PSAUME CXLII

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EXPLICATION DU PSAUME CXLII. 1. « SEIGNEUR, EXAUCEZ MA PRIÈRE (proseukhe). »

 

AMALYSE.

 

1. Double sens du mot proseukhe. La conscience est comme un juge intérieur

2. La justice de Dieu est clémente. Du fruit que produit la confession des péchés.

3. Qu'il y a plusieurs sortes d'humilité. Que les pécheurs sont dans les ténèbres, qu'ils n'entendent pas les cris des pauvres

4. Etat d'une mauvaise conscience : inquiétude des avares.

5. Les miracles sont moins nécessaires aujourd'hui qu'autrefois. La fosse dont il est question dans le verset 7 n'est autre que l'abîme du péché.

6. Dans l'Écriture, les termes d'équité et de justice sont souvent synonymes de ceux de clémence et de miséricorde.

 

1. Le mot proseukhe présente deux sens: celui de prière vocale et celui de promesse ou voeu. Par là s'explique ce conseil du sage : « Ne répétez pas deux fois la même parole dans  votre prière, proseukhe. » (Eccl. VII, 15). Par ces paroles, il ne nous exhorte pas à ne pas nous répéter, quand nous invoquons, quand nous prions le Seigneur; loin de nous cette pensée, car il nous est ordonné de persévérer dans nos prières. Mais ce qu'il veut, c'est que nous ne différions pas d'accomplir la promesse que nous avons faite à Dieu, de l'accomplir au plus vite. Voilà pourquoi il est dit ailleurs : « Ne différez point de vous acquitter de votre voeu. » (Eccl. V, 3.) L'avenir en effet, est incertain; une maladie, des affaires imprévues peuvent susciter un empêchement. Si la mort arrive et vous surprend, vous serez sans excuse. Or, ici, dans notre psaume, proseukhe veut dire, demande et supplication. C'est ce que le Psalmiste indique lui-même, en ajoutant : « Recevez de vos oreilles ma supplication, selon la vérité qui est en vous. » Un autre texte: « Selon la fidélité qui est en vous; » un autre texte: « Selon la sûreté qui est en vous.» Ce qui veut dire: consentez à ma demande, et faites que ce que je veux, s'accomplisse, confirmez ma demande par la vérité qui est en vous; servez-vous de votre puissance pour en assurer l'accomplissement. Mais voyons de quelle espèce est la demande. En ce monde, lorsqu'un homme adresse une supplication, ceux qui la reçoivent en considèrent la nature, et si la demande est juste et légitime, on l'écoute.

Mais en vérité, en ce monde, c'est pour avoir des honneurs, des dignités, de l'argent, qu'on fait des supplications; souvent encore c'est pour écarter l'injustice: quelques-uns demandent des choses qui dépassent le pouvoir de ceux à qui ils s'adressent. Nous, au contraire, nous supplions pour qu'on nous pardonne nos péchés, et nous faisons entendre notre supplication, quand le juge intérieur ne nous les a pas remis; j'entends par là, notre conscience; qui nous poursuit et nous tourmente. Et eu effet, il n'est pas en son pouvoir de nous les remettre. Or, de même qu'on ne va pas trouver l'empereur, pour lui parler d'un habit déchiré, ou de dix oboles volées, de même vous, et à bien plus forte raison, prenez garde, quand vous vous approchez de Dieu, de ne pas l'aller entretenir de sujets misérables et sans aucune (268) espèce d'importance, comme, par exemple, si on vous a pris de l'argent, ou si l'on vous a fait quelqu'affront, niais parlez-lui des torts que vous fait le démon ; c'est alors surtout que vous avez besoin du secours d'en-haut. Mais vous n'avez personne qui s'intéresse à vous, et présente votre supplication? Lorsque le roi s'avance, parlez-lui, et choisissez le temps convenable. Plais quand le roi s'avance-t-il ? Toujours, et à chaque instant. Mais quand est-ce le temps convenable? Ce sera quand vous voudrez, quand vous vous serez préparé, de manière à être digne de l'aborder. On prescrivit aux Juifs de s'arrêter aux pieds de la montagne, pour se présenter devant Dieu, de mettre des vêtements blancs, et de n'avoir pas de commerce avec leurs femmes. (Exode, XIX, 12, 14, 15.) Pour vous, purifiez votre âme, sans songer à vos vêtements, et, avec la modération et la décence de la sagesse, approchez, allez trouver le roi, si vous voulez sincèrement obtenir ce que vous demandez. Le voyage n'est pas coûteux; pour toute provision ayez avec vous la vertu. Et où est-il ce roi? Auprès de ceux dont le coeur est contrit. Avancez-vous par ce chemin, « le Seigneur est proche de tous ceux qui l'invoquent en vérité. » (Ps. CXLIV, 18.) C'est là que vous le trouverez, c'est là que vous lui parlerez. Il est proche de tous ceux qui rompent le pain aux affamés et qui dispensent l'aumône. Si vous prenez ce chemin, vous le trouverez tout prêt à vous accorder votre demande. « Vous parlerez encore, » dit-il, « et je vous dirai: me voici. » (Isaïe, LVIII, 9.) Et pas n'est besoin d'intermédiaire ; c'est par vous-mêmes que vous obtiendrez ce que vous demandez. « Exaucez-moi selon l'équité de votre justice. » Que faites-vous, ô homme? Vous allez dire tout de suite après . « N'entrez point en jugement avec votre serviteur parce que nul homme vivant ne sera trouvé juste devant vous (2). » Et voici que vous demandez d'être écouté, comme il est juste. Que veut-il donc dire?

«Justice » veut dire ici clémence, et dans beaucoup de passages de l'Ecriture, nous pouvons voir que «justice » signifie « clémence. » Et c'est avec raison. Chez les hommes, la justice se sépare de la miséricorde; chez Dieu, il n'en est pas de même, ruais, à la justice, se joint la miséricorde, et dans une proportion si grande que la justice même s'appelle clémence. Ainsi, considérez, au moment du déluge, la grandeur de la miséricorde, et, en même temps, la grandeur de la justice. S'il y eut un châtiment infligé aux pécheurs d'alors; ce châtiment pourtant fut au-dessous de ce qu'ils avaient mérité. Cessez de considérer ici la masse des eaux, le nombre des jours que dura ce naufrage du déluge, et la terre devenue alors un abîme; qu'importe tout cela à ceux qui périrent? Spectacle épouvantable sans doute, mais pour ceux qui sont morts, il n'y a pas là un supplice. Où est la punition de ceux qui ne sentaient rien de ce qui se passait? Pour ceux qui moururent vite, ils souffrirent, en un instant, une mort très-douce, plus clémente que la mort par le feu, par le glaive, par la pendaison, par les tortures: leur fin fut beaucoup moins pénible. Ils avaient plutôt l'image du supplice qu'ils ne le subissaient en l'éprouvant. Ainsi, ceux qui avaient passé toute leur vie, jusqu'au dernier moment de leur vieillesse, commettant de telles iniquités, ont été punis, en un instant bien court, si toutefois il faut appeler puni celui qui paye la dette à la nature.

2. Avez-vous bien compris la grandeur de la clémence ? En voulez-vous encore une autre preuve ? Dieu n'a pas tout de suite envoyé le déluge; il l'a prédit, une première fois, une seconde fois, souvent. La construction de l'arche était un avertissement aux pécheurs, mais ils , ne le comprirent point, et cependant cet avertissement même n'était pas nécessaire, les coupables n'avaient pas besoin qu'on leur révélât leur perversité. La nature ne leur apprit rien: comme des porcs immondes, ce n'est pas assez dire, plus immondes que des porcs, dans la corruption qu'ils s'envoyaient les uns les autres, renversant toutes les lois de la nature, indociles à toute exhortation, à tout conseil, ne retirant aucune utilité du spectacle de ce juste qu'ils avaient sous leurs yeux; eh bien! ces grands coupables n'ont souffert qu'un instant seulement l'expiation ; disons mieux, ils ont été arrachés à la mort, et affranchis d'un juste châtiment, car c'est chose bien plus malheureuse de commettre le crime, que d'être enseveli sous les eaux du déluge. Eh bien! répondez-moi, est-ce vraiment un supplice, pour des hommes ainsi rongés par le vice, ainsi associés dans le crime et dans la honte, et se souillant ainsi les uns les autres, que d'être affranchis d'une corruption si funeste? Dirons-nous que le médecin, amputant des membres gangrenés, inflige au corps une punition? Ne (269) dirons-nous pas qu'il fait un acte de bonté, d'humanité? N'admirerons-nous pas bien davantage la sagesse et la clémence de Dieu, qui emploie de tels moyens pour corriger ceux qui lui appartiennent? Ce qu'il faut donc, à chaque instant, c'est admirer et glorifier Dieu. Et ce qui fait que nous ne cesserons jamais de méditer avec étonnement sa providence, que nous ne cesserons jamais de le louer, c'est la rapidité avec laquelle il a pratiqué l'amputation, supprimé la racine du mal, et pratiqué un traitement sans douleur. Ne vous troublez donc pas, à cette pensée, que tous les hommes, tout à coup, en un moment, ont été engloutis. Qu'importe que leur châtiment se soit opéré ainsi, ou d'une manière insensible? Que fait, à celui qui meurt, quel avantage pour lui de mourir seul, ou quel mal éprouve-t-il de ce qu'il meurt avec tous les hommes? « Exaucez-moi selon l'équité de votre justice, » c'est-à-dire, avec bonté, avec clémence. C'est là sa pensée, et ce qui le prouve c'est ce qu'il ajoute : «Et n'entrez point en jugement avec votre serviteur. » C'est également la prière de Job, qui était « un homme juste, ami de la vérité et fuyant le mal. » (Job, I, 1.) Il disait : « Il n'y a personne qui puisse juger les deux parties, ni prononcer entre les deux.» (Job, IX, 33.) Et quand Dieu lui apparut : « Je n'ai qu'à mettre ma main sur ma bouche. » (Ibid. XXXIX 34.) Ce qu'il disait, quoique Dieu le provoquât et lui dît «Ceignez vos reins comme un homme. » (Ibid. 42.) C'est encore là le reproche que l'Ecriture adresse aux Juifs: «Quelle injustice vos pères avaient-ils trouvée en moi, lorsque vos chefs se sont conduits injustement envers moi ? » (Jérém. II, 5.)

Or, si Dieu tient cette conduite, c'est qu'il ne veut pas prononcer contre eux un jugement trop sévère. Il veut les amener à sentir leurs péchés, à les confesser, afin de pouvoir leur accorder le pardon et leur faire connaître ainsi la grandeur de ses bienfaits. Et voilà pourquoi Dieu fait entendre cette parole : « Dis le premier tes iniquités ; » non point pour être condamné, mais, « Pour être justifié. » (Isaïe. XLIII, 26.) Voilà pourquoi ce n'est pas Dieu lui -même qui les énonce; il prépare le pêcheur à les révéler. S'il voulait punir, il accuserait lui-même; mais, au contraire; parce qu'il veut faire miséricorde, il cède la parole au pécheur, afin que le pécheur reçoive la couronne de la reconnaissance, et que, par la confession, il s'attire la miséricorde. Qu'y a-t-il de comparable à cette bonté? rien. Parlez, dit le Seigneur, et je ne demande rien de plus; faites votre confession, et il me suffit; dites, et c'en est fait, je m'abstiens. « N'entrez point en jugement avec votre serviteur. » Beaucoup d'hommes se conduisent bien, parce que Dieu les jugera. En effet, les sages connaissent depuis longtemps le jugement à venir; quant aux insensés, à force d'entendre cette parole perpétuellement répétée des prophètes : « Le Seigneur veut entrer en jugement avec son peuple, et se justifier devant Israël (Michée, XI, 2); » et encore : « Ecoutez, vallées et fondements de la terre (Ibid.); » et encore : « Cieux, écoutez, et toi, terre, prête l'oreille (Isaïe, I, 1); » par suite de ce perpétuel jugement dont il est parlé, les insensés mêmes ont su se bien conduire. En effet, quelques Juifs disaient : « Pourquoi avons-nous jeûné, sans que vous nous ayez regardés? » (Isaïe, LVIII, 3.) Et : « Quiconque fait le mal, fait le bien devant la face du Seigneur. » (Malachie , II, 17.) Et : « Ceux qui vivent dans l'impiété, s'établissent, et nous les appelons des hommes heureux (Ibid. ni, 15); » et : « La voix du Seigneur n'est pas équitable. » (Ezéch. XXXIII, 17.) Or, le bienheureux Job lui-même, quand il fut saisi par la tentation, ne pensa pas comme les Juifs, ne parla pas comme eux; gardons-nous de le croire. Il dit toutefois : « Pourquoi n'y a-t-il personne qui puisse juger les deux parties, et prononcer entre les deux? Qu'il retire donc sa verge de dessus moi, et que sa terreur ne m'épouvante pas. » (Job, IX, 33, 34.) De là vient que le Seigneur lui dit : « Je vous interrogerai; pour vous, « répondez-moi. » (Job, XLII, 4.) Il avait été frappé de stupeur, après avoir dit : « Pourquoi suis-je encore jugé pendant que je suis corrigé et que j'accuse le Seigneur (Job, XI, 4)? » il dit encore : « J'avais seulement entendu parler de vous, maintenant, au contraire, je vous vois de mes propres yeux. » (Ibid. XLII, 5, 6.) « J'ai parlé avec trop de légèreté, et je me suis anéanti à mes yeux; je ne  me suis plus regardé que comme terre et cendre; je n'ai qu'à mettre ma main sur ma bouche. » (Job, XXXIX, 34.) Alors Dieu lui dit : « Non, mais ceignez vos reins comme un homme.» On dirait qu'il lui rappelle ses paroles, et qu'il veut lui faire entendre ceci : Puisque vous avez voulu plaider (270) avec moi, eh bien! me voici, je suis prêt. Avez-vous bien compris la clémence ineffable de Dieu? Avez-vous bien compris la bonté infinie? Voilà pourquoi les trois enfants disaient aussi : Nous avons péché, nous avons mal t'ait, nous avons commis l'injustice. Comme il est un grand nombre d'hommes tout à fait dépourvus de sens, qui imputent leurs péchés à Dieu, parce que le démon qui les travaille, leur inspire ces pensées mauvaises, Dieu, pour supprimer jusqu'à la racine cette injustice fréquente, répète souvent qu'il vent plaider avec eux.

3. C'est un péché de ce genre que commit le premier homme, Adam; il disait : « La femme que vous m'avez donnée, m'a présenté le fruit et j'en ai mangé. » (Gen. III, 12.) « Les Juifs aussi commettaient beaucoup de péchés de cette sorte. Parce que nul homme vivant ne sera trouvé juste devant  vous. » Mais à quoi bon parler, dit-il, de moi, de celui-ci, ou de celui-là ? Il n'est pas d'homme sur la terre qui., plaidant sur les commandements que vous lui avez faits, puisse être justifié; à vous la pleine et entière victoire. «Car l'ennemi a poursuivi mon âme (3). » Ceci peut s'entendre assurément de Saül qui était alors son ennemi, et qui le poursuivait. On petit encore l'entendre, dans le sens apagogique, de l'ennemi des hommes, du démon. Eu effet, il ne cesse pas de poursuivre ceux qui appartiennent à Dieu. Comment donc nous garantir de sa poursuite? Trouvons un lieu où il ne puisse pas entrer. Et quel est ce lieu? Quel autre lieu que le ciel? Et maintenant, comment pouvons-nous monter au ciel? Ecoutez Paul qui nous dit, qui nous montre que même embarrassés par la chair, comme nous le sommes, nous pouvons habiter dans le ciel : « Méditez ce qui est dans le ciel, où Jésus-Christ  est assis à la droite de Dieu; » et encore : « Nous vivons dans le ciel. » (Philip. III, 20.) —  « Il  a humilié ma vie jusqu'en terre. »

Le mot : « Humilié » a bien des sens : il y a la vertu de l'humilité, comme lorsque le Psalmiste dit : «Le Seigneur ne méprisera pas un coeur contrit et humilié. » (Ps. L, 19.) Il y a, de plus, l'humiliation des malheurs; il y a encore. l'humiliation des péchés. Or, celle qu'exprime ici le Psalmiste; est celle qui vient des malheurs. Voilà pourquoi il ajoute : « Il a  humilié ma vie jusqu'en terre. » Il y a encore l'humiliation qui provient de l'orgueil, comme lorsque l'évangéliste dit : « Quiconque s'élève, sera humilié. » Il y a encore une autre humiliation, qui résulte de notre insatiable cupidité; car quoi de plus abject et de plus humiliant que de s'ensevelir dans des pensées de richesses, dé puissance, de gloire? Humiliation pour deux raisons : farce qu'on rampe à terre, et parce qu'on regarde comme grana ce qui est si petit, comme font les enfants qui estiment à si haut prix leurs balles, leurs dés et tous leurs jouets, ce qui ne prouve pas la grandeur de ces objets, mais la faiblesse et l'imperfection de l'intelligence chez leurs admirateurs. Chez les enfants, ce qu'il faut accuser, c'est un défaut de l'âge et de la nature; chez les autres, c'est le vice de la volonté. Voici un homme d'un âge mur, qui regarde la table, le luxe, les délicatesses de la vie comme quelque chose de grand. Quoi de plus bas, quoi de plus humble! Et maintenant, beaucoup de personnes regardent ces âmes frivoles comme des esprits grands et élevés. Ces personnes-là sont encore bien plus basses. Eh bien ! donc, apprenons ce qui constitue la grandeur vraie et ce qui opère l'humilité. La vraie grandeur, c'est de mépriser ce que les hommes admirent. Maintenant le Prophète parte de l'humiliation que produisent les malheurs. « Il m'a réduit dans l'obscurité  comme ceux qui sont morts depuis des siècles. » Il indique là un double malheur, l'obscurité , et la mort depuis des siècles; double allusion à la captivité d'alors. Celui qui est dans l'obscurité, peut encore agir, même au sein des ténèbres, s'il allume un flambeau; le Psalmiste, pour montrer toute l'étendue du malheur, parle des morts, et il rend la tragédie plus lugubre. Tels sont ceux qui vivent dans le péché; ils sont comme des morts dans les ténèbres; ils ont beau promener autour d'eux des milliers de flambeaux, ils ont beau regarder le soleil, ils ont beau se rendre éclatants, par les vêtements dont ils se couvrent, par la pompe dont ils s'entourent; ils ne valent pas mieux, au contraire, ils sont de pire condition que les morts, que ceux qui habitent dans les ténèbres; ils sont d'autant plus à plaindre que, pour les uns c'est l'effet de la nature, tandis que, pour les pécheurs, c'est la faute de la volonté. Il convient aussi d'entendre, par ces ténèbres, les ténèbres à venir, dont parle l'évangéliste : « Jetez-le dans les ténèbres extérieures. » (Math. XXII, 13.) Il y a; de plus, les ténèbres du vice : « Ceux qui sont assis, » dit (271) l’Evangile, « dans les ténèbres, et dans l'ombre de la mort (Luc, I, 79); » et Paul : « Nous ne sommes point enfants des ténèbres (I Thess. V, 5); » et encore : « Ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur coeur insensé a été rempli de ténèbres. » (Rom. I, 21.)

Et de même que ceux gui sont dans les ténèbres, ignorent la nature des choses, de même encore ceux qui vivent dans le péché, ne distinguent pas les choses; ils courent vers ales ombres comme à la réalité, poursuivant les richesses, les délices, la puissance, et ils ne connaissent ni amis ni ennemis. Avec leurs ennemis, ils sont aussi confiants qu'avec des amis; et, à voir comme ils traitent leurs amis, on croirait que ce sont des ennemis. Ne voyez-vous pas les pauvres, criant tous les jours et faisant retentir leurs plaintes? et nul pourtant ne les écouté. Pourquoi ne les écoute-t-on pas? C'est que le démon a placé les indifférents, les insensibles dans les ténèbres comme ceux qui sont morts depuis des siècles. Car ce que sont les ténèbres et la nécessité de mourir, tel est pour eux l'endurcissement du coeur. Ceux qui sont assis dans les ténèbres, ne voient pas les maux qui fondent sur eux; c'est encore ce qui arrive à ceux qui ne voient pas, tout près d'eux, les malheurs, et qui tombent clans les gouffres et les précipices. Ceux gui sont assis clans les ténèbres, ne craignent pas de commettre avec aine pleine assurance des actions honteuses; c'est ce que font ceux qui vivent dans la perversité; ils sont comme assis, dans les ténèbres, et, comme si aucun oeil humain ne les voyait, ils font tout avec sécurité; an milieu même des villes, ils commettent leurs crimes aussi librement que dans la solitude.

4. «Ceux qui sont assis dans les ténèbres, » éprouvent une frayeur continuelle ; c'est ce qui arrive aux pécheurs; ni le ravisseur, ni l'avare, ne peut être sans crainte, quelque insolence qu'il étale, quel que soit l'extérieur triomphant qu'il oppose. aux regards. Car voilà ce que fait une mauvaise conscience ; et certes tous ces pécheurs étaient depuis longtemps priés de' tout pardon, mais ils le sont bien davantage aujourd'hui, que le Soleil de justice a brillé, et qu'ils demeurant encore assis dans les ténèbres. Et comment, après que le soleil a brillé, demeurent-ils encore assis dans les ténèbres ? c'est parce qu'ils ont la vue faible. Ils se sont enterrés dans les repaires, les cavernes, les gouffres de la perversité et ils ne peuvent pas regarde: la lumière, parce qu'ils ont la vue faible. « Mon âme a été toute remplie d'angoisse, mon coeur a été tout troublé au dedans de moi (4). » Un autre texte : « Et mon âme s'agitait en tous sens, en moi. » C'est l'excès de l'affliction, qu'exprime le trouble de la pensée. Que signifie, « Au dedans de moi ? » Je n'avais personne à qui parler, qui put me consoler. Telles sont en effet les âmes des méchants, toujours bouleversées, non-seulement parle présent, mais encore par l'attente des maux, jamais pour eux de tranquillité, jamais de sécurité pour leur âme ; ils sont plus bouleversés qu'aucune mer; ni la nuit, ni le jour ne leur apporte l'apaisement de la tempête ; mais ils sont tourmentés de toutes parts, même en l'absence de tout persécuteur; guerre domestique, guerre intestine, et, sans pouvoir jouir de ce qu'ils ont acquis, ils sont, par l'inquiétude de ce qu'ils ne tiennent pas encore, déchirés de mille manières; toujours inquiets des affaires des autres, attachant sur la fortune d'autrui des regards curieux ; sans cesse préoccupés de persuader quelque chose à celui-ci , d'effrayer celui-là, de séduire un tel par des paroles flatteuses, de faire violence à tel autre ; en voici un autre qu'ils vont entourer de leurs soins ; et les calomnies, les achats, les ventes, les testaments, les fidéi-commis, les usures, les capitaux, toute cette lie de malheurs, ils s'en inondent, et c'est lorsque tout leur vient à flots, qu'ils sont surtout bouleversés. Voyez ce riche tout hors de lui : pourquoi? parce que son champ a été de la plus grande fertilité; et il ne sait que résoudre, et le voilà dans la perplexité , et il dit : que ferai-je ? j'abattrai mes greniers et j'en bâtirai de plus grands. (Luc, XII, 18.)  Le pauvre, au contraire. n'a aucun embarras de ce genre.

« Je me suis souvenu des jours anciens, j'ai médité sur toutes vos oeuvres (5). » Ce n'est pas une petite consolation que de connaître le passé et le présent. En effet, comme Dieu, soit dit sans y insister, Dieu administre par les mêmes lois les affaires d'aujourd'hui et celles du temps passé, la plus grande consolation du présent, c'est le souvenir des temps qui ne sont plus. Voilà pourquoi , dans un antre psaume, nous voyons: « Nous privera-t-il de  sa miséricorde dans toute la suite des siècles? » (Ps. LXXVI, 8, 9. ) Et un autre texte : « Regardez les anciennes générations, et voyez qui a espéré dans le Seigneur et a été (272) abandonné?» (Eccles. II, 11.) Et Paul : « Or toutes ces choses qui leur arrivaient, étaient des figures, et elles ont été écrites pour nous servir d'instruction, à nous autres qui nous trouvons à la fin des temps. » (I Cor. X, 11. ) Et ce n'est pas seulement l'histoire des autres, mais le souvenir, fréquemment rappelé de notre propre histoire, qui nous est utile. C'est ce que montre l'Apôtre, en disant : « Rappelez en votre mémoire ce premier temps où, après avoir été illuminés par le baptême, vous avez soutenu de grands combats, au milieu des afflictions. » (Hébr. X, 32. ) Et la preuve par le contraire : « Quel fruit tiriez-vous donc alors de ce qui vous fait rougir maintenant? » (Rom. VI, 21. ) Et un autre sage : « Rappelez-vous vos derniers moments, et vous ne pécherez pas pour l'éternité. » (Ecclés. VII, 10. ) Quoiqu'il s'agisse ici de l'avenir, il le considère comme le passé, parce que la mort est commune à tous ; c'est ce que Paul fait aussi lui-même, empruntant, à l'avenir et au passé, les moyens qu'il emploie, soit pour consoler, soit pour corriger : « Je ne veux pas, » dit-il, « que vous ignoriez, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée; qu'ils ont tous passé la mer Rouge ; qu'ils ont tous mangé d'un même aliment spirituel; mais il y en eut peu qui fussent agréables à Dieu. » (I Cor. X, 1 , 3, 4, 5. ) Quelquefois, c'est de l'avenir qu'il parle: « Qui souffriront la peine d'une éternelle damnation, étant confondus par la face du Seigneur, et par la gloire de sa puissance. » (II Thess. 1, 9. ) Et encore: « Car ta colère de Dieu est tombée sur eux, et y demeurera jusqu'à la fin. » (I Thess. II,16. ) «Parce que ce jour sera manifesté par le feu. ( I, Cor. III, 13.) Et encore : « Car c'est pour ces choses, que la colère de Dieu tombe sur les fils de la désobéissance.» (Ephés. V, 6. ) Tous ces exemples ont pour but la correction; maintenant, quand il faut consoler , l'Apôtre emploie soit le passé soit l'avenir. Exemple, par le passé : « Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Dieu des miséricordes, le Père de toute consolation, qui nous console dans tous nos maux, afin que nous puissions aussi consoler les autres, par la consolation que nous recevons de Dieu. » (II Cor. 1, 3, 4.) Exemple pris de l'avenir maintenant: « Les souffrances de la vie présente n'ont point de proportion  avec cette gloire qui sera un jour découverte en nous. » (Rom. VIII, 18. ) Voilà pourquoi le Psalmiste dit à son tour ici : « Je me suis , souvenu des jours anciens ; j'ai médité sur toutes vos oeuvres. » Il ne se borne pas à dire: je me suis souvenu, mais « J'ai médité,» c'est-à-dire, je me suis appliqué, j'ai travaillé avec beaucoup de soin à me rappeler ce qui est arrivé aux hommes d'autrefois. C'est que la connaissance de l'Ecriture est, pour nous, ?! une grande consolation, un grand enseignement de sagesse ; aussi, Paul nous dit : « Nous espérons, par la patience et par la consolation que les Ecritures nous donnent. » (Rom. XV, 4.) Et encore : « Toute l'Ecriture, inspirée de Dieu, est utile pour instruire, pour reprendre, et pour corriger. », (II Tim. III, 16.)

5. Voilà donc d'où lui vint la consolation,. C'est qu'au milieu d'afflictions si grandes et dans le trouble de son âme, il méditait les vieilles histoires; c'est qu'il rappelait dans sa mémoire les différentes manifestations de la sagesse prévoyante de Dieu. « J'ai médité sur toutes vos oeuvres, je méditais les actions de vos mains. » Un autre texte : « Je méditais les ouvrages de vos mains. » Il montre ainsi que cette méditation était une grande consolation pour lui, et lui assurait la familiarité auprès de Dieu. Aussi, ajoute-t-il. « J'ai déployé mes mains vers vous (6). » Il ne dit pas : j'ai entendu, mais, « J'ai déployé », pour marquer la vive affection du coeur; il lui tarde, pour ainsi dire, de s'élancer loin de son corps et de se précipiter vers Dieu. Le souvenir de ses oeuvres admirables m'a rempli comme d'un divin enthousiasme, et quand, j'ai eu considéré toute votre bonté, l'admirable enseignement qui ressort des malheurs, et, la liberté qui a suivi l'affranchissement des maux, je me suis de nouveau réfugié en vous. « Mon, âme est en votre présence comme une terre; sans eau. » Un autre texte : « Comme une terre altérée de vous, toujours, » ce que veut dire « diapsalma. » Dans l'adversité, dit-il, dans la prospérité, en toutes circonstances, j'ai toujours montré la même ardeur. Mats; maintenant que signifie, « Comme une terre  sans eau ? » De même que la terre altérée: désire la pluie, ainsi je désire être continuellement auprès de vous. Or, ce désir a grandi sous le poids des afflictions, et voilà pourquoi Dieu a souffert qu'elles devinssent de plus en plus pesantes, montrant par là la grandeur,de sa prévoyance. En effet, non-seulement il a (273) produit les créatures, mais encore il prend soin de ce qu'il a fait naître, il prend soin des hommes, et, sans exception, de tout ce qui existe. Voilà pourquoi Paul disait : « C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être. » (Act. XVII, 28. ) Et ailleurs : « Toutes choses subsistent en lui. » Et David : « Toutes les créatures attendent de vous, que vous leur donniez leur nourriture, lorsque le temps en est venu ; lorsque vous la leur donnez, elles la recueillent, et, lorsque vous  ouvrez votre main, elles sont toutes remplies de votre bonté. Mais si vous détournez d'elles votre face, elles seront troublées. » (Ps. CIII, 27-28-29.) Et encore : « Lui qui regarde la terre, et la fait trembler. » (Ibid. 32.) Et Isaïe « Qui tient le globe de la terre. » (Isaïe, XL, 22.) En ce qui concerne la vertu : « Si le Seigneur, » dit le Psalmiste, « ne bâtit une maison, c'est en vain que travaillent ceux qui la bâtissent. » ( Ps. CXXVI, 1. ) Et ailleurs : « Qui donne, à celle qui était stérile, la joie de se voir, dans sa maison, la mère de plusieurs enfants. » (Ps. CXII, 9.) Et voilà pourquoi il secoue la terre, touche les montagnes, et en fait sortir la fumée. (Ps. CIII, 32.) « Et il obscurcit le soleil, au point de le faire défaillir, afin de montrer par là que c'est lui qui est l'ouvrier. » (Isaïe, XXXVIII.)

Vous voyez, dans l'Ecriture, le soleil qui recule, et la lune avec lui. (Josué, X, 13.) Et beaucoup d'autres miracles. Lorsque la connaissance de Dieu n'était pas encore répandue, ces prodiges avaient lieu ; mais il n'est plus besoin d'un enseignement de ce genre, aujourd'hui que les choses mêmes crient, et montrent le Seigneur. Vous rappelez-vous les ténèbres de l'Egypte, et la conversion des éléments? Si l'on dit que l'absence de la lumière ne fut alors qu'un événement naturel, et n'arriva pas par l'ordre exprès de Dieu, qu'on m'explique les ténèbres, lorsque le Christ fut attaché à la croit. Et en effet, le soleil ne disparut pas, à un moment déterminé d'avance, mais quand cette disparition était le moins conforme à la nature, puisque c'était alors le quatorzième jour de la lune, et l'époque de la pleine lune. (Matth. XXVII, 45.) Or les éclipses ne se font pas dans ces conditions; mais les contradicteurs se trouvent à court d'explications. C'est pourquoi il est manifeste qu'ainsi que tout ce qui arrive, de même toutes ces éclipses se font par l'ordre du grand ouvrier. « Hâtez-vous , Seigneur, de m'exaucer, mon âme est tombée dans la défaillance (7). » Que dites-vous ? vous pressez le médecin de vous guérir ? nullement. Mais, ici encore, c'est l'habitude des âmes dans l'affliction, comme des hommes que les malheurs éprouvent, de faire venir les médecins, même quand rien ne presse, et de pourvoir vite à la délivrance. Voilà pourquoi le Psalmiste aussi ajoutait : « Mon âme est tombée dans la défaillance. » Or, si Dieu peut réveiller, même au sein de la mort, à bien plus forte raison le peut-il, avant que la mort ait frappé. Mais, comme je l'ai dit, c'est par là qu'éclate la faiblesse de notre nature. Le Psalmiste savait bien que, pour Dieu, tout est facile, mais l'homme ne peut pas résister à ses maux. « Ne détournez pas de moi votre visage, de peur que je ne sois semblable à ceux qui descendent dans la fosse. » Autre texte : « Ne cachez pas votre visage loin de moi. » Or, d'où vient que Dieu détourne son visage ? Dieu lui-même le dit par l'organe d'Isaïe : « Est-ce que ma main s'est raccourcie? ce sont vos iniquités qui font la séparation entre moi et vous. » (Isaïe, LIX, 1, 2.) Donc, quand nous faisons quelque action mauvaise, il se détourne. « Vos yeux sont purs, » dit un prophète, « pour ne point souffrir le mal, et vous ne pouvez regarder l'iniquité. » (Habacuc, I, 13.) Et voilà pourquoi encore il se détourne des arrogants. « Sur qui jetterai-je les yeux, dit le Seigneur, sinon sur l'homme doux et paisible qui écoute mes paroles avec tremblement ? » (Isaïe, LXVI, 2.) Appliquons-nous donc à cette vertu, afin d'attirer sur nous les regards du Seigneur; afin de ne pas tomber dans le gouffre du vice, rempli d'épaisses ténèbres. Ceux mêmes qui sont tombés peuvent remonter, il faut donc que ceux qui tombent ne restent pas couchés contre la terre.

Maintenant, la fosse où sont les bêtes féroces et qui est pleine de ténèbres, c'est la nature du péché. Sachons donc y jeter les cordages des Ecritures pour lier notre volonté, et, si nous tombons, nous nous relèverons promptement. Et maintenant dans quelle pensée entreprendrons-nous de remonter ? quand nous serons tombés, pas de dégoût, pas de désespoir, mais chantons, pour notre usage, ces paroles du Prophète : « Quand on est tombé, est-ce qu'on ne se relève point ? » (Jérém. VIII, 4.) Et encore : « Si vous entendez aujourd'hui sa (274) voix, gardez-vous bien d'endurcir vos coeurs, comme il arriva au temps du murmure qui excita sa colère. » (Ps. XCIV, 8, 9.) Faisons-nous, avec cette pensée, des liens qui nous ramènent vers lui. « Faites-moi bientôt entendre une réponse de miséricorde, parce que c'est en vous que j'ai mis mon espérance (8). » Un autre texte : « Faites-moi entendre, dès le matin, une réponse de miséricorde. » C'est-à-dire, promptement.

6. Comprenez-vous ce que demande l'âme affligée, bouleversée ? elle veut être entendue, avant l'épreuve, afin que l'espérance, que l'attente la redresse. La demande revient à ceci : faites que je me relève, comme vous me l'avez promis ; vient ensuite un motif légitime, pour obtenir ce qu'on demande: « Parce que c'est en vous que j'ai mis mon espérance. » Dieu en effet demande, avant tout, que nous levions toujours nos yeux vers lui ; que, sans cesse, nous nous suspendions à lui : « Faites-moi connaître la voie dans laquelle je dois marcher. » Ceci peut, si vous le voulez, s'exprimer comme il suit : attendu que ma conscience s'est abîmée dans le vice , je demande une conscience nouvelle : ou encore il entend ici par voie nombre de choses ignorées des hommes, ce que Paul nous montre aussi par ces paroles : « Nous ne savons ce que nous devons demander à Dieu, par nos prières. » (Rom. VIII, 26.) Si Paul, doué d'une si grande connaissance, est ignorant sur ce point, qu'y a-t-il d'étonnant que le Psalmiste aussi professe la même ignorance? Et maintenant, voyez qu'il ne recherche ici rien de sensible, mais la voie qui conduit à Dieu, et qu'il commence lui-même par faire d'abord ce qui dépend de lui. En effet, il ne se borne pas à dire: faites-moi connaître la voie qui conduit vers vous; mais que dit-il? « Parce que j'ai élevé mon âme vers vous , » c'est-à-dire, je me suis attaché à vous, c'est sur vous que je tiens mes yeux fixés, c'est vous seul que je regarde. Voilà, en effet, à quelle condition Dieu se fait connaître. Aussi, disait-il en parlant des Juifs, quand on lui demandait pourquoi il ne leur adressait que des paraboles : « En voyant ils ne voient point, en écoutant, ils n'entendent point. » (Matth. XIII, 13.) Quant à cette expression, « j'ai élevé, » elle signifie j'ai conduit vers vous, j'ai transporté vers vous mon âme.

« Délivrez-moi de mes ennemis, Seigneur, parce que c'est à vous que j'ai recours (9). » Vous voyez que, partout, la prière est justifiée. « Ne détournez pas de moi, dit-il, votre visage, parce que c'est en vous que j'ai mis mon espérance. Faites-moi connaître votre voie, parce que j'ai élevé mon âme vers vous. Délivrez-moi de mes. ennemis, parce que c'est à vous que j'ai recours. Enseignez-moi à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu (10). »  Il ne se borne pas à dire enseignez-moi votre volonté, mais : « Enseignez-moi à faire votre volonté, » c'est-à-dire conduisez-moi jusqu'à la pratique; car il est besoin du secours d'en-haut, de l'enseignement du ciel, pour que nous nous avancions dans la voie qui conduit à la vertu, et n'oublions pas cette condition, que nous ne demeurions pas inactifs, mais que nous fassions ce qui dépend de nous. « Parce que vous êtes mon Dieu. » Voyez-vous que ces prières n'ont rien que de spirituel ? il ne s'agit pas d'argent, de puissance, de gloire, mais de l'accomplissement de la volonté de Dieu. Voilà ce qu'il demande; ce qui est le trésor de tous les biens, la richesse qui ne manque jamais, le principe et la racine de la félicité, et le milieu, et la fin. «Votre esprit souverainement bon me conduira dans une terre droite et unie. » Voyez-vous comment nous apprenons, comment nous recevons l'enseignement relatif à cette voie ? c'est par le moyen de l'Esprit-Saint. Aussi, disait Paul, « Dieu nous a révélé par son Esprit. » (I Cor. II, 10.) Dans une terre droite et unie. » Si vous prenez le mot au propre, il désigne par là sa patrie ; si vous le prenez dans le sens anagogique, il entend la voie qui conduit à la vertu. Un autre texte dit : « Dans une terre plane ; » . c'est qu'en effet il n'y a rien de plus uni, qui ressemble plus à une surface plane que la vertu, libre de tout ce qui trouble, de tout tumulte : « Vous me ferez vivre, Seigneur, pour la gloire de votre nom. » Voyez-vous, ici encore, que c'est vers Dieu qu'il se réfugie, qu'il ne fonde pas sa confiance sur sa conduite? « Selon l'équité de votre justice vous ferez sortir mon âme de l'affliction qui la presse. » Un autre texte : « Selon votre miséricorde. » Voyez-vous la vérité de ce que je disais plus haut, qu'il donne souvent à la justice let nom de clémence ? «Vous ferez sortir mon âmes ! de l'affliction qui la presse. Priez en effet, dit le Seigneur, pourrie pas entrer en tentation. » (Marc XIV, 38.) « Et vous exterminerez tous (275) mes ennemis, par un effet de votre miséricorde (12). » Ce n'est pas, dit-il, parce que j'ai rien mérité, mais à cause de votre clémence, que vous me délivrerez de ceux qui me font la guerre. Délivrez-moi de ceux qui m'entourent de piéges; faites que je respire un peu dans mon affliction; « et vous perdrez tous ceux qui persécutent mon âme, parce que je suis votre serviteur. » Vous voyez, ici encore, que la prière est justifiée; nous n'avons, à vrai dire, aucun droit d'être exaucés; mais il faut nous préparer de manière à mériter ce que nous désirons, il faut faire ce qui dépend de nous, avant de rien demander. Car, il ne suffit pas de la seule prière; les Juifs aussi priaient, et s'entendaient dire : «Lorsque vous multiplierez vos prières, je ne vous écouterai point. » (Isaïe, I, 15.) Et qu'y a-t-il d'étonnant que les Juifs ne fussent pas écoutés, quand Jérémie lui-même, priant pour eux, est réprimandé, et s'entend dire, une fois, deux fois: « Ne priez point pour ce peuple, parce que je ne vous écoulerai point? » (Jérém. VII, 16) ? Et qu'y a-t-il d'étonnant que Jérémie ne soit pas écouté? «Quand même, » dit le Prophète, « et Noé, et Job, et Daniel, se trouveraient en ce pays, ils ne délivreraient ni leurs fils, ni leurs filles. » (Ezéch. XIV, 74,16.) Instruits de ces vérités, ne nous contentons pas de prier; mais, en même temps que nous prions, rendons-nous dignes de nous voir décerner, et les biens de la vie présente, et les biens à venir. Puissions-nous tous les recevoir en partage, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l'empire, dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

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