Car accomplir les commandements de Dieu en vue d’un bonheur terrestre, c’est abaisser les mains plutôt que les élever; puisque c’est rechercher par une semblable intention,non plus les récompenses d’en haut,mais celles d’ici-bas. A la méditation et à l’accomplissement des préceptes appartient ce qui suit : « Et je m’exerçais dans vos oeuvres de justice » : ce que plusieurs ont traduit ainsi de préférence à laetabar, « je me réjouissais », ou à garriebam, « je m’entretenais », comme l’ont fait plusieurs à cause du grec edolesxoun. Celui en effet qui aime les commandements de Dieu, et qui fait ses délices de les méditer et de les pratiquer, s’exerce dans ces coinmandements avec joie, en parle avec plaisir.

 

1. I Cor. XII, 31. — 2. Ephés. III, 19.

 

 

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