PSAUME CXVIII-X
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DIXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIII.

LE GOUT DES BONNES OEUVRES.

 

 

Comme le Prophète s’est attaché à la poussière, c’est-à-dire à la terre, ou même à ces affections du corps dont les convoitises sont contraires à celles de l’esprit, et dont il désire l’affaiblissement, il demande à Dieu, à cause de sa parole, ou de sa promesse qui fait de nous des enfants d’Abraham, de s’élever de plus en plus à la hauteur de la charité Pour n’en pas déchoir, il demande à Dieu la loi de la vie on de la foi, puis s’applaudit de ce que Dieu a dilaté son coeur pour courir dans ses commandements, c’est-à-dire lui a donné le goût des oeuvres saintes.

 

1. Voici ce que nous donne la suite de ce grand psaume qu’il nous faut considérer et expliquer selon qu’il plaît à Dieu : « Mon âme s’est attachée à la poussière, donnez-moi la vie selon votre parole 1 ». Qu’est-ce à dire « Mon âme s’est attachée à la poussière ? » Car en disant ensuite : « Vivifiez-moi selon votre parole » , le Prophète montre qu’il avait énoncé d’abord pour quel motif il demandait la vie, lorsqu’il disait : « Mon âme s’est attachée à la poussière ». Si donc il demande la vie, parce que son âme s’est attachée au sol, l’on peut prendre cette expression dans un sens favorable. Toute la pensée en effet se réduit à dire Je suis mort, donnez-moi la vie. Quel est donc ce sol, cette poussière? Si nous voulons regarder le monde entier comme un vaste palais, nous verrons que le ciel en est comme le dôme, et que le pavé sera la terre. Le Prophète alors demande a être délivré de la terre afin de dire comme saint Paul « Notre conversation est dans le ciel 2 ». Donc s’attacher aux choses terrestres, c’est la mort de l’âme, et dès lors dire : «Vivifiez-moi », c’est demander la vie contraire à cette mort.

2. Mais il faut voir si ces paroles ainsi entendues peuvent convenir à celui qui parlait tout à l’heure, de manière à se montrer plus attaché à Dieu qu’à la terre; celui-là peut-il demander que sa conversation soit moins des

 

1. Ps CXVIII, 25. —  2. Philipp. III, 20.

 

choses de la terre que des choses du ciel? Eh! comment comprendre qu’il se soit attaché aux choses terrestres, celui qui dit de lui-même: « Votre serviteur s’exerçait dans vos oeuvres e de justice, car vos témoignages sont l’objet « de mes méditations, et vos justifications sont « mon conseil? » Telles sont en effet les paroles qui précèdent, et auxquelles il ajoute « Mon âme s’est attachée au pavé». Nous fautil comprendre par là que tant qu’un homme ait fait de progrès dans les voies du Seigneur, il ne laisse pas d’avoir en sa chair quelques affections terrestres en quoi consiste pour lui sur la terre 1 l’épreuve de la vie humaine; et qu’à mesure qu’il avance, il passe tous les jours de la mort à la vie, par la grâce vivifiante de celui qui renouvelle chez nous, de jour en jour, l’homme intérieur 2? Et en effet, quand l’Apôtre disait : « Tant que nous habitons dans ce corps, nous marchons hors du Seigneur 3 »; il souhaitait alors d’être dégagé des liens du corps, et d’être avec le Christ 4 et son âme s’était attachée à la poussière. Donc on peut fort bien, par le pavé, entendre le corps lui-même qui est terrestre et qui appesantit l’âme parce qu’il est corruptible 5; ce qui nous rait gémir et dire à Dieu : « Mon âme s’est attachée à la poussière; donnez-moi la vie selon votre parole ». Car il n’est pas dit que ce sera dans nos corps que nous

 

1. Job, VII, 1. — 2. II Cor. IV, 16. — 3. Ibid. V, 6.— 4. Philipp. I, 23. — 5. Sag. IX, 15.

 

serons toujours avec le Seigneur 1; mais nous les aurons quand ils ne seront plus corruptibles, quand ils n’appesantiront plus l’âme, et, à bien prendre, quand nous ne serons point en eux, quand ils seront en nous, et nous en Dieu. De là vient qu’un autre psaume a dit: « Pour moi, mon bien est de m’attacher à Dieu  2 »; afin que nos corps vivent de nous, en s’attachant à nous, et que nous vivions de Dieu, parce qu’il est bon de nous attacher à lui. Quant à cet attachement dont il est dit: « Mon âme s’est attachée à la poussière », il ne me paraît point désigner l’union de la chair avec l’âme, bien que plusieurs l’aient compris en ce sens, mais bien plutôt cette affection de l’âme qui fait que la chair conspire contre l’esprit 3. Si tel est le vrai sens, le Prophète en disant : « Mon âme s’est attachée à la poussière, vivifiez-moi selon votre parole », ne demande point d’être délivré de ce corps de mort, par la destruction de ce même corps: ce qui aura lieu au dernier jour de notre vie, et qui ne peut tarder beaucoup, tant la vie est courte ; mais le Prophète alors demanderait que les convoitises de la chair contre l’esprit s’affaiblissent en lui de plus en plus, que les aspirations de l’esprit contre la chair se fortifient, jusqu’à ce que les premières se consument en nous, et que les secondes soient consommées par l’Esprit-Saint qui nous a été donné.

3. Aussi le Prophète ne dit-il point: « Donnez-moi la vie » selon mes mérites, mais bien, donnez-moi la vie selon votre parole »: et qu’est-ce à dire, sinon selon votre promesse? Il veut être un fils de la promesse, et non un fils de l’orgueil; afin que la promesse demeure ferme selon la grâce à tout enfant d’Abraham. Voici en effet cette parole de la promesse : « C’est d’Isaac que ta postérité prendra son nom; c’est-à-dire, ce ne sont point les enfants d’Abraham selon la chair qui sont les enfants de Dieu, mais les enfants de la promesse qui sont réputés de la race d’Abraham 4». Le Prophète nous dit en effet dans le verset suivant ce qu’il était par lui-même : « Je vous ai déclaré mes voies et vous m’avez exaucé ». On trouve dans plusieurs manuscrits : « Vos voies », mais la plupart, surtout les grecs, portent « Mes voies », c’est-à-dire mes voies mauvaises. Car il me paraît

 

1. I Thess. IV, 12-16.— 2. Ps. LXXII, 20. — 3. Gal. V, 17.— 4. Rom. IX, 7, 8. — 5. Ps. CXVIII, 26.

 

dire : Je vous ai confessé mes péchés, exaucez-moi, c’est-à-dire pardonnez-les. « Enseignez-moi vos oeuvres de justice ». Je vous ai confessé mes voies, vous les avez effacées enseignez-moi les vôtres. Enseignez-les-moi, de telle sorte que je les pratique; et non-seulement de manière que je sache ce qu’il faut faire. De même qu’il est dit du Seigneur, qu’il ne connaissait point le péché 1, et que l’on comprend qu’il ne le commettait point de même on doit dire que celui-là connaît vraiment la justice, qui la met en pratique. Telle est donc la prière d’un homme en progrès. Car s’il n’eût point pratiqué la justice, il n’éût point dit plus haut: « Votre serviteur « s’exerçait dans les oeuvres de justice ». Ce n’est donc point celles dans lesquelles il s’exerçait qu’il veut apprendre du Seigneur; mais il veut de celles-ci s’élever à d’autres, et aller de progrès en progrès.

4. Il ajoute ensuite : « Insinuez-moi le chemin de vos justifications 2»; ou comme l’on trouve dans certains exemplaires: « Instruisez-moi de cette voie ». Le grec est plus expressif: « Faites-moi comprendre 3 ». « Elle m’exercerai dans vos merveilles ». Le Prophète appelle merveilles de Dieu ces oeuvres plus élevées auxquelles il veut atteindre dans ses progrès. Il y a donc des justifications de Dieu si admirables que l’infirmité des hommes ne croit point pouvoir les atteindre, si déjà l’on n’en a fait l’expérience. Aussi le Psalmiste, sous le poids de ce labeur, et en quelque sorte accablé par ces difficultés, nous dit-il : « Mon âme s’est assoupie d’ennui, affermissez-moi dans vos paroles 4 ». Qu’est-ce à dire « s’est « assoupie», sinon que s’est refroidie cette espérance qu’elle avait conçue de pouvoir atteindre ces hauteurs ? Mais « affermissez-moi », dit-il, « dans vos paroles », de peur qu’en demeurant dans ce sommeil, je ne vienne à déchoir de la hauteur à laquelle je me sens parvenu ; affermissez-moi donc dans ces mêmes paroles, auxquelles je suis arrivé par la pratique, afin que par elles je puisse monter à d’autres plus élevées.

5. Mais où est l’obstacle qui entrave notre marche dans la voie des justifications de Dieu, de manière que l’homme ne s’élève que difficilement à ces merveilles ? Quel obstacle pouvons-nous croire, sinon celui dont il prie

 

1. II Cor. V, 21. — 2. Ps. CXVIII, 27. — 3. Grec, sunetison me. — 4. Ps. CXVIII, 28.

 

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Dieu de le délivrer dans le verset suivant : « Eloignez de moi la voie de l’iniquité 1 ». Et parce que la loi des oeuvres est survenue pour faire abonder le péché 2, le Prophète continue en disant: « Et par votre loi prenez-moi en pitié ». Par quelle loi, sinon par la loi de la foi? Ecoute l’Apôtre : « Où est donc votre glorification? Elle est anéantie. Par quelle loi? celle des oeuvres? Non, mais par la loi de la foi 3 ». C’est donc par cette loi de la foi que nous croyons, et que nous sollicitons le don de la grâce, afin de faire ce que nous ne saurions faire par nous-mêmes; de peur que méconnaissant la justice de Dieu, et voulant établir la nôtre, nous ne manquions de soumission pour la justice de Dieu 4. Ainsi donc dans la loi des oeuvres, c’est la justice de Dieu qui ordonne; et dans la loi de la foi, c’est sa miséricorde qui nous soutient.

6. Après avoir dit : « Dans votre loi, ayez pitié de moi », il semble prendre acte, si l’on

peut s’exprimer ainsi, des bienfaits du Seigneur, pour obtenir de lui d’autres grâces qu’il n’a point encore. « J’ai choisi », dit-il, « la voie de la vérité ; je n’ai point oublié vos jugements. Je me suis attaché à vos témoignages, ne me couvrez point de confusion. J’ai choisi la voie de la vérité », afin d’y courir: « Je me suis attaché à vos témoignages », tandis que j’y courais: « Seigneur, ne me couvrez point de confusion 5» : que je m’avance vers mon but, que j’y arrive enfin; car le tout ne dépend ni de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu, qui fait miséricorde 6. Enfin : « J’ai couru dans la  voie de vos commandements », dit le Prophète, « lorsque vous avez dilaté mon coeur 7 ». Je ne pourrais courir, si vous n’aviez dilaté mon coeur. Ce verset nous explique très-bien ce qui est dit plus haut: « J’ai choisi la voie de la vérité, je n’ai point oublié vos jugements,

 

1. Ps. CXVIII, 29. — 2. Rom. V, 20.— 3. Id. III, 27. — 4. Id. X, 3.— 5. Ps. CXVIII, 30,31.— 6. Rom. IX, 16.— 7. Ps. CXVIII, 32.

 

je me suis attaché à vos témoignages ». Telle est en effet la marche dans la voie des commandements de Dieu. Et comme l’interlocuteur fait valoir auprès de Dieu les bienfaits qu’il a reçus de lui plutôt que ses propres mérites, comme si on lui disait: Comment as-tu pu courir dans cette voie, la choisir, ne pas oublier les jugements de Dieu, et t’attacher à ses témoignages? L’as-tu pu par toi-même? Non, répond-il. Comment donc? « J’ai couru dans la voie de vos préceptes », nous dit-il, « parce que vous avez dilaté mon coeur ». Ce n’est donc point par ma propre volonté, et sans aucun besoin de votre secours; mais quand il vous a plu de « dilater mon coeur ». Cette dilatation du coeur, c’est la joie dans les oeuvres de justice; et cette joie est un don de Dieu, qui nous fait observer ses préceptes, non dans les angoisses de la crainte, mais dans le délicieux amour de la justice. Et telle est la dilatation du coeur que Dieu nous promet, quand il dit: « J’habiterai en eux, je marcherai au milieu d’eux ». Combien on doit être au large où. Dieu se promène ! C’est dans cette latitude que la charité se répand dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné 2. De là cette parole de l’Ecriture : « Que vos eaux coulent dans vos places publiques 3 ». Le mot place publique, ou platea, vient d’un mot grec exprimant l’étendue; car platu, en grec, signifie large. C’est au sujet de ces eaux que le Seigneur s’écrie: « Qu’il vienne à moi celui qui a soif. Si quelqu’un croit en moi, des fleuves d’eau vive jailliront de ses entrailles 4 » ; et l’Evangéliste nous donne cette explication: « Il parlait ainsi à propos de l’Esprit-Saint, que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ». On pourrait discourir longuement à propos de cette dilatation du coeur, mais je m’aperçois que ce discours est déjà bien long.

 

1. II Cor, VI, 16.— 2. Rom. V, 5.— 3. Prov. V, 16.— 4. Jean, VII, 37-39.

 

 

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