LETTRE LXXXVII
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LETTRE LXXXVII. (Année 404.)

 

Rien de plus habile, de plus serré, de plus concluant que cette lettre à un évêque donatiste; saint Augustin va droit à l'origine du schisme et ne laisse aucune issue à son adversaire.

 

AUGUSTIN A SON DÉSIRABLE ET CHER FRÈRE ÉMÉRITE (1).

 

1. Lorsque j'apprends qu'un homme de bon esprit et instruit dans les belles-lettres (où ne se place pas, d'ailleurs, le salut de l'âme), pense sur une question facile, autrement que ne veut la vérité; plus je m'en étonne, plus je brûle de le connaître et de converser avec lui ; ou, si je ne le puis, je désire au moins, à l'aide de lettres qui volent au loin, arriver à son esprit, et je souhaite qu'il arrive au mien. J'entends dire que vous êtes dans ce cas, et que, pour je ne sais quelle raison, vous demeurez, à mon regret, séparé de l'Eglise catholique, qui, selon les promesses de l'Esprit-Saint, s'étend dans le monde entier. Car il est certain que le parti de Donat est inconnu à une grande partie de l'univers romain, sans compter les nations barbares auxquelles l'Apôtre se déclarait également redevable (2), et avec qui nous sommes en communion de croyance chrétienne; et qu'on n'y connaît absolument ni l'époque ni les causes de cette dissension funeste. Si vous n'avouez pas que tous ces chrétiens sont innocents des crimes que vous reprochez à des Africains, vous êtes forcés de vous regarder tous comme souillés de tous les méfaits commis au milieu de vous par les gens perdus que vous ne connaissez pas et que je ne veux point caractériser plus sévèrement. N'est-il pas vrai que vous ne chassez quelquefois de votre communion, ou que vous n'expulsez pas le coupable sitôt qu'il a commis l'acte pour lequel on doit l'expulser? Le mal qu'il a fait ne reste-t-il pas quelque temps inconnu, et la mise en lumière et la preuve du crime ne précèdent-elles pas sa condamnation? Je vous le demande, vous souillait-il pendant qu'il vous demeurait caché ? Vous me répondrez nullement. Ce qui serait toujours resté caché ne vous aurait donc jamais souillés. Il

 

1. Emérite était évêque donatiste à Césarée, aujourd'hui Cherchell.

2. Rom. I, 4.

 

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arrive souvent en effet que des crimes ne soient révélés qu'après la mort des coupables et il n'est préjudiciable à personne d'avoir communiqué avec eux de leur vivant. Pourquoi donc, par une séparation téméraire et sacrilège, vous êtes-vous retranchés de la communion d'innombrables Eglises d'Orient, qui ont toujours ignoré et ignorent encore les choses vraies ou fausses que vous racontez sur l'Afrique?

2. Car c'est une autre question que celle de savoir si vous dites vrai, lorsque vous nous reprochez des crimes dont nous prouvons, par les documents les plus dignes de foi, que nous sommes innocents et que ceux de votre parti sont coupables. Mais, comme je le dis, c'est une autre question; elle aura son tour, quand il le faudra. Ce que je recommande en ce moment à votre esprit, c'est qu'on ne saurait être souillé par les crimes inconnus de gens qu'on ne connaît pas; d'où il résulte évidemment qu'il y a eu de votre part schisme sacrilège à vous séparer de la communion de l'univers, qui ignore certainement et a toujours ignoré les crimes, vrais ou faux, reprochés à des Africains. Et, toutefois, il ne faut pas oublier que les méchants, même ceux que l'on connaît, ne nuisent pas dans l'Eglise aux bons lorsque ceux-ci demeurent en communion avec eux, par l'impuissance de les retrancher ou par des motifs tirés de l'amour de la paix. Quels sont ceux qui, dans le prophète Ezéchiel (1), ont mérité d'être marqués, avant la désolation, et d'échapper au carnage ? Ce sont, comme il est dit expressément, les hommes qui s'affligent et déplorent les péchés et les iniquités du peuple de Dieu. Mais qui déplore ce qu'il ne sait pas? C'est par la même raison que l'apôtre Paul supporte les faux frères. Ce n'est pas de gens inconnus qu'il disait : « Tous cherchent leurs intérêts, et non pas les intérêts de Jésus-Christ (2); » ceux-là pourtant étaient avec lui ; il le témoigne. Or, ceux qui ont mieux aimé sacrifier aux idoles ou livrer les Ecritures divines que de mourir, ne sont-ils pas du nombre de ceux qui cherchent leurs intérêts et non les intérêts de Jésus-Christ?

3. Je passe plusieurs témoignages des livres saints de peur d'allonger cette lettre plus qu'il ne faut, et je laisse à votre savoir le soin d'en méditer le plus grand nombre. Ceci suffit, voyez-le, je vous en supplie : car si tant de méchants,

 

1. Ezéch. IX, 4, 6. — 2. Philip. II, 21.

 

chants, mêlés au peuple de Dieu, n'ont pu rendre pervers. ceux qui vivaient avec eux ; si la multitude des faux frères n'a pas fait de Paul placé avec eux dans l'Eglise, un homme cherchant ses intérêts et non pas ceux de Jésus-Christ, il est manifeste qu'on ne cesse pas d'être bon par cela seul qu'on se mêle à des méchants même connus, au pied de l'autel du Christ : ce qui importe seulement, c'est de ne pas les approuver et de se séparer d'eux par une bonne conscience. Il est donc manifeste que courir avec un voleur (1), c'est voler avec lui ou l'approuver du coeur. Nous disons ceci pour enlever du terrain de la discussion des questions infinies et inutiles sur des faits qui ne sont d'aucune valeur contre notre cause.

4. Mais vous, si vous ne pensez point ainsi, vous serez tous comme fut Optat (2) dans votre communion, sans que vous l'ayez ignoré. A Dieu ne plaise que rien de pareil puisse se dire d'Emérite ni de tous ceux qui, à son exemple, sont entièrement étrangers parmi vous, je n'en doute pas, aux actes de ce persécuteur. Car, nous ne vous reprochons que le crime de séparation, qu'une mauvaise opiniâtreté a changée en hérésie. Pour savoir quelle est sa gravité au jugement de Dieu, lisez ce que je ne doute pas que vous n'ayez déjà lu. Vous verrez Dathan et Abiron engloutis dans la terre entr'ouverte, et tous leurs adhérents dévorés par le feu qui s'élançait du milieu d'eux (3). Le Seigneur notre Dieu a donc fait connaître, par ce supplice, combien nous devons éviter ce crime, et si sa patience épargne maintenant ceux qui en sont coupables, nous devons comprendre ce qu'il leur réserve au jugement suprême. Nous ne vous blâmons pas de n'avoir pas excommunié Optat, lorsqu'il usait de son pouvoir comme un furieux, et qu'il avait pour accusateurs les gémissements de l'Afrique tout entière et vos propres gémissements, si toutefois vous êtes tel que vous fait la renommée, et Dieu sait que je le veux et le crois. Non, nous ne vous en blâmons pas : Optat excommunié aurait pu entraîner beaucoup de gens avec lui, et porter dans votre communion les déchirements et les fureurs du schisme. Mais c'est cela même qui vous condamne devant Dieu, Emérite, mon frère : une division dans le parti de Donat vous a paru un mal si grand que vous avez mieux aimé tolérer Optat dans votre communion que

 

1. Ps. XLIX, 18. — 2. Voir ci-dessus, lett. 51°, n. 3. — 3. Nomb. XVI, 31, 35.

 

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d'y consentir; et vous demeurez dans le même mal accompli par vos pères, qui ont divisé l'Eglise du Christ !

5. Ici peut-être, par la difficulté de me répondre, vous essayerez de défendre Optat ; non, non, frère, je vous en prie, ne l'essayez pas; cela ne vous convient point, et si par hasard cela convient à d'autres, mais peut-on dire que quelque chose sied aux méchants? ce n'est certes pas à Emérite qu'il appartient de défendre Optat. Ni de l'accuser, ajouterez-vous peut-être; je le veux bien. Prenez un terme moyen et dites : « Chacun porte son fardeau (1), Qui êtes-vous pour juger le serviteur d'autrui (2) ? » Si donc le témoignage de toute l'Afrique, bien plus, de toutes les contrées où le nom de Gildon a retenti en même temps, ne vous suffit pas pour que vous vous prononciez sur Optat, et si vous craigniez de juger témérairement de choses inconnues, pouvons-nous ou devons-nous, d'après votre seul témoignage, porter une sentence téméraire contre ceux qui ont vécu avant nous? Ce sera peu que vous les accusiez de choses inconnues, il faudra encore que nous y mêlions nos jugements? Car lors même qu'Optat ne serait que faussement et calomnieusement accusé, ce n'est pas lui que vous défendez, c'est vous-même, quand vous dites J'ignore ce qu'il a été. Donc et à plus forte raison le monde oriental ignore ce qu'ont été ces évêques africains que vous condamnez avec plus d'ignorance encore ! Et néanmoins vous vous tenez criminellement séparés de ces Eglises dont vous avez et dont vous lisez les noms dans les livres sacrés ! Si, je ne dis pas l'évêque de Césarée, mais celui de Sétif ne savait rien de son contemporain et de son collègue, votre évêque de Thamugade, tant décrié, tant déshonoré, comment les Eglises des Corinthiens, des Ephésiens, des Colossiens, des Philippiens, des Thessaloniciens, d'Antioche, du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce et des autres parties du monde, bâties par les apôtres au nom du Christ, ont-t-elles pu connaître les traditeurs africains, quels qu'ils aient été? ou, si elles ne l'ont pas pu, comment ont-t-elles pu mériter que vous les condamniez ? Et cependant vous ne communiquez pas avec tous ces peuples, et vous dites qu'ils ne sont pas chrétiens et vous travaillez à les rebaptiser? Que dire ? De quoi me plaindre ? Pourquoi des cris? Si c'est à un homme sensé que je parle, il est indigné, et je le suis

 

1. Gal. VI, 5. — 2. Rom. XIV, 4.

 

avec lui. Vous voyez bien assurément ce que je dirais si je voulais dire.

6. Est-ce que vos ancêtres formèrent entre eux un concile et condamnèrent le monde entier, eux exceptés? L'appréciation des choses en est-elle venue au point que vous ne comptiez pour rien le concile des maximianistes, retranchés de votre schisme, parce qu'ils sont en petit nombre comparativement à vous, et que votre concile à vous doive compter pour beaucoup contre les nations qui sont l'héritage du Christ et contre tout l'univers promis à sa domination (1)? Je doute qu'il ait du sang dans le corps celui qui ne rougit pas d'une prétention pareille. Répondez à ceci, je vous en prie, car j'ai entendu dire à quelques personnes, à qui je ne puis refuser confiance, que si je vous écrivais vous me répondriez. Je vous ai déjà, il y a longtemps, adressé une lettre; vous est-elle parvenue? m'avez-vous fait une réponse que je n'aurais pas reçue? C'est ce que je ne sais pas. Aujourd'hui, en attendant, je demande que vous ne dédaigniez pas de me répondre ce que vous pensez. Mais veuillez ne pas aller à d'autres questions, car celle de savoir pourquoi s'est fait le schisme doit être le commencement d'un examen bien conduit.

7. Les puissances de la terre, lorsqu'elles frappent les hérétiques, se défendent par cette règle qui fait dire à l'Apôtre: « Celui qui résiste à la puissance, résiste à l'ordre de Dieu; or, ceux qui résistent attirent sur eux-mêmes la condamnation. Car les princes ne sont point à craindre lorsqu'on ne fait que de bonnes actions, mais lorsqu'on en fait de mauvaises. Voulez-vous ne pas craindre le pouvoir? faites le bien, et il vous louera : il est le ministre de Dieu pour votre avantage si vous faites le bien; craignez-le au contraire si vous faites le mal, car ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée; il est le ministre de Dieu, chargé de sa vengeance, pour châtier celui qui fait le mal (2). » Toute la question se réduit donc à savoir s'il n'y a rien de mal dans le schisme, ou bien si vous n'avez pas fait le schisme, et par conséquent, si c'est pour le bien que vous résistez aux puissances et non pour le mal, d'où sortirait pour vous la condamnation. Aussi c'est très-sagement que le Seigneur ne se borne pas à dire: « Bienheureux ceux qui souffrent persécution ! » Il a ajouté: « pour la justice (3). » Je désire donc

 

1. Ps. II, 8. — 2. Rom. XIII, 2, 3, 4. — 3. Matth. V, 10.

 

savoir par vous si cette séparation, dans laquelle vous demeurez, a été une oeuvre de justice. Mais si c'est une iniquité que de condamner le monde entier sans l'entendre, ou parce qu'il n'a pas su ce que vous avez su, ou parce qu'il ne tient pas pour prouvé ce que vous avez cru témérairement et ce que vous avez imputé sans aucune preuve certaine; si conséquemment c'est une iniquité que de vouloir rebaptiser tant d'Eglises fondées par les prédications et les travaux soit du Seigneur, lorsqu'il vivait incarné parmi nous, soit de ses apôtres: quand vous nous permettez de ne rien savoir de ces méchants collègues d'Afrique avec qui vous vivez et dispensez les sacrements; quand, ne l'ignorant pas, vous le tolérez de peur de diviser le parti de Donat; ces Eglises, établies dans les contrées les plus lointaines de l'univers, ne pourront ignorer ce que vous connaissez, ce que vous croyez, ce que vous avez appris ou imaginé sur quelques Africains? Quelle perversité que d'aimer son propre crime et d'accuser la sévérité des puissances de la terre !

8. Il n'est pas permis aux chrétiens, me direz-vous, de persécuter même les méchants. Soit; mais est-ce une objection à faire aux puissances instituées pour la répression même des méchants? Effacerons-nous ce que dit l'Apôtre? Vos livres, ne contiennent-ils pas les passages que j'ai rappelés plus haut? — Mais vous ne devez pas communiquer avec ceux qui agissent ainsi? Quoi donc? N'avez-vous pas communiqué autrefois avec le lieutenant Flavius, homme de votre parti, lorsque, chargé de l'exécution des lois, il condamnait à mort les criminels qu'il avait trouvés? Mais, me direz-vous encore, c'est vous qui poussez contre nous les princes romains. — Ils sont bien plutôt poussés contre vous par vous-mêmes, qui vous obstinez à déchirer et à rebaptiser l'Eglise dont ils sont membres, ainsi que l'avaient annoncé les anciennes prophéties qui ont dit du Christ « Tous les rois de la terre l'adoreront (1) ! » Ce n'est pas pour vous persécuter, c'est pour se défendre eux-mêmes que les catholiques invoquent l'appui des puissances établies contre les violences coupables et individuelles de vos amis, violences que vous déplorez, vous qui en êtes innocents; ils se défendent comme l'apôtre Paul qui, avant que l'empire romain fût chrétien, sollicita une escorte armée contre les juifs qui menaçaient de le tuer (2). Quant aux

 

1. Ps. LXXI, 11. — 2. Act. XXIII, 21.

 

empereurs, à mesure qu'ils ont occasion de connaître le crime de votre schisme, ils ordonnent contre vous ce qu'ils croient devoir ordonner conformément à leur devoir et à leur autorité. Car ce n'est pas en vain qu'ils portent le glaive: ils sont les ministres de Dieu, chargés de ses vengeances contre ceux qui agissent mal. Enfin, s'il se rencontre parmi les nôtres des hommes qui recourent à l'autorité sans un esprit de modération chrétienne, nous ne les approuvons pas; mais nous n'abandonnons pas à cause d'eux l'Eglise catholique, si nous ne pouvons pas la purifier de la paille avant le dernier jour où le grand vanneur fera son oeuvre, comme vous n'avez pas quitté vous-mêmes le parti de Donat à cause d'Optat, que vous n'osiez pas chasser.

9. Pourquoi, dites-vous, voulez-vous que nous nous réunissions à vous, si nous sommes des scélérats? —  Parce que vous vivez encore et que vous pouvez vous corriger si vous voulez. Quand vous vous réunissez à nous, c'est-à-dire à l'Eglise de Dieu, à l'héritage. du Christ, dont l'empire couvre toute la terre, vous vous corrigez pour puiser votre vie dans la racine; car l'Apôtre parle ainsi des branches brisées : « Dieu est assez puissant pour les enter de nouveau sur le tronc (1). » Alors donc vous changez sur les points qui vous séparaient de nous, quoique les sacrements que vous avez, soient saints, puisqu'ils sont les mêmes que les nôtres. Ainsi nous voulons que vous changiez ce qu'il y a de mauvais en vous, c'est-à-dire que vos rameaux coupés prennent racine de nouveau. Nous approuvons les sacrements que vous avez et que vous n'avez pas changés, de peur que, voulant corriger la perversité du schisme, nous ne fassions une injure sacrilège à ces mystères du Christ que vos souillures n'ont pas atteints. L'onction de Saül n'avait pas souffert de sa dépravation; c'est à cette onction que le roi David, pieux serviteur de Dieu, rendit un si grand honneur. C'est pourquoi nous ne vous rebaptisons pas tout en désirant vous rendre la racine que vous avez perdue; nous approuvons la forme du sarment retranché, si elle n'a pas été changée, quoique cette forme, même intégralement gardée, ne puisse rien produire sans la racine. Les persécutions et le baptême sont deux questions différentes; vous parlez des persécutions que vous subissez de la part des nôtres dont la modération et la

 

1. Rom. XI, 23.

 

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douceur sont si grandes, tandis que ceux de votre parti commettent véritablement les actions les plus détestables; quant au baptême, nous ne cherchons pas où il est, mais où il peut servir à quelque chose. Partout où il est, il est le même; mais celui qui le reçoit n'est pas le même, quelque part qu'il soit. Nous détestons dans le schisme l'impiété particulière des hommes; mais nous vénérons partout le baptême du Christ: lorsque les déserteurs emportent avec eux les drapeaux de l'empereur, on reprend tout entiers ces drapeaux si on les retrouve entiers, soit que l'on condamne les déserteurs, soit qu'ils aient mérité leur grâce. Et si on veut s'occuper plus particulièrement de cette question, elle est à part, comme je l'ai dit. Car il faut observer en ces choses ce qu'observe l'Église de Dieu.

10. Ce qui est en discussion, c'est de savoir si c'est vous ou nous qui formons l'Église de Dieu. Il faut donc remonter à l'origine même et au motif du schisme. Si vous ne me répondez pas, j'aurai, je crois, avec Dieu un compte facile; puisque j'ai écrit des lettres de paix à un homme que je savais être, au schisme près, bon et éclairé. Vous verrez ce que vous aurez à dire à ce Dieu dont maintenant on doit admirer la patience, mais dont à la fin on devra redouter l'arrêt. Mais si vous me répondez avec ce désir de la vérité qui me porte à vous écrire, la miséricorde divine permettra qu'un jour l'erreur qui nous sépare soit vaincue par, l'amour de la paix et l'évidence des raisonnements. Souvenez-vous que je ne vous dis rien des rogatistes (1) qui vous appellent, dit-on, firmiens comme vous nous appelez macariens; que je ne vous dis rien de votre collègue de Rucate (2) qui avant d'ouvrir à Firmin les portes de la ville, stipula avec lui pour la préservation de ceux de son parti et livra ensuite à sa discrétion les catholiques et d'autres choses sans nombre. Cessez donc d'exagérer dans des lieux communs les actions des nôtres que vous avez pu voir ou apprendre. Vous voyez ce que j'omets sur le compte des vôtres, pour ne m'occuper que de l'origine même du schisme qui fait tout le fond de la question. Que le Seigneur notre Dieu vous inspire une pensée de paix, ô cher et désirable frère !

 

1. Les rogatistes étaient un parti de donatistes. Ils étaient appelés ainsi du nom de leur chef, l'évêque Rogat.

2. Ce nom, diversement écrit dans les anciens manuscrits, est le même que Rusicade. Notre ville actuelle de Philippeville en occupe l'emplacement (voir notre Voyage en Algérie, Etudes Africaines, chap. X).

 

 

 

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