LETTRE CXII
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LETTRE CXII. (Au commencement de l'année 410.)

 

L'évêque d'Hippone invite aux pensées et aux perfections chrétiennes an ancien proconsul d'Afrique, appelé Donat, qui paraît avoir eu une renommée d'homme de bien. (Voir ci-des. lett. C.)

 

AUGUSTIN A SON CHER, EXCELLENT ET HONORABLE FRÈRE LE SEIGNEUR DONAT, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. Je n'ai pu, malgré mon vif désir, vous voir, même â votre passage à Tibilis,quand vous remplissiez encore les devoirs de votre charge; cela est arrivé, je crois, pour que je, jouisse de votre esprit lorsqu'il serait débarrassé des affaires publiques : j'en jouirai bien plus maintenant que dans une visite où, assez libre de mon temps, je vous aurais trouvé très-occupé, sans que nous pussions être satisfaits ni l'un ni l'autre. En me rappelant quelle était, dès votre premier âge, la noblesse de votre caractère, je n'hésite pas à croire votre coeur très-propre à recevoir une abondante effusion de l'esprit de Jésus-Christ, et à lui donner des fruits qui vous mériteront plutôt l'éternelle gloire du ciel que les éphémères louanges de la terre.

2. Beaucoup de gens, ou plutôt tous ceux (217) que j'ai pu interroger, ou qui, d'eux-mêmes, ont parlé de vous, ont, d'une commune voix, constamment et sans le moindre désaccord, loué, exalté la pureté et la fermeté de votre administration; leur hommage était pour moi d'autant plus sincère, qu'ils ignoraient notre amitié et ne savaient même pas que je vous connusse : ils ne parlaient donc pas ainsi pour charmer mes oreilles, mais pour publier la vérité; car la louange est sincère là où le blâme serait sans péril. Cependant, ô mon cher et illustre frère, je ne veux pas vous apprendre ici, mais je dois peut-être vous rappeler qu'on ne doit pas se réjouir de cette bonne et glorieuse renommée quand elle est dans la bouche du peuple : il faut qu'elle. soit dans les choses elles-mêmes. Lors même, qu'elles déplairaient au vulgaire , les bonnes choses n'en garderaient pas moins leur éclat et leur prix : elles ne tirent pas leur valeur de l'estime des ignorants. On doit plaindre bien plus celui qui les blâme que celui qui serait blâmé à cause d'elles. S'il arrive que le bien plaît aux hommes et reçoit les louanges qui lui sont dues, il ne devient ni plus grand, ni meilleur parle, jugement d'autrui: il repose sur le fond même de la vérité, et tire sa force de la force même de la conscience. Aussi une saine et droite appréciation profite bien plus à l'homme qui en est l'auteur qu'à celui qui en est l'objet.

3. Tout ceci vous étant connu, homme excellent, tournez-vous, comme vous avez déjà commencé à, le faire, tournez-vous, de toute la force de votre coeur vers Notre-Seigneur Jésus-Christ; vous dépouillant entièrement de tout le faste de la vanité humaine, élevez-vous vers Celui qui réserve des grandeurs solides aux âmes qui le cherchent ; elles marchent d'un pas certain, et montent dans les chemins. de la foi, et, il les place au faîte éternel d'une gloire céleste et angélique. Je vous, conjure en son nom, de me répondre, et d'exhorter doucement et bénignement tous vos hommes des pays de Sinit et d'Hippone à rentrer dans la communion de l'Église catholique. J'ai su que vous aviez ramené dans son sein votre honorable et illustre père, et c'est ainsi que vous l'avez engendré spirituellement; je vous demande de le. saluer, de ma part avec tout le respect qui lui est dû; daignez aussi venir nous visiter. Comme il s'agit également, de rendre meilleur auprès de Dieu ce que vous avez ici, ma demande n'est pas inexcusable. Que la miséricorde de Dieu s'étende sur vous et vous préserve de toute faute.

 

 

 

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