SAMEDI SAINT

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DIMANCHE DES RAMEAUX
LUNDI SAINT
MARDI SAINT
MERCREDI SAINT
JEUDI SAINT
VENDREDI SAINT
SAMEDI SAINT

LE SAMEDI SAINT.

 

A l'office de la nuit.

AU PREMIER NOCTURNE.

PREMIÈRE LEÇON.

DEUXIEME LEÇON.

TROISIEME LEÇON.

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

QUATRIEME LEÇON.

CINQUIEME LEÇON.

SIXIEME LEÇON.

AU TROISIEME NOCTURNE.

SEPTIEME LEÇON.

HUITIÈME LEÇON.

NEUVIÈME LEÇON.

A LAUDES.

AU MATIN.

L'OFFICE DU MATIN.

LA BÉNÉDICTION DU FEU NOUVEAU ET DE L'ENCENS.

LE CIERGE PASCAL.

LES LECTURES.

LA BÉNÉDICTION DE L'EAU BAPTISMALE.

LE BAPTÊME.

LA CONFIRMATION.

LA MESSE.

LES VÊPRES.

LE  SOIR.

 

A l'office de la nuit.

 

Les cérémonies particulières que pratique la sainte Eglise à l’ Office des Ténèbres, ayant été expliquées ci-dessus, et ne présentant aucune différence dans ces trois jours, il est inutile d'en transcrire ici de nouveau les détails et les explications. Le lecteur les trouvera, en tête de L'Office de la nuit du Jeudi saint. pages 333-335

 

AU PREMIER NOCTURNE.

 

Le premier Psaume est un de ceux que l'Eglise emploie chaque jour dans l’Office des Complies, parce qu'il exprime la confiance avec laquelle Le chrétien se livre au sommeil. Aujourd'hui il est destiné à rappeler le repos du Christ dans le sépulcre, où il dort assuré de son prochain réveil.

 

 

Ant. In pace in idipsum dormiam et requiescam.

 

 

Ant.   Je dormirai et me reposerai dans la paix.

 

 

 

Psaume IV. Cum invocarem, page 101.

 

Le deuxième Psaume célèbre le bonheur réservé à l'homme juste, et le repos qui sera sa récompense, après son labeur. L'Eglise en fait l'application au Christ, le Juste par excellence, qui a passé en faisant le bien.

 

 

Ant. HABITABIT in tabernaculo tuo. requiescet in monte sancto tuo.

 

 

Ant. Il habitera dans votre tabernacle, il se reposera sur votre montagne sainte.

 

 

 

PSAUME XIV.

 

Seigneur, qui sera digne d'habiter dans votre tabernacle, et de se reposer sur votre montagne sainte?

 

Celui qui marche dans l'innocence et qui pratique la justice ;

 

Celui dont le cœur parle selon la vérité, et dont la langue ne se livre pas à la tromperie ;

 

Celui qui ne fait de tort à personne, et ne prête pas l'oreille aux discours qui déshonorent le prochain ;

 

Celui devant qui le méchant est réduit à l'impuissance, et qui honore ceux qui craignent le Seigneur ;

 

Celui qui n'élude point le serment qu'il a fait à son prochain; qui n'a point piété son argent à usure, et qui n'a pas accepté de présents contre l'innocent.

 

Celui qui agit ainsi sera affermi pour l'éternité.

 

Ant. Il habitera dans votre tabernacle , il se reposera sur votre montagne sainte.

 

 

Le troisième Psaume, composé par David, durant son exil, au temps de Saul, est une prophétie de la résurrection du Messie; et il fut cité, en cette qualité, aux Juifs par saint Pierre, le jour de la Pentecôte. Celui qui parle dans ce divin Cantique

 

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dit que sa chair reposera dans l'espérance, et que le Seigneur ne lui laissera point éprouver la corruption du tombeau. Ces circonstances, qui ne se vérifient pas en David, n'ont rapport qu'au Christ.

 

Ant. Caro mea requiescet in spe.

Ant. Ma chair reposera dans  l'espérance.

 

 

Conservez-moi, Seigneur; car j'ai mis en vous mon espérance. J'ai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu , et vous n'avez pas besoin de  mes biens.

 

Mais ils peuvent servir aux saints qui sont sur la terre, et en laveur desquels le Seigneur a manifesté mon affection.

 

Que d'autres multiplient leurs infirmités, et qu ils se hâtent de courir après la vanité;

Pour moi, je ne prendrai point part à leurs sacrifices sanglants; et mes lèvres ne prononceront pas même leurs noms.

 

Le Seigneur est mon partage et mon calice ; c’est vous-même, ô Dieu, qui me rendrez mon héritage.

 

La part qui m'est échue est excellente; et mon héritage m'est glorieux.

 

Je bénirai le Seigneur qui m'a donné l'intelligence ; et jusque dans la nuit , les mouvements de mon cœur m'ont agité.

 

J'avais toujours le Seigneur présent à ma pensée; car il est à ma droite, de peur que je ne sois ébranlé.

 

C'est pour cela que mon cœur est dans la joie, et ma langue dans l'allégresse; c'est pour cela que ma chair reposera  dans l'espérance.

 

Car vous ne laisserez pas mon âme dans les lieux bas de la terre; et vous ne permettrez pas que votre Saint éprouve la corruption du tombeau.

 

Vous me découvrirez les sentiers de la vie; vous me comblerez de joie par votre présence : et vous me ferez goûter à votre droite des délices éternelles.

 

Ant. Ma chair reposera dans l'espérance.

 

V/. Je dormirai dans la paix,

R/. Et j'y prendrai mon repos.

 

 

Les Leçons du premier Nocturne continuent d'être empruntées aux Lamentations de Jérémie. La première a rapport au Christ. Elle exprime sa fidélité à Dieu et sa touchante résignation. Les soufflets qu'il reçut durant sa Passion, y sont prédits.

 

Des Lamentations du Prophète Jérémie. Chap. III.

 

PREMIÈRE LEÇON.

 

Heth. Si nous n'avons pas été entièrement détruits, c'est l'effet des miséricordes du  Seigneur; c'est que sa compassion est sans bornes.

Heth. Vous renouvelez chaque jour vos bontés, Seigneur; vous êtes fidèle dans vos promesses.

Heth. Mon âme a dit: Le Seigneur est mon partage; c est pourquoi je l'attendrai.

 

Teth. Le Seigneur est bon envers ceux qui espèrent en lui : il a pitié de l'âme qui  le cherche.

Teth. Il est bon d'attendre en silence le salut que Dieu nous promet.

Teth. Il est avantageux à l'homme de porter le joug du Seigneur dès sa jeunesse.

 

Jod. Il demeurera seul et gardera le silence, parce qu'il s'est chargé de ce joug.

Jod. Il mettra sa bouche dans la poussière, attendant s'il a encore quelque espérance.

Jod. Il tendra la joue à celui qui le frappera : il sera rassasié d'opprobres.

Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu.

 

R/. Il a été mené à la mort comme une brebis, et lorsqu'on le maltraitait, il n'a pas ouvert la bouche : il a été livré à la mort, * Pour rendre la vie à son peuple.

 

V/. Il s'est livré à la mort, et il a été mis au rang des scélérats, * Pour rendre la vie à son peuple.

 

La deuxième Leçon reprend le ton de l'élégie sur les malheurs de Jérusalem. La gravité des crimes de cette cité ingrate y est exprimée dans les termes les plus énergiques.

 

DEUXIEME LEÇON.

 

Aleph. Comment l'or s'est-il obscurci ? Comment sa couleur éclatante est-elle ternie ? Comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées au coin de toutes les rues ?

 

Beth. Comment les fils de Sion, illustres et couverts de l'or le plus fin, ont-ils été traités comme des vases de terre, ouvrage du potier ?

 

Ghimel. Les bêtes farouches découvrent leur mamelle, elles allaitent leurs petits ; la fille de mon peuple est donc devenue cruelle comme l'autruche du désert.

 

Daleth. La langue de l'enfant à la mamelle s'est collée à son palais, dans l'ardeur de sa soif; les autres enfants ont demandé du pain, et personne n'était là pour leur en donner.

 

He. Ceux qui se nourrissaient des viandes les plus délicates sont morts de faim dans les rues ; ceux qui prenaient leurs repas sur des lits de pourpre sont maintenant étendus sur le fumier.

 

Vau. Et l'iniquité de la fille de mon peuple a surpassé le péché de Sodome, qui fut renversée en un instant, sans qu'aucune main eût part à sa ruine.

Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu.

 

R/. LÈVE-TOI, Jérusalem, dépouille tes habits de réjouissance ; couvre-toi de la cendre et du cilice ; * Parce que c'est dans ton enceinte qu'on a fait mourir le Sauveur d'Israël.

 

V/. Fais couler tes larmes jour et nuit comme un torrent, et que la prunelle de ton œil ne cesse d'en répandre; * Parce que c'est dans ton enceinte qu'on a fait mourir le Sauveur d'Israël.

 

La troisième Leçon est formée d'une partie de la prière que Jérémie adresse à Dieu pour le peuple Juif, après l'avoir vu emmener en captivité. Rien n'égale la désolation du tableau qu'elle retrace des infortunes auxquelles est en proie la nation déicide.

 

Incipit Oratio Jeremia Prophetia. Cap. V

Ici commence la Prière du Prophète Jérémie. Chap. V.

 

 

TROISIEME LEÇON.

 

Souvenez-vous, Seigneur, de ce qui nous est arrivé ; regardez et voyez l'opprobre que nous souffrons. Notre héritage a passé a ceux d'un autre pays, nos maisons à des étrangers. Nous sommes devenus comme des orphelins' qui n'ont plus de père ; nos mères sont comme des femmes veuves. Nous avons bu notre eau à prix d'argent, payé chèrement le bois qui était à nous. On nous a entraînés la chaîne au cou, sans donner de repos à ceux qui étaient las. Nous avons tendu la main à l'Egypte et aux Assyriens, pour avoir du pain à manger. Nos pères ont péché, et ils ne sont plus ; et nous portons la peine de leur iniquité. Nos esclaves sont devenus nos maîtres ; et il ne s'est trouvé personne pour nous racheter de leurs mains. Nous allions chercher notre pain dans le désert, au travers des épées nues, au péril de notre vie. L'ardeur de la faim a rendu notre peau sèche et noire comme le four. Ils ont déshonoré les femmes dans Sion, et les vierges dans les villes de Juda.

Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu.

 

R/. Pleure, ô mon peuple, comme une jeune femme en  deuil ; pasteurs, frémissez dans la cendre et le cilice ; * Car le grand jour du Seigneur est venu, jour plein d'amertume.

 

V/. Prêtres, revêtez-vous de cilices, et pleurez ; ministres de l'autel, couvrez vos têtes de cendre ;

* Car le grand jour du Seigneur est venu, jour plein d'amertume.

 

On répète : Pleure.

 

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

 

Le quatrième Psaume annonce déjà l'entrée triomphante que doit faire au ciel le Fils de Dieu, lorsqu'il se sera réveillé du sommeil de la tombe.

 

 

Ant. Elevamini portae aeternales, et introibit Rex gloriae.

 

Ant. Portes éternelles, levez-vous, et le Roi de gloire entrera.

 

 

 

PSAUME XXIII.

 

La terre est au Seigneur avec tout ce qu'elle contient ; la terre est à lui, et tous ceux qui l'habitent.

 

Car c'est lui qui l'a fondée au-dessus des mers,  et qui l'a établie au-dessus des fleuves.

 

Qui montera sur la montagne du Seigneur ? Qui pourra demeurer dans son sanctuaire ?

 

Celui dont les mains sont innocentes, et dont le cœur est pur ; qui n'a point pris son âme en vain, ni fait serment pour tromper son prochain.

 

Celui-là recevra du Seigneur la bénédiction, et obtiendra miséricorde de Dieu son Sauveur.

 

Telle est la race de ceux qui le cherchent, de ceux qui cherchent la face du Dieu de Jacob.

 

Princes, levez vos portes ; portes éternelles, levez-vous, et le Roi de gloire entrera.

 

Quel est ce Roi de gloire ? Le Seigneur fort et puissant ; le Seigneur puissant dans les combats.

 

Princes, levez vos portes ; portes éternelles , levez-vous, et le Roi de gloire entrera.

 

Quel est ce Roi de gloire? Le Seigneur des armées est lui-même ce Roi de gloire.

 

Ant. Portes éternelles, levez-vous, et le Roi de gloire entrera.       

 

Le cinquième Psaume que l'Eglise a chanté hier pour exprimer le sentiment de confiance qui n'a point abandonné le Messie, durant les épreuves de sa Passion, revient aujourd'hui pour annoncer sa prochaine délivrance. L'Eglise ne choisit plus pour Antienne le Verset où le Christ se plaint des faux témoins qui ont déposé contre lui ; elle insiste sur celui où il montre l'espérance d'être bientôt arrivé dans la terre des vivants.

 

 

Ant. Credo videre bona Domini in terra viventium.

 

Ant. J'ai la ferme espérance de voir un jour les richesses du Seigneur dans la terre des vivants.

 

 

 

Psaume XXVI. Dominus illuminatio mea, page 461.

 

Le sixième Psaume annonce que le divin captif de la mort ne tardera pas à sortir des lieux sombres. Le Prophète nous montre le deuil se prolongeant encore jusqu'au soir, et l'allégresse qui doit éclater au matin.

 

 

Ant. Domine, abstraxisti ab inferis animam meam.

 

 

Ant.  Seigneur, vous avez retiré mon âme des lieux bas  de la terre.

 

 

PSAUME XXIX.

 

Je vous chanterai, Seigneur ; car vous avez pris soin de moi; et vous n'avez pas voulu faire de moi un sujet de joie pour mes ennemis.

 

Seigneur, mon Dieu, j'ai crie vers vous, et vous avez guéri mes plaies.

 

Seigneur, vous m'avez tiré du tombeau : vous m'avez séparé de ceux qui demeurent dans le sépulcre.

 

Saints du Seigneur, chantez ses louanges, et célébrez la sainteté de son nom.

 

Le châtiment est la suite de son indignation, et la vie un effet de sa bonté.

 

Le soir, on était dans les pleurs ; au matin, c'est l'allégresse.

 

Lorsque tout m'était favorable, je disais en moi-même : Je ne serai jamais ébranlé.

 

C'était alors votre bonté, Seigneur, qui me donnait l'éclat de la puissance.

 

Vous avez détourné votre visage de dessus moi; et je suis tombé dans le trouble.

 

Alors j'ai poussé des cris vers vous, Seigneur; et j'ai adressé ma prière à mon Dieu.

 

Je  lui ai dit :  A  quoi vous servira mon sang: Que gagnerez-vous si je descends dans la tombe ?

 

Est-ce la poussière qui vous glorifiera, qui annoncera votre vérité ?

 

Le Seigneur m'a entendu, et il a pris pitié de moi : le Seigneur s'est fait mon soutien.

 

Vous avez changé mes gémissements en chants de réjouissance ; vous avez déchiré le sac qui me couvrait, et vous m'avez revêtu d'allégresse ;

 

Afin que je vous chante dans la gloire, et non plus dans l'abattement. Seigneur mon Dieu, je vous célèbrerai à jamais.

 

Ant. Seigneur, vous avez retiré mon âme des lieux bas de la terre.

 

V/. Mais vous, Seigneur, avez pitié de moi;

R/. Ressuscitez-moi, et je leur rendrai ce qu'ils méritent.

 

L'Eglise continue de lire, au deuxième Nocturne, les Enarrations de saint Augustin sur les Psaumes prophétiques de la Passion du Sauveur.

 

 

Ex tractatu sancti Augustini Episcopi super Psalmos.

 

 

Du traité de saint Augustin, Evêque, sur les Psaumes.

 

 

QUATRIEME LEÇON.

 

L'homme pénétrera le fond du cœur et Dieu sera glorifié. Ils ont dit :  Qui nous verra ? Ils se sont épuisés dans la recherche des moyens d'exécuter leurs mauvais desseins. Le Christ comme homme s'est mis à portée  de leurs  intentions perverses; car c'était comme seulement qu'il leur était possible de le saisir, de le voir, de le maltraiter, de le crucifier ; et il ne pouvait mourir que comme homme. C'est donc comme homme qu'il s'est exposé à toutes ces souffrances, qui ne pouvaient avoir de prise sur lui s'il n'eût été homme; mais aussi, s'il n'eût été homme, l'homme n'eût jamais été délivré. Cet homme donc a pénétré le fond du cœur, c'est-à-dire les secrètes pensées de ses ennemis, offrant à leurs regards son humanité, leur dérobant sa nature de Dieu, dans laquelle il est égal à son Père; ne leur laissant voir que la nature de serviteur, par laquelle il est inférieur à son Père.

 

R/. Notre Pasteur, la source des eaux vives, a disparu; à son passage, le soleil s'est obscurci : * Celui qui tenait en captivité le premier homme a été fait captif lui-même ; aujourd'hui notre Sauveur a brisé les portes et les verrous du séjour de la mort.

 

V/. Il a détruit les prisons de l'enfer, et il a renversé la puissance du diable. * Celui qui tenait en captivité le premier homme a été fait captif lui-même ; aujourd'hui notre Sauveur a brisé les portes et les verrous du séjour de la mort.

 

CINQUIEME LEÇON.

 

Jusqu'où n'ont-ils pas porté ces précautions dans lesquelles ils se sont épuisés ? Au point de placer des gardes au sépulcre où le Seigneur avait été enseveli après sa mort. Car ils dirent à Pilate : Ce séducteur. Notre Seigneur Jésus-Christ a bien voulu être appelé ainsi, pour la consolation de ses serviteurs, lorsqu'on leur donne ce nom. Ils dirent donc à Pilate : Ce séducteur a dit, lorsqu'il était encore en vie : Je ressusciterai après trois jours. Commandez donc que son sépulcre soit gardé jusqu'au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent l'enlever, et ne disent au peuple : Il est ressuscité d'entre les morts; et alors la dernière erreur serait pire que la première. Pilate leur répondit : Vous avez des gardes; allez, faites-le garder comme vous l'entendrez. Ils s'en allèrent donc, fermèrent le sépulcre, scellèrent la pierre, et placèrent des gardes.

 

R/. O vous tous qui passez par le chemin, considérez et voyez  *  S'il est une douleur semblable à la mienne.

V/. Peuples de la terre, considérez mon affliction, et voyez * S’il est une douleur semblable à la mienne.

 

SIXIEME LEÇON.

 

Ils placèrent des soldats au sépulcre pour le garder. Cependant la terre tremble, et le Seigneur ressuscite; il se passe de tels prodiges au sépulcre, que les soldats eux-mêmes qui étaient venus pour la garde, en pouvaient rendre témoignage, s'ils eussent voulu dire la vérité. Mais l'avarice qui avait enchaîné un disciple et compagnon du Christ, enchaîna aussi les soldats du sépulcre. Nous vous donnons cet argent, leur disent les Juifs ; mais dites que ses disciples sont venus pendant que vous dormiez, et ont enlève son corps. Il est donc bien vrai de dire qu'ils se sont épuisés en vaines recherches. Fourbes indignes, que prétendez-vous? Avez-vous donc perdu la lumière du bon sens et de la probité? Etes-vous donc plongés sans retour dans l'abîme du mensonge, pour aller dire à ces gens : Dites que pendant que vous dormiez, ses disciples sont venus, et ont enlevé son corps? Ainsi les témoins que vous produisez sont des témoins qui dormaient ; vraiment, il faut que vous dormiez vous-mêmes, pour vous être consumés à  chercher une telle défaite.

 

R/. Voilà donc comment le juste meurt, sans que personne s'en émeuve; les hommes de bien disparaissent, et nul n'y fait attention. Il a été enlevé, le Juste, à cause de l'iniquité des hommes; * Mais sa mémoire sera conservée en paix.

V/. Semblable à l'agneau devant celui qui le tond, il s'est tu et n'a pas ouvert la bouche ; il a été enlevé au milieu des tourments, et après une injuste sentence;

* Mais sa mémoire sera conservée en paix.

On répète : Voilà donc.

 

AU TROISIEME NOCTURNE.

 

Le septième Psaume que l'Eglise chantait hier. en songeant aux poursuites des Juifs contre le Messie, revient aujourd'hui pour annoncer que le triomphe du Fils de David ne tardera pas à éclater, parce que Dieu a pris en main sa cause.

 

 

Ant. Deus adjuvat me, et Dominus susceptorest animae meae.

 

 

Ant  Mon Dieu vient à mon secours: le Seigneur se rend le protecteur de ma vie.

 

 

 

Psaume LIII. Deus, in nomine tuo, page 474.

 

Le huitième Psaume a été employé par l'Eglise le Jeudi saint ; il exprimait la prochaine vengeance de Dieu sur les ennemis de son Fils. Il reparaît aujourd'hui, et nous montre le Messie endormi d'un sommeil de paix en Sion. Tout à l'heure il va sortir du tombeau. A leur réveil,  ses adversaires qui croyaient le tenir en leur puissance, vont se trouver les mains vides. La terre tremblera, et le Seigneur se lèvera pour être la terreur de ses adversaires et le salut des humbles, qui reconnaîtront sa fidélité à ses paroles.

 

 

Ant. In pace factus est locus ejus; et in Sion habitatio ejus.

 

 

Ant. Il a choisi son lieu de repos et sa demeure dans Sion.

 

 

Psaume LXXV. Notus in  Judaea Deus, page 365.

 

Le neuvième Psaume, qui hier faisait partie de l'Office de la nuit, est employé de nouveau aujourd'hui. On y entend le Christ demander à son Père qu'il daigne le retirer d'entre les morts. Assez longtemps il a été plongé dans les ténèbres du tombeau ; il est temps qu'il revienne à la vie.

 

 

Ant. Factus sum sicut homo sine adjutorio, inter mortuos liber.

 

Ant  On me regarde comme un homme sans appui,  rangé entre les morts, et quitte de

la vie.

 

 

 

Psaume  LXXXVII. Domine Deus salutis  meae, page 482.

 

 

V/. In pace factus est locus ejus,

R/. Et in Sion habitatio ejus.

 

 

V/. Il a choisi son lieu de repos,

R/. Et sa demeure dans Sion.

 

Au troisième Nocturne, la sainte Eglise continue de lire, dans l'Epître aux Hébreux, la doctrine de saint Paul sur la vertu du sang divin. L'Apôtre explique comment le Testament du Christ en notre laveur n'a pu avoir d'effet que par sa mort.

 

De l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Hébreux. Chap. IX.

 

SEPTIEME LEÇON.

 

Le Christ, Pontife des biens futurs, étant venu, est entré une fois dans le sanctuaire par un tabernacle plus grand et plus excellent, qui n'a point été fait de main d'homme, c'est-à-dire qui n'a point été forme selon la loi ordinaire ; il y est entré, non par le sang des boucs et des taureaux, mais par son propre sang, nous avant procuré une rédemption éternelle. Car si le sang des boucs et des taureaux, si l'aspersion avec la cendre de la génisse, sanctifie ceux qui ont été souillés, en leur donnant une purification charnelle ; combien plus le sang du Christ qui, par le Saint-Esprit, s'est offert lui-même immaculé à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes, afin de nous mettre en état de servir le Dieu vivant ?

 

R/. Les rois de la terre se sont levés ; les princes se sont ligués * Contre le Seigneur et contre son Christ.

V/. Pourquoi les nations ont-elles frémi? Pourquoi les peuples ont-ils médité des choses vaines ? * Contre le Seigneur et contre son Christ ?

 

HUITIÈME LEÇON.

 

C'est pourquoi il est le médiateur du Testament nouveau, afin que par la mort qu'il a subie pour le rachat des prévarications qui se commettaient sous le premier Testament, ceux qui sont appelés reçoivent 1 héritage éternel qui leur a été promis ; car où il y a un testament, il est nécessaire que la mort du testateur intervienne, parce que le testament n'est confirmé que par la mort, n'ayant point de force tant que le testateur vit encore. C'est pourquoi le premier Testament lui-même ne fut pas confirmé sans effusion de sang.

 

R/. Déjà l'on me met au rang de ceux qui descendent dans le sépulcre ; * On me regarde comme un homme sans appui, rangé entre les morts, et quitte de la vie.

V/. Ils m'ont précipité dans le plus profond de l'abîme ; ils m'ont jeté dans les lieux les plus ténébreux, dans les ombres de la mort.

* On me regarde comme un homme sans appui, ranime entre les morts, et quitte de la vie.

 

 

NEUVIÈME LEÇON.

 

Car Moïse ayant lu devant tout le peuple toutes les ordonnances de la loi, prit du sang des veaux et des boucs, avec de l'eau, de la laine écarlate et de l'hysope, et en aspergea le livre même et le peuple tout entier, en disant : C'est le sang de l'alliance que Dieu a faite en votre faveur. Il aspergea aussi de sang le tabernacle et tous les vases de service ; et, selon la loi, presque lout se purifie avec le sang ; et sans l'effusion du sang, le péché n'est pas remis.

 

V/. Après qu'on eut enseveli le Seigneur, le sépulcre fut scellé ; on avait roulé une pierre pour fermer l'entrée du tombeau. * On y plaça des soldats pour le garder.

R/. Les princes des prêtres allèrent trouver Pilate, et lui demandèrent permission.

* On y plaça des soldats pour le garder.

On répète : Après qu'on eut enseveli le Seigneur.

 

594

 

A LAUDES.

 

Le premier Psaume des Laudes est le Miserere, ci-dessus, page 373. Il se  chante  sous l'Antienne suivante :

 

 

Ant. O mors,  ero mors  tua : morsus tuus ero, inferne.

 

 

Ant. O Mort , je serai ta mort ; enfer, je serai ta ruine.

 

 

 

 

Le deuxième Psaume, composé par David en exil, exprime son ardent désir de revoir sa patrie, et l'espérance qu'il a du retour; c'est la figure du Christ au tombeau, aspirant à la lumière.

 

Ant. Ils le pleureront comme un fils unique ; car le Seigneur innocent a été mis à mort.

 

PSAUME XLII.

 

O Dieu, jugez-moi ; séparez ma cause de celle d'un peuple impie ; délivrez-moi de l'homme injuste et trompeur.

 

Car vous êtes ma force, ô Dieu ! Pourquoi donc m'avez-vous repoussé ? Pourquoi me laissez-vous dans la tristesse, sous l'oppression de mes ennemis ?

 

Faites briller sur moi votre lumière et votre vérité ; ce sont elles qui me conduiront sur votre montagne sainte, et m'introduiront dans votre sanctuaire.

 

Et je m'approcherai de l'autel de Dieu, du Dieu qui renouvelle ma joie et ma jeunesse.

Je vous  chanterai sur la harpe, ô Dieu ! Pourquoi, mon âme, es-tu triste, et pourquoi me troubles-tu ?

 

Espère en Dieu ; car je lui chanterai encore des actions de grâces ; c'est lui qui me sauve; c'est lui qui est mon Dieu.

 

Ant. Ils le pleureront comme un fils unique ; car le Seigneur innocent a été mis à mort.

 

Le troisième Psaume est Deus,Deus meus, ad te de luce vigilo, ci-dessus, page 378.

On le chante sous l'Antienne suivante :

 

Ant. Peuples, jetez un regard, et voyez ma douleur.

 

Le cantique d'Ezéchias, que l'Eglise emploie le Mardi à Laudes, est substitué aujourd'hui à celui du Deutéronome qui est propre au Samedi, mais qui n'aurait aucune relation avec le mystère de ce jour. Ezéchias implorant de Dieu, sur sa couche, le retour à la vie, est le type du Christ dans le tombeau, suppliant son Père de le rendre promptement à la lumière du jour.

 

Ant. Seigneur, délivrez mon âme des portes du tombeau.

 

CANTIQUE D'EZECHIAS

 

J’ai dit : A la moitié de ma vie, je vais donc voir les portes de la mort.

 

J'ai cherché en vain le reste de mes années ; et j'ai dit : Je ne verrai donc plus le Seigneur mon Dieu sur la terre des vivants.

 

Je ne verrai plus les hommes désormais, ceux qui habitent ce monde dans la paix.

 

Le tissu de ma vie est enlevé et replié, comme la tente d'un berger.

 

La trame en est coupée comme par le tisserand ; il vient de la couper pendant qu'on  l'ourdissait encore ; u matin au  soir vous  aurez achevé ma vie.

 

J'espérais encore vivre jusqu'au matin; mais le mal comme un lion a broyé tous mes os.

 

Du matin au soir vous aurez achevé ma vie : mes cris sont semblables à ceux du petit de l'hirondelle ; je gémis comme la colombe.

 

A force de regarder en haut, mes yeux se sont épuisés.

 

Seigneur, je souffre violence : soyez ma caution. Mais que dirai-je et que me répondra-t-il, quand c'est lui-même qui m'a frappé :

 

Je repasserai devant vous toutes mes années dans l'amertume de mon âme.

 

Seigneur, si j'ai vécu ainsi, si mon âme s'est ainsi rendue coupable, châtiez-moi ; mais ensuite rendez-moi la vie. Déjà je sens la paix qui vient succéder aux plus amères douleurs.

 

Vous retirez ma vie du tombeau ; vous jetez derrière vous tous mes péchés.

 

Le tombeau, en effet, ne vous rendrait plus d'actions de grâces ; la mort ne saurait vous louer ; et ceux qui descendent dans le sépulcre n'attendent plus la vérité de vos promesses.

 

Ce sont les vivants qui vous louent, comme je fais aujourd'hui ; le père racontera à ses enfants combien vous êtes fidèle à vos promesses.

 

Conservez-moi la vie, Seigneur, et nous chanterons dans votre maison des cantiques à votre gloire, tous les jours de notre vie.

 

Ant. Seigneur, délivrez mon âme des portes du tombeau.

 

 

Le dernier Psaume des Laudes est Laudate Dominum de cœlis, ci-dessus, page 383. On le chante sous l'Antienne suivante :

 

Ant. O vous tous qui passez par le chemin, considérez et voyez s'il est une douleur semblable à la mienne.

 

V/. Ma chair reposera dans l'espérance ;

R/. Et vous ne permettrez pas que votre Saint éprouve la corruption du tombeau.

 

Après ce Verset, on chante le Cantique Benedictus ci-dessus, page 386, sous l'Antienne suivante :

 

Les femmes étaient assises près du tombeau ; elles se lamentaient, elles pleuraient le Seigneur.

 

Après la répétition de cette Antienne, le chœur chante, sur un mode mélodieux et touchant, les paroles suivantes que l'Eglise répète, en ces jours, à la fin de tous ses Offices ; mais aujourd'hui elle ne se borne plus à annoncer la mort du Christ. Elle complète le discours de l'Apôtre, en ajoutant le reste du texte, dans lequel est prédite la gloire de l'Homme-Dieu, vainqueur des ombres du tombeau.

 

 

Le Christ s'est fait obéissant pour nous jusqu'à la mort, et à la mort de la Croix ;

C'est pourquoi Dieu l'a exalté, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom.

 

On dit ensuite à voix basse Pater noster, suivi du Miserere, qui est récité à deux chœurs. Enfin celui qui préside prononce pour conclusion l'Oraison suivante:

 

Daignez, Seigneur, jeter un regard sur votre famille ici présente, pour laquelle notre Seigneur Jésus-Christ a bien voulu être livré aux mains des méchants, et souffrir le supplice de la Croix : Lui qui vit et règne avec vous, dans les siècles des siècles. Amen.

 

599

 

AU MATIN.

 

La nuit a passé sur le sépulcre où repose le corps de l'Homme-Dieu. Mais si la mort triomphe au fond de  cette grotte  silencieuse, si elle tient dans ses liens celui qui donne la vie à tous les êtres, son triomphe sera court. Les soldats ont beau veiller à l'entrée du tombeau, ils ne retiendront pas le divin captif, quand  il prendra  son essor. Les saints Anges adorent, dans un respect profond, le corps inanimé de celui dont le sang va « pacifier le ciel et  la terre (1)  ». Ce corps séparé  de l'âme pour un court intervalle est demeuré uni au Verbe divin ; l'âme qui a cessé un  moment de l'animer, n'a point non plus perdu son union avec la personne du Fils  de Dieu. La divinité reste unie même au sang épanché sur le Calvaire, et qui doit rentrer dans  les  veines de l'Homme-Dieu,  au moment de sa prochaine résurrection.

Nous aussi, approchons de ce tombeau, et vénérons à notre tour la froide dépouille du Fils de Dieu. Nous comprenons maintenant les effets du péché. « C'est par le péché que la mort est entrée dans le monde et qu'elle a passé dans tous les hommes (2). » Jésus, « qui n'a point connu le péché (3) », a cependant permis à la mort d'étendre jusque sur lui son empire, afin d'en diminuer pour nous les horreurs et de nous rendre, en ressuscitant, cette immortalité que le péché nous avait ravie. Adorons dans toute notre reconnaissance ce dernier anéantissement du Fils de Dieu. Il avait  daigné, dans  son incarnation, prendre

 

1. Coloss. I, 20. 3.

2. Rom. V, 12.

3. II Cor. V, 21.

 

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« la forme d'esclave (1) » ; en ce moment, il est descendu plus bas encore. Le voilà sans vie et glacé dans un tombeau ! Si ce spectacle nous révèle l'affreux pouvoir de la mort, il nous montre bien plus encore l'immense et incompréhensible amour de Dieu pour l'homme. Cet amour n'a reculé devant aucun excès; et nous pouvons dire que si le Fils de Dieu s'est abaissé outre mesure, nous avons été d'autant plus glorifiés par ses abaissements. Qu'elle nous soit donc chère cette tombe sacrée qui doit nous enfanter à la vie; et après avoir rendu grâces au Fils de Dieu de ce qu'il a daigné mourir pour nous sur la Croix, remercions-le aussi d'avoir accepté pour nous l'humiliation du sépulcre.

Descendons maintenant dans Jérusalem, et visitons humblement la Mère des douleurs. La nuit aussi a passé sur son cœur affligé ; et les scènes lamentables de la journée n'ont cessé d'assiéger sa mémoire. Le fils de sa tendresse a été foulé sous les pieds des hommes, elle a vu couler son sang par torrents; et maintenant il est dans le tombeau, comme le dernier des mortels ! Que de larmes a versées déjà la fille de David durant ces longues heures ; et son fils ne lui est pas rendu encore ! Près d'elle, Madeleine, toute brisée des secousses qu'elle a ressenties dans les rues de Jérusalem et sur le Calvaire, éclate en sanglots, muette de douleur. Elle aspire au lever du jour suivant pour retourner au tombeau, et revoir les restes de son cher maître. Les autres femmes, moins aimées que Madeleine, mais cependant chères à Jésus, elles qui ont bravé les Juifs et les soldats  pour l'assister jusqu'à la fin, entourent

 

1.  Philipp. II, 7.

 

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avec discrétion l'inconsolable mère, et songent aussi à soulager leur propre douleur, en allant avec Madeleine lorsque le Sabbat sera écoulé, de poser dans le sépulcre le tribut de leur amour et de leurs parfums.

Jean, le fils d'adoption, le bien-aimé de Jésus, pleure sur le Fils et sur la mère. D'autres apôtres, des disciples, Joseph d'Arimathie, Nicodème, visitent tour à tour cette maison de deuil. Pierre, dans l'humilité de son repentir, n'a pas craint de reparaître aux regards de la Mère de miséricorde. On s'entretient à voix basse du supplice de Jésus, de l'ingratitude de Jérusalem. La sainte Eglise, dans l'Office de cette nuit, nous suggère quelques traits des entretiens de ces hommes qu'une si terrible catastrophe a ébranlés jusqu'au fond de l'âme. « C'est donc ainsi, disent-ils, que meurt le juste, et personne ne s'en émeut! Il a disparu devant l'iniquité; semblable à l'agneau, il n'a pas ouvert la bouche; il a été enlevé au milieu des angoisses ; mais son souvenir est un souvenir de paix (1). »

Ainsi parlent ces hommes fidèles, pendant que les femmes, en proie à leur douleur, songent aux soins des funérailles. La sainteté, la bonté, la puissance, les douleurs et la mort de Jésus, tout est présent à leur pensée ; mais sa résurrection qu'il a annoncée et qui ne doit pas tarder, ne leur revient pas en souvenir. Marie seule vit dans cette attente certaine. L'Esprit-Saint dit de la femme forte : « Durant la nuit, sa lampe ne s'éteint jamais (2) » ; cette parole s'accomplit aujourd'hui en la Mère de Jésus. Son cœur ne succombe pas,

 

1. Répons VI° de l'Office de la nuit.

2. Prov. XXXI, 18.

 

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parce qu'elle sait que bientôt la tombe doit rendre son fils à la vie. La foi de la résurrection du Sauveur, cette foi sans laquelle, comme dit l'Apôtre, notre religion serait vaine (1), est,  pour ainsi dire, concentrée dans l’âme de Marie. La Mère de  la Sagesse conserve ce dépôt précieux; et de même qu'elle a tenu dans ses chastes flancs celui que le ciel et la terre ne peuvent contenir, ainsi aujourd'hui,  par  sa croyance ferme et constante aux paroles  de son  fils,  elle  résume en  elle-même toute  l'Eglise. Sublime journée du Samedi qui, au milieu  de  toutes ses tristesses, vient encore ajouter aux grandeurs de Marie ! La sainte Eglise en garde à jamais le souvenir; et c'est  pour cela que, désirant consacrer à sa grande Reine un jour spécial chaque semaine, elle  lui a  dédie pour toujours le Samedi.

Mais l'heure est venue de se rendre à la maison de Dieu. Les cloches ne retentiront pas encore ; mais les mystères de la sainte Liturgie qui doivent remplir cette matinée n'en appellent pas moins les fidèles aux plus touchantes émotions. Conservons le souvenir de celles que nous venons de ressentir au sépulcre et aux pieds de la Mère des douleurs, et disposons nos âmes aux saintes jouissances que la foi nous prépare.

 

L'OFFICE DU MATIN.

 

De toute antiquité, la journée d'aujourd'hui, comme celle d'hier, s'est passée sans l'offrande du divin Sacrifice. Hier, l'Eglise ne la célébrait pas, parce que l'anniversaire de la mort du Christ

 

1. I Cor. XV, 17.

 

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lui semblait remplir de ses souvenirs le jour tout entier, et qu'une sainte terreur lui interdisait d'appeler sur ses autels la victime du Calvaire. La même raison la porte à se priver aujourd'hui encore de la célébration du Sacrifice. La sépulture du Christ est la suite de sa Passion ; et pendant que son corps repose inanimé dans le tombeau, il ne convient pas de renouveler le divin mystère dans lequel il est offert glorieux et ressuscité. L'Eglise grecque elle-même qui, dans le cours du Carême, affecte de ne pas jeûner le Samedi, imite l'Eglise latine, en étendant à cette journée ses plus austères pratiques ; elle s'abstient même de célébrer aujourd'hui la Messe des Présanctifiés.

Depuis environ huit siècles, une modification importante s'est introduite, en ce jour, dans les Eglises de l'Occident, relativement à la célébration de la Messe. On n'a pas dérogé à la coutume antique qui omet au Samedi saint l'offrande du Sacrifice; mais on a cru devoir anticiper à cette journée la Messe qui se célébrait durant la nuit prochaine, vers l'heure de la résurrection du Sauveur. L'adoucissement du jeûne a amené insensiblement ce changement dans la Liturgie. Dans les premiers siècles, les fidèles veillaient toute la nuit à l'Eglise, en attendant le moment où le Christ triomphant de la mort s'échappa du sépulcre. Ils prenaient part en même temps, comme témoins, à l'administration solennelle du Baptême conféré aux catéchumènes ; fonction sublime dans laquelle se manifestait le passage de la mort spirituelle à la vie de la grâce. De toutes les Veilles saintes de l'année, aucune n'était fréquentée avec autant d'affluence et d'enthousiasme ; mais on comprend aisément qu'elle dut perdre une grande partie  de son intérêt,  lorsque  le  christianisme

 

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ayant triomphé partout où il avait été prêché, il n'y eut plus d'adultes à baptiser. Les Orientaux ont continué cependant jusqu'à nos jours à suivre l'antique tradition ; mais dans l'Occident, à partir du XI° siècle, on a peu à peu anticipé l'heure de la Messe  nocturne  de la Résurrection, jusqu'à ce qu'enfin on l'ait définitivement avancée jusqu'au matin même du Samedi saint. Durand de Mende, qui écrivait son Rational des divins Offices vers la fin du XIII° siècle, atteste que, de son temps, quelques Eglises à peine étaient restées fidèles à la coutume primitive ; et elles ne tardèrent pas à se réunir h la pratique générale de l'Eglise latine.

Il résulte de cette modification une sorte de contradiction entre le mystère de cette journée et le service  divin que l'on y célèbre.  Le Christ est encore dans le tombeau, et l'on célèbre sa résurrection ; les heures qui précèdent la Messe sont encore données à la tristesse, et dès le milieu du jour l'allégresse pascale a déjà rempli les cœurs des fidèles. Nous nous conformerons à ces formes actuelles de la sainte Liturgie, entrant ainsi dans l'esprit de l'Eglise, qui a jugé à propos de donner à ses enfants, dès aujourd'hui, un avant-goût des joies  chrétiennes  qui  devront éclater demain. Nous allons d'abord tracer le plan de l'auguste fonction qui va s'accomplir ; nous en exposerons ensuite toutes les parties.

L'administration du Baptême aux catéchumènes est le grand objet de cette vaste cérémonie; elle est le point central auquel tout aboutit. Les fidèles doivent donc l'avoir sans cesse présente à la pensée, s'ils veulent suivre avec intelligence et utilité ce drame aussi sacré qu'imposant. Il y a d'abord la bénédiction du feu nouveau et de l'encens ; vient ensuite l'inauguration du Cierge Pascal. Elle est

 

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suivie des lectures prophétiques, qui font corps avec ce qui précède et ce qui suit. Quand elles sont achevées, a lieu le départ pour le Baptistère, où se fait la bénédiction de l'eau. La matière du baptême étant préparée, les catéchumènes reçoivent le sacrement de la régénération. La Confirmation leur est ensuite administrée par l'Evoque. Aussitôt après, commence le divin Sacrifice en l'honneur de la Résurrection du Christ, et les néophytes y participent aux saints Mystères. Enfin, l'Office joyeux des Vêpres vient promptement terminer la plus longue et la plus laborieuse fonction que l'Eglise latine ait à accomplir dans tout le cours de son Cycle liturgique. Pour donner au lecteur la clef de ce magnifique ensemble, nous remonterons avec lui mille ans en arrière; et nous supposerons qu'il prend part à la Veille solennelle du Samedi saint, dans quelqu'une des antiques églises de l'Italie ou des Gaules.

A Rome, la Station est à Saint-Jean-de-Latran, l'Eglise mère et maîtresse ; et le sacrement de la régénération est administré dans le Baptistère de Constantin. Les grands souvenirs du IV° siècle planent encore aujourd'hui sur ces antiques sanctuaires ; chaque année y voit célébrer le baptême de quelque adulte ; et une nombreuse ordination ajoute encore par ses pompes aux splendeurs de la plus grande journée liturgique que Rome ait à célébrer dans l'année.

 

LA BÉNÉDICTION DU FEU NOUVEAU ET DE L'ENCENS.

 

Mercredi dernier, les catéchumènes furent convoqués pour aujourd'hui à l'heure de tierce (neuf heures du matin). C'est le  dernier Scrutin.

 

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Les prêtres y président ; on demande le Symbole à ceux qui ne l'ont pas rendu encore. L'Oraison Dominicale et les attributs bibliques des quatre Evangélistes ayant été répétés aussi, l'un des prêtres congédie les aspirants au baptême, après leur avoir recommandé de se maintenir dans le recueillement et la prière.

A l'heure de None (trois heures de l'après-midi), l'Evêque se rend avec tout le clergé à l'Eglise, et c'est  à  ce moment que commence la Veille du Samedi saint. Le premier rite à accomplir est la bénédiction du feu nouveau, dont la lumière doit éclairer la fonction durant toute la nuit qui va suivre. Dans les premiers siècles, c'était l'usage, chaque jour, de tirer le feu d'un caillou avant les Vêpres, pour en allumer les lampes et les cierges, durant cet office ; et cette  lumière brûlait dans l'église jusqu'aux Vêpres du jour suivant. L'Eglise de Rome pratiquait cet usage avec une plus grande solennité le Jeudi saint, au matin ; et ce jour-là le feu nouveau  recevait une bénédiction  spéciale. D'après un renseignement donné par le Pape saint Zacharie dans une lettre à saint Boniface, Archevêque  de Mayence au VIII° siècle, on allumait trois lampes avec ce feu, et on les tenait dans un lieu secret, où elles étaient entretenues avec soin. C'était à  ces lampes que  l'on empruntait la lumière pour la nuit du Samedi saint. Dès le siècle suivant, sous le Pape saint Léon IV, qui était sur le Saint-Siège en 847, l'Eglise de Rome avait fini par étendre même au Samedi saint l'usage des autres jours de l'année, qui consistait à tirer d'un caillou le feu nouveau.

Le sens de cet usage symbolique, qui ne se pratique plus qu'en ce jour dans l'Eglise latine, est aussi profond qu'il est facile à saisir. Le Christ a

 

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dit : « Je suis la Lumière du monde (1) » ; la lumière matérielle est donc la figure du Fils de Dieu. La Pierre est aussi l'un des types sous lesquels le Sauveur du monde apparaît dans les Ecritures. « Le Christ est la Pierre angulaire », nous disent d'un commun accord saint Pierre (2) et saint Paul (3) qui ne font que lui appliquer les paroles de la prophétie d'Isaïe (4). Mais en ce moment l'étincelle vive qui s'échappe de la pierre présente un symbole plus complet encore. C'est Jésus-Christ s'élançant hors du sépulcre taillé dans la roche, à travers la pierre qui en ferme l'entrée.

Il est donc juste que ce feu mystérieux, appelé à fournir la lumière au Cierge pascal, et plus tard à l'autel lui-même, reçoive une bénédiction particulière, et qu'il soit accueilli avec triomphe par le peuple chrétien. Dans l'église, toutes les lampes ont été éteintes ; autrefois même, les fidèles éteignaient le feu dans leurs maisons, avant de se rendre à l'église ; et il ne se rallumait dans toute la cité que par la communication de ce feu qui avait reçu la bénédiction, et qui était confié ensuite aux fidèles comme un gage de la divine Résurrection. N'oublions pas de remarquer ici un nouveau symbole non moins expressif que les autres. L'extinction de toute lumière en ce moment figure l'abrogation de la loi ancienne, qui a pris fin au moment où le voile du Temple s'est déchiré ; et l'arrivée du feu nouveau représente la publication miséricordieuse de la loi nouvelle que Jésus-Christ,Lumière du monde,vient apporter, en dissipant toutes les ombres de la première alliance.

 

1.  JOHAN. VIII, 12.

2.  I PETR. II,  6.

3. Ephes. 11, 20.

4. ISAI.  XXVIII, 16.

 

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L'importance du mystère du feu nouveau est telle que Dieu a daigné, durant plusieurs siècles, opérer chaque année, en ce jour, un prodige dans l'Eglise du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, pour produire la présence de ce feu sous les yeux du peuple fidèle rassemblé. Le clergé et le peuple se tenaient en silence devant le saint tombeau, attendant la manifestation de la faveur céleste. Tout à coup, l'une des lampes éteintes qui étaient suspendues au-dessus de ce monument sacré de la victoire du Christ, s'allumait d'elle-même. Sa lumière, après avoir servi à allumer les autres lampes et les flambeaux de l'église, était communiquée aux fidèles, qui s'en servaient avec foi pour renouveler le feu dans leurs habitations. Ce prodige annuel paraît avoir commencé à se manifester à Jérusalem, après la conquête de cette ville par les Sarrasins ; afin qu'il servit aux yeux de ces infidèles comme d'un signe de la divinité de la religion chrétienne. Il est attesté unanimement par les historiens contemporains, qui nous ont laissé le récit des événements du royaume latin de Jérusalem ; et lorsque le Pape Urbain II vint en France pour y prêcher la première croisade, entre autres motifs qui devaient rendre cher aux chrétiens de l'Occident l'honneur du sépulcre du Christ, il ne manqua pas d'insister sur ce prodige de chaque année comme attesté par tous les pèlerins de la ville sainte. Lorsque le Seigneur, dans les desseins de son impénétrable justice, eut abandonné de nouveau au pouvoir des infidèles la ville où se sont accomplis les mystères de notre salut, le prodige cessa, et ne s'est plus renouvelé depuis. On connaît les scènes grossières et sacrilèges qui souillent, tous les ans, L'Eglise du Saint-Sépulcre, lorsque, sous les yeux d'un peuple ignorant et  enthousiaste, le clergé

 

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grec cherche en ce jour à reproduire, par une supercherie odieuse, le miracle qui a cessé depuis tant de siècles.

Outre le feu nouveau, la sainte Eglise bénit aussi de l'encens aujourd'hui. Cet encens représente les parfums que Madeleine et les autres saintes femmes ont préparés pour embaumer le corps du Rédempteur. Il est en cinq larmes ou grains ; et nous verrons tout à l'heure l'emploi auquel il est destiné. L'Oraison que l'Evêque prononce sur cet encens nous apprend déjà les rapports qu'il doit avoir avec la lumière ; en même temps qu'elle nous instruit sur la puissance de ces divers éléments sacrés contre les embûches des esprits de ténèbres.

L'Evêque et son cortège sortent de l'Eglise pour se rendre au lieu où est la crédence, sur laquelle sont déposés le feu nouveau et l'encens. Ce feu représente le Christ, ainsi que nous venons de le dire ; or, le tombeau du Christ, le lieu d'où il doit ressusciter, est situé hors des portes de Jérusalem. Les saintes femmes et les Apôtres devront sortir de la ville pour se rendre au sépulcre et constater la résurrection.

Le Pontife, étant arrivé en présence des symboles, bénit d'abord le feu par les Oraisons suivantes :

 

V/. Le Seigneur soit avec vous ;

R/. Et avec votre esprit.

 

PRIONS.

 

O Dieu qui, par votre Fils, la pierre angulaire, avez allumé en vos fidèles le feu de votre charité, sanctifiez ce feu nouveau que nous avons tiré de la pierre pour servir à nos usages ; et accordez-nous, durant ces fêtes pascales, d'être enflammés du désir des biens célestes, de telle sorte que nous puissions, par la pureté de nos cœurs, arriver à cette fête éternelle où nous jouirons d'une lumière qui ne s'éteindra jamais, l'aile même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

PRIONS.

 

Seigneur Dieu, Père tout-puissant, lumière éternelle et créateur de toute lumière, bénissez celle-ci, à laquelle vous avez déjà donné le principe de la bénédiction, en éclairant le monde entier. Faites-en naître un feu qui nous échauffe et nous éclaire de votre clarté ; et de même que vous avez conduit Moïse par votre flambeau, lorsqu'il sortait d'Egypte, daignez aussi illuminer nos cœurs et nos esprits, afin que nous méritions d'arriver à la vie et à la lumière éternelle. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

PRIONS.

 

Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, nous énissons ce feu en votre nom, et en celui de votre Fils unique, notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, et du Saint-Esprit ; daignez y coopérer avec nous, aidez-nous à repousser les traits enflammés de l'ennemi, et éclairez-nous de la grâce céleste : Vous qui, étant Dieu, vivez et régnez avec ce même Fils unique et le Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

L'Evêque bénit ensuite l'encens, en adresant à Dieu cette prière :

 

Répandez, s'il vous plaît, Dieu tout-puissant, sur cet encens, une effusion abondante de vos bénédictions; allumez vous-même cette lumière qui doit nous éclairer durant cette nuit, vous qui êtes le régénérateur invisible : afin que le Sacrifice que l'on vous prépare pour cette nuit soit illuminé de vos feux mystérieux, et qu'en tout lieu où l'on portera quelque chose de ce que nous bénissons ici, les artifices et la malice du diable en soient expulsés, et que la puissance de votre divine Majesté y réside et y triomphe. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

 

Après ces Oraisons, un Acolyte met dans l'encensoir quelques charbons du feu bénit. L'Evêque avant jeté de l'encens sur ces charbons, fait fumer l'encensoir sur le feu et sur l'encens mystérieux, après les avoir d'abord aspergés de l'eau sainte. Un autre Acolyte allume un cierge aux charbons du feu nouveau ; c'est ce cierge qui doit introduire dans l'Eglise la lumière nouvelle. En même temps, le Diacre revêt une dalmatique de couleur blanche qui vient contraster avec le pluvial violet

 

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de  l'Evêque.  Cette  parure  de  joie s'expliquera bientôt par la fonction toute  d'allégresse dont le Diacre est charge. En attendant, il prend dans sa main droite un roseau, au haut duquel est fixé un cierge en trois branches. Ce roseau est un souvenir delà Passion du Sauveur et de la faiblesse de la nature humaine qu'il a daigné s'unir par l'incarnation ; il est surmonté d'un triple cierge qui est appelé à signifier la glorieuse Trinité à laquelle participe le Verbe incarne.

Le cortège sacré rentre dans l'église. Après avoir fait quelques pas, le Diacre incline le roseau. et l'Acolyte qui porte la lumière nouvelle allume une des trois branches du cierge. Le Diacre alors se met à genoux, et tous imitent son exemple. Elevant dans les airs la lumière qu'il vient de recevoir, il chante d'un ton de voix ordinaire :

 

Lumen Christi.

La lumière du Christ!

 

 

Toutes les voix répondent :

 

Deo gratias.

Rendons grâces à Dieu !

 

Cette première ostension de la lumière proclame la divinité du Père qui nous a été manifestée par Jésus- Christ.  « Nul ne connaît le Père, nous dit-il, sinon le Fils, et celui à qui il aura plu  au Fils de le révéler (1). » On se relève, et on continue d'avancer  dans  l'église. A l'endroit marqué, le Diacre incline une seconde fois le roseau, et l'Acolyte allume la seconde branche  du  cierge. Le Diacre observe les mêmes cérémonies que la première fois, et chante d'un ton de voix plus élevé :

 

Lumen Christi.

La lumière du Christ!

 

1. Matth. XI, 27.

 

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Toutes les voix répondent :

 

Deo gratias.

Rendons grâces à Dieu !

 

Cette seconde ostension delà lumière annonce la divinité du Fils, qui s'est montré lui-même aux hommes dans l'Incarnation, et leur a révélé son égalité de nature avec le Père. On se relève encore, et l'on arrive en face de l'autel. Le Diacre incline encore le roseau, et l'Acolyte allume la troisième branche du cierge. Alors le Diacre chante une dernière fois, mais sur un ton de voix toujours plus éclatant :

 

Lumen Christi.

La lumière du Christ!

 

Et toutes les voix répondent :

 

Deo gratias.

Rendons grâces à Dieu !

 

Cette troisième ostension proclame la divinité du Saint-Esprit qui nous a été révélée par Jésus-Christ, lorsqu'il a donne à ses Apôtres le précepte solennel que l'Eglise se dispose à accomplir en cette nuit même : « Enseignez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (1). » C'est donc par le Fils, qui est « la Lumière du monde ». que les hommes ont connu la glorieuse Trinité dont le Pontife va demander la confession aux catéchumènes, avant de les plonger dans la fontaine sacrée, et dont le cierge à trois branches doit rappeler le mystère durant toute cette sainte fonction.

Tel est le premier emploi du feu nouveau : annoncer les splendeurs de la Trinité divine. Maintenant il va servir à la gloire du Verbe incarné, en donnant son complément au magnifique symbole

 

1. Matth. XXVIII,  19.

 

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qui doit désormais attirer nos regards. L' Evêque est monté à son trône ; le Diacre, ayant déposé le roseau, vient s'agenouiller à ses pieds, demandant la bénédiction pour le solennel ministère qu'il va remplir. Le Pontife lui adresse ces paroles : « Que Le Seigneur soit dans votre cœur et sur vos lèvres ; afin que vous accomplissiez comme il convient la proclamation de la Pâque ». Le Diacre se relève et se dirige vers l'ambon. Les clercs qui portent le roseau surmonté du cierge à trois branches et les cinq larmes d'encens, l'accompagnent. Sur l'ambon s'élève une colonne de marbre, et cette colonne est surmontée d'une colonne de cire : c'est le Cierge pascal.

 

LE CIERGE PASCAL.

 

Le soleil descend à l'horizon, et  bientôt  il aura cédé la place aux ombres de la nuit. La sainte Eglise a préparé, pour luire avec éclat durant la longue Veille qui déjà  commence, un flambeau supérieur en poids et en grosseur à tous ceux que l'on allume dans les autres solennités. Ce flambeau est unique ; il a la forme d'une colonne ;  et il est appelé à représenter le Christ. Avant qu'il ait été allumé, son type est dans la colonne de nuée qui couvrit le départ des Hébreux, au  sortir de L'Egypte ; sous cette première forme, il  figure le Christ dans le tombeau, inanimé, sans vie. Lorsqu'il aura reçu la flamme, nous verrons en lui la colonne de feu qui éclaire les pas du peuple saint ; et aussi la figure du Christ tout radieux des splendeurs de sa résurrection. La majesté de  ce symbole est si grande, que la sainte Eglise emploie toutes les magnificences de son langage  inspire, pour exciter  à  son  endroit  l'enthousiasme  des

 

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fidèles. Dès le commencement du V° siècle, on voit le Pape saint Zozime étendre à toutes les églises de la ville de Rome le privilège de bénir aujourd'hui ce Cierge, bien que le baptême ne tût conféré qu'au seul Baptistère du Latran. Le but de cette concession était de mettre tous les fidèles à portée de jouir des saintes impressions que ce grand rite est appelé à produire. C'est dans la même intention que la cérémonie du Cierge pascal peut s'accomplir aujourd'hui dans toutes les églises, même dans celles qui ne possèdent pas de fonts baptismaux.

L'annonce de la Pâque retentit au milieu des éloges que le Diacre prodiguée ce Cierge glorieux; et c'est en célébrant le divin flambeau dont celui-ci est l'emblème, qu'il remplit sa noble fonction de héraut de la Résurrection de l'Homme-Dieu. Seul vêtu de blanc, à cette heure où le Pontife lui-même porte encore les couleurs du deuil quadragésimal, il fait éclater sa voix dans la bénédiction du Cierge, avec une liberté qui d'ordinaire n'est pas accordée au Diacre en présence du Prêtre, et moins encore de l'Evoque. Les interprètes de la sainte Liturgie nous enseignent que le Diacre représente en ce moment Madeleine et les autres saintes femmes qui eurent l'honneur d'être initiées les premières par le Christ lui-même au mystère de sa résurrection, et lurent chargées par lui, malgré l'infériorité de leur sexe, d'annoncer aux Apôtres qu'il était sorti du tombeau, et qu'il les précéderait en Galilée.

Mais il est temps d'écouter les accents torts et mélodieux de ce chant sacré qui vient faire battre nos cœurs, et nous donner un avant-goût des allégresses que nous réserve cette nuit merveilleuse. Le Diacre débute par cet exorde lyrique :

 

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Exultet jam angelica turba cœlorum ; exultent divina mysteria : et pro tanti Regis Victoria, tuba insonet salutaris. Gaudeat et tellus tantis irradiata fulgoribus : et aeterni Regis splendore illustrata, totius orbis se sentiat amisisse caliginem. Laetetur et mater Ecclesia, tanti luminis adornata fulgoribus : et magnis populorum vocibus haec aula resultet. Quapropter adstantes vos, fratres charissimi, ad tam mirant hujus sancti luminis claritatem, una mecum, quaeso, Dei omnipotentis misericordiam invocate. Ut qui me non meis meritis intra Levitarum numerum dignatus est aggregare : luminis sui claritatem infundens, Cerei hujus laudem implere perficiat. Per Dominum Dostrum Jesum Christum Filium suum : qui cum eo vivit et regnat in unitate Spiritus Sancti Deus, per omnia saecula saeculorum.

R/. Amen.

 

 

 

 

 

 

V/. Dominus vobiscum.

R/. Et cum spiritu tuo.

V/. Sursum corda.

R/. Habemus ad Dominum.

 

V/. Gratias agamus Domino Deo nostro.

R/. Dignum et justum est.

 

Vere dignum et justum est, invisibilem Deum Patrem omnipotentem, Filiumque ejus unigenitum , Dominum nostrum Jesum Christum, toto cordis ac mentis affectu, et vocis ministerio personare. Qui pro nobis aeterno Patri Adœ debitum solvit : et veteris piaculi cautionem pio cruore detersit. Haec sunt enim festa Paschalia . in quibus verus ille Agnus occiditur, cujus sanguine postes fidelium consecrantur.

 

Haec nox est, in qua primum patres nostros filios Israël eductos de Aegypto, mare Rubrum sicco vestigio transire fecisti. Haec igitur nox est, quae peccatorum tenebras, columnae illuminatione purgavit. Haec nox est, quae hodie per universum mundum, in Christo credentes, a vitiis saeculi et caligine peccatorum segregaios. reddit gratiœ , sociat sanctitati. Haec nox est, in qua destructis vinculis mortis, Christus ab inleris victor ascendit. Nihil enim nobis nasci profuit, nisi redimi profuisset.

 

 

 

 

O mira circa nos tuae pietatis dignatio ! O inœstimabilis dilectio charitatis ! ut servum redimeres, filium tradidisti. O certe necessarium Adae peccatum, quod Christi morte deletum est ! O felix culpa, quae talem ac tantum meruit habere redemptorem !

 

O vere beata nox, quae sola meruit scire tempus et horam, in qua Christus ab inferis resurrexit ! Haec nox est, de qua scriptum est : Et nox sicut dies illuminabitur ; et : Nox illuminatio mea in deliciis meis. Hujus igitur sanctilicatio noctis, fugat scelera, culpas lavat : et reddit innocentiam lapsis, et mœstis laetitiam. Fugat odia , concordiam parat , et curvat imperia.

 

 

 

Que la troupe angélique tressaille de joie dans les cieux ; que les divins mystères se célèbrent avec allégresse, et que la trompette sacrée publie la victoire du souverain Roi. Que la terre se réjouisse, illuminée des rayons d'une telle gloire; que l'éclat du Monarque éternel qui resplendit sur elle, l'avertisse que l'univers entier est délivré des ténèbres qui le couvraient. Que l'Église notre mère, environnée des clartés de cette brillante lumière, se réjouisse aussi ; et que ce temple retentisse de la grande voix du peuple fidèle. C'est pourquoi, très chers frères , qui êtes ici pour prendre part aux splendeurs de cette sainte lumière, je vous prie d'invoquer avec moi la miséricorde du Dieu tout-puissant. Demandez pour moi qu'après m'avoir placé, sans mérite de ma part, au nombre des Lévites, il daigne m'illuminer de ses feux, et m'aider à célébrer dignement la gloire de ce Cierge. Par Jésus-Christ notre Seigneur son Fils, qui, étant Dieu, vit et règne avec lui en l'unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles, R/. Amen.

 

 

V/. Le Seigneur  soit avec vous ;

R/. Et avec votre esprit.

V/. Les cœurs en haut !

R/. Nous les avons vers le Seigneur.

V/.  Rendons grâces au Seigneur notre Dieu.

R/. C'est une chose digne et juste.

 

Il est vraiment juste et raisonnable d'employer nos cœurs et nos voix à louer le Dieu invisible, le Père tout-puissant, et son Fils Jésus-Christ notre Seigneur qui a payé pour nous au Père éternel la dette d'Adam, et effacé de son propre sang la cédule des peines qu'avait méritées l'antique péché. Car voici arrivées les fêtes Pascales dans lesquelles est immolé l'Agneau véritable, dont le sang consacre les portes des fidèles.

 

Voici la nuit dans laquelle, après avoir tiré de l'Egypte les enfants d'Israël nos pères, vous leur avez fait passer la mer Rouge à pied sec. C'est cette nuit qui a dissipé les ténèbres du péché par les rayons de la colonne de feu C'est cette nuit qui, dans le monde entier, enlève aux vices du siècle ceux qui croient au Christ, les arrache aux ténèbres du péché, les rend à la grâce, les unit à la société des saints. C'est cette nuit qui voit le Christ sortir victorieux des enfers , après avoir brisé les liens de la mort. Pour nous, à quoi nous eût servi de naître, si nous n'eussions eu le bonheur d'être rachetés ?

 

O admirable  effusion  de votre bonté sur nous ! O excès incompréhensible de votre charité ! pour racheter l'esclave, vous avez livré le Fils ! O nécessité du péché d'Adam, qui devait être effacé par la mort du Christ ! O heureuse faute, à qui il a fallu un tel réparateur!

 

O nuit fortunée, qui seule a connu le temps et l'heure auxquels le Christ est ressuscité des enfers ! C'est à cette nuit que l'on peut appliquer ces paroles : La nuit deviendra lumineuse comme le jour; et celles-ci : La nuit deviendra claire comme le jour, pour éclairer mes délices. La sainteté de cette nuit bannit les crimes, lave les péchés, rétablit le coupable dans l'innocence, rend ta joie aux affligés, dissipe les haines, ramène la concorde, et soumet à Dieu les  empires.

 

 

 

Ici le Diacre s'interrompt, et prenant successivement les cinq grains d'encens, il les enfonce dans le Cierge, et les y dispose de manière à figurer une croix. Le nombre de ces grains d'encens ainsi insères dans la masse du Cierge, représente les cinq plaies du Christ sur la croix ; en même temps que leur emploi signifie celui des parfums que Madeleine et ses compagnes avaient préparés, pendant que le Christ reposait dans le tombeau. Jusqu'ici, comme nous l'avons dit plus haut, le Cierge pascal est le symbole de l'Homme-Dieu que sa résurrection n'a pas encore glorifie.

 

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In hujus igitur  noctis gratia, suscipe, sancte Pater, incensi hujus sacrificium vespertinum : quod tibi in hac Cerei oblatione solemni per ministrorum manus, de operibus apum , sacrosancta reddit Ecclesia. Sed jam columnœ hujus prœconia novimus, quam in honorem Dei rutilans ignis accendit.

 

 

Recevez donc, Père saint, en cette nuit sacrée , l'offrande que la sainte Eglise vous présente par la main de ses ministres , comme un encens du soir, par l'oblation solennelle de ce Cierge dont les abeilles ont fourni la matière. Nous connaissons maintenant ce que figure cette colonne de cire qu'une flamme éclatante va allumer à l'honneur de Dieu.

 

 

 

Après ces paroles, le Diacre s'interrompt de nouveau, et prenant des mains de l'Acolyte le roseau qui porte la triple lumière, il allume le Cierge pascal à une des brandies. Cette action symbolique signifie l'instant de la résurrection du Christ, lorsque la vertu divine vint tout à coup ranimer son corps, en lui réunissant l'âme sainte que la mort en avait séparée. Désormais le flambeau sacré, image du Christ-Lumière, est inauguré ; et la sainte Eglise se réjouit dans la pensée de revoir bientôt son céleste Epoux, triomphant de la mort.

 

 

Qui licet sit divisus in partes, mutuati tamen luminis detrimenta non novit. Alitur enim liquantibus ceris, quas in substantiam pretiosœ hujus lampadis, apis mater eduxit.

 

 

Cette flamme , quoique partagée, ne souffre aucune diminution en communiquant sa lumière. Elle a pour aliment la cire, que la mère abeille a produite pour la composition de ce précieux flambeau.

 

 

A ce moment, on allume avec le feu nouveau les lampes qui sont suspendues dans l'église. Cette illumination n'a lieu que quelque temps après celle du Cierge pascal, parce que la connaissance de la résurrection du Sauveur ne s'est répandue que successivement, jusqu'à ce qu'enfin

 

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elle ait éclairé tous les fidèles. Cette succession nous avertit aussi que notre résurrection sera la suite et l'imitation de celle de Jésus-Christ, qui nous ouvre la voie par laquelle nous devons rentrer en possession de l'immortalité, après avoir comme lui traversé le tombeau.

 

 

O vere beata nox, quae expoliavit Aegyptios , ditavit Hebraeos ! Nox, in qua terrenis caelestia , humanis divina junguntur. Oramus ergo te, Domine : ut Cereus iste in honorem tui nominis consecratus , ad noctis hujus caliginem destruendam, indenciens perseveret. Et in odorem suavitatis acceptus, supernis luminaribus misceatur. Flammas ejus Lucifer matutinus inveniat. Ille (inquam) Lucifer, qui nescit occasum. Ille, qui regressus ab inferis, humano generi srenus illuxit.

 

Precamur ergote, Domine : ut nos famulos tuos, omnemque clerum, et devotissimum populum : una cum beatissimo Papa nostro N. et Antistite nostro N., quiete temporum concessa, in his Paschalibus gaudiis, assidua protectione regere , gubernare , et conservare   digneris. (Respice etiam ad devotissimum  Imperatorem nostrum N., cujus tu, Deus, desiderii vota praenoscens, ineffabili pietatis et misericordiae tuae munere , tranquillum perpetua: pacis accommoda : et coelestem victoriam cum omni populo suo (1).) Per cumdem Dominum nostrum Jesum Christum Filium tuum : qui tecum vivit et regnat in unitate Spiritus Sancti Deus, per omnia saecula saeculorum. R/. Amen.

 

1. Ces paroles se disent seulement dans les Etats soumis à l'empire d'Autriche. Voyez ci-dessus, au Vendredi saint. p. 533.

 

 

O nuit vrai ment heureuse, qui dépouilla les Egyptiens pour enrichir les Hébreux ! Nuit dans laquelle le ciel s'unit à la terre, les choses divines aux choses humaines! Faites donc, Seigneur, que ce Cierge consacré à l'honneur de votre nom brûle durant toute cette nuit pour en dissiper les ténèbres, et que sa lumière s'élevant comme un parfum d'agréable odeur, se mêle à celle des flambeaux célestes Que l'Etoile du matin le trouve encore allumé, cette Etoile qui n'a pas de couchant ; qui, se levant des lieux sombres, est venue répandre sa lumière sereine sur le genre humain. Maintenant donc , Seigneur, nous vous supplions de nous accorder la paix et la tranquillité dans ces joies Pascales ; et de couvrir de votre protection, nous vos serviteurs, tout le clergé, le peuple fidèle, et de conserver notre bienheureux Pape X., et notre Evêque N. (Jetez aussi un regard sur notre très pieux Empereur N., et connaissant les désirs de son cœur, faites, dans votre ineffable bonté et miséricorde, qu'il jouisse d'une paix continuelle en cette vie, et qu'il remporte avec tout son peuple cette victoire qui assure le royaume des cieux.) Par le même Jésus-Christ notre Seigneur votre Fils, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous, en l'unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles, R/. Amen.

 

 

 

 

 

 

Le Diacre ayant terminé cette prière, se dépouille de la dalmatique blanche, et après avoir revêtu la couleur violette, revient auprès du Pontife. Alors commencent les lectures puisées dans les livres de l'Ancien Testament, et qui doivent occuper l'attention des fidèles durant une partie de cette nuit.

 

LES LECTURES.

 

Le flambeau de la résurrection répand maintenant sa lumière du haut de l'ambon par toute l'église, et son éclat réjouit saintement le cœur des fidèles. Après cet imposant prélude d'une scène qui s'annonce avec tant de grandeur, tout l'intérêt se réunit désormais sur les heureux catéchumènes dont nous suivons, depuis quarante jours, l'instruction et le progrès dans la foi et les bonnes œuvres. Ils sont en ce moment rassemblés sous le portique extérieur de l'Eglise.  Des prêtres accomplissent

 

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sur eux les rites préparatoires au baptême qui ont été institués par les Apôtres, et sont remplis d'un sens si profond. D'abord les prêtres tracent sur le front de chacun d'eux le signe de la croix ; puis, imposant la main sur sa tête, ils adjurent Satan de sortir de cette âme et de ce corps, et de céder la place au Christ. A l'exemple du Sauveur, ils touchent de leur salive les oreilles et les narines du néophyte, en disant aux oreilles: « Ouvrez-vous;» aux narines: « Respirez la douceur des parfums. » Le néophyte reçoit ensuite l'onction de l'Huile des Catéchumènes sur la poitrine et entre les épaules; mais avant cette cérémonie, qui doit le désigner déjà comme l'athlète de Dieu, le prêtre l'a fait renoncer à Satan , à ses pompes et à ses oeuvres.

Ces rites s'accomplissent d'abord sur les hommes, ensuite sur les femmes. Les enfants des fidèles, quoique en bas âge, sont admis à leur rang, selon leur sexe; et si, parmi les catéchumènes, il en est qui soient atteints de maladie, et cependant aient voulu se faire porter à l'église pour recevoir, en cette nuit, la grâce de la régénération, les prêtres prononcent sur eux une touchante Oraison, dans laquelle on demande à Dieu qu'il daigne les secourir et confondre la malice de Satan.

Cet ensemble de rites, qui se nomme la Catéchization, exige un long temps, à raison du grand nombre des aspirants au baptême. C'est pour cette raison que l'Evêque s'est rendu à l'église dès l'heure de None et que l'on a commencé si tôt la grande Veille. Afin de tenir attentive toute l'assemblée, durant les heures nécessaires à l'accomplissement de tous les rites, on lit du haut de î'ambon les passages des Ecritures les plus 

 

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analogues à cette solennelle circonstance. Cet ensemble de lectures complète le cours d'instruction dont nous avons suivi le développement, durant tout le Carême.

Les Leçons qui doivent être lues s'élèvent jusqu'au nombre de douze; et dans l'Eglise de Rome, où on les lit successivement en latin et en grec, leur nombre équivaut à vingt-quatre. Afin de ranimer l'attention et de résumer la doctrine et les sentiments des Prophètes, une Oraison vient après chaque Leçon servir d'expression aux vœux de la sainte Eglise.  De temps en temps, des Cantiques empruntés à l'Ancien Testament et amenés par les lectures elles-mêmes, réunissent toutes  les voix sur le mode touchant et mélodieux des Traits. Les aspirants au baptême sur lesquels les rites de la Catéchization sont accomplis,  ont la liberté d'entrer dans  l'église, et d'y occuper leur place ordinaire. Ils  achèvent  de se  préparer au bain sacré, en écoutant les Lectures, et en s'unissant aux Prières. Toutefois l'ensemble de la fonction présente encore un aspect de gravité austère : on sent que l'heure désirée n'a pas sonné  encore. De fréquentes  génuflexions, la  couleur sombre des parements sacrés continuent de faire contraste avec la splendeur du Cierge mystérieux, qui répand silencieusement sa lumière sur l'assemblée sainte, encore émue des accents de triomphe que le Diacre a fait retentir, et avide de voir arriver l'heure    le  Christ va ressusciter dans ses néophytes.

 

PREMIÈRE PROPHÉTIE. Genèse. Chap. I.

 

Cette première lecture retrace le récit de la création, l'Esprit de Dieu porté sur les eaux,  la lumière séparée des ténèbres, l’homme crée à l’image de Dieu. L'œuvre de Dieu avait été troublée et déformée par la malice de Satan. Le moment est venu où elle va revivre dans toute sa beauté. L'Esprit-Saint se prépare à opérer la régénération par les eaux, le Christ-Lumière va sortir des ombres du tombeau, et la ressemblance de Dieu reparaître en l'homme purifié par le sang de son Rédempteur , nouvel Adam descendu du ciel, pour rétablir dans ses droits l'ancien qui avait été formé de la terre.

 

 

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et nue, et les ténèbres couvraient la face de l'abîme ; et l'Esprit de Dieu était porte sur les eaux. Et Dieu dit : Que la lumière soit ; et la lumière fut. Et Dieu vit que la lumière était bonne, et il sépara la lumière d'avec les ténèbres. Il donna à la lumière le nom de Jour, et aux ténèbres le nom de Nuit ; et du soir et du matin se fit le premier jour.

 

Dieu dit aussi : Que le firmament soit au milieu des eaux, et qu'il sépare les eaux d"avec les eaux. Et Dieu fit le firmament : et il sépara les eaux qui étaient sous le firmament de celles qui étaient au-dessus du firmament. Et cela se fit ainsi. Et Dieu donna au firmament le nom de Ciel ; et du soir et du matin se fit le second jour. Dieu dit encore : Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu, et que l'élément aride paraisse. Et cela se fit ainsi. Dieu donna à l'élément aride le nom de Terre ; et il appela Mer les eaux assemblées. Et Dieu vit que cela était bon. Et il dit : Que la terre produise l'herbe verte qui porte de la graine, et les arbres fruitiers  qui produisent du fruit, selon eur espèce, et qui renferment leur semence en eux-mêmes, pour se reproduire sur la terre. Et cela se fit ainsi. Et la terre produisit l'herbe verte qui portait la graine selon son espèce, et es arbres fruitiers qui renfermaient leur semence en eux-mêmes, chacun selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. Et du soir et du matin se fit le troisième jour.

 

Dieu dit aussi : Que des corps lumineux soient dans le firmament du ciel; qu'ils séparent le jour d'avec la nuit ; et qu'ils servent de signes pour marquer les temps et les saisons, les jours et les années ; qu'ils luisent au firmament du ciel, et qu'ils éclairent la terre. Et cela se fit ainsi. Dieu fit donc deux grands corps lumineux : l'un plus grand, our présider au jour, et autre moindre, pour présider à la  nuit. Il fit aussi les étoiles, et il les plaça dans le firmament du ciel, pour luire sur la terre, présider au jour et à la nuit, et séparer la lumière des ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. Et du soir et du matin se fit le quatrième jour.

 

Dieu dit encore : Que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans l'eau, et des oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du ciel. Et Dieu créa les grands poissons, et tous les animaux qui ont vie et mouvement, que les eaux produisirent chacun selon son espèce. Il créa aussi tous les oiseaux selon leur espèce. Et Dieu vit que cela était bon. Et il les bénit, en disant : Croissez et multipliez-vous , et remplissez les eaux de la mer; et que les oiseaux se multiplient sur la terre. Et du soir et du matin se rit le cinquième jour.

 

Dieu dit aussi : Que la teire produise des animaux vivants, chacun selon son espèce; les animaux domestiques , les reptiles et les bètes de la terre, selon leurs espèces. Et cela se fit ainsi. Dieu fit donc les bêtes de la terre selon leurs espèces, les animaux domestiques et tous les reptiles , chacun selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon. Il dit ensuite : Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance ; et qu'il commande aux poissons de la mer. aux oiseaux du ciel, aux bètes. à toute la terre, et à tous les reptiles qui se remuent sur la terre.

 

Et Dieu créa l'homme à son image ; il le créa à l'image de Dieu ; il les créa mâle et femelle. Et Dieu les bénit et leur dit : Croissez et multipliez-vous; remplissez la terre et vous l'assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui se remuent sur la terre. Dieu dit encore : Voici que je vous ai donné toutes les herbes qui portent leur graine sur la terre, et tous les arbres qui portent en eux-mêmes leur semence, chacun selon son espèce ; afin qu'ils vous servent de nourriture, et à tous les animaux de la terre, à tous les oiseaux du ciel, et à tous les êtres qui ont mouvement et vie sur la terre ; afin qu'ils aient de quoi se nourrir. Et cela se fit ainsi. Et Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites; et elles étaient très bonnes. Et du soir et du matin se fit le sixième jour.

 

Le ciel et la terre furent donc ainsi achevés avec toute leur parure. Et le septième jour Dieu accomplit  tout  l'ouvrage  qu'il avait fait ; et il se reposa le septième jour, après avoir achevé son œuvre tout entière.

 

Après la lecture, l'Evêque dit:

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre s'adressant à l'assemblée:

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Puis le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

L'Evêque dit alors cette Oraison:

 

O Dieu, qui avez créé l'homme d'une manière admirable, et l'avez racheté d'une façon plus admirable encore; donnez-nous, s'il vous plaît, de résister par la vigilance de l'esprit aux attraits du péché,afin que nous méritions d'arriver aux joies éternelles. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

 DEUXIEME  PROPHÉTIE. Genèse. Chap. V.

 

Le récit du déluge fait l'objet de la deuxième lecture. Nous y voyons Dieu faisant servir à sa justice les eaux qui, par Jésus-Christ, vont devenir l'instrument de sa miséricorde; l'arche, figure de l'Eglise, asile de salut pour ceux qui ne veulent pas périr sous les flots vengeurs ; le genre humain se régénérant par une seule famille qui représentait les disciples du Christ, d'abord faibles en nombre, et bientôt répandus par toute la terre.

 

Noé, ayant atteint l'âge de cinq cents ans, engendra Sem, Cham et Japhet. Les hommes avant commencé à so multiplier sur la terre, et ayant engendré des filles, les enfants de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles et prirent pour femmes celles d'entre elles qui leur avaient plu. Et Dieu dit : Mon esprit ne demeurera pas pour toujours dans l'homme ; car l'homme n'est que chair ; le temps de sa vie ne sera plus que de cent vingt ans.

Or il y avait des géants sur la terre en ce temps-la : car depuis que les enfants de Dieu avaient eu commerce avec les filles des hommes, il en était sorti des enfants qui furent des hommes puissants et fameux dans le siècle. Mais Dieu voyant que la malice des hommes était extrême sur la terre, et que toutes les pensées de leurs cœurs se tournaient continuellement vers le mal, il se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre. Et étant touché de douleur jusqu'au fond du cœur, il dit : J'exterminerai de dessus la terre l'homme que j'ai créé ; je les détruirai tous, depuis l'homme jusqu'aux animaux, depuis ceux qui rampent sur la terre jusqu'aux oiseaux du ciel ; car je me repens de les avoir faits.

Mais Noé trouva grâce devant le  Seigneur. Voici la postérité de Noé : Noé, l'homme juste et parfait, au milieu des hommes de son temps, marcha avec Dieu ; et il engendra trois fils, Sem, Cham et Japhet. Or la terre était corrompue devant Dieu, et remplie d'iniquité. Dieu voyant donc cette corruption de la terre (car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre), dit à Noé . J'ai résolu de faire périr tous les hommes ; ils ont rempli la terre d'iniquité, et je les exterminerai avec la terre. Fais-toi donc une arche de pièces de bois aplanies. Tu feras de petites demeures dans cette arche, et tu l'enduiras de bitume au dedans et au dehors. Voici la forme que tu lui donneras: Sa longueur sera de trois cents coudées, sa largeur de cinquante, et sa hauteur de trente. Tu feras à cette arche une fenêtre. Le comble qui la couvrira sera haut d’une coudée; ta établiras la porte de cette arche sur un de ses flancs ; tu feras un étage en bas, un au milieu, et un troisième. Voici que je vais amener les eaux du déluge sur la terre, pour faire périr toute chair qui respire et qui vit sous le ciel Tout ce qui est sur la terre sera détruit. J'établirai mon alliance avec toi, et tu entreras dans l'arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi. Tu feras  aussi entrer dans l'arche deux de chaque espèce de tous les animaux , mâle et femelle, afin qu'ils vivent avec vous. De chaque espèce des oiseaux tu en prendras deux; et deux de chaque espèce des animaux terrestres; deux de chaque espèce de ceux qui rampent sur la terre. Deux de toute espèce rentreront avec toi, afin qu'ils puissent se conserver. Tu prendras donc avec toi de tout ce qui se peut manger, et tu le porteras avec toi; et ce sera pour ta nourriture et pour la leur. Noé accomplit tout ce que Dieu  lui  avait  commandé.

Il avait six cents ans. lorsque les eaux du déluge inondèrent la terre. Les sources du grand abîme des eaux furent rompues, et les cataractes du ciel furent ouvertes; et la pluie tomba sur la terre durant quarante jours et quarante nuits. Le jour marqué étant arrivé, Noé entra dans l'arche avec ses fils, Sem, Cham, Japhet, sa femme, et les trois femmes de ses fils. Tous les animaux sauvages, selon leur espèce, entrèrent aussi avec eux; tous les animaux domestiques selon leur espèce; tout ce qui se meut sur la terre selon son espèce; tous les volatiles. Or l'arche était portée sur les eaux. Et les eaux s'élevèrent beaucoup au-dessus de la terre; toutes les montagnes les plus élevées qui sont sous le ciel en furent couvertes. L'eau monta à quinze coudées au-dessus des montagnes qu'elle couvrait. Toute chair qui avait mouvement sur la terre fut anéantie, les oiseaux, les animaux, les bêtes et tout ce qui rampait sur la terre. Il ne demeura que Noé seul et ceux qui étaient avec lui dans l'arche. Et les eaux couvrirent la terre durant cent cinquante jours.

Mais Dieu s'étant souvenu de Noé, de tous les animaux et de toutes les bêtes qui étaient avec lui dans l'arche, fit souffler un vent sur la terre, et les eaux commencèrent à diminuer. Les sources de l'abîme et les cataractes du ciel furent fermées, et les pluies qui tombaient du ciel s'arrêtèrent. Les eaux allant et revenant se retirèrent de dessus la terre ; ce fut après cent cinquante jours qu'elles commencèrent à diminuer. Quarante jours s'étant encore écoulés, Noé ouvrit la fenêtre qu'il avait faite, et lâcha le corbeau, qui étant sorti ne revint plus, jusqu'à ce que les eaux se fussent desséchées sur la terre.  Il  envoya aussi la colombe après le corbeau, pour voir si les eaux avaient disparu de la surface de la terre. Mais la colombe n'ayant pas trouvé où reposer son pied, parce que les eaux étaient encore sur toute la terre, elle revint à lui dans l'arche ; et Noé étendant la main, la prit et la remit dans l'arche. Il attendit encore sept autres jours, et envoya de nouveau la colombe hors de l'arche. Elle revint à lui vers le soir, portant en son bec un rameau d'olivier, dont les feuilles étaient verdoyantes. Noé reconnut alors que les eaux s'étaient retirées de dessus la terre. Il attendit néanmoins sept autres jours , après lesquels il envoya la colombe, qui ne revint plus à lui. Alors Dieu parla à Noé et lui dit : Sors de l'arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils. Fais-en sortir aussi tous les animaux oui sont avec toi, de toutes les espèces, tant des oiseaux que des bêtes, et de tout ce qui rampe sur la terre ; rentrez sur la terre ; croissez-y et multipliez.

Noé sortit donc avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils. Toutes les bêtes sauvages sortirent aussi de l'arche, les animaux domestiques et tout ce qui rampe sur la terre, chacun selon son espèce. Noé éleva un autel au Seigneur jet prenant de tous les animaux et de tous les oiseaux purs, il offrit un holocauste sur cet autel. Et le Seigneur reçut ce sacrifice comme une offrande d'agréable odeur.

 

Après la lecture, l'Evêque dit:

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre s'adressant à l'assemblée:

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Puis le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

L'Evêque dit alors cette Oraison:

 

O Dieu, puissance invariable et lumière éternelle, jetez un regard favorable sur les merveilles de votre Eglise, et daignez opérer le salut du genre humain par l'effet de votre éternelle résolution ; en sorte que le monde entier éprouve et voie que ce qui était abattu est relevé, que ce qui était envieilli est renouvelé, et que tout est rétabli dans son intégrité première par celui qui est le commencement de tout : notre Seigneur Jésus-Christ votre Fils. Amen.

 

TROISIÈME  PROPHÉTIE. Genèse. Chap.  XXII.

 

La foi ferme et courageuse d'Abraham, Père des croyants, est offerte ici pour modèle à nos catéchumènes. Ils y reçoivent une leçon sur la dépendance dans laquelle l'homme doit vivre à  l’égard de Dieu, et sur la fidélité qu'il doit lui garder. L'obéissance d'Isaac retrace celle dont le Fils de Dieu vient de nous donner le gage dans le sacrifice du Calvaire. Le bois porté sur les épaules du fils d'Abraham jusque sur la montagne, rappelle le souvenir de la croix.

 

En ces jours-là, Dieu tenta Abraham et lui dit : Abraham ! Abraham ! Il répondit : Me voici. Dieu lui dit: Prends Isaac, ton fils unique, que tu aimes, et va dans la terre de vision ; et là tu me l'offriras en holocauste sur une des montagnes que je te montrerai. Abraham se leva donc de nuit, prépara son âne, et prit avec lui deux jeunes serviteurs et son fils Isaac. Et ayant coupé le bois pour l'holocauste, il s'en lieu que Dieu lui avait désigné. Le troisième jour , ayant levé les yeux, il aperçut de loin ce lieu. Et il dit à ses serviteurs : Attendez ici avec l'âne ; nous ne ferons qu'aller jusque-là, moi et l'enfant ; et après avoir adoré, nous reviendrons à vous. Il prit aussi le bois pour l'holocauste, et le mit sur son fils Isaac; lui, portait en ses mains le feu et le glaive. Et comme ils marchaient tous deux ensemble, Isaac dit à son père : Mon père? Abraham répondit : Que veux-tu, mon fils? Isaac dit : Voici le feu et le bois : où est la victime pour l'holocauste ? Abraham dit :

Dieu pourvoira lui-même à la victime pour l'holocauste, mon fils.

Ils continuèrent donc à marcher ensemble , et vinrent au lieu que Dieu avait montre a Abraham. Celui-ci y dressa un autel, et déposa sur cet autel le bois; et ayant lié son fils Isaac, il le plaça sur le bois qu'il avait arrangé sur l'autel. Il étendit ensuite la main et prit le glaive pour immoler son fils. Mais voici que l'Ange du Seigneur lui cria du ciel : Abraham! Abraham ! Il répondit : Me voici. L'Ange lui dit : Ne mets pas la main sur l'enfant, et ne lui fais aucun mal. Je connais maintenant que tu crains Dieu, puisque, pour m'obéir, tu n'as pas épargné ton fils unique. Abraham , levant les yeux, aperçut derrière lui un bélier qui s'était embarrassé avec ses cornes dans un buisson; et l'ayant pris, il l'offrit en holocauste en place de son fils. Et il appela ce lieu d'un nom qui signifie : Le Seigneur voit. C'est pourquoi on dit encore aujourd'hui : Le Seigneur verra sur la montagne.

L'Ange du Seigneur appela Abraham du ciel une seconde fois, et lui dit : Je jure par moi-même, dit le Seigneur ; parce que tu as fait cette action, et que, pour m'obéir, tu n'as pas épargné ton fils unique, je te bénirai, et je multiplierai ta race comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer. Ta postérité possédera les villes de ses ennemis, et toutes les nations de la terre seront bénies en celui qui sortira de toi ; parce que tu as obéi à ma voix. Abraham revint ensuite vers ses serviteurs, et ils s'en retournèrent ensemble à Bersabée, où il demeura.

 

Après la lecture, l'Evêque dit:

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre s'adressant à l'assemblée:

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Puis le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

L'Evêque dit alors cette Oraison:

 

O Dieu , souverain Père des fidèles, qui, répandant par toute fa terre la grâce de l'adoption, y multipliez les enfants de la promesse ; et qui, par le sacrement conféré dans la Pâque, rendez père des nations, selon votre serment, Abraham votre serviteur : accordez à vos peuples d'entrer dignement dans la grâce de votre appel. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

QUATRIÈME  PROPHÉTIE. Exode. Chap. XIV.

 

C'est ici le grand symbole du Baptême. Le peuple de Dieu, échappé au dur esclavage de Pharaon, trouve son salut dans les eaux, tandis que l'Egyptien y est englouti. Les catéchumènes, après avoir traverse la fontaine baptismale, vont en sortir affranchis de la servitude de Satan, laissant leurs péchés submergés pour jamais dans les eaux qui sont devenues leur salut.

 

En ces jours-là, lorsque la vigile du matin fut venue, le Seigneur avant regarde le camp des Égyptiens au travers de la colonne de l'eu et de nuée, fit périr une grande partie de leur armée. Il renversa les roues des chariots, et ils furent entraînés au fond de la mer. Les Egyptiens se dirent alors : Fuyons Israël ; car le Seigneur combat pour eux contre nous. Et le Seigneur dit à Moïse : Etends la main sur la mer, afin que les eaux retournent sur les Egyptiens, sur leurs chariots, et sur leur cavalerie. Moïse étendit donc la main sur la mer; et dès le point du jour elle retourna au même lieu où elle était auparavant ; et lorsque les Egyptiens voulaient s'enfuir, les eaux vinrent au-devant d'eux, et le Seigneur les enveloppa au milieu des flots. Les eaux étant retournées de la sorte, couvrirent les chariots et la cavalerie de l'armée entière de Pharaon , qui étaient entrés dans la mer à la suite d'Israël ; et il n'en échappa pas un seul. Mais les enfants d'Israël passèrent à pied sec au milieu de la mer, ayant les eaux à droite et à gauche comme un mur. Et le Seigneur délivra en ce jour-là Israël de la main des Egyptiens. Et ils virent les cadavres des Egyptiens sur le rivage de la mer, et les effets de la main puissante que le Seigneur avait étendue contre eux. Et le peuple craignit le Seigneur, et ils crurent au Seigneur et à Moïse son serviteur. Alors Moïse et les enfants d'Israël chantèrent ce cantique au Seigneur, et dirent :

 

Après cette lecture, la sainte Eglise entonne le Cantique de Moïse, qui fut chanté sur les bords de la mer Rouge, par sa sœur Marie, assistée du chœur des jeunes filles d'Israël, à la vue des cadavres flottants des Egyptiens.

 

TRAIT.

 

Chantons au Seigneur, car il a fait éclater sa grandeur ; il a précipité dans a mer le cheval et le cavalier; il s'est fait mon appui et mon protecteur, pour me sauver.

 

V/. Il est mon Dieu, et je publierai sa gloire; le Dieu démon père, et je l'exalterai.

V/. Le Seigneur a détruit la guerre : son nom est Jéhovah.

 

 

L'Evêque : Prions.

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre s'adressant à l'assemblée:

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Puis le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

O Dieu, qui nous faites revoir de nos jours vos antiques merveilles , en opérant pour le salut de toutes les nations, par l’eau de la régénération, ce que vous opérâtes autrefois par la puissance de votre bras, en délivrant un seul peuple de la persécution des Egyptiens ; faites que le monde tout entier parvienne à la dignité des enfants d'Abraham et aux honneurs du peuple d'Israël. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

CINQUIEME PROPHÉTIE. Isaïe. Chap.  LIV.

 

Le plus sublime des Prophètes, Isaïe, invite nos catéchumènes à s'approcher des eaux, pour y étancher leur soif; il les engage à venir apaiser leur faim par le mets le plus délicieux ; il vante l'héritage que le Seigneur leur a préparé, et rassure leur pauvreté, en promettant que le Dieu souverainement riche les comblera gratuitement de tous ses biens.

 

 

Voici l'héritage des serviteurs du Seigneur ; voici la justice qu'ils doivent attendre de moi, dit le Seigneur. Vous tous qui avez soif, approchez-vous des eaux ; et vous qui n'avez  point d'argent,  hâtez-vous, achetez et mangez. Venez, achetez sans argent, et sans aucun échange, le vin et le lait. Pourquoi employez-vous votre argent à ce qui ne peut vous nourrir, et votre travail à ce qui ne peut vous rassasier? Ecoutez-moi avec attention ; nourrissez-vous de ce qui est bon ; et votre âme qui en sera engraissée s'en délectera. Inclinez votre oreille, et venez à moi; écoutez, et votre âme vivra; et je ferai avec vous une alliance éternelle, selon la miséricorde que j'ai promise à David. Voilà celui que j'ai donné aux peuples pour témoin, aux nations pour chef et pour maître. Tu appelleras a toi une nation que tu ne connaissais pas ; et les peuples à qui tu étais inconnu accourront vers toi, à cause du Seigneur ton Dieu, et du Saint d'Israël qui t'a glorifié. Cherchez le Seigneur pendant qu'on peut le trouver : invoquez-le, pendant qu'il est proche. Que l'impie quitte sa voie, et l'injuste ses pensées, et qu'il retourne au Seigneur ; et il lui fera miséricorde : qu'il retourne à notre Dieu, parce qu'il est plein de bonté pour pardonner Car mes pensées ne sont point vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, dit le Seigneur. Mais autant les deux sont élevés au-dessus de la terre;  autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, mes pensées au-dessus de vos pensées. Et comme la pluie et la neige descendent du ciel et n'y retournent plus, mais abreuvent la terre, la rendent féconde, la font germer, et font produire la semence pour semer, et le pain pour s'en nourrir : ainsi ma parole qui sort de ma bouche, ne retournera point à moi sans fruit ; mais elle fera tout ce que je veux, et produira l'effet pour lequel je l'ai envoyée, dit le Seigneur tout-puissant.

 

L'Evêque :

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre s'adressant à l'assemblée:

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Puis le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

L'Evêque dit alors cette Oraison:

 

Dieu tout-puissant et éternel, multipliez, pour la gloire de votre nom, cette postérité que vous avez promise à la loi de nos pères; et par une adoption sainte, augmentez le nombre des enfants de la promesse ; afin que votre Eglise connaisse que vous avez déjà accompli au milieu d'elle, en grande partie, ce que les premiers saints ont connu devoir arriver. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

SIXIÈME  PROPHÉTIE. Baruch. Chap.  III.

 

Dans ce beau passage du prophète Baruch, Dieu rappelle à nos élus du saint Baptême leurs égarements passés qui les rendaient indignes du pardon ; mais, dans sa miséricorde toute gratuite, il a daigné répandre sur eux sa divine Sagesse, et ils sont venus à lui. Le Seigneur leur parle ensuite de tous ces hommes de la gentilité, riches, puissants et industrieux, qui ont laissé leur nom dans les annales de la terre. Ils ont péri, et leur sagesse mondaine avec eux. Le peuple nouveau que le Seigneur se forme aujourd'hui ne s'égarera pas ainsi. Il aura la vraie Sagesse en partage. Dieu avait autrefois parlé mystérieusement à Jacob; mais cette parole ne parvint pas à tous les hommes : aujourd'hui il est venu en personne sur la terre ; il a habité avec nous ; voilà pourquoi le peuple qu'il se crée aujourd'hui lui demeurera fidèle.

 

Ecoute, Israël, les ordonnances de vie : prête l'oreille pour apprendre la Sagesse. D'où vient, ô Israël. que tu es présentement dans le pays de tes ennemis; que tu vieillis dans une terre étrangère ; que tu te souilles avec les morts ; que tu es regardé comme ceux qui sont descendus dans le tombeau ? C'est que tu as abandonné la source de la Sagesse. Car si tu eusses marché dans la voie de Dieu, tu serais resté dans une paix éternelle. Apprends où est la prudence, où est la force ; afin que tu saches en même temps où est la stabilité de la vie, la vraie nourriture, la lumière des yeux et la paix.

 

Qui a découvert le lieu où réside la Sagesse? qui a pénétré dans ses trésors r Où sont maintenant ces princes des nations qui dominaient sur les bêtes delà terre, qui se jouaient des oiseaux du ciel ; qui amassaient en trésors 1 argent et l'or,  dans lequel les  hommes  placent leur  confiance,  et  qu'ils cherchent sans cesse à acquérir; qui  mettaient l'argent en œuvre avec un soin extrême, et en faisaient  des ouvrages rares ? Ils sont été exterminés ; ils ont descendus dans la tombe, et d'autres se sont  élevés à  leur place. Ils étaient jeunes et environnés de splendeur : ils ont été les maîtres de la terre; mais ils ont ignoré la voie de la vraie science, et n'en ont point compris les sentiers. Leurs enfants ne l'ont point reçue, et ils se sont écartés bien loin d'elle. On  n'en  a  point entendu parler dans la terre de Chanaan ; et elle n'a point été vue dans Theman. Les  enfants d'Agar qui recherchent une prudence terrestre,  les négociateurs de Merrha et de Theman, ces conteurs de fables et  ces inventeurs de prudence et  d'intelligence, ont ignoré la voie de la vraie Sagesse, et n'ont pu en découvrir les sentiers.

 

O Israël, qu'elle est grande, la maison de Dieu! et qu'il est vaste le lieu de sa possession! Il est grand et n'a point de bornes : il est élevé, il est immense. C'est là qu'ont habité ces géants célèbres qui furent au commencement : hommes de si haute stature, qui savaient la guerre. Ce n est pas eux cependant que le Seigneur a choisis : ils n'ont point trouvé la voie de la Sagesse ; et c'est pour cela qu'ils se sont perdus : et comme ils n'ont point eu la Sagesse, leur propre folie les a précipités dans la mort. Qui est monté au ciel pour y aller prendre la Sagesse ? Quel est l'homme qui l'a fait descendre du haut des nuées : Qui a passé la mer, et l'a trouvée, et l'a  apportée de préférence à l'or le plus pur ? Il n'est personne qui soit capable d'en connaître les voies, ni qui puisse en reconnaître les sentiers. Mais celui qui sait tout la connaît, et il la trouve en lui-même par sa propre science; lui qui a affermi ta terre pour jamais ; qui l'a peuplée de bêtes et d'animaux; qui envoie la lumière, et elle part aussitôt ; qui l'appelle, et elle obéit avec tremblement. Les étoiles répandent leur clarté, chacune à son poste ; et elles sont dans la joie. Il les appelle, et elles disent : Nous voici ! Et elles prennent plaisir à luire pour celui qui les a créées. C'est lui qui est notre Dieu, et nul autre ne peut être comparé avec lui. C'est lui  qui possède toutes les voies de ta science, et qui l'a donnée à Jacob son serviteur, à Israël son bien-aimé. Plus tard, il s'est fait voir sur la terre, et il a vécu avec les hommes.

 

L'Evêque :

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre s'adressant à l'assemblée:

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Puis le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

O Dieu,qui multipliez sans cesse votre Eglise par la vocation des Gentils, daignez accorder votre continuelle assistance à ceux que vous allez purifier dans l'eau du baptême. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

SEPTIÈME PROPHÈTE. Ezéchiel. Chap. XXXVII.

 

Cette lecture a pour objet de proclamer devant les catéchumènes le grand dogme de la résurrection des corps, pour lequel l'esprit superbe et sensuel de la gentilité avait tant de répugnance. C'est le moment de rappeler la promesse que Dieu a daigné nous faire à ce sujet, quand l'heure est proche où le Christ, sortant du tombeau, va nous en montrer en sa personne le gage et l'accomplissement. Nos catéchumènes sont aussi figurés par ces ossements arides que le souffle du Seigneur va faire revivre tout à l'heure ; et qui, par toute la terre, vont lui former, cette nuit même, un grand peuple.

 

 

En ces jours-là, la main du Seigneur fut sur moi, et m'ayant mené dehors par i Esprit du Seigneur, elle me laissa au milieu d'une campagne qui était toute couverte d'ossements, et elle me conduisit tout autour de ces ossements. Il y en avait une tics grande quantité sur la surface de la terre, et ils étaient très secs. Et le Seigneur me dit : Fils de l'homme, penses-tu que ces os puissent revivre ? Et je dis : Seigneur Dieu, vous le savez. Et il me dit : Prophétise sur ces ossements, et dis-leur : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur. Voici ce que dit le Seigneur à ces ossements : Je vais envoyer un esprit en vous, et vous vivrez. Et je mettrai sur vous des nerfs, et j'y formerai de la chair, et j'y étendrai de la peau, et je vous donnerai un esprit, et vous vivrez : et vous saurez que je suis le Seigneur. Je prophétisai donc comme Le Seigneur me l'avait commandé. Et lorsque je prophétisais, un bruit se fit entendre ; il y eut une agitation dans ces ossements, et ils s'approchèrent l'un de l'autre, et chacun s'emboîta dans sa jointure. Et je vis tout à coup se former sur eux des nerfs, et des chairs les couvrirent ; et de la peau s'étendit par-dessus ; mais l'esprit n'y était pas encore.

 

Et le Seigneur me dit : Prophétise à  l'Esprit, fils de l'homme, et dis-lui: Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Esprit , viens des  quatre vents , et souffle  sur  ces morts,  afin qu'ils revivent. Et je prophétisai, comme le Seigneur  me l'avait commandé.  Et  l'Esprit entra dans ces ossements, et ils devinrent vivants ; ils se dressèrent sur leurs pieds, et il s'en forma comme une grande  armée. Et  le  Seigneur  me dit :  Fils de l'homme,  tous ses  ossements sont la maison d'Israël. Ils disent : Nos ossements sont desséchés; notre espérance est perdue, et nous sommes retranchés du nombre des hommes.  Prophétise donc, et  dis-leur: Voici ce que dit le Seigneur Dieu  : Je  vais ouvrir vos tombeaux, et vous faire sortir de vos sépulcres, ô mon peuple !  et je vais vous introduire dans la terre d'Israël. Et vous saurez  que je suis le Seigneur, lorsque j'aurai ouvert vos sépulcres, que je vous aurai tirés de vos tombeaux, ô mon peuple; lorsque  j'aurai répandu mon Esprit en vous, que vous vivrez et goûterez le repos sur la terre qui sera à vous, dit le Seigneur tout-puissant.

 

L'Evêque :

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre :

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

O Dieu, qui par les pages des deux Testaments, nous mettez en état de célébrer dignement le Mystère Pascal, donnez-nous de comprendre les desseins de votre miséricorde ; afin que les grâces que nous recevons en cette vie nous soient un motif d'espérer fermement les biens futurs. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

HUITIÈME PROPHÉTIE. Isaïe. Chap. IV.

 

Les sept femmes délivrées de l'opprobre et purifiées de leurs souillures, représentent ici les âmes des catéchumènes sur lesquelles la miséricorde du Seigneur va descendre. Elles désirent porter le nom de leur libérateur; ce désir sera exaucé. Tous ceux qui remonteront de la fontaine sacrée s'appelleront Chrétiens, nom formé de celui du Christ. Elles se reposeront désormais sur la montagne sainte, à l'abri des orages. Ce séjour de lumière et de rafraîchissement que leur promet le prophète est l'Eglise, où elles habiteront avec l'Epoux céleste.

 

En ce jour-là, sept femmes prendront un homme et lui diront : Nous mangerons notre pain, nous nous vêtirons par nous-mêmes ; agréez seulement que nous portions votre nom, et délivrez-nous de l'opprobre où nous sommes. En ce jour-là  le Germe  du Seigneur sera dans la magnificence et  dans la gloire,  le Fruit de la terre sera élevé en honneur , et ceux qui auront été sauvés de la ruine d'Israël seront comblés de joie. Alors tous ceux qui seront restés dans Sion, et qui seront réservés dans Jérusalem,  seront appelés saints .  tous  ceux  qui ont été écrits dans Jérusalem au  rang des vivants, après que le Seigneur aura purifié les  souillures des  filles de Sion, et qu'il  aura lavé Jérusalem du sang impur qui est au milieu d'elle, en envoyant  l'Esprit  de  justice, l'Esprit qui consume. Et le Seigneur fera naître sur toute la montagne de Sion, et au lieu où il a été invoqué, une nuée obscure  pendant le jour, et l'éclat d'une flamme ardente pendant la nuit; car il protégera de toutes parts le lieu de sa gloire, et son tabernacle sera un ombrage pendant la chaleur du jour, une retraite assurée et un  abri contre l'orage et la pluie.

 

 

Après cette lecture, on chante un Trait emprunté aussi à Isaïe, dans lequel le Prophète célèbre les faveurs que le Christ a prodiguées à son Eglise, qui est sa Vigne chérie, l'objet de son amour et de tous ses soins.

 

TRAIT.

 

 Mon bien-aimé a une vigne sur un lieu élevé et fertile.

 

V/. Il l'a environnée de haies et de fossés ; il y a mis du plant de Sorec, et bâti une tour au milieu.

 

V/. Il y a fait aussi un pressoir. Or la maison d'Israël est la Vigne du Seigneur des armées.

 

L'Evêque :

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre :

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

O Dieu, qui avez déclaré par la bouche de vos saints Prophètes que, dans les enfants de votre Eglise, c'est vous qui semez la bonne semence et qui cultivez le plant choisi, en tous lieux de votre empire; accordez à vos peuples qui sont désignés dans vos Ecritures sous le nom de Vignes et de Moissons, d'arracher par votre secours les ronces et les épines , afin de produire des fruits en abondance. Par Jésus-Christ notre Seigneur, Amen.

 

NEUVIÈME PROPHÉTIE. Exode. Chap.  XII.

 

C'est par le sang de l'Agneau figuratif que le peuple d'Israël a été protégé contre le glaive de l'Ange exterminateur, qu'il a pu sortir de l'Egypte et se mettre en marche vers la terre promise; c'est par le sang de l'Agneau véritable dont ils seront marqués, que nos catéchumènes vont être délivrés des terreurs de la mort éternelle et de la servitude de Satan. Bientôt ils prendront part au festin où Ton mange la chair de cet Agneau divin ; car nous touchons ù la Pâque du Seigneur, et ils doivent la célébrer avec nous.

 

Dans ces jours-là, le Seigneur dit à Moïse et à Aaron dans la terre d'Egypte :Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois. Il sera le premier des mois de l'année. Tariez a toute l'assemblée des  enfants  d'Israël, et dites-leur : Au dixième jour de ce mois, chacun prendra un agneau pour sa famille et pour sa maison. S'il n'y a pas dans sa maison un nombre de personnes suffisant pour manger l'agneau , il en prendra chez son voisin, dont la maison tient à la sienne, autant qu'il en faut pour pouvoir manger l'agneau. Cet agneau sera sans tache, mâle et de l'année : vous pourrez même au défaut prendre un chevreau qui soit dans les mêmes conditions. Vous garderez cet agneau jusqu'au quatorzième jour de ce mois ; et, sur le soir, la multitude des enfants d'Israël l'immolera. Et ils prendront de son sang, et ils en mettront sur les deux poteaux et sur le haut des portes des maisons où ils le mangeront. Cette même nuit, ils en mangeront la chair rôtie au feu, avec des pains sans levain et des laitues sauvages. Vous ne mangerez rien de cet agneau qui soit crû, ou qui ait été cuit dans l'eau ; mais il sera seulement rôti au feu. Vous en mangerez la tète avec les pieds et les intestins; et il n'en devra plus rien rester povr le matin suivant. S'il en restait quelque chose, vous aurez soin de le consumer par le feu. Voici en quelle tenue vous le mangerez : vous ceindrez vos reins, vous aurez des souliers aux pieds et un bâton à la main, et vous mangerez à la hâte. Car c'est la Pâque, c'est-à-dire le Pas du Seigneur.

 

L'Evêque :

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre :

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

Dieu tout-puissant et éternel, qui vous montrez admirable dans la disposition de toutes vos œuvres: faites comprendre à ceux que vous avez rachetés, que la création du monde qui a eu lieu au commencement n'est pas une plus grande merveille que l’immolation du Christ, notre Pâque, qui a signalé la dernière partie des temps. Lui qui vit et règne avec vous dans les siècles des siècles. Amen.

 

 

DIXIÈME PROPHÉTIE. Jonas. Chap. III.

 

Ninive est la gentilité couverte de crimes et aveuglée par toutes les erreurs. Dieu a eu pitié d'elle et lui a envoyé les Apôtres au nom de son Fils. A leur voix, elle a abjuré son idolâtrie et ses vices, elle a fait pénitence ; et le Seigneur s'est mis à choisir ses élus dans le sein même de cette cité abandonnée. Nos catéchumènes étaient  enfants  de Ninive; et bientôt ils vont être comptés au nombre des enfants de Jérusalem. La grâce du Seigneur et les œuvres de leur pénitence ont prépare cette merveilleuse adoption.

 

En ces jours-là , le Seigneur parla une seconde fois au prophète Jonas, et lui dit : Lève-toi, va dans la grande ville de Ninive, et y prêche ce que je t'ordonne de leur dire. Et Jonas se leva, et il alla à Ninive, selon l'ordre du Seigneur. Et Ninive était une grande ville qui avait trois journées de chemin. Et Jonas étant entré dans la ville, marcha pendant une journée, et ensuite il cria en disant : Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. Et les Ninivites crurent en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne public, et se couvrirent de sacs , depuis le plus grand jusqu'au plus petit. La chose ayant été rapportée au roi de Ninive, il se leva de son trône, dépouilla ses habits  royaux, se revêtit d'un sac, et s'assit sur la cendre. Ensuite il fit crier partout et publier dans Ninive cet ordre de la bouche du roi et de ses grands : Que les hommes et les bêtes, les bœufs et les brebis ne mangent rien; qu'on ne les mène point au pâturage, et qu'ils ne boivent point d'eau; que les hommes et les bêtes se couvrent de sacs et qu'ils crient au Seigneur de toute leur force ; que l'homme se retire de sa mauvaise voie, et de l'iniquité dont ses mains sont souillées. Qui sait si Dieu ne se retournera pas vers nous, pour nous pardonner, et s'il ne reviendra pas de la fureur de sa colère, en sorte que nous ne périssions pas? Et Dieu considéra leurs œuvres : il vit qu'ils s'étaient convertis de leur voie mauvaise; et le Seigneur notre Dieu eut pitié de son peuple.

 

L'Evêque :

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre :

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

O Dieu,qui avez réuni tant de nations diverses dans la confession de votre nom, donnez-nous la volonté et le pouvoir de faire ce que vous commandez ; afin que, au sein de votre peuple qui est appelé à la gloire éternelle, tous soient unis par une même foi et par la même sainteté dans les œuvres. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

ONZIEME PROPHETIE. Deutéronome. Chap. XXXI.

 

La sainte Eglise, par la lecture de ce passage de Moïse, avertit les catéchumènes de la grandeur des obligations qu'ils sont près de contracter avec Dieu. La grâce de régénération va leur être conférée sur la promesse solennelle qu'ils feront de renoncer à Satan, l'ennemi de Dieu. Qu'ils se montrent fidèles à cette promesse,et qu'ils n'oublient jamais que Dieu est le vengeur de la foi violée.

 

En ces jours-là, Moïse écrivit un Cantique, et l'apprit aux enfants d'Israël. Et le Seigneur donna ses ordres à Josué fils de Nun, et lui dit : Sois ferme et courageux ; car c'est toi qui introduiras les enfants d'Israël dans la terre que je leur ai promise, et je serai avec toi. Après donc que Moïse eut achevé d'écrire dans le livre les paroles de cette loi, il commanda aux Lévites qui portaient l'Arche de l'Alliance du Seigneur, et leur dit : Prenez ce livre et mettez-le à côté de l'Arche de l'Alliance du Seigneur votre Dieu ; afin qu'il y soit un témoignage contre toi, peuple d'Israël. Car je suis quelle est ton obstination, et combien ta tête est dure. Pendant tout le temps que j'ai vécu et que j'ai été parmi vous, vous avez toujours disputé et murmuré contre le Seigneur ; combien plus le ferez-vous lorsque je serai mort?Assemblez devant moi tous les anciens de vos tribus et les docteurs , et je prononcerai devant eux les paroles de ce Cantique, et j'appellerai contre eux en témoignage le ciel et la terre. Car je sais qu'après ma mort, vous agirez mal, et que vous vous écarterez promptement de la voie que je vous ai prescrite ; et à la tin, des malheurs fondront sur vous, lorsque vous aurez fait le mal devant le Seigneur, en l'irritant par vus œuvres coupables. Moïse prononça donc les paroles de ce Cantique, et le récita jusqu'à la tin devant toute l'assemblée d'Israël.

 

 

Après cette lecture, on entonne les premières strophes du sublime Cantique que Moïse récita en présence d'Israël, avant de quitter la terre; et dans lequel il exprime avec tant de vigueur les châtiments que Dieu exerce sur ceux qui ont osé rompre l'alliance qu'il avait daigné contracter avec eux.

 

TRAIT.

 

Ciel, écoute mes paroles; terre, entends ce que je vais dire.

V/. Que mon discours soit attendu comme la pluie par les campagnes ; que mes paroles descendent comme la rosée.

V/. Comme l'eau sur le gazon, et comme la neige sur l'herbe des champs; car je vais célébrer le Nom du Seigneur.

V/. Rendez hommage à la grandeur de notre Dieu; il est le Dieu de vérité ; ses œuvres et toutes ses voies sont la justice.

V/. Dieu est fidèle; en lui, point d'injustice ; le Seigneur est juste et saint.

 

L'Evêque :

 

OREMUS

PRIONS.

 

Le Diacre :

 

Flectamus genua.

Fléchissons les genoux.

 

Le Sous-Diacre:

 

Levate.

Levez-vous.

 

O Dieu qui êtes la grandeur des humbles et la force des justes; vous qui, par Moïse votre saint serviteur, avez voulu instruire votre peuple dans ce sacré Cantique, qui est tout à la fois une répétition de votre loi et une instruction pour nous : faites éclater votre puissance sur toutes les nations que vous avez sanctifiées par vos mystères ; apaisez les craintes, répandez la joie: afin que les péchés étant effacés par votre miséricorde, la menace de vos vengeances se transforme en une assurance de salut. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

DOUZIÈME PROPHÉTIE. Daniel. Chap. III.

 

Une dernière instruction est offerte à nos catéchumènes, avant qu'ils descendent à la fontaine du salut. Il faut qu'ils sachent à quoi ils s'engagent en donnant leurs noms à la milice du Christ. Peut-être un jour seront-ils appelés à confesser leur Dieu devant les puissances de la terre. Sont-ils résolus à souffrir les tourments, à mourir plutôt que de trahir sa cause? N'y a-t-il pas eu, plus d'une fois, des apostats dans les rangs de ceux dont le baptême avait le plus réjoui l'Eglise? Il leur est donc nécessaire de connaître les épreuves qui peuvent les attendre La sainte Eglise va relire en leur présence l'histoire des trois jeunes Juifs qui, plutôt que d'adorer la statue du roi de Babylone, préférèrent se laisser jeter dans une fournaise ardente. Depuis la publication de la loi chrétienne, des millions de martyrs ont imité leur exemple. A chaque pas, dans les Catacombes romaines, des peintures retracent l'image de ces trois héros du vrai Dieu. La paix a été rendue à l'Eglise ; mais le monde est toujours l'ennemi de Jésus-Christ, et qui sait si Julien l'Apostat ne doit pas succéder à Constantin?

 

En ces jours-là, le roi Nabuchodonosor fit faire une statue d'or qui avait soixante coudées de haut et six de large ; et il la fit dresser dans la campagne de Dura, en la province de Babylone. Nabuchodonosor envoya ensuite un ordre pour faire assembler les satrapes, les magistrats, les juges, les officiers de l'armée, les intendants, les préfets et tous les gouverneurs des provinces, afin qu'ils se trouvassent au jour où l'on  dédierait la statue que le roi Nabuchodonosor avait dressée. Alors les satrapes, les magistrats, les juges, les officiers de l'armée, les intendants, les préfets et tous les gouverneurs des provinces , s'assemblèrent pour assister à la dédicace de la statue que le roi Nabuchodonosor avait dressée. Ils se tenaient debout devant la statue que le roi Nabuchodonosor avait dressée, et un héraut criait à haute voix : On vous ordonne à vous, peuples, tribus et langues, qu'au moment où vous entendrez le son de la trompette, de la flûte, de la harpe, du hautbois, de la lyre et des concerts de toute sorte de musiciens, vous vous prosterniez en terre, adorant la statue d'or que le roi Nabuchodonosor a dressée. Que si quelqu'un ne se prosterne pas et ne l'adore pas, il sera jeté sur l'heure dans une fournaise enflammée.

Lors donc que tous les peuples entendirent le son de la trompette, de la flûte, de la harpe, du hautbois, de la lyre et des concerts de toute sorte de musiciens, les peuples, les tribus et les langues se prosternèrent et adorèrent la statue d'or que le roi Nabuchodonosor avait dressée. Aussitôt et dans le même moment, les Chaldéens approchèrent et accusèrent les Juifs, disant au roi Nabuchodonosor . O roi, vivez à jamais ! Vous avez fait une ordonnance, ô roi, que tout homme au moment où il entendrait le son de la trompette, de la flûte, de la harpe, du hautbois, de la lyre, et des concerts de toute sorte de musiciens, se prosterne et adore aussitôt la statue d'or. Si quelqu'un ne se prosterne pas et n'adore pas cette statue, il sera jeté dans une fournaise enflammée. Cependant il y a ici des Juifs à qui vous avez donné l'intendance des affaires de la province de Babylone, Sidrach, Misach et Abdénago; ils méprisent, ô roi, votre ordonnance : ils n'honorent point vos dieux, et ils n'adorent point la statue d'or que vous avez élevée.

Alors Nabuchodonosor, dans sa fureur et sa colère, ordonna qu'on amenât devant lui Sidrach, Misach et Abdénago. Et ils furent aussitôt amenés en présence du roi. Et le roi Nabuchodonosor leur dit ces paroles : Est-il vrai, Sidrach. Misach et Abdénago , que vous n'honorez point la statue d'or que j'ai élevée : Maintenant donc, si vous êtes prêts à m'obéir, au moment où vous entendrez le son de la trompette, de la flûte, de la harpe, du hautbois, de la lyre et des concerts de toute sorte de musiciens, prosternez-vous et adorez la statue que j'ai élevée. Que si vous ne l'adorez pas, vous serez aussitôt jetés dans une fournaise enflammée : et quel est le Dieu qui vous arrachera d'entre mes mains ?

Sidrach, Misach et Abdenago répondirent au roi Nabuchodonosor et lui dirent : Il n'est pas besoin, ô roi, que nous vous répondions sur ce sujet ; car notre Dieu, celui que nous adorons, est assez puissant pour nous retirer des flammes de la fournaise ardente, et nous délivrer de vos mains, ô roi ! Que s'il ne le veut pas faire, nous vous déclarons, ô roi, que nous n'honorons point vos dieux, ni la statue d'or que vous avez élevée. Alors Nabuchodonosor fut rempli de fureur ; il changea de visage, et regarda d'un œil de colore Sidrach, Misach et Abdénago. Et il commanda d'allumer la fournaise sept fois plus ardente qu'elle n'avait coutume de l'être. Et il donna ordre aux plus forts soldats de sa garde de lier les pieds à Sidrach, Misach et Abdénago, et de les jeter ainsi au milieu des flammes de la fournaise. Et tout aussitôt, ces trois hommes furent liés et jetés au milieu des flammes de la fournaise avec leurs chausses, leur coiffure, leurs souliers et tous leurs vêtements ; car le commandement du roi pressait fort. Et comme la fournaise était extraordinairement embrasée, la flamme dévora les hommes qui y jetèrent Sidrach, Misach et Abdénago. Cependant ces trois hommes, Sidrach, Misach et Abdénago, tombèrent tout liés au milieu des feux de la fournaise; et ils se promenaient à travers les flammes, louant Dieu et bénissant le Seigneur.

 

Après cette dernière lecture, l’Evêque prononce l'Oraison, à l'ordinaire ; mais le Diacre n'avertit point l'assemblée de se mettre à genoux. L'Eglise omet la génuflexion à cet endroit, pour apprendre aux catéchumènes combien ils doivent détester l'idolâtrie des Babyloniens, qui fléchirent le genou devant la statue de Nabuchodonosor.

 

PRIONS.

 

Dieu tout-puissant et éternel, unique espérance du monde.qui par la voix de vos Prophètes avez annoncé les mystères qui s'accomplissent en notre temps; daignez accroître encore l'ardeur des vœux de votre peuple : parce que nul de vos fidèles ne peut faire de progrès dans les vertus, si vous ne l'inspirez vous-même. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

LA BÉNÉDICTION DE L'EAU BAPTISMALE.

 

Durant ces longues lectures, ces prières et ces chants, le soleil a dès longtemps disparu, et la nuit a avancé dans son cours. Toutes les préparations sont achevées, et le moment est venu de se mettre en marche vers le Baptistère. Déjà sept Sous-Diacres s'y sont rendus pendant les lectures prophétiques, et y ont fait entendre la Litanie, répétant ses invocations d'abord sept fois, puis cinq fois, enfin trois fois. Le cortège sacré se dirige vers le lieu où est l'eau. C'est un édifice détaché de l'église, construit en rotonde ou de forme octogone. Au centre est un vaste bassin où l'on descend et d'où l'on remonte par plusieurs marches. Des canaux y amènent une eau pure, qu'un cerf en métal y verse par sa bouche. Au-dessus de la fontaine s'élève une coupole, au centre de laquelle plane l'image de l'Esprit-Saint, les ailes étendues, fécondant les eaux. Une balustrade entoure le bassin, afin que l'enceinte demeure libre pour les baptises, et pour leurs parrains et marraines, qui seuls v pénétreront avec l'Evêque et ses prêtres. A peu de distance, on a dresse deux tentes, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes; c'est là que se retireront un moment les nouveaux baptises, au sortir de la fontaine, pour s'essuyer et  changer d'habits.

Voici l'ordre de la marche vers le Baptistère. Le Cierge pascal, représentant la colonne lumineuse qui dirigea Israël, à travers les ombres de la nuit, vers la nier Rouge, dans les flots de laquelle il devait trouver son salut, s'avance d'abord à la tête du corps des catéchumènes. Ceux-ci  viennent  à  la suite,  avant à leur droite,  les hommes leur parrain, les femmes leur marraine; car c'est sur la présentation d'un chrétien de son sexe que chacun d'eux est admis à la régénération. Deux Acolytes portent, l'un le saint Chrême, l'autre l'Huile des Catéchumènes: et à la suite du clergé, l’Evêque s'avance entouré de ses ministres. Cette marche s'accomplit à la lueur des flambeaux ; les étoiles brillent au ciel de tout leur éclat, et les airs retentissent de chants mélodieux. On répète les strophes du Psaume dans lequel David, soupirant après son Dieu, compare son ardeur à celle du cerf qui aspire à l'eau de la fontaine. Le cerf, dont l'image a été placée dans le Baptistère, est la figure de l'ardent catéchumène.

 

TRAIT.

 

Comme le cerf aspire à l'eau de la fontaine, ainsi mon âme, ô Dieu, soupire après vous.

V/. Mon âme brûle d'une soif ardente pour le Dieu vivant : quand paraîtrai-je devant la face du Seigneur?

V/. Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit, pendant qu'on me dit à toute heure : Où est ton Dieu?

 

On arrive bientôt au lieu du baptême : et l'Evêque, en présence de la fontaine dont les eaux limpides appellent ses bénédictions, prononce d'abord l'Oraison suivante , dans laquelle il emploie, à son tour, la comparaison du cerf altéré, pour exprimer devant Dieu l'ardeur de son nouveau peuple vers la vie nouvelle dont le Christ est la source. Il dit:

 

 

V/. Dominus vobiscum ;

R/. Et cum spiritu tuo.

V/. Le Seigneur soit avec vous ;

R/. Et avec votre esprit.

 

 

PRIONS.

 

Dieu tout-puissant et éternel, regardez favorablement la dévotion de ce peuple qui va prendre une nouvelle naissance, et aspire, comme le cerf, à la fontaine de vos eaux salutaires ; daignez faire que la soif que lui inspire sa foi sanctifie les âmes et les corps, dans le mystère sacré du Baptême. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

La bénédiction de l'eau pour le baptême est d'institution apostolique; et l'antiquité de cette pratique nous est attestée par les plus grands docteurs, entre,autres par saint Cyprien, saint Ambroise, saint Cyrille de Jérusalem, et saint Basile. Il est juste, en effet, que cette eau, instrument de la plus divine des merveilles, soit entourée de tout ce qui peut, en glorifiant Dieu qui a daigné l'associer à ses desseins de miséricorde sur l'humanité, la glorifier elle-même à la face du ciel et de la terre. Les chrétiens sont sortis de l'eau; ils sont, comme disaient nos pères des premiers siècles, les heureux Poissons du Christ ; rien donc d'étonnant qu'ils tressaillent de joie, en présence de l'élément auquel ils doivent la vie , et qu'ils rendent à cet élément des honneurs qui se rapportent à l'auteur même des prodiges de grâce qui vont s'opérer. La prière dont le Pontife va se servir pour bénir l'eau nous ramène au berceau de notre foi,  par la noblesse et l'énergie du style de sa rédaction, par l'autorité de son langage, et par les rites antiques et primitifs dont elle est accompagnée. Elle est sur le mode pompeux de la Préface, et empreinte d'un lyrisme inspiré. Le Pontife prélude par une simple Oraison, a la suite de laquelle éclate l'enthousiasme de la sainte Eglise, qui, pour s'assurer de l'attention de tous ses enfants, provoque leurs acclamations, et les avertit de tenir leurs cœurs en haut : Sursum corda !

 

V/. Dominus vobiscum ;

R/. Et cum spiritu tuo.

V/. Le Seigneur soit avec vous ;

R/. Et avec votre esprit.

 

 

PRIONS.

 

Dieu tout-puissant et éternel, soyez attentif à ces grands mystères de votre bonté, à ces augustes sacrements. Envoyez l'Esprit d'adoption pour régénérer ces nouveaux peuples que la fontaine baptismale va vous enfanter ; et fortifiez par votre puissance ce que notre humble ministère s'apprête à accomplir. Par Jésus-Christ, votre Fils, notre Seigneur, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous, en l'unité du  Saint-Esprit.

 

Dans tous les siècles des siècles.

R/. Amen.

V/. Le Seigneur soit avec vous :

R/. Et avec votre esprit.

V/. Les cœurs en haut !

R/. Nous les avons vers le Seigneur.

V/. Rendons grâces au Seigneur notre Dieu.

R/. C'est une chose digne et juste.

 

Oui, c'est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux. Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui opérez par une puissance invisible les merveilleux effets de vos sacrements; et quoique nous soyons indignes d'être les ministres de si grands mystères, daignez néanmoins ne pas délaisser les dons de votre grâce, mais être toujours prêt à incliner vers nous les oreilles de votre bonté. O Dieu, dont l'Esprit était porté sur les eaux à l'origine du monde, afin que dès lors cet élément conçût la puissance de sanctification! O Dieu qui, en lavant par les eaux les crimes d'un monde coupable, fîtes voir dans le déluge une image de la régénération, lorsqu'un même élément devenait ainsi mystérieusement la cessation du péché et le retour à la vertu ; jetez aujourd'hui, Seigneur, vos regards sur la face de votre Eglise, et multipliez en elle vos nouvelles générations, vous qui comblez de joie votre Cité parle cours abondant de votre grâce, et ouvrez en ce jour la fontaine baptismale par toute la terre, pour y produire des nations nouvelles; afin que par un acte souverain de votre divine Majesté, cette Eglise reçoive la grâce de votre Fils unique, par la vertu du Saint-Esprit.

 

Ici le Pontife s'arrête un moment, et plongeant sa main dans les eaux, il les divise en forme de croix, montrant par ce signe que c'est par la vertu de la Croix qu'elles ont acquis le pouvoir de régénérer les âmes. Jusqu'à la mort du Christ sur la croix , cette puissance merveilleuse leur était seulement promise ; il fallait l'effusion du sang divin pour qu'elle leur fût conférée c’est ce sang qui opère dans l'eau sur les âmes, avec la vertu de l'Esprit-Saint que le Pontife rappellera tout à l'heure.

 

Qu'il daigne, cet Esprit-Saint , féconder , par l'impression secrète de sa divinité, cette eau préparée pour la régénération des nommes, afin que cette divine fontaine ayant conçu la sanctification , on voie sortir de son sein très pur une race toute céleste, une créature renouvelée; et que la grâce, comme une mère, réunisse dans un même enfantement ceux que le sexe distingue selon le corps, ou l'âge selon le temps. Commandez donc , Seigneur , que tout esprit immonde soit écarté d'ici ; éloignez de cet élément toute la malice et tous les artifices du diable. Que la puissance ennemie ne vienne pas se mêler dans ces eaux, ni voltiger autour, en tendant des embûches, ni s'y glisser secrètement, ni les corrompre et les souiller.

 

Après ces paroles, par lesquelles l'Evêque demande à Dieu qu'il daigne éloigner de ces eaux l'influence des esprits mauvais qui cherchent à infecter toute la création, il étend la main sur elles et les touche. Le caractère auguste du Pontife et du Prêtre est une source de sanctification; et le contact de leur main sacrée opère déjà à lui seul sur les créatures, quand il s'exerce en vertu du sacerdoce de Jésus-Christ qui  réside en eux.

 

Que cette créature sainte et innocente soit à couvert de toute attaque de l'ennemi, purifiée par l'expulsion de toute sa malice. Qu'elle soit une source de vie, une eau régénérante, une fontaine purifiante ; afin que tous ceux qui seront lavés dans ce bain salutaire reçoivent, par l'opération de l'Esprit-Saint, la grâce d'une pureté parfaite.

 

En prononçant les paroles suivantes, l'Evêque bénit par trois fois les eaux de la fontaine, en produisant sur elles le signe de la croix.

 

Je te bénis donc, créature d'eau, par le Dieu vivant, par le Dieu véritable, parle Dieu saint; par le Dieu qui, au commencement, te sépara de la terre d'une seule parole, et dont l'Esprit était porté sur toi.

 

Ici l'Evêque, nous montrant les eaux appelées déjà à féconder le Paradis terrestre, qu'elles parcouraient en quatre fleuves, les divise encore avec sa main, et les répand vers les quatre parties du monde qui plus tard devaient recevoir la prédication du saint baptême. Il accomplit ce rite si expressif, en proférant les paroles qui suivent:

 

Par le Dieu qui te fit jaillir de la fontaine du Paradis, et te divisa en quatre fleuves, en te commandant d'arroser toute la terre ; qui dans le désert t'enleva ton amertume, et te restituant ta douceur, te rendit potable , et qui plus tard te fit sortir de la pierre pour apaiser la soif de son peuple. Je te bénis aussi par Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui, à Cana de Galilée, par un signe admirable de son pouvoir, te changea en vin ; qui marcha sur toi à pied sec; qui fut baptisé en toi par Jean, dans le Jourdain; qui te fit sortir, avec le sang, de son côté ouvert ; et qui commanda à ses disciples de baptiser en toi ceux qui croiraient, leur disant Allez, enseignez toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

 

A ce moment, l'Evêque suspend le mode triomphant de la Préface, et prononce les paroles qui vont suivre  sur un ton plus simple. Après avoir marqué les eaux du signe de la croix, il invoque sur elles l'action fécondante de l'Esprit-Saint.

 

Dieu tout-puissant , regardez  favorablement  ce que nous faisons pour obéir à ce précepte, et daignez répandre  le  souille de votre Esprit.

 

L'Esprit-Saint porte un nom qui signifie Souffle ; il est le souffle divin, ce vent violent qui se lit entendre dans le Cénacle. Le Pontife exprime ce divin caractère de la troisième personne divine, en soufflant trois fois sur les eaux de la fontaine en forme de croix ; puis il continue, sans reprendre encore le mode de ta Préface.

 

Bénissez vous-même de votre bouche ces eaux pures, afin que, outre la vertu qu'elles ont de nettoyer les corps, elles reçoivent encore celle de purifier les âmes.

 

 

Prenant ensuite le Cierge pascal, il en plonge l'extrémité intérieure dans le bassin. Ce rite exprime le mystère du baptême du Christ dans le Jourdain, au jour où les eaux reçurent les arrhes de leur divin pouvoir Le Fils de Dieu était descendu dans le fleuve, et l'Esprit-Saint reposait sur sa tête en forme de colombe. Aujourd'hui, ce ne sont plus seulement les arrhes qui sont données; l'eau reçoit véritablement la vertu promise, par l'action des deux divines personnes. C'est pour cela que l'Evêque, reprenant le ton de la Préface, s'écrie en plongeant dans l'eau le Cierge mystérieux, symbole du Christ, sur lequel plane la céleste Colombe:

 

 

Que la vertu du Saint-Esprit descende sur toute l'eau de cette fontaine.

 

Après ces paroles, le Pontife retire le Cierge de l'eau, puis le replongeant plus avant, il répète d'un ton de voix plus élevé :

 

Que la vertu du Saint-Esprit descende sur toute l'eau de cette fontaine.

 

Ayant encore retiré le Cierge, il le plonge une troisième fois jusqu'au fond du bassin, chantant d'une voix plus éclatante encore ces mêmes paroles :

 

Que la vertu du Saint-Esprit descende sur toute l'eau de cette fontaine.

 

Cette fois, avant de retirer le Cierge de l'eau, l'Evêque se penche sur la fontaine; et, pour unir dans un symbole visible la puissance de l'Esprit-Saint à la vertu du Christ, il fait une nouvelle insufflation sur les eaux, non plus en forme de croix, mais en traçant avec son souffle cette lettre de l'alphabet grec, ψ qui cst la première du mot Esprit en cette langue ; puis il reprend sa solennelle prière par ces paroles :

 

Qu'elle donne la fécondité à cette eau, et la rende capable de régénérer.

 

On enlève alors le Cierge pascal de la fontaine, et l'Evêque continue.

 

Que toutes les taches de  péchés soient ici effacées ; que la nature créée à votre image, étant rétablie dans la dignité de son origine, soit purifiée de toutes ses souillures; afin que tout homme auquel sera appliqué ce mystère de régénération,renaisse à l'innocence d'une enfance nouvelle.

 

L'Evêque quitte après ces paroles le ton de la Préface, et prononce sans chanter la conclusion suivante :

 

Par notre Seigneur Jésus-Christ votre Fils, qui doit venir juger les vivants et les morts, et détruire le monde par le feu.

R/. Amen.

 

Après que le peuple a répondu Amen, un des Prêtres asperge rassemblée avec l'eau de la fontaine, et un des clercs inférieurs vient y plonger un vase qu'il retire plein de cette eau, et qui est destiné pour le service de l'église et pour l'aspersion des maisons  des fidèles.

Les prières de la bénédiction de l'eau sont achevées ; et cependant la sainte Eglise n'a pas accompli encore, en faveur de cet élément, tout ce qu'elle a résolu de faire. Jeudi dernier, elle a été mise de nouveau en possession des grâces de l'Esprit-Saint par le don des Huiles sacrées; et elle veut aujourd'hui honorer la fontaine du salut, en épanchant dans ses eaux les précieuses liqueurs dont le renouvellement a été accueilli avec tant de joie. Le peuple fidèle apprendra à vénérer toujours davantage la source purifiante du salut des hommes, dans laquelle se réunissent tous les symboles de l'adoption divine. L'Evêque,  prenant l'ampoule qui contient l'Huile des catéchumènes, en répand sur les eaux, disant ces paroles:

 

Que cette fontaine soit sanctifiée et rendue féconde par l'infusion de l'huile du salut, pour donner la vie éternelle à ceux qui renaîtront de son sein. Amen.

 

Puis, prenant  le  vase du Saint-Chrême, il en verse aussi dans la fontaine, en disant:

 

Que l'infusion du Chrême de notre Seigneur Jésus-Christ et du Saint-Esprit Consolateur s'opère au nom de la sainte Trinité. Amen.

 

Enfin, tenant dans sa main droite le Chrême et dans sa main gauche l'Huile des catéchumènes, il verse des deux fioles à la fois sur les eaux, et dit en accomplissant cette libation sacrée qui exprime la surabondance de la grâce baptismale :

 

Que le mélange du Chrême de sanctification et de l'Huile d'onction avec l'Eau baptismale s'opère, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. R/. Amen.

 

Après ces paroles, l'Evêque étend avec la main les Huiles saintes sur la surface de l'eau, afin qu'elle participe tout entière à ce dernier degré de sanctification ; et après avoir essuyé ses mains, il se retire un moment à l'écart , pour dépouiller ceux des vêtements sacrés qui pourraient gêner son  action dans l'administration du baptême.

 

LE BAPTÊME.

 

LE Pontife reparaît bientôt au bord de la fontaine sacrée, et  l’on appelle successivement les élus. Ils s'avancent un à un, conduits, les hommes par le parrain, et les femmes par la marraine. L'Evêque se place sur une estrade d'où il domine la fontaine. Le catéchumène, dépouillé de ses habits en la partie supérieure, descend les degrés du bassin et pénètre dans l'eau, à portée de la main du Pontife. Alors celui-ci, élevant la voix, l'interroge: « Croyez-vous, lui dit-il. en Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre? — J'y crois, répond le catéchumène. — Croyez-vous en Jésus-Christ, son Fils unique , notre Seigneur, qui est né et a souffert? —J'y crois. — Croyez-vous au Saint-Esprit, la sainte Eglise catholique, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle? — J'y crois. » Après avoir reçu la confession de la foi, le Pontife adresse à l'élu cette demande: « Voulez-vous être baptisé? — Je le veux, » répond l'élu. Alors le Pontife, étendant la main sur la tête du catéchumène, la plonge par trois fois dans les eaux de la fontaine, en disant : « Je vous baptise, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. »

Trois fois l'élu a disparu entièrement sous les eaux; elles se sont refermées au-dessus de lui, et le dérobaient à tous les regards. Le grand Apôtre nous explique cette partie du mystère. Les eaux ont été pour l'élu le tombeau où il s'est trouvé enseveli avec le Christ; et comme le Christ, il en sort rendu à la vie. La mort qu'il vient de subir est la mort au péché; la vie qu'il possède désormais est la vie de la grâce (1). Le mystère complet de la résurrection de l'Homme-Dieu se reproduit ainsi dans le chrétien baptisé. Mais avant que l'élu sorte de l'eau, un rite profond vient compléter en lui la ressemblance avec le Fils de Dieu. Jésus était encore dans les eaux du Jourdain, lorsque la divine Colombe descendit sur sa tête ; avant que le néophyte soit sorti de la fontaine, un prêtre répand aussi sur sa tête le Chrême, don de l'Esprit-Saint. Cette onction indique dans l'élu le caractère royal et sacerdotal du chrétien qui, par son union avec Jésus-Christ son chef, participe, dans un certain degré, à la Royauté et au Sacerdoce de ce divin Médiateur. Comblé ainsi des faveurs du Verbe éternel et de l'Esprit-Saint, adopté par le Père qui voit en lui un membre de son propre Fils, le néophyte sort de la fontaine par les degrés du bord opposé, semblable à ces brebis du divin Cantique qui remontent du lavoir où elles ont purifié leur blanche toison (2). Le parrain l'attend sur le bord ; il lui donne la main pour remonter , et s'empresse de le couvrir d'un linge et d'essuyer l'eau sainte qui ruisselle de ses membres.

L'Evêque continue sa noble fonction; autant de fois qu'il plonge un pécheur dans les eaux, autant de fois un juste renaît de la fontaine. Mais il ne peut continuer longtemps d'opérer à lui seul un ministère dans lequel les prêtres peuvent le suppléer. Lui seul peut conférer aux néophytes l'auguste sacrement qui doit les confirmer par le don de l'Esprit-Saint ; et s'il attendait pour exercer ce pouvoir divin le moment où tous les catéchumènes auront été  régénérés, on arriverait au

 

1.  Rom. VI, 4.

2.  Cant. IV, 2.

 

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grand jour avant d'avoir accompli tous les mystères de cette sainte nuit. Il se borne donc à conférer par lui-même le saint baptême à quelques élus, hommes, femmes et enfants, et laisse aux prêtres le soin de recueillir le reste de la moisson du Père de famille. Dans le baptistère, est un lieu spécial appelé Chrismarium, parce que c'est là que le Pontife doit conférer le sacrement du Chrême ; il s'y rend, et monte sur le trône qui lui a été préparé. On le revêt de nouveau des ornements sacrés qu'il avait déposés pour descendre à la fontaine ; et tout aussitôt on amène à ses pieds les néophytes qu'il vient de baptiser, et successivement ceux qui sont régénérés par le ministère des prêtres. Il remet à chacun d'eux une robe blanche qu'ils porteront jusqu'au Samedi suivant, et il leur dit: « Recevez le vêtement blanc, saint et immaculé; et portez-le au tribunal de notre Seigneur Jésus-Christ pour avoir la vie éternelle. » Les néophytes, ayant reçu cet éloquent symbole, se retirent sous les tentes qui ont été dressées dans le Baptistère ; ils y dépouillent leurs vêtements trempés d'eau , en prennent d'autres qui leur ont été préparés, et avec l'aide de leurs parrains ou de leurs marraines, se revêtent pardessus de la robe blanche qu'ils ont reçue de l'Evêque. Ils retournent alors au Chrismarium, où le sacrement de la Confirmation va leur être conféré solennellement par le Pontife.

 

LA CONFIRMATION.

 

Jeudi, au milieu des solennités de la consécration du Chrême, le Pontife rappelait à Dieu lui-même, dans un langage sublime, que lorsque les eaux eurent accompli leur ministère, en purifiant la terre, la Colombe parut sur le monde renouvelé, portant en son bec le rameau d'olivier qui annonçait la paix et le règne de celui qui a emprunté à l'Onction le nom sacré qu'il porte à jamais. Nos néophytes, purifiés aussi dans l'eau, attendent maintenant aux pieds du Pontife les faveurs de la divine Colombe, et le gage de paix dont l'olive est le symbole. Déjà le Chrême sacré a été répandu sur leur tète; mais il n'était alors que le signe de la dignité à laquelle ils venaient d'être élevés A ce moment, il ne signifie plus seulement la grâce, il l'opère dans les âmes ; mais il n'est pas au pouvoir du Prêtre de donner cette onction qui confirme le chrétien ; elle réclame la main sacrée du Pontife , de qui seul aussi procède la consécration du Chrême.

Devant lui sont rangés les néophytes : les hommes d'un côté, les femmes de l'autre ; les enfants entre les bras de leurs parrains et de leurs marraines. Les adultes appuient leur pied droit sur le pied droit de ceux qui leur ont servi de père ou de mère, marquant par ce signe d'union la filiation de la grâce dans l'Eglise.

A la vue de ce troupeau tendre et fidèle réuni autour de lui, le Pasteur se réjouit dans son cœur, et se levant bientôt de son trône, il s'écrie : « Que l'Esprit-Saint descende en vous, et que la vertu du Très-Haut vous garde de tout péché! » Puis imposant les mains, il appelle sur eux l'Esprit aux sept dons, à qui seul appartient de confirmer dans les néophytes les grâces qu'ils ont reçues dans les eaux delà divine fontaine.

Conduits parleurs répondants, ils s'approchent ensuite du Pontife, les uns après les autres, saintement avides de recevoir la plénitude du caractère de chrétien. L'Evêque ayant plongé son pouce dans le vase qui contient le Chrême, marque chacun d'eux au front du sceau ineffaçable, en disant : « Je vous marque du signe de la Croix, et je vous confirme du Chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Et donnant sur leur joue un léger soufflet, qui était chez les anciens le signe de l'affranchissement d'un esclave, il les introduit dans la liberté complète des enfants de Dieu, en leur disant: « La paix soit avec vous! » Les ministres du Pontife entourent la tète des nouveaux confirmés d'une bandelette destinée à garantir de tout contact profane la partie du front qui a reçu l'impression du Chrême sacré. Le néophyte doit garder durant sept jours ce bandeau, et ne le déposer qu'avec la robe blanche dont il vient de se revêtir.

Cependant au milieu de tous ces sublimes mystères, les heures de la nuit se sont Succédé; et le moment approche de célébrer, par un sacrifice de joie, l'instant suprême où le Christ va sortir du tombeau. Il est temps que le Pasteur reconduise au temple saint son heureux troupeau qui vient de prendre un si glorieux accroissement. Il est temps de donnera ces chères brebis la nourriture divine à laquelle elles ont droit désormais. Les portes du Baptistère s'ouvrent, et la procession se met en marche vers la Basilique. Le Cierge pascal, colonne de feu, précède l'essaim des néophytes, dont les robes blanches reçoivent les premiers rayons de l'aurore. Le peuple fidèle suit le Pontife et le clergé, qui rentrent triomphants dans l'église. Durant la marche, on chante de nouveau le cantique de Moïse, après le passage de la mer Rouge. L'Evèque se rend au Secrétarium, où il se revêt des habits sacrés, tout resplendissants de la pompe pascale; et durant cet intervalle, les chantres exécutent la dernière Litanie, dont les invocations se répètent trois fois. Dans la liturgie actuelle, on ne chante plus qu'une seule fois la Litanie, dans tout le cours de cette Fonction; elle accompagne le retour du clergé au chœur,  après la bénédiction des Fonts, et les invocations ne s'y répètent que deux fois.  Dans les  églises qui ne possèdent pas de Fonts baptismaux, on chante cette Litanie après l'Oraison qui suit la douzième Prophétie; et jusqu'à l'invocation qui commence par le mot Peccatores, le Célébrant et ses ministres se tiennent prosternés sur les marches de l'autel, implorant la bénédiction céleste pour les néophytes que l'Eglise enfante aujourd'hui, sur les divers points de la terre. Nous donnons ici la  Litanie telle qu'elle se chante actuellement, avec les divers accroissements dont elle s'est enrichie par le cours des siècles.

 

LA LITANIE.

 

Seigneur, ayez pitié !

Christ, ayez pitié !

Seigneur, avez pitié !

Christ, écoutez-nous.

Christ, exaucez-nous.

Dieu  Père,  du haut  des cieux, ayez pitié de nous.

Dieu Fils, Rédempteur du monde, ayez pitié de nous.

Dieu Esprit-Saint, ayez pitié de nous.

Trinité sainte, un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte  Marie, priez pour nous.

Sainte Mère de Dieu, priez pour nous.

Sainte Vierge des vierges, priez pour nous.

Saint Michel, priez pour nous.

Saint Gabriel,

Saint Raphaël,

Tous les saints Anges et Archanges, priez pour nous.

Tous les saints ordres des Esprits bienheureux, priez pour nous.

Saint  Jean-Baptiste,  priez; pour nous.

Saint Joseph, Tous les saints Patriarches et Prophètes, priez pour nous.

Saint Pierre, priez pour nous.

Saint Paul,

Saint André,

Saint Jean,

Tous les  saints Apôtres et Evangélistes,  priez pour nous.

Tous les saints Disciples du Seigneur, priez pour nous.

Saint Etienne, priez pour nous.

Saint Laurent,

Saint Vincent,

Tous les saints Martyrs, priez pour nous.

Saint Sylvestre, priez pour nous.

Saint Grégoire,

Saint Augustin,

Tous les saints Pontifes et Confesseurs, priez  pour nous.

Tous  les saints  Docteurs, priez pour nous.

Saint Antoine, priez pour nous.

Saint Benoît,

Saint Dominique, priez pour nous.

Saint François,

Tous les saints Prêtres et Lévites, priez pour nous.

Tous les saints Moines et Ermites, priez pour nous.

Sainte Marie-Madeleine , priez pour nous.

Sainte Agnès,

Sainte Cécile,

Sainte Agathe,

Sainte Anastasie,

 

Toutes les saintes Vierges et Veuves, priez pour nous.

Tous les Saints et Saintes de Dieu, intercédez pour nous.

Soyez propice, pardonnez-nous, Seigneur !

Soyez propice, exaucez-nous, Seigneur!

De tout mal, délivrez-nous, Seigneur !

De tout péché, délivrez-nous, Seigneur !

De la mort éternelle, délivrez-nous, Seigneur !

Par le mystère de votre sainte Incarnation, délivrez-nous, Seigneur!

Par votre Avènement, délivrez-nous, Seigneur !

Par votre Nativité, délivrez-nous, Seigneur !

Par votre Baptême et votre saint Jeûne, délivrez-nous, Seigneur !

Par votre Croix et votre Passion, délivrez-nous, Seigneur !

Par votre mort et votre sépulture, délivrez-nous, Seigneur !

Par votre sainte Résurrection, délivrez-nous, Seigneur !

Par votre admirable Ascension, délivrez-nous , Seigneur !

Par la venue du Saint-Esprit Paraclet, délivrez-nous, Seigneur!

Au jour du jugement, délivrez-nous, Seigneur !

Pécheurs que nous sommes : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Pardonnez-nous, nous vous en supplions, exaucez nous !

Daignez gouverner et conserver votre Eglise sainte : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Maintenez dans votre sainte religion le Seigneur Apostolique, et tous les Ordres de la hiérarchie ecclésiastique : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Abaissez les ennemis de la sainte Eglise : nous vous en supplions , exaucez-nous !

Etablissez une paix et une concorde sincères entre les rois et les princes chrétiens : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Conservez-nous et fortifiez-nous dans votre saint service : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Accordez à tous nos  bienfaiteurs les biens éternels : nous vous en supplions, exaucez-nous!

Donnez les fruits de la terre et daignez les conserver : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Accordez à tous les fidèles défunts le repos éternel : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Daignez écouter nos vœux : nous vous en supplions, exaucez-nous !

Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur !

Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde , exaucez-nous,  Seigneur !

Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde , ayez pitié  de nous !

Christ, écoutez-nous !

Christ, exaucez-nous !

 

LA MESSE.

 

La Litanie solennelle tire à sa fin ; et déjà le chœur des chantres est arrivé au cri d'invocation qui la termine : Kyrie eleison! Le Pontife s'avance du Secretarium vers l'autel, avec la majesté des plus grands jours. A sa vue, les chantres prolongent la mélodie sur les paroles de supplication, et les répètent trois fois , trois fois ils y ajoutent la prière au Fils de Dieu : Christe eleison ! et enfin trois fois l'invocation à l'Esprit-Saint : Kyrie eleison ! Pendant qu'ils exécutent ces chants, l'Evéque a présenté à Dieu, au pied de l'autel, ses premiers hommages et offert l'encens au Très-Haut; en sorte que l'Antienne ordinaire, qui porte le nom d'Introït, n'a point été nécessaire pour accompagner la marche sacrée du Secrétarium à l'autel.

La Basilique commence à s'illuminer des premières lueurs de l'aurore; et l'étoile du matin qui, selon les paroles du Diacre, est venue mêler sa clarté à la flamme du Cierge pascal, pâlit déjà devant l'astre du jour, figure du divin Soleil de justice. L'assemblée des fidèles, partagée en diverses sections, les hommes sous la galerie à droite, les femmes sous la galerie à gauche, a reçu dans ses rangs les nouvelles recrues. Près des portes, la place des catéchumènes est vide ; et sous les nefs latérales, aux places d'honneur, on distingue les néophytes à leur robe blanche, à leur bandeau, au cierge allumé qu'ils tiennent dans leurs mains.

L'encensement de l'autel est terminé. Tout à coup, ô triomphe du Fils de Dieu ressuscité ! la voix du Pontife entonne avec transport l'Hymne Angélique : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ; et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ! » A ces accents, les cloches, muettes depuis trois jours, retentissent en volée dans le Campanile aérien de la Basilique ; et l'enthousiasme de notre sainte foi fait palpiter tous les cœurs. Le peuple saint continue avec ardeur le Cantique céleste ; et lorsqu'il est achevé, l'Evêque résume dans l'Oraison suivante les vœux de toute l'Eglise en faveur de ses nouveaux enfants.

 

COLLECTE.

 

Dieu ,  qui  illuminez cette nuit sacrée des splendeurs de la Résurrection du Seigneur, conservez dans ces nouveaux  enfants de votre famille l'Esprit d'adoption que vous leur avez donné ; afin que, renouvelés de corps et d'esprit, ils vous servent dans la pureté. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

Après la Collecte, le Sous-Diacre monte à l'ambon de l'Epître, et lit ces imposantes paroles que le grand Apôtre adresse aux néophytes en ce moment même où ils viennent de ressusciter avec Jésus-Christ.

 

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Colossiens. Chap. III.

 

Mes Frères, si vous êtes ressuscites avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu ; goûtez ce qui est en haut, non ce qui est sur la terre ; car vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ. Lorsque le Christ qui est votre vie, apparaîtra, vous apparaîtrez aussi avec lui dans la gloire.

 

Cette lecture si brève, mais dont tous les mots sont si profonds, étant achevée, le Sous-Diacre descend de l'ambon, et vient s'arrêter devant le trône de l'Evêque. Après avoir salué la majesté du Pontife par une profonde inclination, il prononce d'une voix éclatante ces paroles qui retentissent dans toute la Basilique, et vont réveiller de nouveau l'allégresse dans toutes  les âmes :  « Vénérable Père, je vous annonce une grande joie: c'est l’ Alléluia! » L'Evoque se lève, et plein d'un feu divin, il chante Alléluia ! sur un mode joyeux. Le chœur répète après lui Alléluia ! et deux fois encore l'échange de ce cri céleste a lieu entre le chœur et le Pontife, A ce moment, toutes les tristesses passées s'évanouissent; on sent que les expiations de la sainte Quarantaine ont été agréées par la majesté divine, et que le Père des siècles, par les mérites de son Fils ressuscité, pardonne à la terre, puisqu'il lui rend le droit de faire entendre le cantique de l'éternité. Le chœur ajoute ce verset du Roi-Prophète, qui célèbre la miséricorde de Jéhovah.

 

Confitemini Domino quoniam bonus : quoniam in saeculum misericordia ejus.

Célébrez le Seigneur , parce qu il est bon ; parce que sa miséricorde est à jamais.

 

 

Il manque cependant quelque chose encore aux joies de cette journée. Jésus est sorti du tombeau; mais à l'heure où nous sommes, il ne s'est pas encore manifesté à tous. Sa sainte Mère, Madeleine etles autres saintes femmes, sont seules à l'avoir vu; ce soir seulement, il se montrera à ses Apôtres. Nous sommes donc encore à l'aurore de la Résurrection ; c'est pourquoi l'Eglise exprime une dernière fois la louange du Seigneur, sous la forme quadragésimale du Trait.

 

TRAIT.

 

Toutes les nations, louez le Seigneur ; tous les peuples, proclamez sa gloire.

V/. Car  sa miséricorde s'est affermie sur nous, et la vérité du  Seigneur demeure éternellement.

 

Pendant que le chœur chante ce cantique de David sur un mode qui retient encore quelque accent de tristesse, le Diacre se dirige vers l'ambon, d'où il doit faire entendre les paroles du saint Evangile. Les Acolytes ne l'accompagnent pas avec leurs flambeaux ; mais le thuriféraire le précède avec l'encens. C'est encore ici une allusion aux événements de cette grande matinée. Les femmes soin venues au tombeau avec des parfums ; mais la foi de la résurrection ne brillait pas dans leurs âmes. L'encens figure leurs parfums ; l'absence des flambeaux signifie que cette foi n'était pas encore en elles.

 

ÉVANGILE.

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XXVIII.

 

Après le Sabbat, à la première lueur du jour qui suit le Sabbat, Marie-Madeleine et une autre Marie vinrent pour voir le sépulcre. Et tout à coup il se fit un grand tremblement de terre. Car l'Ange du Seigneur descendit du ciel ; et s’approchant, il roula la pierre et s'assit dessus. Son visage était comme l'éclair, et son vêtement comme la neige. Les gardes, à sa vue, frappés d'épouvante, devinrent comme morts. Et l'Ange dit aux femmes : Vous, ne craignez point ; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été  crucifié. Il n'est point ici, car il est ressuscité, comme il l'avait dit : venez, et voyez le lieu où le Seigneur avait été mis. Et allez promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité. Il sera avant vous en Galilée ; c'est là que vous le verrez : je vous le dis à l'avance.

 

Apres la lecture de l'Evangile, le Pontife n'entonne point le majestueux Symbole de la foi. La sainte Eglise le réserve pour la Messe solennelle qui réunira de nouveau le peuple fidèle. Elle suit heure par heure les phases du divin mystère, et veut rappeler en ce moment l'intervalle qui s'écoula avant que les Apôtres, qui devaient annoncer partout la foi de la résurrection, lui eussent eux-mêmes rendu hommage.

Après avoir donne le salut au peuple, le Pontife se prépare à offrir à la majesté divine le pain et le vin qui vont servir au Sacrifice ; et par une dérogation à l'usage observé dans toutes les Messes, le chœur des chantres n'exécute pas la solennelle Antienne connue sous le nom d'Offertoire. Chaque jour, cette Antienne accompagne la marche des fidèles vers l'autel, lorsqu'ils vont présenter le pain et le vin qui doivent leur être rendus, dans la communion, transformés au corps et au sang de Jésus-Christ. Mais la fonction s'est déjà beaucoup prolongée ; si l'ardeur des âmes est toujours la même, la fatigue des corps se fait sentir, et les petits enfants que l'on tient à jeun pour la communion annoncent déjà par leurs cris la souffrance qu'ils éprouvent. Le pain et le vin, matière du divin Sacrifice, seront aujourd'hui fournis par l'Eglise ; et les néophytes n' en viendront pas moins s'assoira la table du Seigneur, bien qu'ils n'aient pas présenté eux-mêmes le pain et le vin à la barrière sacrée.

Après avoir fait l'offrande, et encensé le pain et le vin préparés, puis l'autel lui-même, le Pontife résume les vœux de l'assistance dans la Secrète, qui est suivie de la Préface pascale.

 

SECRÈTE.

 

Daignez, Seigneur, recevoir les prières de votre peuple avec les hosties que nous vous offrons, afin que, sanctifiées par le mystère pascal, elles opèrent en nous, par votre grâce, le secours qui conduit à l'éternité. Par Jésus-Christ votre Fils notre Seigneur, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous. en l'unité du Saint-Esprit.

 

V/. Dans tous les siècles des siècles.

R/. Amen.

V/. Le Seigneur soit avec vous;

R/. Et avec votre esprit.

V/. Les cœurs en haut !

R/. Nous les avons vers le Seigneur.

V/. Rendons grâces au Seigneur notre Dieu.

V/. C'est une chose digne et juste.

 

Oui, c'est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous louer, Seigneur, en tout temps, mais surtout et avec plus de gloire en cette nuit où le Christ, notre Pâque, est immolé. Car il est le véritable Agneau qui a ôté les péchés du monde ; qui a détruit notre mort par la sienne, et nous a rendu la vie en ressuscitant lui-même. Donc, avec les Anges et les Archanges, avec les Trônes et les Dominations, avec l'armée entière des cieux, nous chantons l'hymne de votre gloire, disant sans jamais cesser : Saint ! Saint ! Saint !

 

 

Le Canon s'ouvre, et le mystère divin s'opère. Rien n'est changé dans l'ordre des cérémonies sacrées, jusqu'au moment qui précède la Communion. C'est un usage qui remonte aux temps apostoliques, que les fidèles, avant de participer au corps et au sang du Seigneur, se donnent mutuellement le baiser fraternel, en prononçant ces paroles : « La paix soit avec vous! » A cette première Messe pascale, on omet cette touchante coutume. Ce n'est qu'au soir du jour de sa résurrection que Jésus adressa ces mêmes paroles à ses disciples rassemblés. La sainte Eglise, pleine de respect pour les moindres circonstances de la vie de son céleste Epoux, aime à les retracer dans sa conduite. C'est par le même motif qu'elle omet aujourd'hui le chant de l’Agnus Dei, qui, du reste, ne date que du VII° siècle, et qui présente à sa troisième répétition ces paroles : « Donnez-nous la paix».

Mais le moment est venu auquel les néophytes vont, pour la première fois, goûter le pain de vie et boire le breuvage céleste que le Christ a institues à la dernière Cène. Initiés par l'eau et l'Esprit-Saint, ils ont désormais le droit de s'asseoir au banquet sacré ; et la tunique blanche qui les couvre annonce assez que leur âme a revêtu la robe nuptiale exigée des convives au festin de l'Agneau. Ils s'approchent du saint autel avec joie et respect. Le Diacre leur donne le corps du Seigneur, et leur présente ensuite le calice du sang divin. Les petits enfants sont admis aussi ; et le Diacre, plongeant son doigt dans la coupe sacrée, fait tomber dans leur bouche innocente quelques gouttes de la divine liqueur. Enfin, pour montrer que, dans ces premières heures de leur baptême, tous sont « semblables à de tendres enfants qui viennent de naître, » comme parle le prince des Apôtres, on donne à tous, après la Communion sainte, un peu de lait et un peu de miel, symboles de l'enfance, et en même temps souvenir de la terre promise par le Seigneur à son peuple.

Enfin, tout étant accompli, l'Evêque achève les prières du Sacrifice, en demandant au Seigneur l'esprit de concorde entre tous les frères qu'une même Pâque a réunis dans la participation aux mêmes mystères. La même Eglise les a portés dans son sein maternel, la même fontaine les a enfantés à la vie; ils sont les membres d'un même Chef divin ; le même Esprit les a marqués de son sceau, le même Père céleste les réunit dans son adoption. Le signal ayant été donné par le Diacre au nom du Pontife, l'assemblée se sépare, et les fidèles, sortant de l'Eglise, se retirent dans leurs maisons, en attendant que l'heure du Sacrifice solennel les rassemble de nouveau, pour célébrer avec plus de pompe encore la fête des fêtes, la Pâque de la Résurrection.

 

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LES VÊPRES.

 

Dans les siècles où l'Eglise célébrait la grande Veille de Pâques, dont nous venons de donner la description, le Samedi saint n'avait pas l'Office de Vêpres. La Veille commençait vers l'heure de None, et se poursuivait, comme on l’a vu, jusqu'aux premières heures de la matinée du lendemain. Ce ne l'ut que plus tard, lorsque la coutume eut autorisé l'anticipation de la Messe de la nuit de Pâques à la matinée du Samedi saint, que l'on songea à disposer un Office des Vêpres pour ce dernier jour de la Semaine sainte. La matinée étant entièrement remplie par les grands rites que nous avons exposés, l'Eglise résolut d'adopter pour cet Office une forme très brève, et empreinte en même temps du caractère joyeux qui convient après le retour de l'Alléluia. Ces Vêpres furent disposées de manière à faire corps avec la Messe. On les entonne après la Communion, et la Postcommunion sert pour conclure à la fois la Messe et les Vêpres. C'est cette même Oraison qui terminait autrefois la grande Veille pascale, et que nous avons rappelée tout à l'heure.

Aussitôt que la Communion est accomplie à l'autel, on entonne au chœur l'Antienne suivante, sous laquelle on chante le petit Psaume qui la suit :

 

Ant. Alleluia ,  alleluia, alleluia.

 

PSAUME CXVI.

 

Toutes les nations, louez le Seigneur ; tous les peuples, proclamez sa gloire.

Car sa miséricorde s'est affermie sur nous, et la vérité du Seigneur demeure éternellement.

Gloire au Père, etc.

Ant. Alleluia, alleluia, alleluia.

 

On ne chante pas d'autre Psaume à cet Office; et on omet le Capitule, l'Hymne et le Verset, pour passer de suite au Magnificat.

 

ANTIENNE DE Magnificat.

 

Après le Sabbat, à la première lueur du jour qui suit le Sabbat, Marie-Madeleine et une autre Marie vinrent pour voir le sépulcre. Alleluia.

 

Le Célébrant encense l'autel à l'ordinaire pendant le Cantique évangélique ; et lorsque l'Antienne a été répétée, il chante à l'autel l'Oraison suivante :

 

POSTCOMMUNION.

 

Répandez sur nous, Seigneur, l'Esprit de votre charité ; afin que ceux qui ont été nourris par vous dans le mystère pascal conservent désormais entre eux, par votre secours, une pareille concorde. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

L'Oraison terminée, le Diacre, en donnant aux fidèles le signal de se retirer, ajoute à la formule ordinaire deux Alleluia ; et cette pratique s'observe à la fin de toutes les Messes, jusqu'à samedi prochain inclusivement.

 

 

V/. Ite, Missa est, alleluia, alleluia.

 

R/. Deo gratias, alleluia, alleluia.

 

V/. Retirez-vous,  la  Messe est  finie , alleluia, alleluia.

R/. Rendons grâces à Dieu,  alleluia, alleluia.

 

 

 

La Messe se conclut par la bénédiction du Célébrant, et par la lecture accoutumée de l'Evangile de saint Jean.

Telle est la fonction de ce grand jour, qui n'a presque rien perdu sous le rapport des prières et des cérémonies, mais qui néanmoins, avec l'anticipation actuelle des heures et l'absence de la célébration du baptême, avait besoin d'être rapprochée, comme nous l'avons fait, des usages de l'antiquité, pour recouvrer toute sa grandeur et toute sa signification.

Dans le courant de l'après-midi, selon l'usage des lieux, le Curé visite toutes les maisons de sa paroisse, et les asperge avec l'eau baptismale qui a été tirée des Fonts, avant l'infusion de l'Huile sainte. Cette pieuse coutume, qui s'exerce peu dans nos contrées, rappelle le commandement que Dieu fit à son peuple, en la première Pâque, de sanctifier par le sang de l'Agneau leurs maisons pour le passage de l'Ange ; et elle attire sur nos demeures une protection particulière de Dieu.

 

LE  SOIR.

 

La description des pompes baptismales nous a distraits de la pensée du Christ renlermé dans le tombeau ; cependant l'heure de sa résurrection n'est pas arrivée ; et il nous est utile de méditer quelques instants encore sur le mystère des trois jours durant lesquels l'âme du Rédempteur demeura séparée de son corps. Ce matin nous sommes allés visiter le sépulcre au sein duquel repose la dépouille mortelle du Fils de Dieu ; nous avonsadoré ce sacré corps, auquel Madeleine et ses compagnes se préparent à aller rendre demain, dès le grand matin, de nouveaux devoirs. En ce moment, il convient d'offrir nos hommages à l'âme sainte de Jésus. Elle n'habite point le tombeau où son corps est étendu ; suivons-la dans les lieux où elle réside, en attendant qu'elle vienne ranimer les membres sacrés dont la mort l'a séparée pour un temps.

Au centre de la terre s'étendent quatre vastes régions où nul homme vivant ne pénétrera jamais; la révélation divine nous a seule renseignés sur leur existence. La plus éloignée de nous est l'enfer des damnés, séjour épouvantable où Satan et ses anges sont voués, avec les réprouvés de la race humaine, aux flammes vengeresses de l'éternité. C'est l'affreuse cour du prince des ténèbres, au sein de laquelle il ne cesse de former contre Dieu et contre son œuvre des plans pervers et sans cesse déjoués. Plus près de nous est le limbe où sont détenues les âmes des enfants qui sortirent de ce monde avant d'avoir été régénérés. Selon la doctrine la plus autorisée dans l'Eglise, les hôtes de ce séjour ne souffrent aucun tourment, et quoiqu'ils ne soient point appelés à voir jamais l'essence divine, ils ne sont pas incapables d'un bonheur naturel et proportionné à leurs désirs. Une troisième région au-dessus de celle qu'habitent les âmes de ces enfants, est le lieu des expiations où les âmes sorties de ce monde avec le don de la grâce achèvent de purifier leurs souillures, pour être admises à la récompense éternelle. Enfin, plus

 

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près de nous encore, est le limbe où le peuple entier des saints qui sont morts depuis le juste Abcl jusqu'au moment où le Christ a expiré sur la croix, est retenu captif sous les ombres. Là sont nos premiers parents, Noé, Abraham, Moïse, David, les Prophètes anciens; Job, le saint Arabe, et les autres justes de la gentilité ; les saints personnages dont la vie tient déjà à celle du Christ : Joachim, père de Marie, et Anne sa mère ; Joseph, l'Epoux de la Vierge et le Père nourricier de Jésus; Jean, son précurseur, avec ses vertueux parents Zacharie et Elisabeth.

Jusqu'à ce que la porte du ciel ait été ouverte par le sang rédempteur, aucun juste ne peut monter vers Dieu. Au sortir de ce monde, les âmes les plus saintes ont dû descendre dans les entrailles de la terre. Mille endroits de l'Ancien Testament désignent les enfers comme le séjour des justes qui ont le mieux servi et honoré Dieu; et c'est seulement dans le Nouveau qu'il est parlé du Royaume des Cieux. Cette demeure temporaire ne connaît cependant pas d'autres peines que celles de l'attente et de la captivité. Les âmes qui l'habitent sont pour toujours dans la grâce, assurées d'un bonheur sans fin; elles supportent avec résignation cette relégation sévère, suite du péché ; mais elles voient avec une joie toujours croissante approcher le moment de leur délivrance.

Le Fils de Dieu ayant accepté toutes les conditions de l'humanité, et ne devant triompher que par sa résurrection, et n'ouvrir les portes du ciel que par son Ascension, son âme, séparée du corps par le glaive de la mort, devait descendre aussi dans ces lieux bas de la terre, et partager un moment le séjour des justes exilés. « Le Fils de l'homme, avait-il dit, sera trois jours dans le cœur de la

 

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terre (1). » Mais autant son entrée dans ces lieux sombres devait être saluée par les acclamations du peuple saint, autant devait-elle déployer de majesté, et montrer la force et la gloire de l'Emmanuel. Au moment où Jésus a rendu sur la croix son dernier soupir, le limbe des justes s'est vu tout à coup illuminé des splendeurs du ciel. L'âme du Rédempteur unie à la divinité du Verbe est descendue en un instant au milieu de ces ombres, et du lieu de l'exil elle a fait un paradis. C'est la promesse du Christ mourant au voleur repentant : « Aujourd'hui tu seras avec moi en Paradis. »

Qui pourrait dire le bonheur des justes, à ce moment attendu depuis tant de siècles ; leur admiration et leur amour à la vue de cette âme divine qui vient à la fois partager et dissiper leur exil? Quels regards de bonté l'âme de Jésus arrête sur cet immense troupeau d'élus que quarante siècles lui ont fourni, sur cette portion de son Eglise qu'il a acquise par son sang, et à qui les mérites de ce sang divin furent appliqués par la miséricorde du Père, avant même qu'il fût verse! Nous qui. au sortir de ce monde, avons l'espoir de monter vers celui qui est allé nous préparer une place dans les cieux (2), unissons-nous aux joies de nos pères, et adorons la condescendance de notre Emmanuel, qui daigne s'arrêter trois jours dans ces demeures souterraines, pour ne laisser rien dans les destinées, même passagères, de l'humanité, qu'il n'ait accepté et sanctifié.

Mais, dans cette visite aux lieux infernaux, le Fils de Dieu vient aussi manifester son pouvoir. Sans descendre substantiellement au  séjour de

 

1. MATTH. XII. 40.

2. JOHAN. XIV, 2.

 

700

 

Satan, il y fait sentir sa présence; et il faut à ce moment que le superbe prince de ce monde fléchisse le genou et s'humilie. Dans ce Jésus qu'il a fait crucifier par les Juifs, il reconnaît maintenant le propre Fils de Dieu. L'homme est sauvé, la mort est détruite, le péché est effacé; désormais ce n'est plus au sein d'Abraham que descendront les âmes des justes : c'est au ciel, avec les Anges fidèles, qu'elles s'élèveront pour y régner avec le Christ, leur divin Chef. Le règne de l'idolâtrie va succomber; les autels sur lesquels Satan recevait l'encens de la terre sont ébranlés et crouleront partout. La maison du fort armé est forcée par son adversaire divin; ses dépouilles lui sont enlevées (1); la cédille de notre condamnation est arrachée au serpent, et la croix qu'il avait vu s'élever pour le Juste, avec tant de joie, a été pour lui, selon l'énergique expression de saint Antoine, comme un hameçon meurtrier que l'on présente sous un appât au monstre marin qui meurt en se débattant, après l'avoir avale.

L'âme de Jésus fait sentir aussi sa présence aux justes qui soupirent dans les feux de l'expiation. Sa miséricorde allège leurs souffrances et abrège le temps de leur épreuve. Plusieurs d'entre eux voient finir leurs peines durant ces trois jours, et se joignent à la foule des saints, pour entourer de leurs vœux et de leur amour celui qui ouvre les portes du ciel. Il n'est pas contraire à la foi chrétienne de penser, avec de doctes théologiens, que le séjour de l'Homme-Dieu dans la région voisine du limbe des enfants leur apporta aussi quelque consolation; et qu'ils connurent alors qu'un jour ils reprendront leurs corps, et verront s'ouvrir

 

1  MATTH. XII, 29.

 

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pour eux une demeure moins sombre et plus riante que celle où la divine justice les retient captifs jusqu'au jour du grand jugement.

Nous vous saluons et nous vous adorons, âme de notre Rédempteur, durant ces heures que vous daignez passer avec nos pères, dans les entrailles de la terre. Nous glorifions votre bonté ; nous admirons votre tendresse envers vos élus dont vous avez daigné faire vos frères. Nous vous rendons grâces d'avoir humilié notre redoutable ennemi ; daignez l'abattre toujours sous nos pieds. Mais, ô Emmanuel, assez longtemps vous avez habité la tombe, il est temps de réunir votre âme à son corps. Le ciel et la terre attendent votre résurrection, et déjà votre Eglise impatiente de revoir son Epoux a prononcé l'Alleluia! Sortez du sépulcre, auteur de la vie! triomphez de la mort et régnez à jamais.

 

 

Le Missel ambrosien nous donnera, pour terminer cette journée et ce volume, l'une de ses plus belles pièces liturgiques. C'est la Préface pour la bénédiction du Cierge pascal, dans laquelle le mystère de cette dernière nuit est traite avec une onction touchante et un accent poétique digne d'un si grand sujet.

 

PRÉFACE.

 

Il est digne et juste, équitable et salutaire que nous vous rendions de continuelles actions de grâces, ici et en tout lieu, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui avez consacré la Pâque à laquelle vous conviez tous les peuples , non par le sang et la graisse des agneaux, mais par le sang et par le corps de votre l'ils unique Jésus-Christ notre Seigneur. En abolissant le rite d'une nation ingrate, vous avez fait succéder la grâce à la loi ; et une victime unique offerte une seule fois et par elle-même à votre Majesté, a suffi à la réparation des offenses du monde entier.

C'est là cet Agneau figuré sur les tables de pierre ; non tiré d'un troupeau, mais venu du ciel ; non conduit par un pasteur, mais lui-même le bon et unique Pasteur qui a donné sa vie pour ses brebis , et qui l'a reprise de nouveau ; la bonté divine nous donnant en lui la leçon de l'humilité et l'espérance de la résurrection pour nos corps. Cet agneau ne fit point entendre son bêlement plaintif à celui qui le tondait ; mais il prononça alors cet oracle évangélique : Un jour vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la Majesté divine. Qu'il daigne donc nous réconcilier avec vous, Père tout-puissant ; et qu'il nous soit propice lui-même dans sa Majesté égale à la vôtre.

Voici maintenant que s'accomplit pour nous en réalité ce qui arriva en figure à nos pères. Déjà resplendit la colonne de feu qui guida, durant la nuit sacrée, le peuple du Seigneur vers les eaux dans lesquelles il devait trouver son salut; vers ces eaux qui engloutissent le persécuteur, et du sein desquelles le peuple du Christ remonte délivré. Conçu de nouveau dans l'eau fécondée parle Saint-Esprit, le fils d'Adam, né pour la mort, renaît à la vie par le Christ. Hâtons-nous donc de rompre notre jeûne solennel ; car le Christ notre Pâque a été immolé. Non seulement nous sommes conviés au festin du corps de l'Agneau, mais nous devons encore nous enivrer de son sang. Ce breuvage n'est point imputé à crime pour ceux qui le boivent, mais il est en eux le principe du salut. Nourrissons-nous aussi de celui qui est l'Azyme ; car l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu. Le Christ est le pain descendu du ciel, bien supérieur à celui qui pleuvait du ciel dans la manne, et dont Israël fit son festin pour mourir ensuite. Celui dont ce corps sacré est l'aliment devient possesseur de l'éternelle vie. Les choses anciennes ont disparu, tout est devenu nouveau : le couteau de la circoncision mosaïque est émoussé, et le rude tranchant de la pierre employée par Josué est hors  d'usage.

C'est au front et non en secret, que le peuple du Christ reçoit sa marque glorieuse ; c'est par un bain et non par une blessure, par le Chrême et non par le sang.

Il convient donc, en cette nuit de la résurrection de notre Seigneur et Sauveur, d'allumer un flambeau dont la blancheur flatte les regards, dont le parfum réjouisse l'odorat, dont l'éclat illumine, dont la matière ne cause pas de dégoût, dont la flamme n'exhale pas une noire fumée. Quoi, en effet, de plus convenable, de plus joyeux, que de célébrer les veilles de la nuit en l'honneur de celui qui est la fleur de Jessé, avec des torches dont la matière est empruntée aux fleurs? La Sagesse a chanté, parlant d'elle-même : Je suis la fleur des champs et le lis des vallons. La cire n'est point une sueur arrachée au pin par le feu; elle n'est point une larme enlevée au cèdre par les coups répétés de la hache ; sa source est mystérieuse et virginale; et si elle éprouve une transformation, c'est en prenant la blancheur de la neige. Devenue liquide par la fusion, sa surface est unie comme le papyrus; pareille à l'âme innocente, aucune division ne vient la briser, et sa substance, toujours pure, descend en ruisseaux pour devenir l'aliment de la flamme.

Il convient que l'Eglise attende l'arrivée de son Epoux à la lueur de si doux flambeaux, et qu'elle reconnaisse par ses démonstrations le don si abondant de sainteté qu'elle en a reçu. Il convient que les ténèbres n'aient aucune part dans une si sainte veille, et que cette Vierge sage prépare son flambeau, pour préluder a l'éternelle lumière ; de peur que si nous avions encore à verser l'huile dans nos lampes, nous ne fussions tardifs dans nos hommages. à l'avènement du Seigneur qui doit arriver en un clin d'œil, et semblable à l'éclair.

Le soir de ce jour recueille à lui seul la plénitude des plus augustes mystères. Tout ce qui fut figuré ou accompli en divers temps est rassemblé dans la solennité de la nuit qui va suivre. Ce flambeau du soir ouvre d'abord la fête, semblable à l'étoile qui conduisit les Mages. La fontaine mystérieuse de régénération parait ensuite, semblable au Jourdain, théâtre de la miséricorde du Seigneur. Vient après la voix apostolique du prêtre, annonçant la Résurrection du Christ. Enfin, pour complément du mystère tout entier, la foule des fidèles se nourrit de la chair du Sauveur. Rendue sainte par la prière et les mérites de votre grand Prêtre et Pontife  Ambroise, qu'elle reçoive donc, par le secours du Christ, toutes les faveurs du grand jour de la résurrection.

 

FIN.

 

 

 

 

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