PSAUME V

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PSAUME III
PSAUME IV
PSAUME V
PSAUME VI
PSAUME VII
PSAUME VIII
PSAUME IX
PSAUME X
PSAUME XI
PSAUME XII
PSAUME XLI
PSAUME XLIII
PSAUME XLIV
PSAUME XLV
PSAUME XLVI
PSAUME XLVII
PSAUME XLVIII
PSAUME XLIX
PSAUME CVIII
PSAUME CIX
PSAUME CX
PSAUME CXI
PSAUME CXII
PSAUME CXIII
PSAUME CXIV
PSAUME CXV
PSAUME CXVI
PSAUME CXVII
PSAUME CXIX
PSAUME CXX
PSAUME CXXI
PSAUME CXXII
PSAUME CXXIII
PSAUME CXXIV
PSAUME CXXV
PSAUME CXXVI
PSAUME CXXVII
PSAUME CXXVIII
PSAUME CXXIX
PSAUME CXXX
PSAUME CXXXI
PSAUME CXXXII
PSAUME CXXXIII
PSAUME CXXXIV
PSAUME CXXXV
PSAUME CXXXVI
PSAUME CXXXVII
PSAUME CXXXVIII
PSAUME CXXXIX
PSAUME CXL
PSAUME CXLI
PSAUME CXLII
PSAUME CXLIII
PSAUME CXLIV
PSAUME CXLV
PSAUME CXLVI
PSAUME CXLVII
PSAUME CXLVIII
PSAUME CXLIX
PSAUME CL

EXPLICATION SUR LE PSAUME V. POUR LA FIN, POUR L'HÉRITIÈRE. — PSAUME DE DAVID.

 

ANALYSE.

 

1. Héritage de l'Eglise : pourquoi elle n'entrera en possession que dans l'autre vie.

2. Combien il est facile d'aimer son prochain. L'épouse et l'époux.

3. Réflexions diverses sur la prière.

4. Haine de Dieu contre les méchants. Sa miséricorde.

5. Explication des mots : Sépulcre ouvert.

6. Gloire et sécurité : réunies chez le seul juste.

 

1. Voyons d'abord quel est cet héritage, et s'il nous en revient une part; puis le temps où nous devons hériter. Il serait bien étrange, quand vous vous montrez si inquiets, si préoccupés, au premier bruit d'un legs pécuniaire fait en votre faveur, si empressés à fouiller des livres, à consigner des sommes, à recourir aux pièces, à en transcrire la teneur, à déployer toute votre activité , de montrer de la tiédeur et de la négligence aujourd'hui qu'il s'agit de l'ouverture d'un testament spirituel qui attend son exécution d'une succession qui n'est point de ce monde. Approchons-nous donc, ouvrons les registres, examinons le texte de près, et voyons à quelles conditions cet héritage nous est laissé, et quelle en est la nature. En effet, ce n'est pas un héritage pur et simple, il y a une clause. Quelle est cette clause? « Celui qui m'aime gardera mes préceptes » (Jean, XIV, 23); ou encore, « celui qui ne portera pas ma croix et ne marchera pas à ma suite» (Math. X, 33); la même chose se retrouve dans plusieurs endroits du Testament. Enquérons-nous maintenant du temps, où la succession doit nous échoir. Ce temps n'est pas le présent, mais l'avenir; ou plutôt, c'est à la fois le présent et l'avenir. « Cherchez le royaume de Dieu et toutes ces choses vous seront données par surcroît; » le legs entier est réservé pour un autre temps. Car, la vie présente étant fragile, et nos âmes encore dans l'enfance, Dieu fait comme les législateurs du monde; il attend que nous soyons mûrs, pour nous investir de notre patrimoine. C'est lorsque nous sommes arrivés à la maturité, à la plénitude de l'âge, et que nous avons quitté cette vie pour la vie éternelle qu'il nous met en main l'héritage promis. En attendant il a testé, il nous a laissé les pièces, il nous a dit ce qu'il fallait faire pour être mis en possession du legs, pour n'être pas évincés, déshérités. Va-t-on se préoccuper de ce que nous ne sommes pas encore en âge, et tenir pour suspecte la parole donnée ? Que l'on écoute alors le langage de Paul : « Quand j'étais petit enfant, comme un enfant je parlais, comme un enfant je pensais, comme un enfant je raisonnais; mais quand je suis devenu homme, je me suis dépouillé de ce qui était de l'enfant. » (I Cor. XIII, 11.) Voilà le présent et voilà l'avenir. —Ailleurs (544) encore : « Jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à la maturité, à la plénitude de l'âge.» (Ephés. IV, 13.) C'est comme s'il disait : Dans la vie présente, la création qui nous environne est comme une nourrice qui nous donne son lait; mais quand le moment sera venu pour nous d'être introduits dans le palais du Seigneur, alors dépouillant ce vêtement périssable pour nous envelopper d'immortalité , nous serons admis à cet autre partage. Le même Testament menace aussi de laisser beaucoup d'hommes sans héritage, s'ils ne savent pas répondre aux conditions formulées. Mais voyons maintenant de quel legs il s'agit: De ce que «  l'oeil n'a pas vu, l'oreille n'a pas ouï, » de « ce qui n'est pas entré dans le coeur de l'homme. » (I Cor. II, 9.) Comment donc aurions-nous pu dans cette vie avoir la disposition de choses dont la connaissance même surpasse notre esprit? Voilà pourquoi elles nous sont gardées comme un dépôt dans l'autre monde. Et voyez quel excès de sollicitude. Nos maux sont circonscrits dans les limites de l'existence actuelle, de telle façon qu'un temps borné en mesure la durée ; au contraire, les biens nous attendent au sein de la vie future, afin que notre rémunération se prolonge sans fin dans l'éternité. C'est ce partage immortel qui est appelé aussi royaume. En effet, cet avenir a beau surpasser notre raison; Dieu y fait allusion dans un langage approprié à notre faiblesse, tantôt le nommant royaume, ainsi que je l'ai dit plus haut, tantôt noces, tantôt magistrature, afin que ces noms qui rappellent des joies d'ici-bas, nous permettent de pressentir cette gloire éternelle , ce bonheur sans mélange, cette société du Christ, que rien ne saurait égaler. — Mais quelles sont les conditions de l'Eglise, ou plutôt de l'héritage? Elles n'ont rien d'onéreux: « Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur aussi. » (Matth. VII, 12.) Vous voyez qu'il n'y a rien là d'exorbitant, rien que la nature n'ait commencé par prescrire elle-même ? Faites au prochain les traitements que vous désirez obtenir de lui. Tu veux être loué: Loue. Tu veux n'être pas dépossédé : Ne dépossède pas. Tu veux être honoré: Honore. Tu veux obtenir miséricorde : Sois miséricordieux. Tu veux être aimé : Aime. Tu veux qu'on ne médise pas de toi : Ne médis pas. Et remarquez la justesse de ce langage. On ne vous dit pas : Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse, mais : Faites ce que vous voulez qu'on vous fasse. Entre les deux routes qui mènent à la vertu, l'une, par l'abstention du vice, l'autre, par la pratique de la vertu, Jésus choisit la seconde, en nous indiquant en même temps la première. Il avait d'ailleurs fait allusion à celle-ci, en disant : Ce que tu hais, ne le fais pas à autrui; quant à la seconde, il nous la montre clairement par ces expressions : « Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur aussi. »

2. Il y a encore une autre condition. Quelle est-elle? C'est d'aimer son prochain comme soi-même. Et quoi de plus aisé ? Haïr, voilà ce qui est difficile et pénible; aimer, rien n'est plus facile et plus doux. S'il avait dit Hommes, aimez les bêtes sauvages, le précepte serait rigoureux; mai-3 il ordonne à des hommes d'aimer les hommes; une telle prescription, avec le puissant appui que lui prêtent l'identité d'essence, la communauté d'origine, la voix même de la nature, quel obstacle pourrait-elle rencontrer? Les lions, les loups obéissent à la même loi; car ils cèdent eux-mêmes à l'attrait de la nature. Comment pourrions-nous donc nous justifier, nous qui apprivoisons les lions et les logeons dans nos demeures, si nous ne savions pas nous concilier nos frères? Il ne manque pas de gens, vous le savez, qui sont sur la piste des vieillards, afin de capter leur héritage; de jeunes hommes, pleins de santé qui affrontent toutes les incommodités de la vieillesse, la goutte, la toux, et tant d'autres infirmités, dans leur assiduité à faire le siège d'une succession. Et pourtant, il ne s'agit là que d'argent et d'un espoir mal assuré; ici, au contraire, il s'agit du ciel, et d'abord de plaire à Dieu. Mais, qu'est-ce donc, que cette héritière dont le titre fait mention : . « Pour l'héritière. » C'est l'Eglise en sa plénitude, l'Eglise dont Paul a dit : « Je vous ai, fiancée à un époux unique, au Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure. » (II Cor. XI, 2.) Et Jean : « Celui qui a l'épouse, est l'époux. » (Jean, III, 29.) Mais, l'époux, après les premiers jours, perd la vivacité de son amour; le nôtre, au contraire, reste constamment fidèle à son affection, et ne fait que redoubler d'ardeur; aussi Jean emploie-t-il un mot qui désigne le commencement du mariage, époque où la tendresse est, dans toute sa force. Quant au nom d'épouse, (ou plutôt jeune épouse) il lui a été dicté (545) encore par un autre motif; il a voulu indiquer que nous devons tous ne former qu'un corps et qu'une âme selon la vertu et selon la charité, et aussi que nous devons, durant toute notre vie, imiter la jeune épouse qui ne songe dans toutes ses actions qu'à contenter son mari. Comme au jour de son mariage l'épouse assise dans la chambre nuptiale, se préoccupe seulement de plaire à son époux; ainsi nous-mêmes, en cette vie, songeons seulement à la satisfaction de l'époux, et restons fidèles à la conduite qui doit être celle d'une épouse. C'est encore à cette épouse que pense David, lorsqu'il dit : « La reine s'est tenue debout à votre droite , vêtue d'un manteau broché d'or, parée de franges d'or. » (Ps. XLIV, 11.) Voulez-vous voir maintenant ses chaussures. Ecoutez Paul, ce paranymphe, qui vous dit : « Chaussant vos pieds pour vous préparer à l'Evangile de la paix. » (Ephés. VI, 15.) Voulez-vous voir aussi sa ceinture et comment elle est faite de vérité? Le même Paul vous la montrera : « Ceignant vos reins en vérité. » (Ib. VI, 14.) Voulez-vous contempler sa beauté? La même bouche vous la révèlera : « N'ayant ni tache ni ride. » (Ibid. V, 27.) Ecoutez encore ce que dit à son sujet. l'Ecclésiaste : « Tu es toute belle, ma compagne, et il n'y a pas en toi de défaut. » (Cant. IV, 7.) Et ses pieds, maintenant. « Qu'ils sont beaux les pieds de ces hommes qui annoncent la paix, qui annoncent le bonheur. » (Rom. X, 15.) Et ce qu'il y a d'admirable, de merveilleux, c'est qu'après l'avoir parée de la sorte, il ne vient pas à elle dans tout l'éclat de sa gloire, de peur que tant de beauté ne l'éblouisse, ne lui trouble l'esprit; il vient enveloppé du même vêtement que son épouse, il participe comme elle de la chair et du sang, et au lieu de l'appeler à lui dans les cieux, il descend lui-même auprès d'elle; fidèle en cela même à la loi qui conduit l'époux auprès de l'épouse. C'est le précepte de Moïse : « L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme. » Et Paul a dit de même : « Ceci est le grand mystère; je le dis à l'égard du Christ et de l'Eglise. » Etant donc entré dans son séjour, et l'ayant trouvée sale, souillée, nue, ensanglantée, il l'a lavée, ointe, nourrie, habillée d'un vêtement dont on ne saurait trouver le pareil; lui-même, il lui sert de manteau, et la prenant avec lui, il l'emmène là-haut. Voilà celle à qui est destiné l'héritage. Que dit donc à son sujet le Prophète? Beaucoup de choses; car il est son avocat, et la plupart des choses qui devaient lui arriver, il les a prédites et annoncées d'avance; par exemple, au sujet de l'époux, de la cérémonie nuptiale, et des biens réservés à l'épouse. Voilà pourquoi il parle d'elle ici même, et, en commençant, ainsi que ces .avocats de profession qui plaident devant les tribunaux, il dit quelle est la personne dont il plaide la cause : « Pour l'héritière. » Et que demande cette héritière ? écoutons : « Ecoutez mes paroles, Seigneur. » (2.) Elle appelle l'époux Seigneur, ce qui est le fait d'une épouse qui connaît ses devoirs. En effet, si c'est l'usage entre personnes de même condition, si la femme nomme son mari Seigneur, à plus forte raison est-ce le cas, lorsqu'il s'agit de l'Eglise et du Christ, de donner ce titre à celui qui le mérite par sa nature même. Ce n'est donc point seulement en qualité d'époux qu'elle le nomme Seigneur, c'est encore en qualité de Maître, et c'est à ce titre qu'elle le supplie de l'entendre. Car si un héritage lui est offert, il faut, pour qu'elle en jouisse, qu'elle accomplisse les conditions exigées; elle prie donc et conjure l'époux de devenir son allié, de l'aider à exécuter les clauses, afin qu'elle ne soit pas déshéritée. De là ces mots: Ecoutez mes paroles, Seigneur; et elle le dit avec confiance, ne demandant rien que lui-même ne désire donner; tandis que ceux qui ont à demander des choses indignes de celui à qui ils s'adressent, ne sont pas admis à présenter une pareille requête. Prier contre ses ennemis, contre ses persécuteurs, ce ne sont point là paroles d'homme, mais paroles du diable. En effet, si jurer procède du diable, « ce qu'on dit de plus vient du mal (Matth. V, 37), » est-il écrit, il en est évidemment de même des voeux que l'on forme contre ses ennemis. Par conséquent, si vous dites : « Ecoutez mes paroles, » que vos paroles annoncent un homme charitable, humain, et sans rapports avec le diable.

3. Comprenez mon cri. Par ce mot cri n'entendez point ici une élévation de la voix, mais une disposition de l'esprit. C'est ainsi que Dieu dit à Moïse alors silencieux : « Pourquoi cries-tu vers moi? » Il ne dit pas : pourquoi m'adresses-tu ta prière ? Mais : « Pourquoi cries-tu vers moi ? » parce que Moïse s'approchait de lui avec une grande ferveur. — Aussi pour vous faire entendre qu'en ce passage (546) également, il ne s'agit pas proprement de cri, mais d'une disposition intérieure, mais d'un redoublement de zèle, il ne dit pas: entends mon cri, il dit: comprends mon cri, pénètres-en le sens. Car, s'il emploie des paroles humaines, il les emploie de manière à bien exprimer ce qu'il veut dire. « Faites attention à la voix de ma supplication. » Ici encore, c'est de la voix intérieure qu'il s'agit. Anne aussi criait de la sorte. Et il ne dit pas simplement : Faites attention à la voix de ma prière : il dit, « de ma supplication. » En effet, celui qui prie doit revêtir l'extérieur et les sentiments d'un suppliant. Un suppliant ne parle point en accusateur et celui qui forme des voeux contre son ennemi est un accusateur plutôt qu'un suppliant. Vous voyez comment elle offre sa prière, après l'avoir rendue digne d'être entendue. — Faisons de même quand nous prions et que nous voulons être écoutés . faisons d'abord que ce soit une prière, et non une accusation, et présentons-la conformément aux règles données par le Prophète. « Mon roi et mon Dieu. » C'est l'expression perpétuelle du Prophète, ou plutôt, s'était le privilège d'Abraham, au dire de Paul : « Pour cette raison Dieu ne rougit au point d'être appelé leur Dieu. » (Héb. XI,16.) L'héritière emprunte cette expression, et se l'approprie heureusement dans son amour. Elle ne dit pas simplement roi, elle dit « mon roi et mon Dieu, » de façon à manifester sa tendresse. Ensuite elle expose les raisons, sur lesquelles elle se fonde pour être écoutée. Quelles sont ces raisons ? « Parce que je vous adresserai ma prière, Seigneur. » (4.) Mais dira-t-on, y a-t-il quelqu'un qui n'adresse pas à Dieu sa prière ? Je réponds que beaucoup de gens paraissent prier Dieu, qui n'agissent de la sorte que pour être vus des hommes. Il n'en est pas ainsi de notre héritière : elle étend les mains vers Dieu, sans s'inquiéter d'aucune considération humaine. « Le matin, vous en« tendrez ma voix. » Voyez-vous ce zèle, et la componction de cette âme ? Dès le commencement du jour, dit-elle, voilà mon occupation. — Ecoutez, vous tous qui attendez pour prier la fin de mille affaires. Telle n'est point sa conduite, à elle: c'est au point du jour qu'elle offre à Dieu les prémices de sa pensée. Il faut devancer le soleil pour vous rendre « grâces, et se mettre en votre présence avant le lever du jour. » (Sag. XVI, 28.)

Mais vous,  s’il s'agissait d'un monarque, vous ne permettriez pas que votre inférieur le saluât avant vous : et maintenant, lorsque le soleil est en adoration , vous donnez, vous cédez votre rang à une créature matérielle, au lieu de prévenir toute cette nature créée pour vous et de rendre vos actions de grâces: tout en vous levant, vous vous lavez le visage et les mains, et vous laissez votre âme dans l'impureté ! Ne savez-vous pas que la prière est pour la purification de l'âme, ce qu'est l'eau pour celle du corps? Avant de nettoyer votre corps, nettoyez donc votre âme : le péché y a laissé bien des souillures : recourons à la prière pour nous en délivrer. Si nous avons eu soin de fortifier ainsi notre bouche, ce sera un fondement excellent pour notre conduite de la journée. « Le matin, je me présenterai devant vous,et je vous contemplerai. » (Ibid. 5.) Je me présenterai devant vous, non en me transportant ailleurs, mais par mes actions. L'homme qui est dans de telles dispositions est capable de s'approcher de Dieu. C'est de là que résulte l'éloignement ou la proximité: car Dieu est partout. «Je me présenterai devant vous et je vous contemplerai, parce que vous n'êtes pas un Dieu voulant l'iniquité. » Un autre interprète dit : « Et je considérerai que vous n'êtes pas un Dieu voulant l'iniquité. » — « Et le pervers n'habitera pas auprès de vous. » (Ibid.6.) En ce passage, il fait allusion aux idoles : parce que ces hommes les aimaient ainsi que toute iniquité et toute mauvaise action. « Et le pervers n'habitera pas auprès de vous, » il ne sera pas votre ami, votre voisin. « Et les prévaricateurs ne tiendront pas devant vos regards. » Il fait voir ici la haine de Dieu contre le mal, et enseigne à ceux qui s'approchent de lui à se mettre en état de paraître devant ses yeux. En effet, si l'on ne peut approcher d'un homme de bien, à moins d'avoir urne conduite semblable à la sienne, à plus forte raison le méchant ne saurait-il approcher de Dieu. En effet, que les méchants ne peuvent vivre dais le voisinage des hommes vertueux, c'est cg que prouve ta manière dont ils parlent du juste : « Sa vue même nous est importune. » (Sag. II, 15.) Ainsi Jean, du fond de la prison oui il était caché, gênait Hérodiade, qui était pourtant bien loin de lui : et après sa mort, il toua. mentait la conscience du tyran qui régnait alors. En conséquence, qu'aucun homme vertueux ne se trouve malheureux d'être en bâtie aux complots des méchants, car ce sont les (547) méchants, qui sont les malheureux. « Vous avez pris en haine tous ceux qui opèrent l'iniquité, vous exterminerez tous ceux qui profèrent le mensonge. Le Seigneur a en horreur l'homme de sang, l'homme perfide. » (Ibid. 7.) Ces choses sont dites non-seulement pour que nous les entendions, mais encore pour que nous apprenions, en les entendant sans cesse, à nous conformer à l'humeur de l'Epoux, et à nous approcher de lui. Sans cela, nous serons privés du secours d'en-haut : et c'est la pire chose qui nous puisse arriver.

4. « Vous avez pris en haine tous ceux qui opèrent l'iniquité. » Tous, c'est-à-dire, esclaves, hommes libres, monarques, enfin qui que ce soit. Car ce n'est point au rang, c'est à la vertu que Dieu distingue ses amis. Mais connue beaucoup d'hommes grossiers ne font nulle attention à cette haine, écoutez la menace de châtiment qui vient ensuite : « Vous exterminerez tous ceux qui profèrent le mensonge ; » ici, il s'adresse à ce qu'il y a de plus grossier chez les pécheurs. La punition, dit-il, ne sera point seulement la haine, châtiment déjà effroyable par lui-même, Dieu exterminera en outre tous ceux qui profèrent le mensonge. C'est déjà un supplice affreux et pire que l'enfer, que d'être haï de Dieu : mais celui-là il n'en parle qu'aux gens capables de comprendre : pour être entendu des hommes, grossiers, il ajoute celui que nous venons de voir. N'éprouvez donc point, mon cher auditeur, de trouble ni de doute, en voyant des menteurs, des voleurs, des avares vivre sans être inquiétés : le châtiment ne peut manquer de les atteindre. Car telle est la nature de Dieu il se détourne du vice, il ne cesse de le haïr et de l'avoir en horreur. Par ceux qui profèrent le mensonge, entendez ici ceux qui vivent dans la perversité, ceux qui sont à la poursuite des choses mensongères, ceux qu'enchantent les voluptés, la sensualité, l'avarice. Car l'écrivain sacré a coutume d'appeler mensonges toutes ces choses. « Le Seigneur a en horreur l'homme de sang, l'homme perfide. » Ici il a en vue l'homme sanguinaire, le traître, le fourbe, celui qui a une parole sur les lèvres et une pensée contraire dans l'esprit, celui qui porte un masque de douceur et qui agit en loup, la pire espèce qui soit au monde. En effet, on peut se mettre en garde contre un ennemi déclaré : mais celui qui dissimule sa scélératesse et qui ne la manifeste que par ses crimes, celui-là fait beaucoup de mal grâce au mystère dont il s'environne. Aussi le Christ nous recommande-t-il de nous tenir sur nos gardes . quand nous nous trouvons avec ces hommes « Ils viennent à vous sous des vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravissants. » (Matth. VII, 15.) « Pour moi, dans l'abondance de votre miséricorde, j'entrerai en votre maison. » (Ps. V, 8.) En effet, l'Eglise s'étant recrutée parmi des hommes de cette espèce, païens, magiciens, homicides, sorciers, menteurs, fourbes, après avoir dit que Dieu hait ces vices et s'en détourne, l'héritière poursuit, afin de faire voir que si elle a été guérie et introduite dans le sanctuaire, ce n'est point grâce à sa propre justice ou à ses bonnes oeuvres, mais grâce à la bonté divine : « Pour moi, dans l'abondance de votre miséricorde, j'entrerai en votre maison. » De peur qu'on ne vienne lui dire : Et toi, qui as commis tant de fautes, comment donc as-tu été sauvée? elle fait connaître l'origine de son salut, laquelle est une infinie bonté, une ineffable charité. Mais il y a des gens qui se refusent à la miséricorde, des malades incurables, tels qu'étaient les Juifs : en effet, la grâce et la miséricorde, tout en demeurant miséricorde et grâce, ne sauvent que ceux qui consentent à leur salut et en sont reconnaissants, et non ceux qui résistent, ceux qui n'acceptent point le présent, comme firent les Juifs, au sujet desquels Paul a dit : « Ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. » (Rom. X, 3.) Ensuite après avoir parlé des bienfaits de Dieu, elle parle de ses propres oeuvres : « Je m'inclinerai devant votre saint temple, remplie de votre crainte. » Quand vous m'aurez accordé votre grâce, et que j'aurai fait ce qui est en moi, je vous offrirai ce sacrifice, dit-elle : « Je m'inclinerai devant votre saint temple, remplie de votre crainte. » Non pas comme font en priant tant de personnes, qui se grattent, bâillent, s'endorment, mais avec crainte et tremblement. Car celui qui prie de la sorte secoue tous ses vices, s'achemine à toutes ces vertus, et se rend Dieu propice. « Seigneur, guidez-moi dans votre justice, à cause de  mes ennemis. » (Ps. V, 9.) Elle a dit les louanges de Dieu, sa haine contre les méchants, sa bonté, sa sollicitude; elle a dit son salut, et comment elle a été sauvée; elle a dit qui elle a (548) fait entrer à sa suite, une fois sauvée; elle nous a détournés du vice, guidés vers la vertu; elle a fait luire de bonnes espérances aux yeux de ceux mêmes qui vivent dans l'iniquité, pourvu qu'ils veuillent se convertir, en leur montrant qu'ils peuvent obtenir miséricorde : elle passe maintenant à la demande suivante: «Seigneur, guidez-moi dans votre justice, » enseignant ainsi à l'auditeur, à commencer par offrir des hymnes à Dieu, et le remercier de ses bienfaits, avant de lui exprimer ses voeux, et de le remercier ensuite de ses nouveaux dons. Mais voyons ce qu'elle demande. Est-ce quelque bien mondain, fragile, périssable ? Est-ce de l'or qu'elle sollicite, de la gloire, de la puissance, le châtiment d'un ennemi? Rien de pareil. Et quoi donc ! « Seigneur, guidez-moi dans votre justice à cause de mes ennemis. » Voyez-vous comment elle ne demande rien de passager, et comment elle réclame l'assistance d'en-haut? En effet c'est dans cette voie que l'on a le plus besoin d'un tel appui. Par justice, elle entend ici la vertu en général. Et elle dit fort bien « Dans votre justice. » Car il y a aussi une justice humaine, celle des lois du monde mais c'est une justice infirme, qui n'a rien de parfait ni de consommé, et qui ne repose que sur des jugements humains. Pour moi, la justice que je réclame est celle qui procède de vous, celle qui mène au ciel, et je demande votre appui afin d'attirer sur moi cette justice.

5. « Guidez-moi ! » on ne saurait mieux dire. Car la vie présente est une voie où le bras d'en-haut nous est nécessaire pour nous conduire. Si nous avons besoin, lorsque nous voulons nous rendre dans une ville, d'une personne qui nous indique le chemin : à plus forte raison, quand il s'agit de faire le voyage du ciel, avons-nous besoin du secours d'en-haut, afin d'être éclairés, fortifiés, guidés tant sont nombreux les chemins de traverse qui peuvent nous égarer. Attachons-nous donc fortement à la main de Dieu. « A cause de mes ennemis. » Beaucoup d'ennemis se sont levés pour égarer mes pas, me dévoyer, me jeter dans un autre chemin. Protégez-moi contre ces complots, ces attaques, en me servant de guide : car votre alliance m'est nécessaire. Mais s'il appartient à Dieu de nous guider, il nous appartient, à nous, de mériter le secours de cette main, par notre propre diligence. Si vous êtes impur, cette main ne vous soutient pas; non plus que si vous êtes avare, ou souillé de quelque autre tache : « Rendez droite ma voie devant vos yeux. » C'est-à-dire, rendez-la moi claire, manifeste : faites que je marche droit. Un autre interprète dit : « Aplanissez devant moi ma route, » rendez-la unie, facile. « Parce que la vérité n'est pas dans leur bouche et que leur coeur est vain. » (Ibid. 10.) Ces bouches qu'elle accuse, ces coeurs où il n'y a rien de bon me paraissent être ceux des hommes qui vivent dans l'erreur, ou qui sont adonnés au vice. « Leur gosier est un sépulcre ouvert. » Ici elle fait allusion soit à leurs instincts sanguinaires, soit à la mauvaise odeur des doctrines de mort. On ne se tromperait pas non plus en appliquant cette expression : « Sépulcre ouvert, » à la bouche de ceux qui profèrent des paroles obscènes. En effet, c'est là une exhalaison bien pire que celles qui répugnent à notre odorat, parce qu'elle procède d'une âme corrompue : les hommes injustes et cupides ont aussi des bouches pareilles, eux dont la perversité ne produit rien que meurtres et rapines. Que votre bouche, à vous, ne soit donc pas un tombeau, mais un trésor : grande est, en effet, la différence de ces deux choses dont l'une détruit, l'autre garde le dépôt confié. Ayez, vous aussi, un trésor permanent de sagesse, au lieu d'un foyer d'infection. Mais elle ne se borne pas à dire « Sépulcre, » elle dit : « Sépulcre ouvert, » afin de rendre l'abomination plus sensible. Il faudrait cacher les paroles de ce genre : or ces hommes les étalent, de façon que leur infirmité en devient plus manifeste. Nous faisons le contraire pour les morts, nous les confions à la terre : ces hommes ne font pas ainsi pour leurs paroles : ils mettent au jour ce qu'ils devraient enfouir, étouffer au fond de leur coeur, sans craindre de choquer les yeux, ni d'exposer leurs misères à la vue de tous. Chassons-les loin de nous, je vous en conjure. Si nous ensevelissons les cadavres hors de l'enceinte des villes, à plus forte raison ceux qui profèrent des paroles de mort, ceux qui tiennent de pareils propos, et ne consentent pas même à les couvrir d'un voile, doivent-ils être relégués au loin : car c'est un fléau public que des bouches pareilles. « Ils se sont servis de leurs langues pour tromper. » Autre espèce de méchanceté. Il y a des gens qui cachent la ruse au fond de leur coeur, en ne prononçant que de douces paroles : d'autres sont assez (549) habiles pour voiler la méchanceté de leurs paroles mêmes, pour tramer des complots et des artifices. « Jugez-les, ô Dieu! qu'ils échouent dans leurs projets. » Voyez ici encore la charité de cette prière. Elle ne dit pas : « Punissez-les, » mais bien : « Jugez-les, » et mettez un terme à leurs mauvaises actions : déjouez leurs trames : dire cela, c'est prier pour eux-mêmes, c'est souhaiter qu'ils ne s'enfoncent pas plus avant dans le vice. « A cause de la multitude de leurs impiétés, repoussez-les parce qu'ils vous ont irrité, Seigneur ! » c'est-à-dire, je m'inquiète peu de ce qu'ils m'ont fait, je gémis seulement de leur conduite envers vous. C'est le fait d'une âme pleine de sagesse, que de ne pas se venger soi-même, et de poursuivre avec ardeur la vengeance des péchés commis contre Dieu. Beaucoup d'hommes font tout le contraire

ils se soucient peu des intérêts de Dieu, et mettent le plus grand acharnement à venger les leurs : ces saints faisaient tout autrement ils se montraient ardents à redresser les torts faits à Dieu, et se souciaient peu du mal fait à eux-mêmes.

« Et que tous ceux qui espèrent en vous se réjouissent. » Voyez le profit qu'on retire de la prière. Les méchants s'amenderont et se corrigeront de leurs vices : et les autres goûteront une joie vive, en voyant le changement de ces hommes, leur amélioration, et le profitable exemple qu'ils donnent à autrui. « Ils seront éternellement remplis de joie, et vous habiterez en eux. » Telle est, en effet, l'allégresse durable : toute autre est aussi passagère que le courant d'un fleuve; elle ne fait que paraître et s'écoule aussitôt : mais la joie selon Dieu est solide, durable, persistante, inébranlable ; aucun événement imprévu n'y peut rien retrancher : les obstacles mêmes ne font que l'accroître. Les apôtres étaient flagellés et ils se réjouissaient; Paul était persécuté, et il tressaillait d'allégresse; il allait mourir, et il invitait les autres à partager sa joie, disant : « Et si je suis immolé sur le sacrifice et l'oblation de votre foi, je m'en réjouis et m'en félicite avec vous tous. Mais vous-mêmes, réjouissez-vous-en, et vous en félicitez avec moi. » (Phil. II, 17, 18.) Dieu habite avec ceux qui se réjouissent de la sorte. Voilà pourquoi l'héritière dit : « Ils seront éternellement remplis de joie, et vous habiterez en eux. » Faisant allusion à la même chose, le Christ disait, de manière à indiquer que cette joie n'aurait pas de fin : « Je vous reverrai, et personne ne vous ravira votre joie. » (Jean, XVI, 22.) Et Paul dit encore : « Réjouissez-vous sans cesse, priez continuellement. » (I Thess. V, 16, 17.) « Et ceux qui aiment votre nom se glorifieront en vous. » C'est à ceux-là entre tous qu'il appartient de se glorifier, de se réjouir, d'être dans l'allégresse : car pour celui qui tire vanité des biens du monde, il ressemble tout à fait à ceux qui sont heureux en songe.

6. En effet, dites-moi, quelle est celle des choses humaines qui mérite qu'on s'en glorifie. La force du corps ? Mais ce n'est pas là une oeuvre du libre arbitre, il n'y a donc pas lieu de s'en vanter : d'ailleurs elle se flétrit et dépérit promptement : souvent même elle devient nuisible, faute d'un sage emploi, à celui qui la possède. Il faut dire la même chose de la beauté, de la richesse, de la puissance, du luxe et de tous les biens charnels. Mais se glorifier au sujet de Dieu, au sujet de l'amour qu'on lui porte, voilà la parure incomparable, voilà la splendeur qui efface l'éclat de mille diadèmes, celui qui se glorifie fût-il un prisonnier. Cette parure-là n'a rien à redouter de la maladie, de la vieillesse, des événements, des vicissitudes, de la mort elle-même : c'est même alors qu'elle brille de toute sa magnificence. « Parce que vous bénirez le juste. » (13.) Comme beaucoup de justes; comme les hommes vertueux, entre tous, sont maltraités et tournés en dérision dans le monde: afin que cela né devienne pas un sujet de scandale pour les esprits grossiers, voyez comment on leur vient en aide en disant : « Parce que vous bénirez le juste. » Qu'importe, en effet, le mépris des hommes et celui du monde entier, lorsque le Maître des anges nous célèbre et proclame notre nom? Au contraire, faute de cette bénédiction, les louanges de tous les habitants de la terre et de l'Océan ne sont d'aucune utilité. Par conséquent, le but auquel nous devons viser constamment, c'est que Dieu nous célèbre, c'est que Dieu nous couronne. Si nous y parvenons, nous dominerons toutes les têtes, fussions-nous pauvres, malades, plongés dans un abîme de maux. Le bienheureux job assis sur un fumier, couvert d'ulcères purulents, dévoré d'une innombrable vermine, en proie à d'incurables tourments, en butte aux insultes de ses serviteurs, de ses amis, de ses (550) ennemis, aux piéges de sa femme, précipité dans la misère, dans la faim, dans une infirmité sans remède, Job était le plus heureux des hommes. Comment cela? C'est que Dieu le bénissait, disant: Homme irréprochable, juste, sincère, pieux, exempt de tout vice. « Seigneur, vous nous avez couronné de votre bonne volonté comme d'une armure. » (Job, I, 1.) Le voilà qui recommence ses actions de grâces, qui offre à Dieu des hymnes de reconnaissance. Mais qu'est-ce qu'une armure de bonne volonté? C'est une armure excellente, une armure selon la volonté de Dieu, une armure magnifique. Voici le sens de ses paroles : Tu nous as protégé par la plus glorieuse alliance. Un autre interprète dit: «Vous le couronnerez, » et nous avertit qu'il est question du juste : que Dieu couronnera le juste, que sa faveur sera pour celui-ci comme une arme, une arme magnifique : ou encore que Dieu protégera le juste par la plus glorieuse alliance, et que ni cette gloire ne sera sans sécurité, ni cette sécurité sans gloire. En effet, quoi de plus fort à la fois et de plus beau que celui qui trouve un rempart dans le bras d'en-haut. Cette couronne est encore une couronne de miséricorde, comme nous l'apprend ailleurs le même David : « Celui qui te couronne en miséricorde et en compassion. » (Ps. CII, 4.) C'est une couronne de justice : « La couronne de  justice m'est désormais réservée, » dit Paul. (II Tim. IV, 8.) C'est aussi une couronne de grâce, suivant un autre : « Une couronne de grâce te protégera. » (Prov. IV, 9.) C'est enfin une couronne de gloire, d'après Isaïe : « Ce sera la couronne d'espérance, tressée de gloire.» (Isaïe, XXVIII, 5.) Cette couronne renferme tout, bonté, justice, grâce, gloire, beauté.

Car elle est le présent de Dieu, et elle offre en elle toutes ses grâces. C'est de plus une couronne d'immortalité, ainsi que Paul nous l'apprend. « Eux, pour recevoir une couronne impérissable; nous, pour en recevoir une incorruptible. » (I Cor. IX, 25.) Voici donc le sens de notre passage: Vous nous avez revêtu de gloire et de sécurité. Car tels sont les présents de Dieu : solides et pleins de beauté; telles sont ses couronnes. Parmi les hommes, rien de pareil; l'un possède la gloire, mais il ne saurait avoir la sécurité; l'autre vit dans la sécurité mais il manque de gloire : il est difficile que ces deux choses se rencontrent réunies ; et quand cela arrive, ce n'est pas pour longtemps. Par exemple, les grands de la terre sont illustres, glorieux, mais ils ne sont pas en sûreté, et la raison principale qui rend leur situation périlleuse, c'est l'éclat même de leur gloire. La foule des hommes sans nom est en sûreté, grâce à l'obscurité où elle vit : mais les honneurs lui manquent; et c'est justement parce qu'elle est en sûreté qu'elle reste sans honneurs. Il n'en est pas de même à l'égard de Dieu : là, les deux choses, gloire et sécurité, sont réunies dans toute leur plénitude. Ainsi donc, persuadés de la grandeur de ces biens , convaincus avant toute chose que plaire à Dieu est le bien suprême, que ce bien est à la fois pour nous protection, gloire, sécurité et mille avantages encore, parcourons avec patience la carrière qui s'ouvre devant nous et ne nous laissons pas décourager, ne jetons point bas nos armes. Ce genre de guerre, en effet, n'admet point un soldat désarmé : c'est quand le spectacle est fini, qu'on se débarrasse de son attirail : or, le spectacle est fini à l'heure où Pâme se sépare du corps. Par conséquent, tant que nous sommes ici-bas, il faut lutter, et chez nous, et sur la place publique, et à table, malades aussi bien qu'en bonne santé. En effet, c'est durant la maladie qu'un pareil combat est surtout de mise, alors que de toutes parts les souffrances viennent troubler notre âme, quand les douleurs l'assiégent , quand le diable, debout à notre chevet, nous excite à proférer des paroles d'amertume. C'est alors surtout qu'il faut se tenir sur ses gardes, opposer aux coups sa cuirasse, son bouclier, son casque et toute son armure, et ne point cesser de rendre grâces à Dieu. Voilà les traits dangereux pour le diable. Voilà ce qui porte les coups mortels au démon; et c'est alors que l'on conquiert les plus brillantes couronnes. Voyez le bienheureux Job (car rien ne nous empêche de recourir encore à cet exemple) :ce qui contribua le plus à sa gloire, à sa renommée, à son triomphe, c'est la constance inébranlable qu'il déploya dans la maladie, dans la pauvreté, dans la tentation , c'est l'intrépidité de son âme, ce sont les actions de grâces, c'est le sacrifice spirituel qu'il ne cessa d'offrir à Dieu. Car c'est un sacrifice qu'il offrait, en disant ces paroles : « Le Seigneur m'a donné, le Seigneur m'a ôté : ainsi qu'il a plu au Seigneur, il est arrivé. Que le nom du Seigneur soit béni dans les siècles ! » (Job, I , 21.) Et nous aussi faisons (551) de même : dans les tentations, dans les vicissitudes, au milieu des embûches, louons Dieu, bénissons-le sans cesse, et répétons ; Gloire à lui dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

 

Haut du document

 

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante