ASSOMPTION III
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TROISIÈME SERMON POUR L’ASSOMPTION DE LA VIERGE MARIE. Marie, Marthe et Lazare.

1. « Jésus entra dans une bourgade, et une femme , appelée Marthe, le reçut dans sa maison (Luc. X, 38)., »D'où, vient, mes frères, que des deux sœurs, l'Évangéliste ne dit que d'une qu'elle reçut le Seigneur, surtout lorsque celle, qu'il nomme est la moindre des deux, car c'est Jésus lui-même qui nous atteste que Marie a pris une meilleure part que Marthe? C'est Rachel que Jacob. préfère, mais on lui donne à la place Lia, sans qu'il s'en aperçoive, (Gen. XXIX, 23), et, s'il se plaint, on lui répond que ce n'est pas l'habitude de marier les filles plus jeunes avant leurs aînées. Mais si vous réfléchissez que c'est dans une maison de terre que le Seigneur est reçu, vous comprendrez que ce soit Marthe plutôt que Marie qui l'y reçoive. Quand l'Apôtre dit : « Glorifiez et portez Dieu dans votre corps (I. Cor. VI, 20), » c'est à Marthe, non à Marie qu'il s'adresse, attendu que la première sait mieux se servir de l’instrument de son corps que l'autre, pour qui il est plutôt un obstacle. Après tout, il est dit que « le corps qui se corrompt, appesantit l'âme, et cette demeure terrestre abat l'esprit par une multitude de soins qui réclament sa pensée (Sap. IX, 15), » il n'est point parlé de ceux qui absorbent son activité. Sur la terre, ce sera donc Marthe qui recevra le Sauveur dans sa maison : quant à Marie, elle songera bien plutôt à la manière dont elle sera reçue par lui, dans cette maison n'est pas laite de main d'homme, mais qui est éternelle dans les dieux. Peut-être, après tout, peut-on dire qu'elle a aussi reçu le Seigneur, mais qu'elle l'a reçu en esprit, car il est esprit.

2. « Elle, » c'est-à-dire Marthe, «avait une sœur du nom de Marie girl,. se tenant assise aux pieds de Jésus, écoutait sa parole (Luc. X, 39. » Comme vous le voyez, les deux Marie ont reçu le Verbe, l'une dans sa chair, et l'autre dans ses discours. Quant à Marthe, elle était fort,occupée à préparer tout ce qu'il fallait, et, se présentant devant Jésus, elle lui dit : « Seigneur, ne remarquez-vous point que ma Sœur me laisse servir toute seule ? » Vous représentez-vous des murmures dans la maison où Jésus-Christ est reçu ? Oh, heureuse la maison, heureuse à jamais la communauté où Marthe se plaint de Marie, car pour ce qui est de Marie, elle ne saurait en aucun cas porter envie à Marthe, elle ne le peut point. D’ailleurs avez-vous jamais lu quelque part que Marie fût plainte de ce que sa Sœur la laissait vaquer seule à la méditation ? Non certes, il s'en faut bien effet que ceux qui vaquent au service de Dieu, aspirent après les fonctions pleines de trouble de ceux de leurs frères qui ont un emploi. Toujours Marthe semblera ne pouvoir se suffire à elle-même, et, peu propre d'ailleurs à ce genre de vie, elle désire bien plutôt être chargée d'autres emplois. « Mais Jésus lui répondit : Marthe, Marthe, vous vous inquiétez, et vous vous embarrassez de nous préparer plusieurs choses (Luc. X, 41). » Remarquez les prérogatives de Marie, (a) et quel avocat elle trouve en toute circonstance. Si le Pharisien s'indigne, si sa Sœur se plaint, si même les disciples du Sauveur murmurent, Marie garde le silence, mais le Christ parle pour elle. « Marie a, dit-il, choisi la meilleure part qui ne lui sera point ôtée (Ibidem. 42), » jamais. Elle a choisi cet unique nécessaire, cette seule chose, que le Prophète demandait à Dieu, avec tant d'instances, quand il disait : « Je n'ai demandé qu'une seule chose au Seigneur, je ne rechercherai qu'elle (Psal. XXVI, 7). »

3. Mais que veulent dire ces paroles, mes frères, Marie a choisi la meilleure part 2 Et que devient après cela ce que nous avons coutume de lui dire, quand il lui arrive de trouver que sa part est meilleure que celle si troublée, de la besogneuse Marthe ? que devient le proverbe « l'homme qui fait du mal, vaut mieux encore que la femme qui fait du bien (Eccli. XLII, 14)? » Ce mot encore, « si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera (Joan. XII, 26) ? » Et cet autre : « Celui qui est le plus grand parmi vous, sera votre serviteur (Matt. XX, 26) ? » D'ailleurs où sera la consolation de celle qui travaille, si on exalte la part de sa sœur au détriment de la sienne? De deux choses l'une, ou bien, il nous faut choisir tous, si cela dépend de nous, la part qui est louée en Marie, ou bien il faut reconnaître qu'elle a réuni les deux parts, en ne se précipitant point d'elle-même sur l'une des deux, et en se tenant prête à obéir au commandement du Maître, quelque chose qu'il lui ordonne. En effet, y a-t-il quelqu'un qui ressemble au fidèle David, qui aille et qui vienne, soumis avec empressement aux ordres du Roi (I Reg. XXII, 14) ? N'est-ce pas lui qui s'écriait: « Mon cœur est préparé, Seigneur, mon cœur est préparé (Psal. LVI, 8) ? » C'est peu d'une fois, il est deux fois préparé à vaquer au Seigneur, et préparé à servir le prochain. Voilà certainement quelle est la meilleure part qui,

ne doit point lui être ôtée; voilà la disposition d'esprit la meilleure, puisqu’elle ne saurait changer de quelque côté qu'on l'appelle. Il est dit : «Quiconque sert bien obtient un bon grade (Tim. III, 13), » peut-être celui qui vaque à Dieu en obtient-il un meilleur, mais celui qui obtient le grade le plus élevé, est celui qui excelle en l'un et l'autre emploi. J'ajoute encore un mot s'il m'est permis de soupçonner la pensée de Marthe. Peut-être regardait-elle sa sœur comme oisive,

a Saint Bernard ne reconnaît ici qu'une seule Marie, comme dans son troisième sermon pour le sixième dimanche après la Pentecôte, et dans son quatrième sermon pour la Dédicace de l'Église, n. 3. Mais dans les douzième et treizième sermons sur le Cantique des cantiques, il laisse paraître un doute à ce sujet.

quand elle voulait que le Seigneur l'envoyât s'occuper avec elle. Mais il faudrait être charnel, et ne rien comprendre aux choses spirituelles de Dieu que d'accuser une âme qui vaque à Dieu de ne vaquer à rien. Que ceux donc qui penseraient ainsi, apprennent que c'est la meilleure part, celle qui demeure éternellement. En effet, ne vous semble-t-il point que l'âme complètement inhabile dans l'exercice de la contemplation de Dieu, aura une sorte de maladresse, quand elle arrivera dans le séjour où il n'y a point d'autre occupation, pas d'autre pensée, pas d'autre vie que la contemplation

4. Mais considérons, mes frères, comment une charité bien réglée a distribué trois emplois différents dans notre maison, en donnant l'administration à Marthe, la contemplation à Marie, et la pénitence à Lazare. Tout cela se trouve en toute âme parfaite; toute fois, il y en a à qui l'un ou l'autre de ces emplois conviennent mieux qu'à d'autres, en sorte que les uns vaquent à la sainte contemplation, les autres sont adonnés au service de leurs frères, et d'autres enfin, semblables aux blessés qui dorment au fond de leurs tombeaux, repassent leurs années dans l'amertume de leur âme. Voilà mes frères, oui voilà dans quels sentiments pieux et élevés Marie doit penser à son Dieu, dans quelles dispositions de bienveillance et de miséricorde, Marthe doit se trouver, par rapport au prochain, et quelles pensées humbles et misérables Lazare doit avoir de lui-même. Que chacun considère le rang où il se trouve. « Si ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, se trouvent dans ce pays-là, il se délivreront eux-mêmes, par leur propre justice, dit le Seigneur, mais ils ne délivreront ni leur fils, ni leur filles (Ezech. XIV, 14). » Je ne flatte personne, et que personne de vous ne se flatte point non plus; ceux qui n'ont reçu aucun emploi, aucune charge à remplir, doivent se tenir assis, soit aux pieds de Jésus avec Marie, soit au fond du sépulcre avec Lazare. Et pourquoi Marthe, qui a pour fonction de s'occuper de tous les autres, ne serait-elle point affairée en mille choses? Mais à vous, qui n'avez point son emploi, il suffit de l'un des deux autres qui restent, vous n'avez point à vous montrer besogneux en quoique ce soit, mais seulement à goûter avec bonheur la présence de Dieu, ou, si vous ne le pouvez point encore, à laisser tout autre soin, pour vous replier sur vous-même, selon le mot du Psalmiste (Psal. XLI, 7) quand il parle de lui-même.

5. Je vous le répète, mes frères, afin que vous ne puissiez alléguer votre ignorance, si vous n'avez pas mission de construire l'arche de Noé, ou de la diriger au milieu des eaux du déluge, il faut que vous soyez un homme de désirs comme Daniel, ou un homme de douleur, un homme de souffrances comme Job. Autrement, j'ai bien peur que le Seigneur ne vous trouve tièdes, que vous ne lui causiez des nausées, et qu'il ne vous rejette de sa bouche, quand il voudrait vous trouver chaud de sa considération, et brûlant du feu de son amour, ou froids par sa connaissance, et éteignant dans l'eau de la componction les traits embrasés du démon. Mais il faut que Marthe sache bien aussi elle-même que ce qu'on recherche avant tout dans les dispensateurs, c'est qu'ils se montrent fidèles (I Cor. IV, 2) ; or, il en sera ainsi s'ils recherchent les intérêts de Jésus-Christ, non les leurs, s'ils ont une intention pure, s'ils font la volonté de Dieu non les leur, si enfin, leur action est bien réglée. Il s'en trouve en effet, dont l'œil n'est pas pur; ceux-là reçoivent de suite leur récompense. Il y en a d'autres qui se laissent conduire par leurs propres mouvements, et tout ce qu'ils font est souillé par la tache de leur volonté propre qui s'y trouve imprimée. Venons-en maintenant au chant nuptial et considérons comment l'Époux, quand il appelle l’Épouse à lui, ne néglige aucune de ces trois choses; mais n'y en ajoute non plus aucune. «Levez-vous, dit-il, hâtez-vous; ma bien-aimée, ma colombe, ma belle et venez (Cant. II, 10). » N'est-elle point son amie, l'âme qui ne songe qu'aux intérêts de son maître, et pousse la fidélité jusqu'à sacrifier sa vie pour lui? Car, toutes les fois que, pour le moindre de ceux qui sont à lui, elle laisse là tous les attraits pour les choses spirituelles, elle sacrifie, spirituellement parlant, sa vie, pour lui. N'est-elle pas belle cette âme qui; dans la contemplation de Dieu qu’elle voit face à face, se transforme en la même image et avance de clarté en clarté comme si elle était illuminée par l'esprit même du Seigneur (II Cor. III, 18) ? Enfin, n'est-ce point une colombe que l'âme qui soupire et qui gémit dans le creux de la pierre, dans les trous de la muraille (Cant. II, 14), comme si elle était sous la pierre du tombeau?

6. « Une femme, dit l'Évangéliste, nommée Marthe le reçut dans sa maison. » C'est évidemment l'image des religieux qui ont pour office de vaquer à différents emplois dans une pensée de charité fraternelle. Puissé-je me trouver du nombre des dispensateurs fidèles. A qui ces paroles élu Seigneur; Marthe, Marthe, vous vous embarrassez de bien des choses, » conviennent-elles mieux qu'aux supérieurs, s'ils se montrent dans leur poste, animés d'une bonne et digne préoccupation? En est-il d'autres occupés de plus de choses en même temps que ceux qui doivent embrasser dans leur sollicitude Marie, qui vaque à la contemplation, Lazare qui vaque à la pénitence, et tous ceux avec qui ils partagent leur propre fardeau ? Voyez Marthe affairée, voyez Marthe occupée de mille détails, je veux dire cet apôtre qui, donnant des conseils aux prélats qui partageaient ses sollicitudes, est chargé en même temps lui-même du soin de toutes les églises. « Qui est faible, disait-il, sans que je m'affaiblisse avec lui? qui est scandalisé,sans que je brûle moi-même (II Cor. XI, 29) ? » C'est donc à Marthe qu'il appartient de recevoir le Seigneur dans sa maison, puisque c'est sur elle seule que repose l'administration de la maison entière. Il est le médiateur,. et c'est à lui d'obtenir en même temps, pour lui et pour ses inférieurs, le salut et la grâce, selon ce mot de l'Écriture : «Que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple; et les collines la justice (Pal. LXXI, 29). » Que ses aides reçoivent chacun en proportion de leur ministère. Qu'ils reçoivent le Christ, qu'ils servent le Christ, qu'ils lui rendent leurs devoirs dans ses membres, celui-là dans ses frères infirmes, cet autre dans les pauvres, ce dernier enfin dans les voyageurs et les étrangers.

7. Pendant que Marthe est ainsi absorbée par les mille occupations de son emploi, il faut que Marie voie comment elle vaque au sien, et reconnaisse combien le Seigneur est doux. Oui, elle doit voir avec quelle piété d'âme et quelle tranquillité d'esprit elle doit se tenir assise aux pieds de Jésus, l'avoir constamment sous les yeux, recevoir les paroles qui tombent de ses lèvres, car autant sa vue est agréable, autant ses entretiens sont doux. Une grâce admirable est répandue sur ses lèvres, et il surpasse en beauté tous les enfants des hommes (Psal. XLIV, 3), et les anges eux-mêmes. Réjouissez-vous et rendez grâces à Dieu, ê Marie, d'avoir choisi la meilleure part. Heureux, en effet, les yeux qui voient ce qu'il vous est donné de contempler, et les oreilles qui sont dignes d'entendre ce que vous entendez. Oui, heureuse êtes-vous, vous qui percevez le bruit imperceptible des entretiens divins, dans le silence où il est bon à l'homme d'attendre le Seigneur. Soyez simple, exempte non-seulement de tonte ruse et de toute feinte, mais même de nombreuses fonctions, afin de pouvoir vous livrer aux entretiens de Celui dont la voix est douce et la figure agréable à voir. Prenez garde pourtant d'abonder en votre sens, et de vouloir être plus sage qu'il ne faut, de peur qu'en poursuivant la lumière, vous ne donniez tête baissée dans les ténèbres, aveuglée par le démon du midi; mais ce n'est pas ici le moment de vous en parler. Qu'est, en effet, devenu Lazare ? Où l'avez-vous déposé? C'est à ses sœurs que je le demande, à ses sueurs, dis-je, qui ont enseveli leur frère par la prédication et le ministère, par l'exemple et la prière. Où donc l'avez-vous mis? Il est placé dans la terre, au fond d'une fosse, il gît sous une pierre, il n'est pas facile de le trouver. Aussi, ne me semble-t-il pas hors de raison de réserver ce sujet pour le sermon du quatrième jour de cette octave, afin que, en entendant avec le Sauveur ces paroles : «Celui que vous aimez est malade (Joan. XI, 3), nous restions pour aujourd'hui au point où nous en sommes.

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