FERDINAND III

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LE MÊME JOUR.

SAINT FERDINAND III, ROI DE CASTILLE ET CONFESSEUR.

 

Dans les jours consacrés à honorer la naissance de notre Emmanuel, nous vîmes près de son berceau l'imposante figure du bienheureux empereur Charlemagne. Ceint du diadème impérial, tenant en main son puissant glaive, il semblait veiller sur l'enfant que des bergers avaient adoré les premiers Aujourd'hui, près du glorieux sépulcre visite d'abord par Madeleine et ses compagnes, nous apercevons un roi, Ferdinand le Victorieux, ceint de la couronne et faisant la garde avec sa vaillante épée si redoutée du Sarrasin. La France et l'Espagne sont ainsi représentées sur le Cycle par leurs plus nobles souverains : l'un vénérant le mystère du Dieu incarné, l'autre rendant son hommage au mystère du Dieu vainqueur de la mort.

La catholique Espagne est personnifiée dans son Ferdinand, et la France très chrétienne reconnaît dans ce prince héroïque le sang de son saint Louis. Bérengère, mère de Ferdinand, et Blanche, mère de Louis, étaient sœurs. Pour former le royaume catholique, il fallut un des Apôtres du Christ, saint Jacques le Majeur; il fallut une épreuve formidable, l'invasion du Sarrasin qui déborda sur la Péninsule comme un déluge ; il fallut un exploit chevaleresque qui dura huit siècles, et par lequel l'Espagne recouvra son sol et sa liberté. Saint Ferdinand résume en lui cette armée de héros qui ont repoussé le Maure et créé la patrie ; mais au courage du soldat il a réuni les vertus du saint.

Quels exploits dans cette vie qui compte autant de victoires que de combats ! Cordoue, la ville des Califes, tombe au pouvoir d'un si fier chrétien, et les portiques de son alhambra n'abriteront plus le luxe et la mollesse féroce des sectateurs de l'Islam. Sa splendide mosquée est purifiée par l'eau sainte, et devient l'église cathédrale de Cordoue redevenue chrétienne. Les sectateurs de Mahomet avaient enlevé les cloches de l'Eglise de Saint-Jacques à Compostelle, ils les gardaient en trophée à Cordoue ; par ordre du saint roi, ces cloches sont reportées à dos de Sarrasin, à travers l'Espagne, jusqu'à l'auguste sanctuaire auquel elles avaient été ravies.

Séville, à son tour, après un siège de seize mois, tomba au pouvoir de Ferdinand, malgré sa double enceinte de murailles flanquées Je cent soixante-six tours. L'armée chrétienne était faible en nombre; la défense des Sarrasins servis par tous les avantages du site et l'habileté de la conduite, fut de la dernière énergie ; mais le croissant dut s'éclipser devant la croix triomphante. Ferdinand accorda un mois aux Sarrasins pour se retirer de la ville et du territoire. Trois cent mille se replièrent sur Xérès, et cent mille passèrent en Afrique. Le vaillant chef de ce peuple abattu, jetant un dernier regard sur la ville rentrée au pouvoir des chrétiens, dit à ses officiers, les larmes aux yeux : « Il n'y a qu'un saint qui ait pu avec de si faibles troupes se rendre maître d'une place si forte et peuplée de tant de défenseurs. »

Nous n'énumérerons pas ici les villes et les provinces reconquises par le héros chrétien. Sa carrière toute de succès dut faire pressentir aux Maures que la Péninsule leur échapperait un jour tout entière ; au reste, Ferdinand avait formé le projet de faire une descente sur la côte africaine, et d'aller ainsi éteindre l'islamisme jusque dans son foyer le plus ardent. La mort arrêta ce noble dessein, et parvenu à l'âge de cinquante-trois ans, le saint roi échangea la couronne de la terre pour celle du ciel.

Sa piété l'avait rendu le ministre docile de la volonté de Dieu, dont il se regarda toujours comme l'humble instrument. Austère comme un anachorète, Ferdinand fut compatissant comme un père pour ses peuples : « Je crains plus, dit-il un jour, les malédictions d'une pauvre femme que toute l'armée des Sarrasins. » Il dota richement les églises qu'il élevait dans l'Espagne reconquise, et, fidèle chevalier de la Reine des deux, il l'honora toujours comme sa dame et maîtresse. En retour d'un culte si fervent, Marie daigna bénir constamment les armes de son illustre champion. On doit voir aussi un gage de sa maternelle tendresse pour le saint roi dans un fait mentionné par les chroniqueurs contemporains, et qui dans ces siècles atteste l'intervention divine. Durant tout le règne de Ferdinand, ni la peste ni la famine ne vinrent affliger ses Etats. A la différence de notre saint Louis, dont la vie fut remplie d'épreuves, Ferdinand fut toujours heureux ; comme si Dieu eût voulu donner à la fois aux hommes, dans ces deux admirables princes, le modèle du courage dans l'adversité et l'exemple

 

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de la modération dans les prospérités. A eux deux ils forment le plus complet tableau de la vie humaine régénérée dans le Christ, en qui nous adorons les humiliations de la croix et les splendeurs de la résurrection. Heureux siècles où Dieu choisissait les rois pour donner aux chrétiens de telles leçons !

On se demandera comment un homme, un prince, tel que saint Ferdinand, accueillit la mort, lorsqu'elle vint tout à coup arrêter le cours de sa glorieuse carrière. Il était encore dans la force de l'âge. A l'approche du prêtre qui lui apportait le Corps du Seigneur, le pieux héros descend de son lit, et ce n'est qu'après avoir adoré son Sauveur, la face contre terre et la corde au cou, qu'il reçoit l'hostie sacrée. Ayant accompli ce grand acte, se sentant arrivé aux portes de l'éternité, il ordonne qu'on le dépouille des marques de la royauté, et appelle ses fils autour de son lit de mort. S'adressant à l'aîné qui fut Alphonse le Sage, il lui recommanda le soin de ses frères et les égards qu'il devrait à ceux qui sont les vassaux du prince et ses compagnons d'armes ; puis il ajouta : « Mon fils, tu vois de quelles forces, de quelles possessions, de quel nombre de sujets tu es entouré, plus qu'aucun autre roi chrétien ; fais en sorte d'user dignement de ces avantages ; sois bon, avant tant de moyens de faire le bien. Te voilà maître de cette terre que les Maures enlevèrent jadis au roi Rodrigue. Si tu conserves le royaume dans l'état où je te le laisse, tu seras un bon roi, comme je l'ai été ; il en serait autrement, si tu en laissais perdre quelque chose. »

La dernière heure approchait ; une apparition céleste vint conforter le royal mourant. Il remercia

 

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Dieu de cette faveur, et demanda le cierge béni ; mais avant de le prendre dans ses mains, levant les veux au ciel, il dit : « Seigneur, vous m'avez donné le royaume que je n'avais pas, vous m'avez donné plus d'honneur et de puissance que je ne méritais : recevez-en mes actions de grâces. Je remets entre vos mains ce royaume que j'ai accru autant qu'il m'a été possible : je vous présente en même temps mon âme. » Il demanda ensuite pardon à ceux qui l'entouraient, les priant de lui faire grâce, s'il leur avait donné lieu quelquefois de se plaindre de lui. Toute la cour était présente ; et l'on n'entendit que des voix entrecoupées de sanglots, qui à leur tour imploraient le pardon.

Le saint roi prit alors le cierge en ses mains, et relevant vers le ciel, il dit : « Seigneur Jésus-Christ, mon rédempteur, je suis sorti nu du sein de ma mère, et je vais rentrer nu dans la terre. Seigneur, recevez mon âme, et par les mérites de votre très sainte Passion, qu'il vous plaise la placer parmi celles de vos serviteurs. » Après ces paroles, il rendit le cierge, et demanda aux évêques et aux prêtres qui étaient autour de lui, de réciter les Litanies, après lesquelles il leur fit chanter le Te Deum. Tout étant achevé, il inclina la tête, ferma les yeux et expira doucement.

Ainsi mouraient ces hommes dont la foi avait inspiré toutes les œuvres, et qui sentaient qu'ils n'étaient en ce monde que pour servir Jésus-Christ et le faire régner. Ces rois avaient fait l'Europe ; ils lui avaient donné pour première loi l'Evangile, et pour droit public les canons de l'Eglise. L'Europe, après des siècles d'unité dans le lien catholique, a cherché une autre loi et un autre droit; elle se dissout aujourd'hui, et semble

 

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même avoir oublié l'élément qui la forma et la maintint durant tant de siècles à la tête de l'humanité. Puisse-t-elle un jour ouvrir les yeux, et, s'il en est temps encore, arrêter la décadence qui l'entraîne fatalement, et conjurer la ruine qui la menace !

 

Nous empruntons les Leçons de l'Office du saint roi au Propre de la ville de Rome.

 

Ferdinand III, roi de Castille et de Léon, à qui depuis quatre siècles l'accord des ecclésiastiques et des séculiers a attribué le nom de Saint, donna, dès son adolescence, de si grandes preuves de sagesse, que Bérengère, reine de Castille, sa mère, qui l'avait élevé très saintement, abdiqua la royauté pour la lui remettre entre les mains. A peine Ferdinand fut-il entré dans les soins du gouvernement, que l'on vit briller en lui les vertus d'un roi : la magnanimité, la clémence, la justice, et par-dessus tout le zèle de la foi catholique, dont il sut défendre et propager la pratique religieuse avec ardeur. Il montra ce zèle principalement en poursuivant les hérétiques, auxquels il ne permit jamais d'habiter dans ses royaumes. Il le fit voir encore en érigeant, dotant et consacrant au culte chrétien les églises de Cordoue, Jaén, Séville, et autres villes arrachées par lui au joug des Maures. Il rétablit avec une pieuse et royale munificence les cathédrales de Tolède, de Burgos, et plusieurs autres.

 

En même temps, dans le royaume de Castille et de Léon, où il avait succédé à Alphonse son père, il réunit de fortes armées, et entreprit chaque année des expéditions contre les Sarrasins, ennemis du nom chrétien. Le plus puissant moyen de ce pieux roi pour s’assurer constamment la victoire fut dans les prières qu'il adressait à Dieu, dont il s'assurait le secours en flagellant sévèrement son corps avant la bataille, et se couvrant d'un rude cilice. Ce fut ainsi qu'il remporta d'insignes victoires contre les puissantes armées des Maures, et qu'il restitua au culte chrétien et à l'Espagne des villes nombreuses, ayant conquis les royaumes de Jaën, Cordoue et Murcie, en même temps qu'il rendit tributaire celui de Grenade. Il amena ses étendards victorieux devant Séville, capitale de la Bétique, après une vision dans laquelle on rapporte que saint Isidore, autrefois évêque de cette ville, lui en avait donné le conseil. Les historiens racontent aussi qu'il fut assisté du secours divin dans ce siège, en la manière suivante. Les Mahométans avaient tendu sur le Guadalquivir une chaîne de fer qui barrait le passage. Un vent violent s'éleva tout à coup, et l'un des navires royaux lancé par l'ordre du prince alla briser cette chaîne avec une telle violence qu'il fut entraîné plus loin, et alla rompre un Sont de bateaux dont la ruine enleva l'espoir aux laures, et amena la reddition de la place.

 

Ferdinand a attribué toutes ces victoires au patronage de la bienheureuse Vierge Marie, dont il avait toujours dans son camp l'image qu'il honorait d'un culte spécial. Ayant pris Se ville, son premier soin fut de songer au culte divin. Il fit purifier tout aussitôt la mosquée des Sarrasins, et la dédia au service religieux des chrétiens, l'ayant pourvue avec une royale et pieuse libéralité d'un siège archiépiscopal richement doté et d'un collège de chanoines et de dignités convenablement établis. Il érigea encore d'autres églises et plusieurs monastères dans cette ville. Au milieu de ces actes de piété, il se préparait à passer en Afrique pour y anéantir la puissance musulmane , lorsqu'il se vit appelé au royaume du ciel. Etant arrivé à ses derniers moments, il adora la corde au cou, prosterné par terre, avec d'abondantes larmes, la sainte Eucharistie qu'on lui apportait pour viatique.

 

Ayant reçu le divin sacrement avec la plus humble révérence accompagnée des plus vifs témoignages de son attachement à la foi catholique, il s'endormit dans le Seigneur. Son corps, demeuré sans corruption depuis six siècles, repose dans la cathédrale de Séville, où il est renfermé dans un tombeau de la plus rare magnificence.

 

Vous avez délivré votre peuple du joug de l'infidèle, ô Ferdinand, imitant le divin ressuscité qui nous a affranchis de la mort du péché et rendus à la vie que nous avions perdue. Vos conquêtes n'ont point ressemblé à celles des conquérants profanes, qui n'ont d'autre but que de satisfaire leur orgueil et celui de leurs peuples. Vous veniez délivrer vos frères opprimés et courbés depuis des siècles sous un joug odieux. Vous veniez, les arracher aux périls de séduction qu'ils couraient dans un esclavage séculaire. Champion du Christ, c'est pour lui d'abord que vous forciez les remparts des cités sarrasines. Son étendard était le vôtre, et vous cherchiez avant tout à étendre son royaume. En retour, il daigna vous bénir en tous vos combats, et votre épée sortit toujours victorieuse.

Votre mission, ô Ferdinand, fut de préparer au Seigneur un peuple que la sainte Eglise a honoré entre tous les autres, en lui décernant le beau nom de Catholique. Heureuse Espagne, qui à force de persévérance et de courage a su briser le joug musulman, que les peuples qui l'ont subi gardent toujours ! Heureuse Espagne, qui a repoussé avec succès l'invasion de la prétendue Réforme au XVI° siècle, ayant ainsi conservé l'antique foi qui sauve les âmes, et est en même temps le plus fort lien de la patrie ! Priez pour votre peuple, ô Ferdinand ! Des doctrines perverses circulent dans son sein, des influences perfides cherchent à l'égarer, et beaucoup d'âmes sont séduites. Ne souffrez pas qu'il sacrifie jamais par d'imprudentes et lâches concessions ce dépôt de foi qu'il a su maintenir intact durant tant de siècles. Combattez les machinations ténébreuses par lesquelles les méchants cherchent à le lui enlever. Maintenez en lui l'horreur qu'il a si longtemps ressentie pour l'hérésie, et que rien ne le fasse déchoir du rang qu'il a conquis entre les peuples fidèles. L'unité de croyance et de culte peut le sauver encore, le retenir sur le bord de l'abîme où tant de nations ont sombré; saint roi, sauvez encore une fois le royaume que Dieu vous avait confié, et que vous remettiez entre ses mains avec une si humble reconnaissance, au moment où vous alliez échanger la couronne de la terre contre celle du ciel. Vous êtes resté son protecteur aimé; hâtez-vous de le secourir.

 

 

 

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