PSAUME CIV
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DISCOURS SUR LE PSAUME CIV.

LOUANGE A DIEU DANS SA BONTÉ.

 

Le titre indique le sujet du psaume, ou l’ordre prophétique intimé aux Evangélistes d’annoncer l’Evangile aux peuples de 1a terre. Le Prophète nous exhorte à louer Dieu par la parole et par les bonnes oeuvres, à nous tenir en sa présence, à te chercher toute notre vie, même après l’avoir trouvé, c’est-à-dire à nous attacher à lui par l’amour; en un mot, à le prendre pour notre héritage, à le servir pour lui-même ou par une charité parfaite. Voilà pour les chrétiens plus parfaits. Aux faibles il offre pour exemple la foi des patriarches et l’accomplissement des promesses qui leur étaient faites. Or, la foi fait de nous des enfants d’Abraham ; ce qui regarde le Nouveau Testament, ou héritage de la foi qui en est le précepte et le nerf. Le Prophète nous dit que ces promesses étaient pour mille générations, ce qui s’entend de la durée du monde, or, ces générations doivent avoir une fin; mais eu outre de la terre de Chanaan, il y a la terre du ciel qui est la récompense éternelle comme le Testament. Le Prophète nous raconte les bienfaits de Dieu envers ses élus qui vont de nation en nation, et en faveur desquels il châtie les rois de Gérare et d’Egypte ; il les appelle Christs, parce qu’ils étaient chrétiens par avance, et Prophètes parce qu’ils étaient des images du Christ. Il envoie Joseph en Egypte, pour y souffrir, et y enseigner la vraie sagesse. Il fit éclater en faveur de son peuple une protection qui stimula l’envie des Egyptiens, puis envoya Moïse et Aaron pour les délivrer par des prodiges tels que les ténèbres, les eaux changées en sang, les moucherons, la grêle qui brisa lea arbres, les sauterelles qui dévorèrent tout; tandis que les Hébreux s’enrichirent aux dépens de l’Egypte qui se réjouit de leur départ, quand elle vit les prodiges du Seigneur. Dieu les couvrit d’une nuée, leur envoya des viandes, fit jaillir l’eau du rocher, leur donna ainsi les biens du temps, afin qu’ils n’eussent d’autre soin que d’acquérir ceux de l’éternité. Cependant ce n’est point en vue de ces récompenses terrestres, mais bien par amour, que nous devons servir Dieu.

 

1. Le psaume cent quatrième est le premier de ceux qui portent l’inscription: «Alleluia». Ce mot, ou plutôt ces deux mots signifient louange à Dieu. Aussi le psaume commence-t-il ainsi : « Confessez Jéhovah, invoquez son nom 1 ». Or, le mot « confessez» doit s’entendre d’une confession de louanges, comme cette parole du Christ : « Je vous confesse, Dieu du ciel et de la terre 2». Après la louange vient en effet l’invocation, renfermant tous les désirs de celui qui prie. De là vient que l’oraison dominicale commence par une très-courte louange, qui est celle-ci : « Notre Père, qui êtes aux cieux 3 ». Viennent ensuite les demandes. De là vient que nous lisons dans un autre psaume : « Nous vous confesserons, Seigneur, nous vous confesserons, et nous invoquerons votre nom 4 ». Voilà ce qui est marqué plus clairement ailleurs : « En louant le Seigneur, je l’invoquerai, et je serai délivré de mes ennemis 5». De même ici « Confessez le Seigneur, invoquez son nom »; ce qui revient à dire: Louez-le Seigneur, et invoquez son nom. Le Seigneur exauce en effet celai qui invoque, si cette invocation est une louange, et c’est une louange, quand il voit que c’est un acte d’amour. Et en quoi le Seigneur exige-t-il

 

1. Ps. CIV, I. — 2. Matth. XI, 25. — 3. Id. VI, 9. — 4. Ps. LXXIV, 2. — 5. Id. XVII, 4.

 

qu’un bon serviteur lui témoigne de l’amour, sinon dans cette recommandation : « Paissez mes brebis 1? » C’est pourquoi le psaume ajoute : « Annoncez ses oeuvres parmi les « nations»; ou plutôt, selon la force du grec, conservée dans quelques traductions: « Evangélisez mes oeuvres parmi les nations ». A qui peuvent s’adresser ces paroles, sinon aux évangélistes, d’une manière prophétique?

2. « Célébrez-le dans vos chants et sur le psaltérion 2» ; c’est-à-dire dans vos paroles et dans vos oeuvres. Le chant vient de la voix, c’est la main qui touche du psaltérion. « Racontez toutes ses merveilles, glorifiez-vous dans son saint nom 3 ». Ces deux derniers versets peuvent très-bien être la répétition des versets supérieurs : « Racontez toutes ses merveilles », se rapporterait à cette autre parole : « Louez-le dans vos chants »; et « Glorifiez son saint nom», à: « Louez-le sur le psaltérion » . La première partie désigne cette louange qu’on chante en l’honneur de Dieu, en racontant ses merveilles; la seconde, ces bonnes oeuvres faites en l’honneur de Dieu, sans vouloir tirer d’une bonne oeuvre la moindre louange pour sa propre vertu. Aussi, après avoir dit : « Glorifiez-vous », ce que l’on peut faire pat- de bonnes oeuvres; le Prophète ajoute : « Dans son saint nom, afin

 

1. Jean, XXX, 17. — 2. Ps. CIV, 2. — 3. Id. 3.

 

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que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur 1». Que ceux donc qui prennent le psaltérion, non point pour eux, mais en son honneur, n’affectent point de faire leurs bonnes oeuvres devant les hommes, afin d’en être vus; autrement ils ne recevraient aucune récompense de notre Père qui est dans le ciel 2; mais que leurs bonnes oeuvres éclatent devant les hommes, non point afin qu’ils vous voient vous-mêmes, mais afin qu’à la vue de vos bonnes oeuvres, ils glorifient leur Père qui est dans le ciel 3. Voilà ce que le Prophète appelle se glorifier en son nom. De là cette parole d’un autre psaume : « Mon âme se glorifiera dans le Seigneur; que ceux qui ont le coeur doux m’entendent, et partagent mon allégresse 4 ». Ce qui revient presque à cette parole : « Qu’il soit dans la joie, le coeur de ceux qui cherchent le Seigneur 5 ». En sorte qu’ils sont dans la joie, ces coeurs doux qui n’ont point une arrière jalousie contre ceux qui font le bien.

3. « Cherchez le Seigneur, et reprenez courage 6, « confortamini ». Cette expression rend mieux la force du grec, bien qu’elle semble moins latine. Aussi trouvons-nous dans certains exemplaires : Confirmamini, soyez plus fermes; dans d’autres: Corroboramini, soyez plus forts. C’est -à Dieu que l’on dit en effet: « Vous êtes ma force 7 » ; et encore : « C’est pour vous que je garderai ma force « » ; afin qu’en le cherchant, et qu’en nous approchant de lui, nous soyons éclairés et raffermis: de peur que l’aveuglement ne nous empêche de voir ce qu’il faut faire, et la faiblesse de faire ce que nous pourrions voir. Donc, afin que nous puissions voir, on nous dit : « Approchez, et soyez dans la lumière 9» ; et afin que nous puissions agir: « Cherchez le Seigneur, et acquérez la force. Cherchez toujours sa face». Qu’est-ce que la face du Seigneur, sinon la présence de Dieu? Il en est de même de la face du vent, et de la face du feu; il est dit en effet : « Comme le vent chasse la paille devant sa face 10 »; et encore: « Comme la cire coule en face du feu 11», et bien d’autres passages de 1’Ecrilure, où la face ne signifie rien autre chose que la présence. Mais que signifie : «Cherchez toujours sa face? » Je sais que le souverain bonheur

 

1. I Cor. I, 31.— 2. Matth. VI, 1.— 3. Id. V, 16.—  4. Ps. XXXIII, 2, 3. — 5. Id. CV, 3.— 6. Id, 4. — 7. Id. XVII, 2. — 8. Id. LVIII, 10. — 9. Id. XXXIII, 5.— 10. Id. LXXXII, 14.— 11. Id. LXVII, 3.

 

pour moi est de m’attacher à Dieu 1. Mais si je cherche Dieu toujours, quand le trouverai-je? Ou bien « toujours », signifierait-il pendant toute cette vie que nous passons ici-bas, depuis que nous avons connu que nous devions le faire, puisque après l’avoir trouvé, il faut le chercher encore ? La foi l’a trouvé en effet, mais l’espérance le cherche encore. La charité l’a trouvé par la foi, mais elle cherche à le posséder par la claire vue; c’est alors que nous le trouverons de manière qu’il nous suffira, et que nous ne devrons plus le chercher. Si la foi ne le trouvait en cette vie, l’Ecriture ne nous dirait point : « Cherchez le Seigneurs; et quand vous l’aurez trouvé, que l’impie abandonne ses voies, et l’homme d’iniquité ses pensées 2 ». De même, si l’on ne devait point le chercher encore après l’avoir trouvé, elle ne dirait point: « Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience 3» ; ni avec saint Jean: « Nous savons que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est 4 ». Et quand nous l’aurons vu face à face, et tel qu’il est, ne faudra-t-il point le chercher encore, et le chercher sans fin, puis. qu’il faut l’aimer sans fin? A un homme pré. sent, nous disons en effet : Je ne te recherche point, pour lui dire, je ne t’aime point. D’où il suit que l’on recherche celui que l’on aime, alors même qu’il est présent, et qu’un amour continuel s’efforce de ne s’en éloigner jamais. L’amour, loin de se fatiguer de la vue de son objet, le veut toujours sous ses yeux, le cherche même présent. Tel est le sens de cette parole: « Cherchez toujours sa face » ; en sorte que cette recherche qui signifie l’amour, ne finit point lorsque l’on trouve; mais à mesure que l’amour s’enflamme, on recherche encore celui qu’on avait trouvé.

4. Mais ce Prophète qui loue, Dieu avec une ardeur si vive, tempère sa flamme et se met à notre niveau pour nous parler; afin d’allaiter notre amour encore faible, il nous raconte les merveilles de Dieu : « Souvenez-vous des merveilles qu’il a faites, des prodiges de sa puissance, et des oracles de sa bouche 5». Parole qui parait assez semblable à cette réponse faite à Moïse qui demandait à Dieu qui il était: après lui avoir répondu : « Je suis celui qui suis», Dieu ajoute : « Tu diras aux

 

1. Ps. LXXII, 28. — 2. Isa. LV, 6, 7. — 3. Rom. VIII, 25. — 4. Jean, III, 2. — 4. Ps. CXV, 5.

 

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enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous ». Il faut être une montagne pour comprendre Dieu dans une définition si courte ; puis Dieu, pour expliquer son nom, voulut bien s’abaisser jusqu’à notre proportion, en disant : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob; c’est là mon nom pour l’éternité 1 ». Il voulut nous faire comprendre que ceux dont il se dit Dieu, vivent avec lui éternellement; et il disait ainsi ce que les plus faibles pouvaient comprendre, afin que cette autre parole: « Je suis celui qui suis», fût comprise autant que possible par ceux dont la charité est assez robuste pour chercher toujours sa face. Si donc c’est beaucoup pour vous de voir ou de chercher ce qu’il est : « Souvenez-vous de ses merveilles, de ses prodiges et de ses jugements ».

5. Et à qui s’adresse le Prophète? « Postérité d’Abraham son serviteur, fils de Jacob son élu 2 ». Vous, enfants d’Abraham, vous, fils de Jacob, « Souvenez-vous des merveilles  qu’il a opérées, de ses prodiges, de ses jugements ». Et de peur qu’on n’attribue ces paroles à la seule nation des Israélites selon la chair, et que par cette race d’Abraham on ne comprenne les enfants selon la chair, plutôt que les enfants de la promesse, auxquels saint Paul a dit en parlant aux Gentils: « Vous êtes la race d’Abraham, les héritiers selon la promesse 3», voilà que le Prophète nous dit ensuite : « C’est le Seigneur qui est notre Dieu, ses jugements remplissent la terre 4 ». Voici ce que dit Isaïe à cette Jérusalem libre qui est notre mère : « Celui qui t’a délivrée, c’est ton Dieu, qui sera nommé le Dieu de la terre 5». Est-ce seulement le Dieu des Juifs? Loin de là 6 : « C’est le Seigneur qui est notre Dieu, et ses jugements remplissent toute la terre ». Car l’Eglise est partout, et c’est l’Eglise qui prêche ses jugements. Pourquoi donc un autre psaume nous dit-il : « Il annonce sa parole à Jacob, sa justice et ses  jugements à Israël ; mais il n’a pas traité ainsi les autres peuples, et ne leur a pas découvert ses jugements 7 ? » Le Prophète a voulu nous dire par là qu’il n’y a qu’un seul peuple qui soit la postérité d’Abraham, et que ce peuple est formé de tous les autres, en sorte qu’il n’y a qu’un seul peuple appelé à l’adoption. En dehors de cette nation, Dieu

 

1. Exod III, 13, 14.— 2. Ps. CIV, 6.—  3. Gal. III, 29.— 4. Ps. CIV, 7. — 5. Isa. LIV, 5. — 6. Rom. III,29. — 6. Ps. CXLVII, 19, 20.

 

n’a pas manifesté ses jugements ; car ils ne sont point compris de ceux qui ne croient point, quoiqu’ils soient annoncés ; ne pas croire, c’est ne pas comprendre.

6. « Il s’est souvenu de son alliance dans la suite des siècles 1». D’autres exemplaires portent, non plus, in saeculum, mais in aeternum, dans l’éternité ; ambiguïté qui vient du grec. S’il faut coin prendre ici in aeternum, éternellement, et non in saeculum, dans la suite des siècles, comment alors expliquerons-nous ce qui suit: « De ce Verbe qu’il étend à mille générations? » car ici il y a une fin; mais il dit ensuite : «Que Dieu disposa de cette parole en faveur d’Abraham, d’un serment en faveur d’Isaac; qu’il l’affermit en Jacob comme un précepte, et en Israël comme un testament éternel 2». Ici, nulle ambiguïté: le grec porte aionion , que l’on n’a jamais traduit en latin que par aeternum ; à peine quelques-uns l’ont-ils traduit par aeternale. A moins, cependant, qu’on ne traduise plus familièrement aiona par « un siècle », et aionion par « non éternel », mais une durée séculaire; je ne connais personne qui ait hasardé cette traduction. S’il vous faut comprendre ici l’Ancien Testament à cause de la terre de Chanaan; car voici le texte: « Il l’a donné à Jacob comme une lois, et à lui encore, à Israël  comme un testament éternel, en disant : « Je te donnerai la terre de Chanaan, partagée entre vous comme un héritage 3». Comment alors entendre l’expression « éternel », puisque cette terre ne peut demeurer éternellement en héritage ? Et s’il y a un Ancien Testament, c’est qu’il a été aboli par le Nouveau. Mais « mille générations » ne paraissent rien désigner d’éternel, car elles ont une fin, et sont bien nombreuses pour des années temporelles. Bien qu’une génération, en grec, genean ne contienne pas beaucoup d’années, puisque l’on a borné la moindre à quinze années, âge où un homme peut engendrer, quelles sont ces mille générations, à partir non-seulement d’Abraham à qui Dieu fit ces promesses, jusqu’au nouveau Testament, mais même à partir d’Adam jusqu’à la fin du monde ? Qui oserait assurer au monde une durée de quinze mille années?

7. Il me semble donc que l’on ne doit pas appliquer ces paroles du Prophète à l’Ancien Testament qui devait remplacer le Nouveau ;

 

1. Ps. CIV, 8.— 2. Id. 9, 10.— 3. Id, 11.

 

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puisqu’un autre Prophète nous dit : « Voici que viennent des jours, dit le Seigneur, et j’affermirai avec Jacob une alliance nouvelle, mais peu semblable à celle que j’ai établie avec leurs pères, quand je les ai tirés de l’Egypte 1»; c’est l’alliance de la foi, que relève saint Paul, quand il nous recommande Abraham pour modèle, et condamne ceux qui se glorifiaient des oeuvres de la loi, par l’exemple de ce patriarche qui crut à Dieu avant la circoncision, et à qui sa foi fut imputée à justice 2. Enfin après avoir dit que Dieu « s’est souvenu de son Testament dans la suite des siècles », ce qu’il faut entendre de l’éternité, car c’est là le Testament de la justification, et de l’héritage éternel, que Dieu promit à la foi : « De cette parole qu’il enjoignit pour mille générations ». Qu’est-ce à dire qu’ « il enjoignit ? » Dire : « Je te donnerai la terre de Chanaan », ce n’est point là une injonction, mais une promesse. Une injonction nous dit ce qu’il faut faire, une promesse ce qu’il faut recevoir. La foi est donc un précepte, en sorte que le juste vit de la foi 3, et qu’à cette foi Dieu promet un héritage éternel. Ces « mille générations», sont un nombre parfait qui les désigne toutes, c’est-à-dire qu’il nous est enjoint de vivre selon la foi, tant qu’une génération succède à une génération. Tel est le commandement que pratique le peuple de Dieu, ou ces fils de la promesse, qui arrivent pal- la naissance, qui s’en vont par la mort, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de génération ; voilà ce que signifie le nombre mille, car le nombre dix, élevé au carré, est dix fois dix, et en le multipliant par dix, nous arrivons à mille. « Il en disposa en faveur d’Abraham, il en fit le e serment à Isaac, il le confirma à Jacob », c’est-à-dire à Jacob lui-même, « comme une loi ». Tels sont les trois patriarches dont le Seigneur s’appelle le Dieu d’une manière spéciale, et qu’il désigne dans le Nouveau Testament, quand il dit : « Beaucoup viendront d’Orient et d’Occident, et reposeront avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux 4». Voilà l’héritage éternel. Car en disant ici qu’ « il l’affermit en précepte pour Jacob », le Prophète montre bien que la foi est un précepte, puisqu’une promesse ne prendrait pas le nom de précepte.

 

1. Jérém. XXXI, 31, 32.— 2. Gal, III, 5, 6.— 3. Rom. I, 17.— 4. Matth. VIII, 11.

 

Le précepte renferme une oeuvre, la promesse une récompense. « L’oeuvre de Dieu», dit le Seigneur, « c’est que vous croyiez en celui qui m’a envoyé 1». Telle est la parole dont il a fait un précepte: « Il s’est souvenu de son alliance dans le cours des siècles »; parole de foi que nous prêchons 2: « Dieu l’a e établie comme un précepte en Jacob lui-même, et à lui, Israël, comme un testament éternel », c’est-à-dire qu’il donnera une récompense éternelle à l’accomplissement de cette parole, de ce précepte. « En disant: Je te donnerai la terre de Chanaan, comme le cordeau de ton héritage ». Comment cela serait-il éternel, si cette terre ne nous marquait rien d’éternel? Elle est appelée terre promise, terre où coulent et le lait et le miel 3, ce qui nous marque la gloire de Dieu, grâce qui nous fait goûter combien le Seigneur est doux 4, et qui n’est point le partage de tous les hommes. Car la foi n’est point commune à tous Aussi le Prophète a-t-il ajouté: « C’est le cordeau de votre héritage ». De là cette parole que profère, dans un autre psaume, le Christ ou la race d’Abraham: « Le cordeau a mesuré ma part dans un lieu ravissant, et la portion de mon héritage est illustre à mes yeux 6 ». Pourquoi dès lors l’appeler terre de Chanaan? c’est ce que nous indique la signification de ce nom; Chanaan signifie en effet humble. Si on l’entend au point de vue de Noé qui prédit que Chanaan sera le serviteur de ses frères 7, nous y retrouvons la crainte servile : « Or, le serviteur ne demeure pas éternellement dans la maison, mais le fils y demeure éternellement 8». On chasse donc Chanaan, pour donner la terre des promesses aux enfants d’Abraham; car la charité parfaite bannit toute crainte 9, en sorte que le fils demeure en la maison éternellement. De là vient qu’il est dit: « Et à Israël lui-même, pour une alliance éternelle ».

8. Le Prophète parcourt ensuite l’histoire si connue et si vraie des Livres saints. « Ils étaient en petit nombre alors, faibles et voyageurs sur cette terre 10 ». C’est-à-dire, cette terre de Chanaan. Quand elle était habitée parleurs pères, Abraham, Isaac et Jacob, avant qu’ils l’eussent reçue en héritage, ils n’y étaient alors qu’en petit nombre et comme

 

1. Jean, VI, 29.— 2. Rom. X, 8.— 3. Exod. III, 8,17,— 4. Ps. XXXIII, 8.— 5. II Thess. III, 2.— 6. Ps. XV, 6. — 7. Gen. IX, 25.—  8. Jean, VIII, 35. — 9. I Jean, IV, 18. — 10 . Ps. CIV, 12.

 

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étrangers. Dans certains exemplaires, on trouve, non plus: Paucissimi et incolae, mais:

Paucissimos et incolas. Ce qui prouve que les traducteurs ont suivi la version grecque, version que l’on ne peut rendre en latin, sans une absurdité absolument intolérable. Pour traduire exactement, il nous faudra dire : In eo esse illos numero brevi, paucissimos et incolas in ea 1. Mais ce que le grec exprime par: In eo esse illos, se traduit en latin par: cum essent, et ce verbe ne veut point d’accusatif, mais le nominatif. Qui dirait en effet: Cum essent paucissimos? Mais on dit: Cum essent paucissimi, comme dans notre version.

9. « Comme ils étaient donc peu nombreux, ou en très-petit nombre, et étrangers en cette terre, ils passèrent de nation en nation, de royaume en royaume». Il y a ici répétition de ces expressions: « De nation en nation » . « Il ne laissa personne leur nuire » , c’est-à-dire, il ne le permit point. Le grec porte « les nuire», le latin « leur nuire» . « Il châtia les rois à cause d’eux. Ne touchez point à mes « Christs», leur dit-il, «ne faites aucun mal à mes Prophètes 2». Ainsi parlait le Seigneur aux rois qu’il châtiait, qu’il reprenait, afin de les empêcher de nuire aux saints patriarches, lorsqu’ils étaient en petit nombre et étrangers dans le pays de Chanaan. Bien qu’on ne lise point ces paroles dans l’histoire, il nous faut néanmoins comprendre que Dieu tint ce langage ou secrètement, commue le Seigneur parle au coeur des hommes, par des visions réelles et néanmoins occultes, ou qu’il le fit par le moyen des anges. Les rois de Gérare et d’Egypte furent avertis de ne point nuire à Abraham 3; un autre roi de ne point nuire à Isaac 4, d’autres de ne point nuire à Jacob 5; alors qu’ils étaient en petit nombre et étrangers, et avant que Jacob s’en allât en Egypte pour y habiter. C’est ce qui est marqué dans cette parole du Prophète: « Ils passèrent de nation en nation, et de royaume en royaume ». Mais comme nous pourrions chercher comment, en si petit nombre, et étrangers avant d’entrer en Egypte et de s’y multiplier, ils ont pu subsister dans la terre étrangère, le Prophète ajoute: « Il ne permit à aucun homme de leur nuire, il menaça les rois en leur faveur.

 

1.  En to einai autous arithmon brakeis, oligostous kai paroikous en aute.  — 2. Ps. CIV, 13-15. — 3. Gen. XII, 17- 20; XX, 3.— 4. Id. XXVI, 8-11, — 5. Id. XXXI-XXXIII.

 

Ne touchez pas à mes Christs, et ne « faites aucun mal à mes Prophètes ».

10. On peut s’étonner qu’ils soient appelés des Christs, avant qu’il y eût une onction qui fit donner ce nom aux rois : onction que Saül reçut le premier, lui à qui David succéda comme roi; puis les rois de Juda et d’Israël continuèrent de recevoir l’onction sainte qui figurait le seul et véritable Christ, à qui il a été dit: « Votre Dieu, ô Dieu, vous a oint d’une huile de joie, qui vous élève bien au-dessus de tous ceux qui doivent la partager 1 ». Comment donc ces anciens étaient-ils appelés des Christs? Car nous lisons d’Abraham qu’ils étaient Prophètes, et ce qui est dit clairement de lui, doit s’entendre aussi des autres. Seraient-ils des Christs parce qu’ils étaient déjà chrétiens, quoique d’une manière invisible? C’est d’eux, il est vrai, qu’est né le Christ selon la chair, mais le Christ était avant eux, ainsi qu’il le dit aux Juifs : « Je suis avant qu’Abraham fût 2 ». Comment eussent-ils pu ne point le connaître, ou ne pas croire en lui, quand ils sont appelés prophètes parce qu’ils annonçaient le Christ quoique d’une manière figurée? De là cette parole si claire du Sauveur: « Abraham a désiré voir mon jour, il l’a vu et s’en est réjoui 3». Car sans la foi au Christ, nul n’a été réconcilié à Dieu, soit avant, soit après l’incarnation et l’Apôtre l’a défini selon la vérité. « Il n’y a qu’un seul Dieu , qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, c’est Jésus-Christ homme 4 ».

11. Le Prophète nous raconte ensuite comment ils ont passé de nation en nation, de royaume en royaume. « Le Seigneur appela la e famine sur la terre, et brisa toute la force que donne le pain. Il envoya devant eux un homme; Joseph fut vendu comme esclave ». Ce fut ainsi qu’ils passèrent « de nation en nation, et de royaume en royaume ». Mais ne passons point légèrement sur les expressions des saintes Ecritures. « Il appela», dit 1e Prophète, « la famine sur la terre 5 » : comme si la famine était un personnage, ou quelque chose, ou quelque esprit qui dût venir à un appel: tandis que la faim n’est qu’un mal qui vient de la disette, et qu’elle est comme une maladie pour ceux qui l’endurent; et comme bien souvent on ne fait cesser la maladie qu’avec des remèdes, on guérit aussi la faim

 

1. Ps. XLIV, 8.— 2. Jean, VIII, 58.— 3. Id. 56.— 4. I Tim. II, 5.— 5. Ps. CIV, 16.

 

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par la nourriture, Que signifie dès lors: « Il appela la faim? » Ces maux qu’endurent les hommes, seraient-ils soumis à de mauvais anges? (car il est dit dans un autre psaume, que Dieu, par un juste jugement, affligea les hommes en leur envoyant des plaies par les mauvais anges 1), alors appeler la faim, ce serait appeler l’ange de la faim, en lui donnant le nom du fléau qu’il dirige. De là viendrait que les anciens Romains s’étaient fait de semblables divinités, comme la Fièvre, la Pâleur. Ou bien ne vaudrait-il pas mieux dire que, pour Dieu, appeler la faim, c’est ordonner qu’il y ait une famine, én sorte que appeler, ce serait faire venir ; faire venir, serait dire, et dire ordonner? Ce même Dieu qui appela la faim, « appelle ce qui n’est pas comme ce qui est 2 ». L’Apôtre ne dit point que Dieu appelle ce qui n’est pas, afin de lui donner l’existence, « mais comme s’il était ». Car, aux yeux de Dieu, ce qu’il doit faire dans sa sagesse est déjà fait; c’est de lui qu’il est dit ailleurs qu’ « il a fait ce qui est à faire 3 ». Et quand arriva la famine, il est dit qu’elle fut appelée, qu’elle devait arriver, puisqu’elle entrait dans les secrètes dispositions de la divine sagesse. Le Prophète nous dit ensuite comment le Seigneur appela la famine: « Il brisa toute la force du pain ». « Il brisa », est une expression inusitée en ce sens, et veut dire « anéantit ».

12. « Il envoya devant eux un homme». Quel homme ? Joseph. Comment l’envoya-t-il? « Joseph fut vendu pour être esclave 4 ». Cette action était bien coupable, de la part de ses frères, et cependant c’est Dieu qui envoyait Joseph en Egypte. Il est donc bien juste et nécessaire d’admirer comment Dieu tourne en bien les mauvais desseins des hommes, tandis que les hommes font un mauvais usage des biens de Dieu.

13. Le Prophète reprend ici sa narration, pour nous dire ce que souffrit Joseph dans ses humiliations, et comment il fut élevé en gloire. « Ses pieds furent resserrés dans les entraves, le fer traversa son âme jusqu’à ce que sa parole fût accomplie 5 », L’histoire ne nous dit point que Joseph ait eu les entraves aux pieds; et toutefois nous n’en pouvons douter. Car l’histoire peut omettre quelques détails, connus de l’Esprit-Saint qui parle dans

 

1. Ps. LXXVII, 49. — 2. Rom. IV, 17. — 3. Isa. XLV, 11, suiv. les Septante.  — 4. Ps. CIV, 17 — 5. Id.18,19.

 

notre psaume. Quant au fer qui traversa son âme, nous l’entendons d’une affliction très-poignante; puisque le psaume ne parle point du corps, mais de l’âme. C’est d’une expression semblable que s’est servi l’Evangé1iste, quand Siméon dit à Marie: « Cet enfant est pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs en Israël, et comme un signe de contradiction, et votre âme sera percée d’un glaive, afin que les pensées de plusieurs coeurs soient révélées ». Car la passion du Sauveur fut pour plusieurs un sujet de ruine, qui révéla les secrets de bien des coeurs, dévoila ce qu’ils pensaient du Seigneur, et fut assurément pour sa mère qu’elle privait de son fils, un coup douloureux. Telle fut l’affliction de Joseph, « jusqu’à ce que s’accomplît la prédiction qu’il fit en interprétant les songes du roi selon la vérité : ce fut alors qu’on le signala au roi, et qu’il lui découvrit ce qu’il y avait de prophétique dans ses songes 2 ». Mais comme il est dit: «jusqu’à l’accomplissement de sa paroles, le Prophète craint que l’on n’attribue à un homme une si grande puissance, et il ajoute aussitôt: « La parole du Seigneur l’enflamma », ou même, selon le grec en certains exemplaires, « le brûla», an point qu’on le mit au nombre de ceux dont il est dit: « Glorifiez-vous en son saint nom. La parole du Seigneur le mit en feu ». Aussi, quand le Fils de Dieu envoya l’Esprit-Saint, virent-ils comme des langues de feu qui se divisaient 3. Et l’Apôtre a dit : « Ayez la ferveur de l’esprit 4 ». Telle est la ferveur qui manque à ceux dont il est dit, que « la charité de plusieurs se refroidira 5 ».

14. Le Prophète continue : « Le roi envoya le délivrer; le prince des peuples lui donna  la liberté ». Ce roi, qui est aussi le prince des peuples, « délia » Joseph « enchaîné », rendit

la liberté « au prisonnier». « Il l’établit chef de toute sa maison, prince de tous ses états, afin qu’il instruisît les princes comme lui-même, et qu’il enseignât la prudence à ses vieillards 6 » On lit dans le grec : « Qu’il enseignât la sagesse à ses vieillards » ; ce que l’on peut rigoureusement traduire ainsi: « Afin qu’il instruisît, les princes comme lui-même, et qu’il donnât la sagesse aux vieillards » : car le grec porte presbuterous, que nous

 

1. Luc, IUI, 34, 35. — 2. Gen.XLI, 25.— 3. Act. II, 3. — 4. Rom. XII, 11. — 5. Matth. XXIV, 12. — 6. Ps. CIV, 20-22.

 

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traduisons par les plus anciens, seniores; il ne porte pas gerontas, c’est-à-dire, senes, les vieillards : quant à sophisai, on ne peut le rendre en latin par une seule expression, il vient de sagesse, en grec sophia, et non de prudence, en grec phronesis. Nous ne voyons pas toutefois que Joseph s’y soit appliqué pendant son élévation, pas plus que nous ne lisons, que dans ses malheurs il ait eu les fers aux pieds. Mais comment se pourrait-il qu’un si grand homme, adorateur du seul Dieu véritable, fût préposé aux subsistances corporelles, sans chercher à prendre soin de l’âme, à rendre ces peuples meilleurs? L’historien sacré, inspiré par l’Esprit-Saint, a consigné dans l’histoire ce qui suffisait dans sa narration pour prédire l’avenir.

15. « Israël entra ainsi en Egypte, et Jacob fut étranger dans la terre de Cham 1 »  Israël est ici le même que Jacob, et l’Egypte que la terre de Cham. Ici nous voyons clairement que la nation égyptienne tire son origine de Cham, fils de Noé, dont Chanaan était le fils aîné. Ainsi il faut corriger te mot de Chanaan dans les exemplaires où il se trouve. Il est mieux de traduire: « Il fut étranger», accola, que de traduire : « Il habita », comme on lit dans certains exemplaires; on aurait pu mettre « exilé », incola, tout aussi bien, car il ne signifie rien autre chose. On trouve en effet à cet endroit du grec le même verbe que plus haut, où il est dit: « Ils étaient peu nombreux et étrangers sur cette terre ». Or, incolatus ou accolatus, ne désigne pas un indigène, mais un étranger. Voilà comment « ils ont passé de nation en nation, de royaume en royaume ». Le Prophète explique un peu plus au long ce qu’il n’avait dit qu’en un mot. Mais on pourrait demander de quel royaume ils passèrent chez un autre peuple. Car ils ne régnaient pas encore dans la terre de Chanaan; le peuple d’Israël n’y avait pas été établi en royaume. Comment donc faut-il le comprendre, sinon par anticipation, parce que c’était là que devait régner leur postérité?

16. Le Prophète nous dit ensuite ce qui se lit en Egypte, « Dieu y multiplia son peuple  d’une manière prodigieuse, et le rendit plus s fort que ses ennemis 2». Le Prophète ne dit ici qu’un seul, mot, afin de nous raconter plus bas ce qui eut lieu. Car le peuple de Dieu n’était pas plus fort que les Egyptiens, alors

 

1. Ps. CIV, 23. — 2. Id. 24.

 

que l’on tuait ses enfants mâles, quand on les forçait à faire des briques; mais bien quand, avec une force divine, avec des prodiges et des miracles, le Seigneur leur Dieu les rendit redoutables et dignes de considération jusqu’à ce qu’enfin l’obstination du roi fût vaincue, et qu’en les poursuivant il allât s’engloutir dans la mer Rouge.

17. Ce qui est donc dit en un mot: « Il le rendit plus fort que ses ennemis », le Prophète va nous le raconter d’une manière précise, comme si nous lui demandions comment cela arriva. « Il tourna leurs coeurs jusqu’à la haine contre son peuple, jusqu’à employer tous les artifices contre ses serviteurs 1 ». Faut-il entendre ou croire que Dieu tourne le coeur de l’homme pour commettre le péché? N’y a-t-il aucun péché, ou même qu’un péché léger à haïr le peuple de Dieu et à user d’arti fice envers ses serviteurs? Qui osera le dire? Or, Dieu serait-il l’auteur des péchés si graves, lui qu’il ne faut croire auteur d’aucune faute, même la plus légère ? Où est l’homme sage, et il comprendra ces choses 2? Car la bonté de Dieu est admirable en ce qu’il fait agir pour le bien les méchants eux-mêmes, tant les hommes que les anges. C’est par leur corruption qu’ils sont méchants, et lui tire le bien de leur malice même. Avant de haïr son peuple, ils n’étaient pas au nombre des bons; mais ils étaient méchants et impies, enclins à envier le bonheur de leurs hôtes. Car l’envie, c’est la haine du bonheur des autres. Dieu donc tourna leur coeur, c’est-à-dire que l’envie leur fit haïr son peuple et tendre des embûches à ses serviteurs. Ce ne fut donc point en rendant leur coeur méchant, mais en faisant du bien à son peuple, qu’il tourna àla haine leur coeur spontanément mauvais. Ainsi ce n’est point leur coeur droit que Dieu tourne au mal, mais il tourne à la, haine de son peuple, un coeur spontanément pervers, pour tirer de ce mal un bien véritable, non pas en rendant mauvais les Egyptiens, mais en faisant aux enfants d’Israël des faveurs qui pouvaient facilement exciter leur envie. La suite nous montre le parti que Dieu tira de cette haine, pour exercer son peuple et glorifier son nom, gloire qui nous est utile, et que l’on relève surtout dans ces psaumes intitulés : Alleluia.

18. « Il envoya Moïse son serviteur, et Aaron lui-même, qu’il avait élu 3 ». Il suffirait de

 

1. Ps. CIV, 25. — 2. Id. CVI, 43. —  3. Id. CIV, 26.

 

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dire « qu’il avait élu », mais ne cherchons aucun sens dans celui même qu’ajoute le Prophète. C’est une locution des saintes Ecritures, comme celle-ci : « Dans laquelle ils habiteront en elle 1 », expressions fréquentes dans les saintes Ecritures,

19. « Il mit en eux les paroles de ses signes et des prodiges dans la terre de Cham 2 ». Il ne faut pas entendre ici « ces paroles de signes et de prodiges », comme des paroles au moyen desquelles on fait des signes et des prodiges. Bien des miracles ont été opérés sans aucune parole, mais au moyen d’une houlette, en étendant la main, en jetant de la poussière en l’air. Mais parce que ces miracles opérés n’étaient point dénués de signification, non plus que les paroles que nous proférons on les appelle des paroles, non point à cause de la voix et des sons, mais à cause des signes et des prodiges. « Il mit », c’est-à-dire, il fit par eux.

20. « Il envoya les ténèbres, et tendit la nuit 3 ». Voilà ce qui est écrit dans les plaies dont l’Egypte fut frappée; l’hémistiche suivant se lit d’une manière diverse dans les différents exemplaires. Les uns portent : « Et ils aigrirent ses paroles »; les autres: « Et ils n’aigrirent pas ses paroles ». La première version se lit en beaucoup d’endroits; et c’est à peine si j’ai vu deux exemplaires avec la particule négative. Mais peut-être que le sens qui paraissait alors plus clair a fait glisser une faute, Qu’y a-t-il de plus clair en effet que cette parole : « Et ils aigrirent ses paroles », pour marquer leurs contradictions opiniâtres? Nous nous sommes efforcé d’expliquer aussi cette autre proposition dans un sens orthodoxe, et voici ce qui s’est présenté : « Ils n’ont pas aigri ses paroles», ce qui doit s’entendre de Moïse et d’Aaron, qui endurèrent les vexations les plus cruelles, jusqu’à ce que Dieu eût accompli ce qu’il voulait faire par leur ministère.

21. « il changea leurs eaux en sang, et tua leurs poissons. Il forma leur terre en grenouilles, jusque dans le palais des rois eux-mêmes 4 »; comme s’il disait : Il changea leurs terres en grenouilles. Telle était en effet la multitude des grenouilles, qu’on pouvait l’appeler en grec uperbolen.

22. « Il dit, et alors naquirent les mouches

 

1. Nomb. XIII, 20, Lévit. XVIII, 3, suiv. les Septante. — 2. Ps. CIV, 27. — 3. Id. 28. — 4. Id. 29, 30.

 

et les moucherons, dans toutes leurs contrées 1». Si l’on demande à quel moment Dieu fit ce commandement, il était dans se parole avant d’être fait; bien que par le ministère des anges, et par ses serviteurs Moïse et Aaron, il ait commandé de le faire quand cela devait arriver.

23. « Il plaça leurs pluies en grêle 2». C’est une manière de parler comme celle-ci : « Il  forma leurs terres en grenouilles » ; avec cette différence que toute la terre ne fut pas changée en grenouilles, tandis que toute la pluie fut changée en grêle. « Un feu brûlant dans leur terre », sous-entendu : «  Il plaça ».

24. « Il frappa leurs vignes, leurs figuiers, il brisa tous les arbres de leur pays », par la violence de la grêle et de la foudre : de là vient l’expression de feu brûlant.

25. « Il dit, et alors vint la sauterelle et la chenille 4 ». Sauterelles et chenilles ne sont qu’une même plaie, l’une suit l’autre.

26. « Ils mangèrent tout le foin dans leurs terres, et dévorèrent tous les fruits de leurs champs 5 ». Le foin est aussi un fruit, dans le langage de l’Ecriture, qui appelle foin même les moissons de blé : mais le Prophète a marqué deux expressions différentes à cause des deux insectes, de la sauterelle et de la chenille qu’il venait de nommer. Tout ceci a pour but de varier l’expression, afin d’éviter l’ennui, non pour varier la pensée.

27. « Il frappa tout premier-né sur leur terre, les prémices de leurs travaux 6 ». Ce fut la dernière plaie d’Egypte, excepté la mort dans la mer Rouge. Quant à ces prémices des travaux, cela signifie, sans doute, les premiers-nés dans les troupeaux. Or, ces plaies au nombre de dix, ne sont pas toutes énumérées, ni rapportées dans l’ordre de leur arrivée. Quand on loue Dieu, on peut s’affranchir des lois rigoureuses de l’exactitude historique. Or, l’auteur de ces louanges, c’est le Saint-Esprit lui-même par la bouche de son Prophète; la mème autorité qui lui a fait dicter cette histoire par son serviteur Moïse, lui fait citer ici ces faits qui ne sont point dans l’histoire et omettre d’autres faits qu’elle a rappelés.

28. Le Prophète ajoute aux louanges de Dieu, qu’il a tiré de l’Egypte les Israélites chargés d’argent et d’or ; tel était en effet l’état des Hébreux qu’ils ne pouvaient, même

 

1. Ps. CIV, 31. — 2. Id. 32. —  3. Id. 33. — 4. Id. 34. —  5. Id. 35. — 6. Id. 36.

 

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au point de vue temporel, négliger la récompense justement due à leurs travaux; et si les Israélites trompèrent les Egyptiens en leur demandant à emprunter de l’argent ou de l’or, il ne faut pas croire que Dieu ordonne ces larcins aux hommes qui ont le coeur droit, ou qu’il les approuve quand ils les accomplissent. Ces paroles font plutôt voir que Dieu qui voyait leur coeur, qui examinait le fond de leurs passions, permit qu’ils en agissent ainsi plutôt qu’il ne l’ordonna : et pourtant les âmes charnelles peuvent encore s’édifier, puisque les Egyptiens avaient mérité ce qu’on leur fit, et que si les Hébreux usèrent de ruse, ils ne prirent à des hommes injustes que leur juste salaire. Et comme Dieu s’était servi de l’iniquité des Egyptiens, il fit servir l’infirmité des Hébreux, pour donner dans ces actions des symboles prophétiques. « Il les fit sortir en argent et en or ». C’est une locution des saintes Ecritures : et «les faire sortir en argent et en or», signifie avec de l’argent et de l’or. « Et dans leurs « tribus il n’y avait nulle faiblesse 1 » ; de corps seulement, mais non d’esprit. Ce fut un grand bienfait de Dieu de n’avoir aucun malade dans cette nécessité de changer de pays.

29. « Les Egyptiens les virent partir avec joie, parce qu’ils étaient frappés de terreur à leur sujet 2». Frayeur que les Hébreux inspiraient aux Egyptiens. « Cette frayeur à leur sujet », les Hébreux ne la ressentaient point, mais on la ressentait à leur sujet. Mais, dira-t-on, comment les Egyptiens s’opposaient-ils à leur départ? Pourquoi n’autoriser leur départ que comme s’ils devaient revenir? Si « l’Egypte se réjouit de leur départ», pourquoi sur leur demande leur prêter de l’argent et de l’or, comme s’ils devaient revenir et le rendre? Mais il faut comprendre qu’après la dernière plaie d’Egypte, ou la mort de ses premiers-nés, après cette grande catastrophe qu’essuya dans la mer Rouge l’armée qui les poursuivait, les Egyptiens qui survivaient craignirent que les Hébreux ne revinssent, pour exterminer facilement ce qui restait en Egypte. Alors s’accomplit celte parole du Prophète, quand après avoir dit : « Il augmenta son peuple d’une manière merveilleuse », il ajoute : « Et le rendit plus fort que ses ennemis ». Pour nous développer cette pensée renfermée dans un seul verset,

 

1. Ps. CIV, 37. — 2. Id. 38.

 

et nous montrer comment cela s’accomplit, le Prophète ajoute ce qu’il nous n dit des plaies d’Egypte dans son cantique, jusqu’à cet endroit : « L’Egypte se réjouit de leur départ, parce que ce peuple la frappait de terreur »; comme pour nous prouver ce qu’il avait avancé, que Dieu rendit son peuple supérieur à ses ennemis.

30. Alors il nous expose les bienfaits divins qu’ils recueillirent pendant qu’ils traversaient le désert. « Il étendit une nuée pour les couvrir, et leur alluma un flambeau pendant la nuit 1 ». Tout cela est évident et connu.

31. « Ils demandèrent, et des cailles vinrent en abondance 2». Ils ne demandaient point de cailles, mais de la viande. Mais comme la chair est une viande, et que dans ce psaume il n’est pas question de leurs murmures qui déplurent au Seigneur, mais seulement de cette foi des élus qui sont la véritable postérité d’Abraham 3, il faut sous-entendre ici que les élus demandèrent à Dieu ces viandes pour arrêter le murmure des rebelles. Dans le verset suivant : « Il les nourrit du pain du ciel »; bien que le Prophète ne nomme pas la manne, ce passage n’est obscur pour aucun lecteur des saintes Ecritures.

32. « Il rompit la pierre, et en fit jaillir l’eau; des fleuves coulèrent dans le désert 4 ». Il suffit de lire ces paroles pour les comprendre.

33. Dans toutes ces faveurs qu’il fit à son peuple, Dieu veut nous signaler en Abraham le mérite de la foi. Voici en effet ce qu’ajoute le Prophète « Il se souvint de la parole sacrée qu’il avait donnée à son serviteur Abraham. Il tira son peuple dans la joie, et ses élus dans l’allégresse ». Ce qu’il appelle « son peuple », est répété dans « ses élus », et «  sa joie », est répétée « dans l’allégresse ». « Et il leur donna les terres des nations, et les mit en possession des labeurs des peuples 5 ». Cette expression, « les terres des nations », a le même sens que cette autre, « les travaux des peuples », et « leur donna », le sens de « mit en possession ».

34. Comme si nous demandions au Prophète, pourquoi Dieu comblait son peuple de tant de faveurs, et de peur que l’on ne s’imagine que ces faveurs temporelles sont la souveraine félicité, le Prophète nous montre que

 

1. Ps. CIV, 39. — 2. Id. 40. — 3. I Cor X, 5. — 4. Ps. CIV, 41. — 5. Id. 42-44.

 

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c’est ailleurs qu’il nous faut chercher le souverain bien. « Afin», dit-il, « qu’ils gardent ses ordonnances, et qu’ils observent ses lois 1 ».  D’où il nous taut comprendre que les serviteurs de Dieu, les élus, les enfants selon la promesse, la véritable postérité d’Abraham, qui imitent la foi d’Abraham, reçoivent de Dieu ces biens terrestres, non pour se répandre dans le luxe ou pour s’endormir dans une fausse sécurité, mais afin qu’étant mis par la divine miséricorde en possession de ces biens dont l’acquisition leur eût coûté des travaux très-compliqués, ils n’eussent plus à s’occuper que de s’enrichir des biens éternels, c’est-à-dire : « Afin qu’ils gardent ses ordonnances et qu’ils observent ses lois ». Enfin, comme le Prophète veut désigner par la postérité d’Abraham les hommes qui sont la véritable postérité, tels qu’il y en eut assurément chez ce peuple, ainsi que nous le montre suffisamment l’Apôtre : « Mais tous ne furent « point agréables à Dieu » (si tous ne le furent point, il y en eut assurément qui le furent); comme c’est de ces justes que le Prophète nous parle, il ne fait aucune mention de leurs fautes, de leurs murmures, de leurs révoltes, qui déplurent au Seigneur. Toutefois, parce que Dieu fit éclater sur les impies eux-mêmes, non-seulement les effets de sa justice, mais aussi les effets de sa miséricorde et de sa clémence; le psaume suivant nous en parlera dans ses louanges au Seigneur. Néanmoins les uns et les autres étaient dans le même peuple, et la contagieuse iniquité des uns ne souillait pas les autres, « Car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui ». Et si dans ce monde nous ne pouvons nous séparer des méchants, « quiconque invoque le nom de Jésus-Christ, qu’il renonce à la malice 2 ».

35. Si nous voulons découvrir l’âme qui s’enveloppe en quelque sorte dans le corps du psaume, ou le sens intime caché sous les paroles extérieures, il me semble que c’est un avertissement pour les enfants d’Abraham, qui sont les vrais fils de la promesse, appartenant à l’héritage du testament éternel, de se choisir pour héritage le Seigneur lui-même, de le servir gratuitement, c’est-à-dire pour lui-même, et non pour aucune autre récompense que lui. Ainsi doivent-ils agir, en louant Dieu, en l’invoquant, en le prêchant,

 

1. Ps. CIV, 45. — 2. II Tim. II, 19.

 

en agissant par la foi, non pour leur propre gloire, mais pour la gloire de Dieu, en se réjouissant dans l’espérance, et dans la ferveur de la charité 1. Voilà ce qui est renfermé dans ces versets : « Confessez le Seigneur, invoquez son nom, annoncez sa gloire au milieu des peuples. Bénissez-le dans vos chants et sur le psaltérion. Chantez son nom, que la joie règne dans le coeur de celui qui cherche le Seigneur. Cherchez-le, et reprenez courage, cherchez toujours sa face 2 ».

36. Ensuite, pour nourrir les petits, pour raffermir leurs coeurs dans la foi, le Prophète propose à notre foi l’exemple des patriarches et des promesses de Dieu, afin qu’en imitant l’une, qu’en espérant dans les autres, nous entrions dans leur postérité, non-seulement ceux qui viennent des Hébreux, mais tous ceux qui ont part à cette grâce dans toute la terre. C’est ce que contiennent les versets suivants: « Gardez la mémoire des merveilles qu’il a opérées, de ses prodiges, des oracles de sa bouche; vous qui êtes la race d’Abraham son serviteur, les fils de Jacob son élu. C’est lui qui est le Seigneur notre Dieu, ses jugements sont dans toute la terre. Il s’est souvenu dans les siècles de son testament et de la parole qu’il avait donnée pour mille générations ; de cette parole donnée à Abraham, renouvelée à Isaac avec serment. Il en a fait une loi pour ce même Jacob, un testament éternel pour Israël, en disant : Je te donnerai la terre de Chanaan, pour la part de ton héritage 3». Tout cela, je vous l’ai exposé selon mes pouvoirs.

37. Ici se présentait une objection pour un esprit peu croyant. S’il faut adorer Dieu gratuitement, s’il faut le demander à lui-même, comme l’héritage du testament éternel; n’oublie-t-il pas la vie passagère de ceux qui le cherchent, et va-t-il multiplier sa miséricorde jusqu’à l’étendre à leurs besoins temporels? Or, voyez ce qu’il a fait pour nos pères, soit dans ceux qu’il nous propose comme des modèles de foi, soit dans ceux qui sont nés de leur chair, et qui ont imité leur piété. « Alors qu’ils étaient en petit nombre et étrangers en cette terre »,la terre de Chanaan, « ils passèrent de nation en nation, et de royaume en royaume. Il ne permit à aucun homme de leur nuire, et il

 

1. Rom. XII, 11, 12.— 2. Ps. CIV, 1-4. — 3. Id. 5-11.

 

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menaça les rois à cause d’eux. Ne touchez pas à mes Christs, et ne faites aucun mal à  mes Prophètes 1».

38. Si vous demandez comment ils passèrent de nation en nation et de peuple à

peuple, écoutez : « Il appela la famine sur la terre, il détruisit toute la force du pain, il envoya devant eux un homme; Joseph fut vendu comme esclave. Ils humilièrent ses pieds dans les entraves, le fer traversa son âme, jusqu’à ce que sa parole s’accomplit. La parole du Seigneur le mit en feu; le roi envoya, et le délia; le prince des peuples lui donna la liberté, afin qu’il instruisît ses princes comme lui-même, et qu’il apprît la prudence aux plus anciens. Israël entra en Egypte, et Jacob fut étranger sur la terre de Cham 2 ». Voilà comment « ils passèrent de nation en nation, et de royaume en  royaume ».

39. « Il multiplia son peuple avec une grande force, et le rendit supérieur à ses ennemis ». Or, si vous voulez écouter comment il le rendit supérieur à ses ennemis, écoutez: « Il tourna leur coeur de manière qu’ils haïrent son peuple, et qu’ils opprimèrent ses serviteurs par de malicieux artifices. Il envoya Moïse son serviteur, et Aaron lui-même qu’il avait choisi, il mit en eux les paroles de ses signes, et de ses prodiges sur la terre de Cham. Il déploya les ténèbres et les couvrit de la nuit, et ils aigrirent ses paroles. Il changea leurs eaux  en sang, et tua leurs poissons. Il donna leur terre en grenouilles, jusque dans le palais des rois. Il dit, et vint la mouche avec les insectes dans toutes leurs campagnes. Il changea leurs pluies en grêle, et un feu dévorant dans leurs terres. Il frappa leurs vignes et leurs figuiers, il brisa les arbres dans tous leurs confins. Il dit et vinrent la sauterelle et la chenille, en multitude innombrable. Il frappa tout premier-né dans leur terre, les prémices de tous leurs travaux. Il les fit sortir en or et en argent, et il n’y avait dans leurs tribus aucun malade. L’Egypte se réjouit de leur départ, dans la terreur qu’ils lui inspiraient 3 ». Voilà comment il rendit son peuple supérieur à ses ennemis.

40. Mais quand sa justice a infligé tous ces maux à leurs ennemis, écoutez quelles grâces

 

1. Ps. CIV, 12-15. — 2. Id. 16-23. —  3. Id. 24-38.

 

temporelles eux reçoivent de sa miséricorde: « Il étendit la nuée pour les protéger, et un feu dut les éclairer pendant la nuit. Ils prièrent, et des cailles vinrent en abondance; il les rassasia d’un pain du ciel. Il ouvrit la pierre, et il en jaillit de l’eau, un fleuve coula dans le désert. Car il se souvint de la parole sainte qu’il avait donnée à son serviteur Abraham. Il emmena son peuple dans la joie, et ses élus dans l’allégresse. Il leur donna les contrées des nations, ils s’emparèrent des travaux des peuples 1 ». Non point afin que les Juifs le servissent en vue de ces biens, mais afin que ce peuple usât de ces biens pour acquérir les biens éternels, c’est-à-dire «afin qu’ils gardent ses ordonnances , et qu’ils observent ses lois 2 ». Quels que soient donc les autres bienfaits de Dieu, il faut les rapporter au culte gratuit que nous lui devons, et ce culte ne doit pas être motivé sur les autres dons qu’il nous fait; c’est alors seulement qu’il sera gratuit. C’est à ce combat que nous provoque le démon, quand il dit à Job : « Est-ce  gratuitement que Job sert le Seigneur 3? » Si Joseph fut vendu en esclavage, puis humilié, puis élevé en gloire, ouvrant ainsi au peuple de Dieu la carrière des récompenses terrestres, qui le rendirent supérieur à ses frères; combien plus Jésus vendu et humilié par ses frères, selon la chair, puis élevé jusqu’aux cieux, doit-il ouvrir la carrière des biens éternels à ce peuple de Dieu qui triomphe du diable et de ses anges. Ecoute alors, ô race d’Abraham, non pour te glorifier d’être à lui, selon la chair, mais pour imiter sa foi; écoutez, ô serviteurs de Dieu, élus de Dieu, qui avez les promesses de la vie présente et de la vie future 4. Si les épreuves de la vie sont pesantes pour vous, souvenez-vous de Joseph dans sa prison, de Jésus sur la croix. Si vous êtes heureux selon le temps, ne servez pas Dieu en vue de ce bonheur, mais servez-vous de ce bonheur, afin de mieux servir Dieu. Ne vous persuadez pas que les vrais adorateurs lui rendent leur culte pour en obtenir ce qui est nécessaire à la vie, puisqu’il donne cela aux blasphémateurs de son nom; mais : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît 5».

 

1. Ps. CIV, 39-44. — 2. Id. 45. — 3. Job, I, 9. — 3. I Tim. IV, 8. — 4. Matth. VI, 33.

 

 

 

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