DÉDICACE IV
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QUATRIÈME SERMON POUR LA DÉDICACE DE L'ÉGLISE. Sur les trois demeures.

1. Ce jour retentit de nos vœux et de nos louanges, il est pour nous un jour de joie et de fête. Or, comme il ne convient pas à des religieux ni à des hommes sages d'ignorer ce qu'ils célèbrent ou de célébrer ce qu'ils ignorent, il faut rechercher en l'honneur de quel ou quels saints nous faisons cette fête. Je n'oserais vous dire ma pensée à moi sur ce sujet, écoutez plutôt ce qu'en a pensé un antre dont le témoignage est plus grand que le mien et vous semblera plus digne de créance. Peut-être, en voyant devant vos yeux cette église dont nous célébrons aujourd'hui l'anniversaire du jour de sa dédicace, vous étonnez-vous de ce début de mon discours. En effet,. pourquoi n'appellerions-nous pas saintes ces murailles que la main sainte des pontifes a sanctifiées par de si grands mystères? Depuis ce jour, on n'a plus entendu dans ces murs que le bruit, des saintes lectures et que les pieux murmures des saintes prières; on n'y a plus honoré que la bienheureuse présence des saintes reliques, et les saints anges n'ont plus cessé d'y monter une garde infatigable. Peut-être, me direz-vous, si tout le reste est évident, où est celui qui a vu ici les anges monter leur garde vigilante? Si vous ne les voyez pas, celui du moins qui les envoie à ce poste les voit. Or, qui est-il celui-là? C'est celui qui a dit par le Prophète : « C'est moi qui ai placé des sentinelles sur tes murs, ô Jérusalem ( Isa. LXII, 6). » Il y a bien une Jérusalem en haut qui est libre et qui est notre mère : ne croyez pas que c'est sur ses murs que le Seigneur a placé des sentinelles, car, en parlant de celle-là, le Prophète a dit « le Seigneur a fait régner la paix jusque aux confins de tes états (Psal. CXLVII, 3). » Si vous hésitez à croire que ce soit d'elle qu'il ait parlé en ces termes, prêtez encore l'oreille et écoutez ce qui est dit dans les lignes qui suivent les paroles du premier (les deux prophètes que je viens de vous citer. « Ces sentinelles ne se tairont jamais ni le jour ni la nuit (Isa. LXII, 6). » par où on voit clairement qu'il ne s'agit point là de la Jérusalem dont on lit quelque part : « Ses portes ne seront point fermées à la fin de la journée, car il n'y aura point de nuit pour elle (Apoc. XXI, 25). » Cette dernière Jérusalem ne connaît donc point de changement, et n'a pas besoin de sentinelles. Les gardes sont faits plutôt pour nos jours et pour nos nuits. « C'est moi qui ai placé des sentinelles sur tes murs, ô Jérusalem. »

2. Vous êtes leur -Seigneur, et vous ne pouvez vous contenter d'une aussi faible garde pour vos murs, et vous doublez la garde des hommes que vous avez chargés de veiller sur les autres , de la garde des anges pour la défense de vos murs et la protection de ceux qu'ils abritent. Il en est ainsi, ô Père, parce qu'il vous plait qu'il en soit de la sorte, et parce qu'il nous est utile que cela soit ainsi. Notre ministère est insuffisant, si vous n'envoyez avec nous et pour nous quelques uns de ces esprits dont vous faites vos ministres, afin que nous puissions obtenir l'héritage du salut. Qu'importe donc que nous ne les voyions point à l'œuvre, si nous éprouvons leur assistance? Qu'importe que nous ne jouissions point de leur présence, si nous en sentons les effets? C'est bien là le cas de reconnaître que les choses invisibles sont préférables aux visibles, car ce qu'on voit est temporaire, tandis que ce qu'on ne voit point est éternel. D'ailleurs, c'est dans les choses invisibles que se trouve la cause des choses visibles, selon ce mot de l’Apôtre : « ce qu'il y a d'invisible en Dieu, est devenu visible depuis la création du monde par la connaissance que. ses créatures nous en donnent (Rom. I, 20). « C'est ainsi que, autrefois, le Seigneur confondit les blasphèmes des Juifs à l'occasion de la rémission invisible des péchés par le miracle visible de la santé rendue au corps sous leurs yeux. « Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés, il dit au paralytique, levez-vous, je vous le commande, emportez votre lit, et allez-vous-en dans votre maison (Marc. II, 10). »

3. C'est de la même manière que, pour mettre un terme aux murmures du Pharisien contre le médecin qui opérait le salut, et aux paroles désobligeantes qu'il faisait entendre contre la pauvre malade que Jésus avait sauvée, que le Seigneur le confond par des signes extérieurs, en lui énumérant toutes les déférences de cette femme pour lui (Luc. VII, 38 et sequ.). Il se trompait ce Pharisien, en la regardant ..: encore comme une pécheresse, quand elle demeurait prosternée aux pieds du Seigneur qu'elle arrosait de ses larmes, essuyait de ses cheveux, couvrait de ses baisers, et inondait de ses parfums. Pourquoi donc rappeler des fautes maintenant effacées, pourquoi lui faire un reproche de ce qu'elle touche le Seigneur, pourquoi la traiter encore en pécheresse puisqu'elle déplore les fautes qu'elle a commises, et déteste son iniquité, puisqu'elle baise les pieds du Seigneur et se prend d'amour pour la justice, puisqu'elle les essuie de ses cheveux, et montre son humilité ; puisqu'elle les inonde de ses parfums et fait éclater sa douleur à tous les yeux? Est-ce que le péché peut encore régner dans un cœur contrit, dans une âme qui gémit? et une grande charité ne peut-elle point couvrir une multitude de péchés? « Beaucoup de péchés lui ont été pardonnés parce qu'elle a beaucoup aimé (Luc. VII, 47). » Il n'est donc pas exact à toi, ô Pharisien, de la réputer pécheresse encore, elle mérite le nom de sainte disciple du Christ, dont elle a appris en si peu de temps à devenir, elle aussi, douce et humble de cœur. Tu as pourtant lu dans un prophète: « changez les impies et ils ne seront plus impies (Prov. XII, 7), » mais tu n'y as fait aucune attention. Ainsi en est-il, mes frères bien aimés, ainsi en est-il de l'antique accusateur de ses frères, s'il vous reproche vos péchés passés dont vous avez honte -aujourd'hui, prêtez l'oreille aux belles consolations que l'Apôtre vous prodigue en disant : « Voilà, en effet, ce que vous avez été autrefois, mais vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés ( I Cor. VI, 11), » et encore : « maintenant le fruit que vous recueillez de votre pénitence, c'est votre sanctification, et la fin sera la vie éternelle (Rom. VI, 22). »Dans un autre endroit il est même encore plus explicite, car il dit : «Le temple de Dieu est saint ; or c'est vous qui êtes ce temple ( I Cor. III, 17).

4. Celui qui parle ainsi c'est le même que celui qui nous avons cédé la parole, par respect, au commencement de ce sermon, quand nous nous demandions quels sont les saints dont nous faisons aujourd'hui la fête avec tant de pompe. Quoique ces murailles soient appelées saintes, et soient eu effet sanctifiées par a consécration des évêques, par la lecture habituelle de l'Écriture Sainte, par des prières assidues, par la présence des reliques des saints et la visite des anges, il ne faut pourtant point en conclure que leur sainteté est l'objet de nos hommages, en tant que murailles, puisque nous savons sans en douter qu'elles ne sont point sanctifiées pour elles. Ainsi, si cette maison est sainte, c'est à cause de la présence de nos corps, si nos corps sont saints c'est à cause de nos âmes, et si nos âmes sont saintes e'est à cause du Saint-Esprit qui habite en elles. On ne saurait en douter, puisque nous avons des signes visibles de sa grâce invisible pour notre bien, je veux parler de la grâce par laquelle, à l'exemple du paralytique de l'Évangile, vous vous levez, et, chargeant, avec facilité, sur les épaules de votre âme, le grabat de votre corps où vous étiez étendus languissants, vous retournez ensuite dans votre demeure, je veux dire dans la demeure dont vous parlez quand vous vous écriez avec le Prophète : « Nous irons dans la maison du Seigneur (Psal. CXXI, 1). » O maison admirable, demeure préférable aux tentes les plus délicieuses, aux portiques les plus dignes d'envie. « Seigneur des vertus, que vos tabernacles sont aimables ! mon âme désire ardemment, elle brûle d'être dans la maison du Seigneur (Psal. LXXXIII, 1), » aussi « heureux sont ceux qui habitent dans vos demeures; ils vous loueront dans les siècles des siècles (Ibidem. 5). » En effet, on a raconté de vous, ô cité de Dieu, des choses glorieuses (Psal. LXXXVI, 2). Dans les tentes est le séjour des gémissements et de la pénitence, dans les portiques, le goût de la joie, mais il n'y a qu'en vous, cité de Dieu, que se trouve la satiété de la gloire; Le premier de ces trois séjours, celui d'en bas est la demeure de la prière ; celui du milieu est la demeure de l'attente, et vous, vous êtes le séjour de l'action de grâce et de la louange. Heureux par conséquent ceux qui, ici-bas, s'éloignent du mal qui est le péché, et font le bien, afin que dans le second séjour ils soient délivrés du mal qui est la peine du péché, et soient enfin admis au sein du bonheur en vous, ô cité de Dieu. Dans le premier de ces trois séjours se trouvent les prémices de l'esprit, dans le second, la richesse, en vous seul, la plénitude; c'est là qu'est la bonne mesure, la mesure foulée et agitée, la mesure qui déborde dans notre sein. Ici on devient saint, là on entre dans la sécurité, et en sous, cité de Dieu, on est dans la béatitude. Les prémices de l'esprit qui nous sont données ici-bas, pendant la lutte que nous avons à soutenir, c'est la sainteté de la vie, la piété dans l'intention, la vertu dans la lutte. Or, par la sainteté de la vie, il faut entendre les fruits de la pénitence et la pratique corporelle des divers commandements de Dieu. Mais comme tout cela, si l'œil n'est simple et pur, ne peut être simple, il faut absolument qu'il s'y ajoute la piété d'intention et la pureté du cœur, pour n'être point envahi par les ambitieuses pensées de la gloire, ou par les violents désirs de la louange, pour ne soupirer au contraire qu'après celui qui seul remplit nos -désirs, et pour que toutes les grâces que nous avons reçues, retournent à leur origine et à leur source. Mais n'oubliez pas, au milieu de tout cela, qu'il n'y a de toutes les vertus que la persévérance qui sera couronnée, et qu'il est bien difficile de compter sur elle au milieu des hasards sans nombre de la lutté, si on n'obtient des grâces aussi nombreuses que ces hasards mêmes.

5. Les portiques où se rendent les saints après les combats et les peines de la vie, pour s'y refaire dans la joie et le bonheur, sont le lieu où sont prodiguées aux âmes les richesses de l'esprit, le repos des fatigues passées, la sécurité après les anciennes inquiétudes et la paix à l'abri des attaques de leurs ennemis. C'est là qu'à peine entrés, ils se reposent de leurs travaux, dit l'Esprit-Saint (Apoc. XIV, 13), qui a jusqu'alors interdit tout repos à leur ferveur, et constamment prescrit la lutte. C'est cet esprit qui tiendra leur âme éloignée de tout souci, et à l'abri de toute préoccupation, le même, dis-je, qui aujourd'hui la remplit de mille desseins divers, et la fait se troubler au sujet de mille choses; mais après la victoire, il lui fait goûter le repos et le sommeil au sein d'une douce paix, de même que, pendant les rugissements du lion, il l'excite à se tenir éveillée et à se préparer an combat. Niais en tout cela, comme j'en ai dit tout à l'heure deux mots en passant, je verrais plutôt la délivrance du mal que le bien de la récompense, si une dure expérience de la nécessité ne me forçait de regarder l'absence du mal comme le comble du bien, de même que la conscience répute l'absence de crimes trop graves, la plénitude de la sainteté. Aussi pouvons-nous constater combien nous sommes loin du souverain bien, puisque nous voyons la justice dans l'absence de toute faute, et la béatitude dans l'exemption de toute misère.

6. Mais il faut bien se donner de garde de penser que tel est, en effet, la plénitude de cette demeure, son torrent de voluptés, et le reste que Dieu prépare à ceux qui l'aiment, mais que l'ail de l'homme n'a pas vu, que son oreille n'a point entendu, et que son cœur n'a point conçu. Ne cherche donc point, ô homme, à entendre ce que l'oreille de l'homme n'a jamais entendu, et ne demande point à un homme ce qu'il n'est donné ni à son cœur de concevoir, ni son œil de voir. Et pourtant, tout en ne saluant la patrie que de loin, ne négligeons point tout à fait de parler de ces biens qui me semblent en faire le charme, et qui sont de trois sortes à mes yeux; car ce sont des promesses de puissance, de magnificence et de gloire. En effet, c'était un homme, un enfant de notre captivité celui qui disait « J'entrerai dans les puissances du Seigneur (Psal. LXX, 16). » Pour nous, nous savons parfaitement ce que c'est que d'être exempt de faiblesse, puisque la faiblesse est comme le vêtement qui nous entoure de toutes parts, mais qu'est-ce que se trouver revêtu de force, qu'est-ce qu'entrer dans la puissance, non-seulement dans une puissance quelconque, mais dans une grande puissance, presque dans la toute-puissance? Voilà ce que nous ne pouvons point encore savoir. Un témoin fidèle nous crie aussi : « Ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés (Rom. VIII, 30). » Quant à la magnificence, à celle surtout qui doit procéder de la grandeur, qui ne connaît ni terme ni mesure, fasse le ciel qu'il nous soit seulement permis de l'espérer ; pour ce qui est de nous en faire une idée, c'est impossible. Toutefois, on ne saurait douter ni de cette magnificence, ni de cette gloire qui nous sont promises; alors vous boirez avec confiance au fleuve de la gloire, que vous êtes maintenant détournés de désirer par de si terribles menaces. Car alors chacun recevra la gloire de Dieu, une gloire sure et éternelle, exempte de toute crainte, comme de toute fin, telle en un mot, que ce sera comme l'a dit le Psalmiste : « Une louange agréable et digne (Psal. CXLVI, 1). » Eh bien donc, mes frères, combattons vaillamment pendant que nous sommes sous la tente, si nous voulons goûter, après cela, un doux repos dans les portiques sacrés, et finir par nous élever au comble de la gloire, quand le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons en cette vie, produira en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire (II Cor. IV, 17), et que nous serons loués dans le Seigneur, pendant le jour tout entier, non point en vain, mais en réalité.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON. SUR LE QUATRIÈME SERMON POUR LE JOUR DE LA DÉDICACE.

279. Il ne semble pas facile de se faire une idée de ce qu'il faut entendre par les parvis où sont reçues les âmes des saints au sortir de ce monde. D'ailleurs, ce que nous avons dit plus haut sur ce sujet nous semble suffisant. On peut voir encore Corneil, sur l'apocalypse, chapitre VI, v, 9, ainsi que Pererius, au même endroit, et Bellarmin, Disput. de la Béatitude des saints, livre I, chapitre III.

FIN DES NOTES.

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