PSAUME CV
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DISCOURS SUR LE PSAUME CV.

LOUANGE A DIEU DANS SON PARDON.

 

Ce psaume est la suite du précédent, en sorte que le premier nous montrerait la bonté de Dieu dans notre vocation à la grâce et à la gloire ; celui-ci, sa bonté dans le pardon de nos fautes. Le Prophète commence par ces mots Confessez au Seigneur, etc., ce qui s’entend d’une confession des péchés, quoique cette confession, à cause de l’espérance du pardon, soit aussi une confession de louanges. Dieu fera donc miséricorde, mais en cette vie et non dans l’autre, puisque le mauvais riche n’obtint pas une goutte d’eau. Il se demande qui publiera tes louanges de Dieu, ou qui fera connaître l’action de Dieu donnant aux fidèles le pouvoir d’accomplir la loi. « Le jugement à garder, la justice à pratiquer », doivent s’entendre dans, le sens de l’orthodoxie de la foi, et des actions de justice, alors la justice deviendra jugement, ou les oeuvres seront conformes à la foi, ce qui nous montre que l’on doit garder la justice en tout temps. Ce salut dans lequel Dieu nous visite, c’est le Christ qui doit nous manifester la bonté de Dieu pour ses élus, et nous associer nous-mêmes à cet héritage. Le Prophète. confesse ensuite es prévarications des Juifs Nous avons péché comme nos pères, qui ne comprirent point que vos prodiges les appelaient à des biens éternels, et qui oublièrent vos bienfaits. Dieu ne les traita pas selon leur infidélité. Il les fit passer à travers la mer Rouge, figure de la rédemption par le baptême. Il engloutit les Egyptiens, et alors les Hébreux crurent en lui. Mais loin d’attendre un bonheur spirituel, ils voulurent un bonheur temporel, et Dieu leur donna ce qu’ils désiraient. Alors éclata le schisme de Dathan et d’Abiron, que Dieu brûla avec leurs sectateurs. Ils firent un veau d’or et oublièrent dans les châtiments des Egyptiens ce qu’ils avaient à craindre. Dieu voulait les exterminer quand Moïse apaisa sa colère, puis ils méprisèrent, dans la terre qu’il leur donnait, le symbole du ciel; ils s’initièrent à l’idolâtrie et Dieu ne fut apaisé que par le coup dont Phinéès frappa deux coupables. Cet acte d’amour pour le peuple devint louable. Nouveaux murmures qui amenèrent le doute et le châtiment de Moïse. Au lieu de détruire les nations de Chanaan ils se mêlèrent à elles, prirent leurs coutumes idolâtriques, firent des sacrifices humains, aigrissant ainsi le Seigneur, qui consentit encore à les sauver en vue de l’alliance éternelle jurée à Abraham. Il leur fit donc trouver grâce devant ceux qui les tenaient captifs. Or, c’est le diable qui nous tient en captivité. Jésus le chasse de nos coeurs afin que s’édifie le temple ou l’Eglise de Dieu, dont le Christ est la pierre angulaire, appelant dans un même bercail ceux de la Circoncision et ceux de la Gentilité. Les Juifs qui l’ont repoussé accepteront l’Antéchrist, mais les vrais fidèles seront sauvés par le Christ, notre Seigneur.

 

1. Le psaume cent cinquième a aussi pour titre « Alleluia »; et même deux fois Alleluia. Quelques-uns cependant prétendent que le premier Alleluia termine le psaume précédent, et le second alors commencerait celui-ci. Et ce qui les fait parler de la sorte, c’est que tous les psaumes où l’on voit Alleluia, l’ont tous à la fin, mais pas tous au commencement: alors tout psaume qui ne finit point par un Alleluia ne doit pas, à leur avis, en avoir un au commencement; et celui qui semble s’y trouver appartient à la fin du précédent. Quant à nous, jusqu’à ce que l’on nous prouve cette assertion par des raisons certaines, nous suivrons la coutume commune qui regarde l’Alleluia comme titre du psaume, dès qu’il est marqué au commencement. Il n’y a en effet que très-peu d’exemplaires (et je ne l’ai trouvé dans aucun des grecs que j’ai pu lire) qui aient Alleluia, à la fin du psaume cent-cinquantième, lequel est le dernier inséré dans le canon. Mais quand il en serait encore ainsi, ce ne pourrait être une prescription contre la coutume. Il pourrait se faire que le livre tout entier des psaumes, composé de cinq livres dont chacun se termine par fiat, fiat! fût clos lui-même par Alleluia; or, que le Psaume cent cinquantième se termine par Alleluia, ce n’est point une raison pour que les psaumes qui commencent par Alleluia, finissent encore par Alleluia. Si donc l’inscription d’un psaume porte un double Alleluia, je ne vois point ce qui nous empêcherait de l’écrire tantôt une fois, tantôt deux fois, quand Notre-Seigneur dit tantôt une fois Amen, et tantôt deux fois. Surtout quand chaque Alleluia est placé après le chiffre qui assigne au psaume son rang, comme au psaume cent cinquième par exemple. Or, si le premier Alleluia appartient au psaume précédent, il eût fallu l’écrire avant le chiffre indicateur, et après ce chiffre 1’Alleluia du psaume. Peut-être encore a-t-on suivi une coutume peu fondée, et peut-on nous donner une raison encore inconnue, qui nous montre à suivre le jugement de la vérité plutôt que le préjugé de la coutume. En attendant de plus amples lumières, chaque fois qu’après le chiffre du psaume, nous trouvons pour inscription, une fois Alleluia, ou deux fois, (563) fidèles à la coutume si connue de l’Eglise, nous attribuons le tout au psaume qui porte cette inscription : du reste nous avouons qu’il y a, selon nous, dans les titres de tous les psaumes, dans l’ordre qu’ils occupent, de grands mystères que nous n’avons pu encore étudier selon nos désirs.

2. Or, je vois entre le cent quatrième et le cent cinquième une liaison telle que le premier serait l’éloge du peuple de Dieu dans ses élus, dont il ne fait aucune plainte, ce qui me fait croire qu’il est question de ceux qui furent agréables à Dieu 1; dans le suivant qui est le nôtre, il est question de ceux qui aigrirent le Seigneur, sans que Dieu néanmoins cessât de leur faire miséricorde. L’interlocuteur parle au nom de ceux qui se convertissent et implorent leur pardon, et nous donne pour exemple ceux qui furent grands pécheurs, et qui s’enrichirent néanmoins de la divine miséricorde. Notre psaume commence donc comme le précédent: « Confessez au Seigneur »; mais dans le précédent le Prophète ajoute: « Invoquez son nom ». Dans celui-ci : « Parce qu’il est bon, parce que sa e miséricorde est éternelle 2». Le mot confession peut donc s’entendre d’une confession des péchés; car après quelques versets il est dit: « Nous avons péché avec nos pères, nous avons commis l’injustice; nous nous sommes livrés à l’iniquité 3 »; mais quand il dit : « Parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde est éternelle », c’est une louange à Dieu, et dans cette louange une confession. Et toutefois, dès qu’un homme confesse à Dieu ses péchés, il doit le faire en louant Dieu; et nulle confession n’est pieuse, si elle ne vient sans aucun désespoir implorer la divine miséricorde. Elle est donc toujours une louange du Seigneur, soit en paroles, quand elle publie sa miséricorde et sa bonté, soit par le sentiment, quand elle est un acte de foi en cette miséricorde. Voyez le publicain; on ne rapporte de lui que ces paroles : «Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui suis pécheur 4 ». Il n’ajoute point, il est vrai, parce que vous êtes bon et miséricordieux, ou quelque chose de semblable, mais s’il ne le croyait, il ne parlerait point de la sorte; car il a prié avec espérance, et l’espérance ne peut exister sans la foi. On peut donc louer Dieu d’une manière vraie et pieuse, sans accuser

 

1. I Cor. X, 5. — 2. Ps. CV, 1. — 3. Id. 6. — 4. Luc, XVIII, 13.

 

ses péchés; et cette louange prend souvent dans 1’Ecriture le nom de confession; mais on ne peut avouer ses fautes d’une manière utile et pieuse sans louer Dieu, ou de coeur, ou de bouche et en paroles. Dans quelques manuscrits on lit: « Parce qu’il est bon » ; en d’autres : « Parce qu’il est doux ». L’expression grecque Xrestos, a donné lieu à cette double traduction. De même ici: e Parce « que sa miséricorde est dans le siècle », in saeculum; nous lisons dans le grec eis ton aiona, que l’on peut traduire par éternellement, in aeternum. Si donc il s’agit de cette miséricorde par laquelle on ne saurait être heureux sans Dieu, il vaut mieux dire éternellement, in aeternum; mais si l’on entend cette miséricorde qui s’incline vers les malheureux, pour les soulager dans leur misère ou les en délivrer, il est mieux de traduire in saeculum, dans le siècle, c’est-à-dire jusqu’à la fin des temps, qui aura toujours des malheureux àqui Dieu fera miséricorde. A moins d’aller jusqu’à dire que la divine miséricorde ne fera point défaut même à ceux qui seront damnés avec le diable et les anges, non que Dieu les délivre de cette condamnation, mais parce qu’il y apportera quelque soulagement: et dans ce sens Dieu aurait pour leur misère éternelle une miséricorde éternelle. Nous lisons, il est vrai, que pour plusieurs le châtiment sera moindre en le comparant au châtiment des autres; mais que la peine d’un damné soit adoucie, ou qu’il y ait à quelques intervalles une pause dans ses douleurs, qui oserait l’affirmer, quand le mauvais riche n’obtint pas une goutte d’eau 1? Mais il faudrait à loisir traiter une matière si importante : ce que nous en avons dit, doit suffire pour l’explication de notre psaume.

3. « Qui racontera la puissance du Seigneur ? » Emerveillé, en considérant les oeuvres divines, le Prophète, qui implore la miséricorde, s’écrie : « Qui racontera les oeuvres puissantes du Seigneur, et publiera toutes ses louanges 2 ? » Pour compléter cette pensée, il faut sous-entendre ce qui précède, Qui « publiera toutes ses louanges? » C’est-à-dire, qui pourra suffire pour publier toutes ses louanges ? Le Prophète a dit : Auditas faciet, « fera entendues », c’est-à-dire fera en sorte qu’elles soient entendues; nous montrant ainsi qu’il faut publier la puissance et

 

1. Luc, XVI, 24-26. — 2. Ps. CV, 2.

 

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les louanges du Seigneur, de manière qu’on les prêche à ceux qui écoutent. Mais qui les prêchera toutes ? A moins peut-être que ces paroles qui suivent : « Bienheureux ceux qui gardent l’équité, et qui gardent la justice en tout temps 1», ne signifient que ses louanges doivent s’entendre des oeuvres qui lui appartiennent dans l’accomplissement de ses préceptes. Car, « c’est Dieu », dit saint Paul, « qui agit en vous 2». Et il est dit à la race d’Abraham : « Chantez en son honneur, toue chez de la harpe en son honneur 3»; ce que nous avons expliqué par: Dites le bien et faites le bien à la gloire de son nom. Deux paroles, chantez et jouez de la harpe, sont exprimées dans les deux versets suivants; en sorte que: « Racontez ses merveilles », soit identique à: « Chantez au Seigneur »; et ces autres paroles: « Glorifiez-vous dans son saint nom 4 », soient identiques à : « Chantez-le sur la harpe». C’est en effet à cette race que le Seigneur a dit : « Que vos oeuvres soient visibles devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes actions, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans le ciel 5 ». Le Prophète, considérant dès lors les préceptes de Dieu, préceptes dont l’accomplissement tourne à la gloire de Dieu qui opère dans ses serviteurs, parle ainsi « Qui racontera la puissance du Seigneur ? » puisqu’il opère ces oeuvres d’une manière ineffable. Qui, « entendues, fera toutes ses louanges? » C’est-à-dire, qui fera entendre ses louanges après les avoir entendues? c’est-à-dire l’accomplissement de ses préceptes. Qui pourra les raconter autant qu’ils s’accomplissent, et quand même on n’accomplirait point ce que l’on entend, Dieu n’en est pas moins à louer. « Lui qui opère en nous le vouloir et le faire, selon qu’il lui plaît 6 ». Le Prophète pouvait dire : Tous ses commandements, ou toutes les oeuvres qu’il commande; mais il a préféré dire : « Ses louanges»; car, nous l’avons dit, c’est à Dieu qu’il faut rendre gloire de l’accomplissement de ses préceptes. Ces louanges, toutefois, qui peut les faire entendre, ou qui est capable de les raconter toutes, après les avoir entendues?

4. « Heureux ceux qui gardent le jugement, et observent la justice en tout temps 7»; c’est-à-dire, depuis qu’ils commencent à vivre selon le temps. « Car, celui-là seul sera sauvé, qui

 

1. Ps. CV,  3. — 2. Philipp. II, 3. — 3. Ps. CIV, 2.—  4. Id. 3. — 5. Matth. V, 16.— 6. Philipp. II, 13. — 7. Ps. CV, 3.

 

aura persévéré jusqu’à la fin  1». On peut néanmoins voir ici une répétition, en sorte que « observer la justice », reviendrait à « garder le jugement »; et alors dans le verset précédent, on devrait sous-entendre : « En tout temps », comme dans le suivant on sous-entend: « Bienheureux » ; ainsi en exprimant ce qui est sous-entendu; on aurait: « Bienheureux ceux qui gardent le jugement en tout temps, bienheureux ceux qui pratiquent la justice en tout temps ». Mais s’il n’y avait une différence entre la justice et le jugement, le Prophète ne dirait point dans un autre psaume : « Jusqu’à ce que la justice devienne un jugement 2». L’Ecriture aime à joindre ces deux attributs, comme dans ce verset : « La justice et le jugement sont la base de son trône 3»; et cet autre : « Il fera éclater votre justice comme une lumière, et votre jugement comme le soleil de midi 4»; quoique cela ne paraisse qu’une répétition de pensée. Et même le rapprochement des deux sens pourrait nous faire confondre l’un avec l’autre, ou la justice avec le jugement, ou le jugement avec la justice ; et toutefois, Je ne doute pas qu’en les prenant dans leur acception respective, il n’y ait entre ces expressions une différence, en sorte que garder le Jugement ce serait juger avec droiture, et fane la justice, agir selon le bien. Et je ne crois pas que l’on soit dans l’erreur d’après l’explication de ces paroles: « Jusqu’à ce que la justice devienne le jugement», en appelant bienheureux ceux qui gardent le jugement dans leur foi, et qui pratiquent la justice dans leurs oeuvres. Un temps viendra où ce jugement, que l’on garde aujourd’hui dans la foi, s’exercera dans les oeuvres, alors que la justice sera devenue le jugement, c’est-à-dire quand les justes auront reçu le pouvoir de juger selon l’équité ceux que l’on juge avec injustice. C’est donc à tout le corps du Christ que l’on doit attribuer cette parole d’un autre psaume: « Quand le temps me sera donné, je jugerai les justices elles-mêmes 5»; parole que l’on pourrait traduire plus fidèlement encore par: Je jugerai les équités. Mais le Prophète ne dit point: Quand le temps me sera donné,je pratiquerai la justice, car il faut toujours la pratiquer, ainsi que le Prophète l’a dit ici: « Qui font la justice en tout temps»,

 

1. Matth. X, 22. — 2. Ps. XCIII, 15.— 3. Id. XCVI, 2.— 4. Id. XXXVI,      6.— 5. Id. LXXIV, 5.

 

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5. Mais comme c’est Dieu qui justifie, c’est-à-dire qui fait les justes, en les guérissant de leurs iniquités, le Psalmiste fait cette prière: « Souvenez-vous de nous, Seigneur, dans votre amour pour votre peuple 1» ; c’est-à-dire, mettez-nous au nombre de ceux que vous aimez; car tous ces Juifs ne furent point agréables à Dieu. «Visitez-nous dans votre salut ». Or, celui-là est le Sauveur qui remet les péchés, qui guérit les âmes, afin qu’elles puissent garder le jugement et pratiquer la justice; ceux qui parlent ainsi, comprenant combien ces âmes sont heureuses, demandent pour eux la même grâce. C’est de ce salut qu’il est dit ailleurs: « Afin que nous  connaissions votre voie sur la terre 2 ». Et comme si nous demandions sur quelle terre, il continue: « Dans toutes les nations ». Puis, comme si nous demandions quelle voie, il ajoute: « Votre salut ». Car c’est de lui que le vieillard Siméon a dit : « Parce que mes yeux ont vu votre saint 3». Et ce Sauveur adit de lui-même: «Je suis la voie 4 » . «Visitez-nous dans votre salut », c’est-à-dire dans votre Christ, « afin que nous voyions votre bonté pour vos élus, et que nous nous réjouissions dans la joie de votre peuple ». C’est-à-dire, que le but de votre visite dans votre Sauveur, soit de nous montrer votre boulé dans vos élus, et de nous donner la joie de votre peuple. Ce que nous exprimons ici par « bonté », est rendu en d’autres exemplaires par « douceur », de même qu’au lieu de « parce qu’il est bon », on dit aussi « parce « qu’il est doux ». Il y a dans le grec le même verbe que nous lisons ailleurs : « Le Seigneur répandra sa douceur 5 » ; ce que les uns traduisent par sa bonté, les autres par sa bénignité. Mais que signifie: « Visitez-nous, afin que nous voyions dans la bonté de vos élus », ou dans cette bonté que vous avez pour vos élus, sinon afin que nous ne demeurions pas aveugles comme ceux à qui le Seigneur a dit : « Maintenant que vous dites : Nous voyons, votre péché subsiste 6». «Le Seigneur donne la vue aux aveugles 7»,non par leur propre mérite, mais « dans sa bonté pour ses élus », c’est-à-dire qu’il témoigne ou qu’il prodigue à ses élus : comme « le salut de ma face » ne vient pas de moi, mais c’est vous, « mon Dieu 8 ». Nous disons encore:

 

1. Ps. CV, 4.— 2. Id. LXVII, 3. — 3. Luc, II, 30. — 4. Jean, XIV, 6.— 5. Ps. LXXXIV, 13. — 6. Jean, IX, 41.— 7. Ps. CXLV, 8.— 8. Id. XLII, 5.

 

« Notre pain de chaque jour», et pourtant nous ajoutons: « Donnez-nous». « Visitez-nous donc dans votre salut, pour voir », c’est-à-dire afin que nous voyions « dans votre bonté pour vos élus; pour nous réjouir », ou afin que nous nous réjouissions « dans la joie de votre peuple ». Par ce peuple de Dieu, nous devons entendre seulement la postérité d’Abraham, postérité selon la promesse, et non selon la chair. Nos interlocuteurs aspirent donc à la joie de cette nation. Et quelle est la joie de cette nation, sinon son Dieu ? C’est à lui qu’il est dit : « Vous qui êtes mon allégresse, rachetez-moi 1». Et encore : « La lumière de votre face est empreinte sur moi, Seigneur, vous avez donné la joie à mon coeur  2 » ; en le remplissant du souverain bien, du bien véritable, du bien immuable et qui produit le bonheur, bien qui est Dieu lui-même. « Afin qu’on vous loue dans votre héritage ». Je m’étonne que l’on ait ainsi traduit ce verset dans beaucoup d’exemplaires, quand l’expression grecque est la même dans ces trois versets, en sorte que s’il est bien de dire: « Afin qu’on vous loue dans votre héritage », on peut dire aussi : «Afin que vous voyiez dans votre bonté pour vos élus, que vous vous réjouissiez dans l’allégresse de votre nation, et qu’on vous loue dans votre héritage ». Mais de même que nous avons dit: « Visitez-nous, afin que nous voyions dans votre bonté pour vos élus, que nous nous réjouissions dans l’allégresse de votre nation » ; il est conséquent de dire : « Afin que nous à soyons glorifiés dans votre héritage » ; et à cet héritage il est dit : « Glorifiez-vous dans son saint nom 3 ». Mais comme l’expression paraît offrir une ambiguïté, si le véritable sens est celui qu’ont préféré beaucoup de traducteurs: « Afin qu’on vous loue », il faut donner le même sens aux deux autres versets; car, nous l’avons dit, dans le grec l’expression est la même pour les trois versets. En sorte qu’il nous faut entendre le tout comme il suit: « Visitez-nous dans votre salut, afin que vous voyiez dans votre bonté pour vos élus »; c’est-à-dire, visitez-nous, afin de nous mettre de leur nombre, et de nous voir avec eux: « afin que vous vous réjouissiez de l’allégresse de votre nation» , c’est-à-dire en ce sens que l’on vous attribue à vous-même la joie,

 

1. Ps. XXXI, 7.— 2. Id. IV, 7. — 3. Id. CIV, 3.

 

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puisque vos élus se réjouissent en vous : « Afin qu’on vous loue dans votre héritage », c’est-à-dire que la louange de votre héritage retombe sur vous, car c’est uniquement à cause de vous qu’on le bénit. De quelque manière que l’on entende ces paroles: « Pour voir, pour se réjouir, pour bénir», les élus soupirent après la visite du salut de Dieu, ou de son Christ, afin de n’être point étrangers à son peuple, à ceux qui furent agréables au Seigneur.

6. Ecoutons ensuite leurs aveux: « Nous avons péché avec nos pères, nous avons  commis l’injustice, nous sommes souillés d’iniquité 1». Qu’est-ce à dire: « Avec nos pères? » De même que dans l’épître aux Hébreux, il est dit que Lévi paya la dîme avec Abraham, parce qu’il était en Abraham quand celui-ci paya la dîme au grand prêtre Melchisédech 2; faut-il entendre que ceux-ci péchèrent dans leurs pères, parce qu’ils étaient en eux, quand ces pères étaient en Egypte? Car ceux qui existaient quand le psaume fut écrit, et plus encore leurs descendants, puisque le psaume pouvait s’appliquer à ceux qui vivaient alors, ou à leur postérité, d’une manière prophétique; ceux-là, dis-je, étaient bien éloignés par le temps des Juifs qui péchèrent en Egypte, et qui ne comprirent point les merveilles du Seigneur. Car c’est là ce que le psaume ajoute, en expliquant de quelle manière ils péchèrent avec leurs aïeux : « Nos pères», dit le Prophète, « n’ont pas compris vos merveilles en Egypte 3», et toutes les fautes nombreuses qu’il signale. Ne serait-il pas mieux d’entendre cette parole : « Nous avons péché avec nos pères », comme si le Prophète nous disait : Nous avons péché comme nos pères, c’est-à-dire imité leurs fautes? S’il en était ainsi, il serait bon d’autoriser cette interprétation par quelques exemples; j’en cherche maintenant, et aucun ne me revient, pour montrer que tomber dans la faute d’un autre, même longtemps après, peut se dire pécher avec quelqu’un, ou agir avec lui.

7. Que signifie donc : « Nos pères n’ont s point compris vos merveilles»; sinon qu’ils n’ont point compris ce que vous faisiez en leur faveur par ces merveilles? Et qu’est-ce, sinon la vie éternelle, et non un bien temporel, mais le bien immuable que l’on attend

 

1. Ps. CV, 6. — 2. Hébr. VII, 1-10.— 3. Ps. CV, 7.

 

par la patience? Aussi, dans leur impatience, ils se jetèrent dans le murmure, dans les paroles amères, et voulurent placer leur félicité dans les biens présents , biens frivoles et trompeurs. « Ils ne se souvinrent point de « toutes vos miséricordes ». Le Prophète accuse leur intelligence et leur mémoire. Il leur fallait l’intelligence pour comprendre à quels biens éternels Dieu les appelait par ces biens temporels; et la mémoire pour ne point oublier du moins les prodiges temporels, et pour en conclure, avec une ferme confiance, que Dieu les délivrerait de la servitude de leurs ennemis, par cette même puissance qu’ils avaient éprouvée tant de fois: or, ils oublièrent les prodiges si grands que Dieu avait opérés en leur faveur pour écraser leurs ennemis. « ils se révoltèrent en montant les bords de la mer, de cette mer Rouge 1». Ainsi portait le manuscrit que j’examinais; et à ces deux derniers mots, il y avait une étoile, destinée à marquer ce qui est dans l’hébreu, mais n’est point dans les Septante. Les nombreux manuscrits que j’ai pu voir, tant grecs que latins, portent : « Ils irritèrent », ou ce qui est plus expressif dans le grec, « ils dirent des paroles amères, en sortant de la mer Rouge ». Quiconque parcourt l’histoire de la sortie d’Egypte et du passage de la mer Rouge, déplore l’infidélité des Juifs, leur crainte, leur désespoir, après des miracles si récents et si nombreux, accomplis en Egypte, innombrables prodiges de miséricorde que le Prophète les accuse d’avoir oubliés. « Ils montèrent», dit le Prophète, parce que d’après la situation des lieux, on descend de la terre de Chanaan dans l’Egypte, et de l’Egypte on monte en Chanaan. Remarquez ici combien l’Ecriture condamne ceux qui ne comprennent point ce qu’il faut comprendre, qui oublient ce qu’il faut retenir: les hommes toutefois ne veulent point qu’on leur impute ces fautes, et n’ont en cela d’autre motif que de moins prier, d’être moins humbles devant Dieu, au lieu de confesser devant lui ce qu’ils sont, pour devenir par son secours ce qu’ils ne sont point. Accuser les péchés d’ignorance et de négligence, afin de les effacer, vaut mieux que les excuser, et les faire subsister; il est plus avantageux de les effacer en invoquant Dieu, que de les confirmer en l’irritant.

 

1. Ps. CV, 7.

 

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8. Toutefois, le Prophète ajoute que Dieu ne les traita point selon leur infidélité. « Il les sauva», dit-il, « à cause de son nom, afin de faire éclater sa puissance 1»; et non à cause de leurs mérites.

9. « Il menaça la mer Rouge qui se dessécha 2 ». Nous ne voyons point que Dieu ait lancé du ciel une seule parole pour menacer la mer; mais le Prophète appelle menace la  puissance divine qui opéra ces merveilles: à moins de dire que cette menace fut tellement secrète que la mer put l’entendre, et non les hommes. Elle est en effet bien cachée, bien invisible, cette force de Dieu sur les éléments même insensibles, puisqu’il les contraint d’obéir à l’instant à sa volonté. « Et il les conduisit à travers les abîmes, comme dans un lieu désert ». Le Prophète appelle abîmes, la masse des eaux. Plusieurs interprètes, en effet, ont traduit ainsi ce verset: « Il les conduisit à travers les grandes eaux». Pourquoi dire que Dieu les fit passer « dans les abîmes comme dans un désert», sinon parce que le lit que recouvraient les grandes eaux devint sec comme le désert?

10. « Et il les sauva de la main de leurs ennemis ». D’autres ont traduit ce verset en prenant une circonlocution, pour éviter des expressions peu latines : « Il les sauva de la main de ceux qui le haïssaient. Et il les racheta de la main de l’ennemi 3 ». Quel fut le prix de ce rachat? N’est-ce point là une figure prophétique de ce qui a lieu dans le baptême, où nous sommes véritablement rachetés de la puissance du démon par une grande rançon, qui est le sang du Christ? De là vient qu’il est figuré, non point par toute mer indifféremment, mais par la mer Rouge, qui a la couleur du sang.

11. « Il couvrit d’eau ceux qui les poursuivaient, pas un d’eux n’échappa 4 »; ce qui ne s’entend pas de tous les Egyptiens, mais de ceux qui poursuivaient les Hébreux après leur départ, qui tentaient de les atteindre et de les tuer.

12. « Et ils crurent en ses paroles »; en latin: Crediderunt in verbis ejus; expression peu latine; il vaudrait mieux dire: verbis ejus, ou in verba ejus; mais in verbis ejus se rencontre fréquemment dans les saintes Ecritures. « Et ils louèrent ses louanges 5 » ; c’est là une locution du genre de celle-ci : Il servit

 

1. Ps. CV, 8.— 2. Id, 9.— 3. Id.10 — 4. Id.11.— 5. Id, 12.

 

dans cette servitude, il vécut de cette vie. Par louanges de Dieu, le Prophète entend ce célèbre cantique en l’honneur de Dieu . « Chantons au Seigneur, qui a fait éclater sa gloire, qui a jeté à la mer le cheval et le cavalier 1 ».

13. « Mais ils firent vite et oublièrent ses oeuvres ». D’autres exemplaires disent plus clairement : « ils se hâtèrent d’oublier ses oeuvres, et n’attendirent pas l’accomplissement de ses desseins 2 ». Ils devaient comprendre que ce n’était pas sans raison que Dieu opérait en leur faveur de si grandes merveilles, qu’il les appelait à quelque bonheur sans fin, que l’on doit attendre par la patience ; mais ils se bâtèrent d’être heureux par les biens du temps, qui ne peuvent procurer à personne la vraie félicité, puisqu’ils n’en éteignent pas l’insatiable désir. « Quiconque boira de cette eau », dit le Sauveur, « aura encore soif 3 ».

14. Enfin : « Ils convoitèrent la convoitise dans le désert, et tentèrent Dieu dans les lieux sans eau 4 »; c’est-à-dire « au désert », car il y a ici une répétition, « un lieu aride »est un lieu sans eau; de même que «convoiter la convoitise », c’est « tenter Dieu »; et cette locution : « Convoiter la convoitise», équivaut à cette autre: « Louer la louange », que nous avons signalée tout à l’heure.

15. « Et il leur donna leur demande», c’est-à-dire ce qu’ils demandaient par leurs cris.

« Il envoya à leurs âmes de quoi les rassasier 5». Mais il ne les rendit point heureux pour cela; cette satiété en effet n’est point celle dont il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés 6 ». De là vient que le mot d’âme en cet endroit ne s’entend point de l’âme raisonnable, mais de ce qui donne la vie au corps animal, pour le soutien duquel on a besoin de manger et de boire, d’après cette parole de l’Evangile : « L’âme n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement 7 ?» Comme si l’âme avait besoin de nourriture, et le corps de vêtement. C’est en ce sens qu’Isaïe disait : « Pourquoi avons-nous jeûné, et ne l’avez-vous point vu; avons-nous privé nos âmes, et ne l’avez-vous point su 8? »

16. « La jalousie éclata dans le camp contre

 

1. Exod. XV, 1.— 2. Ps. CV, 13.— 3. Jean, IV, 13.— 4. Ps. CV, 14.— 5. Id. 35.— 6. Matth. V, 6.—  7. Id. VI, 25.— 8. Isa. LVIII, 3.

 

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Moïse, et contre Aaron, le saint du Seigneur 1». La suite nous fait voir de quelle jalousie le Prophète veut parler, ou plutôt de quelles paroles amères, comme d’autres ont traduit.

17. «La terre s’ouvrit», dit le Prophète, « et engloutit Dathan, elle se referma sur la troupe d’Abiron 2». « Engloutir» et « se refermer sur », sont deux expressions identiques.

Ces deux hommes, Dathan etAbiron, périrent pour la même cause, un schisme orgueilleux

et sacrilège.

18. « Un feu s’alluma dans leur synagogue; la flamme consuma les pécheurs 3 ». Dans les Ecritures, ce mot de pécheur ne s’emploie point pour désigner ceux qui, vivant d’une manière juste et louable, ne sont pas toutefois exempts de toute faute. De même qu’il y a une différence entre le railleur, le murmurateur, l’écrivain de profession, et le reste, et l’homme qui ne raille qu’une fois, qui ne murmure qu’une fois, qui n’écrit qu’une fois; ainsi l’Ecriture donne ordinairement le nom de pécheurs à ceux qui sont chargés d’iniquités.

19. « Ils firent un voeu en Horeb, et adorèrent l’ouvrage de leurs mains; ils changèrent leur gloire en la ressemblance de l’animal qui se nourrit d’herbe 3». Pour désigner la ressemblance, le Prophète n’a point dit: in similitudinem; mais, in similitudine, comme tout à l’heure il a dit: « Ils crurent en ses paroles », in verbis ejus. Par élégance il ne dit point qu’ils changèrent la gloire de Dieu, bien qu’ils l’aient fait, réellement, comme ceux dont l’Apôtre dit : « Ils changèrent la gloire du Dieu incorruptible en la ressemblance de l’homme corruptible 5» : mais il dit : « leur gloire ». Car Dieu eût été leur gloire s’ils eussent attendu ses desseins, et n’eussent point agi avec une telle précipitation ; c’est à Dieu en effet que l’on dit: « Vous êtes ma gloire, vous élevez ma tête 6». Cette « gloire donc», ou Dieu, «ils l’ont transformée en la figure d’un veau qui mange du foin», afin de devenir eux-mêmes la proie de celui qui dévore ceux qui ont des sentiments charnels : « Toute chair en effet n’est qu’un foin 7 ».

20.  « Ils oublièrent le Dieu qui les avait délivrés 8 ». Comment les délivra-t-il ? « En

 

1. Ps. CV, 16.— 2. Id. 17.— 3. Id. 18.— 4. Id. 19, 20.— 5. Rom, I, 23. — 6. Ps. III, 4. — 7. III. XL, 6. — 8. Ps CV, 21.

 

faisant des prodiges en Egypte, des miracles dans la terre de Cham, de terribles merveilles dans la mer Rouge 1». Quels sont ces prodiges, et ces merveilles effrayantes? car l’admiration n’est jamais sans une certaine crainte; bien qu’on puisse les appeler terribles, parce qu’en frappant les ennemis des Juifs, ils montraient à ceux-ci ce qu’ils avaient à craindre.

21. « Dieu dit alors qu’il les perdrait ». Ayant oublié celui qui les avait délivrés, par tant de merveilles, et s’étant fait un veau qu’ils adorèrent, ils s’étaient rendus par un crime si monstrueux, une si incroyable impiété, dignes d’être exterminés. « Dieu résolut donc de les perdre : mais Moïse, son élu, se tint en sa présence pour briser 2». Le Prophète ne dit point que Moïse se tint devant Dieu pour briser sa colère, mais ce mot briser s’applique au châtiment dont ils allaient être frappés, si Moïse ne se fût offert pour eux, en disant : « S’il vous plaît de leur pardonner ce crime, pardonnez; sinon effacez-moi de votre livre 3 ». Ce qui nous montre combien est puissante auprès de Dieu l’intercession des saints en faveur des autres. Moïse, connaissant la justice de Dieu, et sachant qu’il ne pouvait l’effacer de son livre, obtint miséricorde pour ceux que Dieu pouvait effacer avec justice. C’est ainsi qu’ « il se présenta devant Dieu pour briser, pour détourner sa colère, et l’empêcher de les exterminer».

22. « Ils regardèrent comme rien cette terre si estimable 4». L’avaient-ils déjà vue? Comment donc n’avoir aucune estime pour cet héritage qu’ils n’avaient pas vu, sinon comme il est dit ensuite, parce qu’ « ils n’avaient point cru en ses paroles?» Assurément, si Dieu n’eût fait un grand symbole de cette terre d’où s’épanchaient le lait et le miel 5, sacrement visible qui conduisait à la grâce invisible ou au royaume des cieux ceux qui comprenaient ces merveilles, le Prophète ne ferait pas un crime aux autres d’avoir méprisé cette terre, puisque nous regardons comme un néant tout royaume temporel, afin de reporter notre amour vers notre mère, la Jérusalem libre, qui est dans les cieux 6. Ce que le Prophète blâme ici, c’est donc l’incrédulité des Juifs, parce que mépriser une

 

1. Ps. CV, 22. — 2. Id. 23. — 3. Exod. XXXII, 31, 32.— 4. Ps. CV, 24. — 5. Exod. III, 8.— 6. Gal. IV, 26.

 

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terre si désirable, c’était manquer de foi à la parole de Dieu, qui veut, par des moyens petits en quelque sorte, nous élever à de grandes choses; dans leur impatience d’être heureux par les jouissances temporelles, qu’ils convoitaient d’une manière charnelle, « ils n’attendirent point », comme il est dit plus haut, « que les desseins de Dieu fussent accomplis sur eux 1».

23. « Ils murmurèrent sous leurs tentes, et n’écoutèrent point la voix de Dieu 2 », qui leur défendait sévèrement le murmure.

24. « Il leva sa main sur eux, pour les exterminer au désert; pour abattre leur race  devant les nations, et les disperser parmi les peuples 3 ».

25. Ici, avant de dire qu’un homme s’interposa entre eux et cette souveraine indignation de Dieu, qu’il apaisa en quelque sorte, le Prophète poursuit : « Ils s’initièrent à Béelphégor  4 » ; c’est-à-dire qu’ils se consacrèrent à l’idole des nations. « Ils mangèrent des victimes immolées aux morts. Ils irritèrent le Seigneur par leurs inventions, et la ruine se multiplia sur eux 5 ». Comme si Dieu n’avait différé de lever la main sur eux pour les exterminer au désert, pour faire disparaître leur postérité du nombre des nations, et les disperser Parmi les peuples, que pour les livrer au sens réprouvé, afin qu’ils commissent des crimes capables de faire éclater la justice de Dieu dans leur châtiment. C’est ainsi que l’Apôtre a dit: « Comme ils ont refusé de connaître Dieu, Dieu les a livrés au sens réprouvé, afin qu’ils commettent des crimes indignes 6 ».

26. Enfin, tel fut leur crime en se consacrant aux idoles, et en mangeant les sacrifices des morts (c’est-à-dire ces sacrifices que les Gentils offraient à des hommes morts comme à des dieux), que Dieu ne voulut être apaisé qu’en la manière dont l’apaisa le prêtre Phinéès, qui tua d’un même coup l’homme et la femme qu’il surprit dans un embrassement adultère 7. S’il eût agi de la sorte par un motif de haine, et non par amour, par ce zèle dont il- brûlait pour la maison de Dieu, cette action ne lui eût pas été imputée à justice. Ce meurtre fut comme un châtiment, dont Dieu frappa, comme un seul homme à l’âme duquel il veut épargner la mort, ce

 

1. Ps, CV, 13. — 2. Id. 25. — 3. Id. 26, 27.— 4. Id, 28. — 5. Id. 29. — 6. Rom. I, 28.— 7. Nomb. XXXV, 8.

 

peuple dont il allait faire un si grand carnage. Il est vrai que, dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous traite avec pins de douceur; mais les menaces de l’enfer, que nous ne lisons point dans toutes ces menaces de maux temporels, sont bien plus terribles. « La ruine se multiplia donc chez eux », quand l’énormité de leurs crimes leur attira des châtiments proportionnels. « Et Phinéès se leva et apaisa Dieu, et le fléau cessa 1 ». Le Prophète ne fait qu’effleurer cette histoire, parce qu’il n’instruit point ici les ignorants; il rappelle ce que chacun sait. Ce qui est exprimé ici par fléau, l’était plus haut par le mot briser; dans le grec, c’est la même expression.

27. « Cela lui fut imputé à justice de génération en génération, jusqu’à l’éternité 2 ». Dieu imputa à justice cette action de son prêtre, non-seulement pour la durée d’une génération, mais « jusqu’à l’éternité » ; lui qui sonde les coeurs, et qui sait mesurer quel amour du peuple animait alors son serviteur.

28. « Ils irritèrent encore le Seigneur aux eaux de la contradiction, et Moïse fut châtié  à cause d’eux, parce qu’ils avaient aigri son esprit; et la distinction fut sur ses lèvres 3 ». Qu’est-ce à dire, « la distinction? » Il douta que ce même Dieu, qui avait déjà fait tant de prodiges, pût faire couler l’eau d’un rocher. Car ce ne fut qu’avec hésitation qu’il frappa la pierre avec sa houlette; de là vient qu’il fit une distinction entre ce miracle et les autres dans lesquels il n’avait nullement hésité; de là sa faute, et de là vient aussi qu’il mérita d’entendre qu’il mourrait avant d’entrer dans la terre promise 4. Troublé par le murmure d’un peuple infidèle, il ne demeura point aussi ferme qu’il devait l’être. Et toutefois, même après sa mort, Dieu lui rendit un témoignage favorable comme à son élu, afin de nous montrer que cette hésitation de sa foi n’eut d’autre châtiment que cette peine temporelle, de ne pas entrer dans la terre où il conduisait son peuple. Mais gardons-nous de croire qu’il fut banni du royaume de la grâce divine, dont nous avons une figure dans cette terre, où selon l’Ecriture, coulaient le lait et le miel 5. Car telle est, à proprement parler, l’alliance éternelle conclue avec Abraham

 

1. Ps. CV, 30.— 2. Id. 31.—  3. Id. 32, 33.— 4. Deut. XXXII, 49-52.— 5. Exod. III, 8.

 

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notre père, non selon la chair, mais selon la foi.

29. Quant à ceux dont le Psalmiste nous raconte les iniquités , lorsqu’ils entrèrent

dans la terre promise: « Ils ne détruisirent point les nations que le Seigneur leur avait désignées. Ils se mêlèrent à ces nations, apprirent leurs oeuvres, servirent leurs idoles, ce qui fut pour eux un scandale 1 ». Ce qui les fit tomber, ce fut d’épargner ces nations, et de se mêler à elles.

30. « Ils immolèrent aux démons leurs fils et leurs filles; répandirent le sang innocent,  le sang de leurs fils et de leurs filles qu’ils avaient immolés aux idoles de Chanaan 2 ». L’histoire ne dit point qu’ils aient immolé aux démons et aux idoles leurs fils et leurs tilles, mais ce psaume ne saurait mentir, non plus que les Prophètes qui répètent souvent ce reproche dans leurs imprécations. Quant aux Gentils, leur histoire n’a pas manqué de consigner cette coutume parmi eux.

31. Mais que dit ensuite le Prophète? « Et  la terre fut tuée dans le sang ». Il nous semblerait que le copiste a commis une erreur, et qu’au lieu de infecta, souillée, il a écrit interfecta, tuée, si Dieu dans sa miséricorde n’eût voulu que son Ecriture fût en plusieurs langues; et la traduction grecque nous montre qu’il faut vraiment écrire : « La terre fut tuée dans le sang » Inter fecta est terra. Que signifie donc : « La terre fut tuée », s’il n’y a là une manière de parler, une figure désignant les hommes qui habitent la terre, et employant ce qui contient pour ce qui est contenu; de même que nous appelons mauvaise maison, une maison habitée par les méchants, et bonne maison, celle qu’habitent les gens de bien ? ils donnaient en effet la mort à leurs âmes, en immolant leurs fils, en répandant le sang de jeunes enfants assurément fort étrangers à ces crimes. De là cette parole : « Ils répandirent le sang innocent ».  Donc « la terre fut tuée dans le sang et souillée par leurs oeuvres », puisqu’ils étaient tués dans l’âme et souillés dans leurs actions. « Ils se prostituèrent dans leurs inventions ». Le Psalmiste appelle ici inventions, ce que les Grecs nommeraient epitedeumata. C’est en effet cette même expression que l’on trouve dans les manuscrits grecs, et ici et à cet autre endroit où il est dit, qu’ « ils irritèrent le Seigneur

 

1. Ps. CV, 34-30. — 2. Id. 37-39.

 

par leur inventions », appelant en ces deux endroits « inventions », ce qu’ils firent à l’imitation des autres peuples. Ne prenons donc point le mot « invention » en ce sens qu’ils auraient établi des cérémonies dont on ne leur aurait donné nul exemple. Aussi plusieurs traducteurs, au lieu d’inventions, ont-ils dit, studia, attachements; d’autres, affections, ou violents désirs; d’autres enfin, voluptés: et eux-mêmes qui ont traduit par adinventiones, inventions, ont dit ailleurs studia, attachements. J’ai fait cette réflexion, afin qu’on ne s’étonnât point de trouver le mot « inventions» pour désigner un culte dont ils ne furent point les inventeurs, mais simplement les imitateurs.

32. « La fureur de Jéhovah s’alluma contre son peuple 1». Nos traducteurs n’ont pas voulu traduire par ira , colère, ce que le grec désigne par tumos : quelques-uns pourtant l’ont mis; d’autres ont traduit par indignation; d’autres par animation, Quelle que soit l’expression, le trouble ne retombe point sur Dieu : mais l’usage a fait donner ce nom à son pouvoir de vengeance.

33. « Il eut horreur de son héritage, et le livra aux mains des Gentils, qui les haïssaient et qui en devinrent les maîtres: leurs ennemis les opprimèrent, et ils furent humiliés sous leur puissance 2 ». Quand le Prophète désigne ici l’héritage de Dieu, il est évident que sa colère ne voulait point les perdre, mais seulement les corriger, en les livrant à leurs ennemis. Aussi dit-il ensuite que « souvent il les délivra ».

34. « Mais eux l’aigrirent dans leurs desseins 3 ». C’est ce qui a été dit plus haut. « Ils n’attendirent point l’accomplissement de son dessein ». Or, le dessein d’un homme est pernicieux pour cet homme, quand il ne cherche pas la gloire de Dieu, mais son propre intérêt 4. Mais dans cet héritage, qui est lui-même,quand il daignera se donner à nous, pour que nous jouissions de lui, nous ne serons point à l’étroit dans la société des saints, comme il nous arrive dans nos affections privées. Quand cette cité glorieuse possédera l’héritage qui lui est promis, et où il n’y aura ni trépas, ni naissance, il n’y aura plus de citoyens pour avoir une affection privée, parce que Dieu sera tout en tous 5. Or,

 

1. Ps. CV, 40.— 2. Id. 41, 42.— 3. Id. 43.— 4. Philipp. II, 21, — 5. I Cor. XV, 28.

 

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quiconque ici-bas aspire à cet héritage par la foi et par l’amour, s’habitue à préférer à son bien propre le bonheur de tous, en ne cherchant point ses intérêts, mais la gloire de Jésus-Christ; de peur que, sage pour lui-même, occupé de lui-même, il n’en vienne à irriter le Seigneur par ses propres desseins. Mais dans l’espérance de ce qu’il ne voit pas encore, sans se hâter à jouir des choses visibles, dans la patiente expectative des biens invisibles, qu’il s’en rapporte en fait de promesses aux volontés de Celui dont il implore le secours dans ses tentations. Telle doit être son humilité dans ses aveux, afin de ne point ressembler à ceux dont il est dit : « Ils furent  humiliés dans leurs iniquités ».

35. Toutefois Dieu, qui est plein de miséricorde, ne les a point négligés: « Il les regarda dans leurs angoisses, quand il entendit leurs cris. Il se souvint de son alliance, et se repentit de toute l’étendue de sa miséricorde 1 » . «Il se repentit»,est-il dit, parce qu’il changea le dessein qu’il paraissait avoir pris de les perdre. Or, en Dieu tout est fixe et immuable, et l’on ne trouve en lui nulle résolution subite, comme s’il n’avait point prévu de toute éternité ce qu’il ferait : mais dans tout ce qui a lieu ici-bas au sujet des créatures, qu’il gouverne avec une sagesse admirable, on dirait qu’il fait par une volonté subite, ce qui était résolu dans ses desseins immuables et cachés, desseins qui lui découvrent toutes choses ers leur temps, et d’après lesquels il fait ce qui s’opère actuellement, et a déjà fait ce qui doit être un jour. « Et qui, mieux que lui, peut le faire 2? » Ecoutons donc 1’Ecriture qui dit simplement les choses les plus sublimes, qui donne aux petits une nourriture proportionnée, et aux plus grands des vérités qu’ils doivent approfondir. « Dieu les vit dans leurs angoisses, quand il entendit leurs prières, et il se souvint de son alliance » :  c’est-à-dire de son alliance éternelle, « qu’il avait jurée à Abraham », non de l’ancienne qui est abolie, mais de la nouvelle qui est voilée dans l’ancienne. « Et il se repentit selon l’étendue de sa miséricorde». Il a donc fait ce qu’il avait résolu, mais il avait prévu qu’il accorderait cette grâce à leurs coeurs contrits et suppliants: parce que leur prière qui n’était pas encore, mais qui devait être un jour, n’était point ignorée du Seigneur.

 

1. Ps. CV, 44, 45. — II Cor, II, 16.

 

36. « Et il leur fit trouver miséricorde 1 ». C’est-à-dire qu’il en fit des vases de miséricorde et non des vases de colère 2 . Le latin a mis, au pluriel, « ces miséricordes », qu’il leur fit trouver, parce que chacun a de Dieu un don qui lui est propre, l’un d’une manière, l’autre de l’autre 3. « Il leur fit donc trouver miséricorde en présence de tous ceux qui les tenaient captifs». Courage donc, ô toi qui lis ces paroles, toi qui reconnais, en lisant les lettres de l’Apôtre, la grâce du Dieu qui nous rachète pour la vie éternelle, par Jésus-Christ Notre-Seigneur, toi qui approfondis les écrits des Prophètes pour y découvrir l’Ancien Testament révélé dans le Nouveau, et le Nouveau sous les voiles de l’Ancien, souviens-toi quel est celui que saint Paul appelle prince des puissances de l’air, « qui agit sur les enfants de l’incrédulité 4 », et ce qu’il dit encore à propos de quelques-uns, qu’ « ils doivent sortir des pièges du démon qui les tient captifs pour en faire ce qui lui plaît 5 » souviens. toi des paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ quand, chassant le démon des coeurs des fidèles, il s’écriait: « Désormais le prince de ce monde est chassé dehors 6» ; et de ces autres paroles de l’Apôtre: « Dieu nous a arrachés à la puissance des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé 7 ». En réfléchissant sur ces divers passages, applique ton attention sur les écritures de l’Ancien Testament, et vois ce que l’on chante dans ce psaume qui a pour titre : « Lorsque la maison fut rebâtie après la captivité ». C’est là qu’il est dit : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ». Et pour qu’on ne vienne pas à croire que ces paroles ne s’adressent qu’aux Juifs: « Chantez», dit le Prophète; « que toute la terre chante au Seigneur; chantez au Seigneur, bénissez son nom, annoncez », ou plutôt, « donnez la bonne nouvelle »; et même, pour traduire l’expression grecque: « Evangélisez de jour en jour son salut ». De là est venu le nom d’Evangile, qui prêche de jour en jour Jésus. Christ, lumière de lumière, Fils engendré du Père. C’est lui en effet qui est le salut de Dieu, car le salut de Dieu est le Christ, comme nous l’avons démontré plus haut. « Annoncez donc sa gloire parmi les nations, et ses merveilles dans tous les peuples. Car c’est le Seigneur

 

1. Ps. CV, 46.— 2. Rom. IX, 22, 23.— 3. I Cor. VII, 7.— 4. Ephés. II 2. — 5. II Tim. II, 26. — 6. Jean, XII, 31.  — 7. Coloss. I, 13.

 

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qui est grand et digne de toute louange, il est terrible par-dessus tous les dieux. Car les dieux des nations sont des démons 1 ».Ces ennemis donc, avec le diable qui est leur roi, tenaient captif le Peuple de Dieu. Or, à mesure que nous sommes délivrés de cette captivité, et que le prince de ce monde est chassé dehors, le temple de Dieu se construit après la captivité; c’est de ce temple que te Christ est la pierre angulaire, lui qui a formé en lui-même un seul homme nouveau de ces deux peuples, établissant cette paix, que le jour venant du jour, annonce à ceux qui étaient proches, et â ceux qui sont éloignés pour n’en faire qu’un seul peuple 2; et amenant les autres brebis qui n’étaient point de ce bercail, afin d’en faire un seul troupeau sous un seul pasteur 3. Ainsi Dieu « fit trouver des miséricordes », à ceux qu’il avait prédestinés; car cela ne dépend ni de celui qui veut, « ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde 4 ; en présence de ceux qui les tenaient en captivité ». Ces ennemis donc, le diable et ses anges,avaient réduit en captivité ceux que Dieu a prédestinés à son royaume et à sa gloire; mais le Rédempteur ayant chassé dehors ceux qui dominaient les infidèles à l’intérieur, ils ne les attaquent plus qu’à l’extérieur. Or, leurs attaques ne sont point victorieuses contre ceux qui se retirent dans une tour et se dérobent à l’ennemi 5. S’ils nous attaquent, c’est qu’ils sentent qu’il y a chez nous quelques restes d’infirmité qui nous font dire à Dieu: « Remettez-nous nos dettes » ; et encore : « Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal 6 ». Après avoir donc chassé tous ces ennemis, Notre-Seigneur Jésus-Christ a perfectionné les guérisons dans son corps, lui qui en est la tête et le Sauveur 7, afin d’être dans ce même corps consommé le troisième jour. Voici ce qu’il dit en effet : « Je chasse les démons, je rends la santé aujourd’hui et demain, et le troisième jour je serai consommé 8» ; c’est-à-dire je serai parfait, lorsque nous nous rencontrerons tous à l’état de l’homme parfait, à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ 9.

37. Après avoir donc chassé les démons qui nous tenaient captifs, le Christ achève de nous guérir. C’est pourquoi, après avoir dit:

 

1. Ps. XCV, 1-5, — 2. Ephés. II, 13-22. — 3. Jean, X, 16. — 4. Rom. II, 16.— 5. Ps. IX, 4.— 6. Matth. VI, 12, 13.— 7. Ephés. V, 23.— 8. Luc, XIII, 32. — 9. Ephés. IV, 13.

 

«  Il leur fit trouver miséricorde auprès de ceux qui les avaient gardés en captivité »; maintenant que les démons qui nous tenaient captifs sont bannis, le Prophète prie Dieu de nous guérir: « Sauvez-nous, Seigneur notre Dieu, rassemblez-nous du milieu des nations 1 » ; ou, comme l’on trouve dans certains exemplaires, « des Gentils; afin que nous confessions votre saint nom, et que nous mettions notre gloire à vous louer ». Le Prophète nous marque ensuite cette louange en un mot: « Béni soit le Seigneur Dieu d’Israël, de siècle en siècle 2» : ce que nous entendons ici, depuis, l’éternité jusqu’à l’éternité; car Dieu sera loué sans fin par ceux dont il est dit: « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous loueront de siècle en siècle 3 ». Ce sera la troisième consommation du corps de Jésus : les démons seront chassés, les guérisons achevées, puisque le corps aura même l’immortalité; ce sera le règne éternel de ceux qui béniront parfaitement le Seigneur, parce que leur amour sera parfait, et

qu’ils le contempleront face à face. Alors s’accomplira cette prière qui est au commencement du psaume: « Souvenez-vous de nous, Seigneur, selon votre amour pour votre peuple; visitez-nous pour nous sauver, afin de nous montrer votre bonté pour vos élus, de nous donner une part à la joie de votre peuple, et de faire chanter vos louanges par votre héritage ». Car ce n’est point seulement les brebis qui sont perdues de la maison d’Israël 4 qu’il rassemble parmi les nations, mais encore celles qui n’appartiennent point à ce troupeau, afin, comme il est dit, qu’il n’y ait plus qu’un seul bercail et un seul pasteur 5. Mais les Juifs, s’imaginant que cette prophétie a pour objet leur royaume visible, car ils n’ont point su goûter par l’espérance

la joie des biens invisibles, doivent tomber dans les embûches de celui dont le Seigneur a dit: « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez point reçu; un autre viendra en mon nom, et vous le recevrez 6 ». C’est de lui que saint Paul a dit: « Alors apparaîtra l’homme de péché, ce fils de la mort, qui s’oppose à Dieu, s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu, ou que l’on adore comme Dieu, de manière à s’asseoir dans le temple de Dieu, à s’y montrer comme

 

1. Ps. CV, 47. — 2. Id. 48. — 3. Id. LXXXIII,5. — 4. Matth. XV, 24.— 5. Jean, X, 16. — 6. Id. V, 43.

 

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Dieu ». Et un peu après: « Alors apparaîtra d’impie, que le Seigneur Jésus tuera du souffle de sa bouche, et qu’il perdra par d’éclat de sa présence : cet homme qui se montrera pour agir comme Satan, environné de puissance avec des signes menteurs, et avec toutes les séductions de l’iniquité sur ceux qui périront, pour n’avoir pas reçu et aimé la vérité, afin d’être sauvés. C’est pourquoi Dieu leur enverra une opération de l’erreur, de manière qu’ils croiront au mensonge ; afin que tous ceux qui n’ont point cru à la vérité, et qui ont consenti à l’erreur, soient condamnés 1 ». Ce sera donc, ce me semble, parce perfide, par cet impie qui s’élèvera au-dessus de tout ce qui est Dieu ou que l’on adore comme Dieu, que les Israélites charnels croiront que va s’accomplir cette prophétie qui s’exprime ainsi: « Sauvez-nous, Seigneur notre Dieu, et rassemblez-nous de toutes les nations comme si ce chef devait les élever dans une gloire visible, en présence de ces ennemis visibles, qui les avaient réduits à une visible captivité. Alors ils croiront au mensonge, parce qu’ils n’ont point reçu la vérité avec amour, de manière à désirer, non plus les biens charnels, mais les biens spirituels. Ainsi déjà trompés parle diable ils allèrent jusqu’à donner la mort au Christ en disant : « Si nous le laissons aller de la sorte, tous croiront en lui, et les Romains viendront s’emparer de la ville et de la nation »; quand

 

1. II Thess. II, 3 - 11.

 

 « Caïphe, l’un d’entre eux, pontife cette année-là, leur dit: Vous n’y comprenez rien, et ne  voyez pas qu’il est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple, au lieu de  faire périr toute la nation. Or », selon l’Evangéliste, « il ne parlait point de lui-même; mais, grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non-seulement pour la nation », c’est-à-dire pour les brebis qui avaient péri de la maison d’Israël, « mais aussi rassembler en un même bercail les enfants de Dieu dispersés par tous les peuples 1 ». Car il avait d’autres brebis qui n’étaient point de ce bercail. Et toutes les brebis et d’Israël et des nations, étaient dans la servitude du démon et de ses anges. Or, quand elles ont secoué le joug du démon, en présence de ces esprits méchants qui les avaient réduites en captivité, afin d’acquérir le salut et la perfection éternelle, voilà que le Prophète leur fait dire: « Sauvez-nous, Seigneur notre Dieu, et rassemblez-nous de toutes les nations »; non plus par l’Antéchrist, comme les Juifs espèrent que s’accompliront ces paroles, mais par Jésus-Christ Notre-Seigneur qui viendra au nom de son Père, « lui qui est le jour venant du jour, et qui est le salut», dont il est dit ici: « Visitez-nous dans votre salut. Alors tout le peuple dira »: c’est-à-dire, ce peuple de prédestinés qui viennent de la circoncision et de la gentilité, cette nation sainte, ce peuple d’adoption, chantera: « Amen, Amen ».

 

1. Jean, XI, 48-52.

 

 

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