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SEMAINE DU VORBOURG 2016

du 11 au 18 septembre

 

Serviteur de l'Evangile de Dieu

Notices sur CEF et Wikipedia

Evêque émérite : Langres, depuis 2014

Né le 08 novembre 1938
Ordonné prêtre le 28 juin 1964
Nommé évêque le 16 décembre 1999
Consacré évêque le 05 mars 2000

Ouverture des Fêtes - Dimanche 11 septembre

Lundi 12 septembre

Mardi 13 septembre 2016

Mercredi 14 septembre 2016

Vendredi 16 septembre 2016

Samedi 17 septembre 2016


CELEBRATION D’OUVERTURE DES FETES DU VORBOURG

 DIMANCHE 11 SEPTEMBRE 2016 - 16 h

« Miséricordieux comme le Père »

Vorbourg, le dimanche 11 septembre 2016

Homélie

Lc 6, 36-38

Nous avons mieux découvert cette année que ce qui caractérisait Dieu, le Dieu des chrétiens, le Dieu auquel nous croyons, c'était la miséricorde. Nous nous inscrivons ainsi dans la tradition reçue du peuple de la première Alliance. Et Jésus le rappelle quand il dit à ses disciples rassemblés : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. »

La miséricorde est ce qui dit le mieux qui est Dieu. Quand il se révèle à Abraham, puis à Moïse et aux prophètes de l'Ancienne Alliance, Dieu exprime cette miséricorde en entrant en relation avec ceux qu'il appelle et en se mettant à l'écoute des hommes marqués par la souffrance. A Abraham, il dit : « Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction » (Gn 12,2) Et après qu'Abraham eut décidé d'offrir son fils Isaac, Dieu dit encore : « Parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer [...] Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s'adresseront l'une à l'autre la bénédiction par le nom de ta descendance. » (Gn 22, 16-18) A Moïse, Dieu se révèle comme celui qui ne cesse pas d'accompagner son peuple, les fils d'Israël, y compris quand ils se trouvent en esclavage. « Du fond de leur esclavage, les fils d'Israël gémirent et crièrent. Du fond de leur esclavage, leur appel monta vers Dieu. Dieu entendit leur plainte ; Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. » (Ex 2, 23-24) Et Le Seigneur dit : « J'ai vu, oui, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j'ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens. » (Ex 3, 7-8)

L'écoute et la vue de la misère du peuple de Dieu et de tout homme, la fidélité de Dieu à son Alliance et sa proximité caractérisent la miséricorde de Dieu. A beaucoup, Dieu paraît comme lointain et inaccessible. La réalité est tout le contraire. Dieu créateur ne cesse de créer et de s'occuper de ses créatures. Il est si discret qu'il est oublié et ignoré. Notre monde vit souvent comme si Dieu n'existait pas. Dieu n'est plus honoré, il n'est plus prié. L'homme s'attache aux créatures et oublie le Créateur. Alors que Dieu Père ne cesse pas d'aimer ses enfants que sont tous les hommes et de leur donner la vie, y compris sa propre vie. Cet amour a pris forme en Jésus, icône parfaite du Père, dont l'attention aux malades, aux pécheurs, aux personnes mises de côté a exprimé le cœur miséricordieux de Dieu. En Jésus de Nazareth, Dieu est venu à notre rencontre, il s'est anéanti en donnant sa vie, pour que tout homme retrouve sa dignité de fils bien-aimé du Père.

Ce que demande Jésus dans l'évangile entendu, il l'a lui-même accompli et continue de le faire. Il a été miséricordieux comme son Père. Il n'a pas jugé, il n'a pas condamné : souvenez-vous de sa rencontre avec la femme pécheresse et de ses paroles libératrices du péché : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et ne pèche plus. » (Jn 8,11) Jésus révèle la miséricorde du Père. Il se laisse approcher par les lépreux et va à leur rencontre. Il les guérit et ils peuvent retrouver une vie normale. Il remet debout les paralysés. Il laisse la femme malade de pertes de sang toucher son vêtement. Il appelle des apôtres qui ne lui seront pas fidèles au moment de l'épreuve. Il s'invite à la table des pécheurs, chez Lévi, chez Zachée. Dans la maison de Simon le pharisien, il autorise la femme pécheresse à se jeter à ses pieds, à les essuyer de ses cheveux, à les couvrir de baisers et à répandre sur eux un parfum. Il libère ceux qui sont tourmentés par des esprits mauvais. Il accorde le pardon aux pécheurs. Il pleure devant le tombeau de son ami Lazare, parce qu'il est touché au plus profond de ses entrailles par la mort de son ami. Il exprime sa profonde déception envers Jérusalem qui a refusé tant de fois l'unité : « Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes et vous n'avez pas voulu ! » (Mt 23, 37) Ces paroles expriment toute la peine et la compassion éprouvées par Jésus qui a tout donné pour rassembler les enfants de Dieu dispersés. Sur la croix, il va jusqu'à demander à son Père d'accorder le pardon à ses bourreaux. Il promet le paradis à l'un des malfaiteurs. Il verse son sang pour le salut du monde marqué par le péché, le mal et la mort. Par son enseignement, en particulier, ses paraboles, il traduit par des paroles qui touchent les cœurs la miséricorde infinie du Père.

Devant la miséricorde du Père et la miséricorde du Fils, Jésus Christ, je vous invite à deux attitudes. La première est de redécouvrir le visage de Dieu, du Dieu de votre foi chrétienne, à le purifier des fausses images qui obscurcissent sa bonté et sa miséricorde, sa tendresse et sa patience. Dieu est le Père de Jésus, il est aussi votre Père, il est notre Père, un Père qui nous donne notre identité de fils. Père, dit le pape François, est le mot employé le plus souvent par Jésus. Il est le chemin de la vraie prière. « Si nous ne disons pas que nous sommes des fils, si nous ne nous sentons pas des fils, si nous ne disons pas « Père », notre prière est païenne, c'est une prière faite que de mots. » S'il est bon de prier la Vierge Marie, c'est parce qu'elle est une fille bien aimée du Père et qu'elle a fait l'expérience de la miséricorde de Dieu. Est-ce que vous faites l'expérience de la paternité de Dieu pour vous ? Vous sentez-vous fils de Dieu Père ?

La deuxième attitude est de pratiquer la miséricorde du Père. Soyez miséricordieux comme le Père à la suite du Christ. Certes, vous ne serez jamais à la hauteur. Mais en accueillant l'Esprit de Dieu, vous pouvez devenir de dignes fils, et comme le Père, pardonner et donner, comme dit l'évangile, « une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement. » « À semer trop peu, écrit Saint Paul aux Corinthiens à propos de la collecte pour l'Eglise de Jérusalem, on récolte trop peu ; à semer largement, on récolte largement. » (1 ICo 9, 6) Il convient d'inscrire dans le temps la pratique de la miséricorde, car ce n'est pas facile. On y parvient en contemplant le Père, en le priant, en méditant les paroles et les gestes de Jésus, en se laissant éclairé par l'Esprit. Être miséricordieux comme le Père demande patience et persévérance. Être miséricordieux comme le Père est source de grande joie et de reconnaissance, car nous devenons davantage des fils, nous appartenons à la même famille. D'ailleurs, nous disons « notre » Père. Plus nous sommes miséricordieux comme le Père, plus nous nous rapprochons de Dieu, plus Dieu a une plus grande place dans notre vie, plus nous lui ressemblons, et aussi, plus nous devenons frères les uns des autres, notre fraternité grandit avec le Christ et entre nous.

Prenons le temps de contempler et d'expérimenter la miséricorde de Dieu Père, afin d'être nous-mêmes miséricordieux.

+ Mgr Philippe GUENELEY


Vorbourg, lundi 12 septembre 2016

Homélie

Jc, 2,14-18 ; Mt 25, 31-40

La Lettre de Saint Jacques et l'évangile selon Saint Matthieu nous parlent des oeuvres de miséricorde et ces textes viennent réveiller notre conscience. Comme nous y invite le pape François, il s'agit de ne pas tomber dans l'indifférence qui règne devant l'ampleur des problèmes et la peur de l'inconnu et qui nous éloigne les uns des autres et nous condamne à l'inaction. « Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et soeurs privés de dignité, et sentons-nous appeler à entendre leur cri qui appelle à l'aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous, afin qu'ils sentent la chaleur de notre présence, de l'amitié et de la fraternité. » (Bulle d'indiction du Jubilé, 15) Car la miséricorde ne s'exprime pas seulement par des paroles, elle se traduit également par des actions. Et ce sont les plus éprouvés, les plus pauvres, les plus démunis, les plus isolés, les plus méprisés qui doivent être l'objet de notre attention et de nos soins. Ici, il est surtout question des oeuvres corporelles de miséricorde.

Dans la Bulle d'indiction, le pape François indique 7 oeuvres corporelles de miséricorde : « Donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. » (n. 15) Les six premières ont leur source dans le chapitre 25 de l'évangile de Saint Matthieu. La septième oeuvre, l'ensevelissement des morts, apparaît comme une oeuvre dans l'Eglise catholique au 13ème siècle. Certes ces œuvres se retrouvent dans d'autres textes anciens qui en ajoutent d'autres. Le pape François vient d'ajouter comme œuvre de miséricorde la sauvegarde de la création. Ces œuvres sont faciles à comprendre, peut-être plus difficiles à mettre en œuvre compte-tenu, dans certains cas, de la complexité des situations. Elles rejoignent une certaine conception de l'homme qui défend le

droit de recevoir les secours essentiels à sa vie d'homme et le devoir de n'abandonner personne à la solitude, quand il lui manque ce qui est essentiel à son existence humaine. Elles sont une manière d'accomplir la Loi de l'Ancienne alliance et récapitulent le second commandement, qui fait de la charité la règle première de toutes les relations avec les autres. Aimer le prochain, c'est lui permettre d'avoir son autonomie et de vivre dignement et libre.

Mais surtout, ces œuvres de miséricorde sont à la ressemblance de la miséricorde de Dieu et font entrer dans la radicalité évangélique. Elles nous lient à la personne du Christ : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » Les œuvres de miséricorde portent en elles une identification entre Jésus et le pauvre, entre Jésus et celui qui a faim ou soif, Jésus et celui qui est malade, étranger ou prisonnier. C'est le seul endroit de l'Évangile qui dit cela. Il est donc très important. Il y a un rapport privilégié entre le Fils de l'Homme et les petits, quelle que soit la définition que nous faisons de ces petits. Il y a un lien privilégié entre la reconnaissance du Fils de l'Homme et la promotion des plus humbles, il y a un rapport profond entre la relation à Dieu et la relation avec le prochain : les deux vont de pair. On ne peut pas croire en Dieu sans croire à la dignité du prochain, on ne peut pas aimer Dieu sans aimer le prochain. Le rapport avec Dieu se joue dans la relation avec les hommes. Sainte Mère Teresa a enraciné toute sa spiritualité et toute son action de charité sur ce passage de l'évangile.

Les œuvres de miséricorde nous intègrent aussi dans le mystère du salut : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » En même temps, ces paroles posent question aux croyants que nous sommes : si les œuvres suffisent pour entrer dans le Royaume de Dieu, à quoi cela sert-il de croire, où situer la foi ? Il ne serait pas nécessaire de connaître Dieu pour être sauvé ? Saint Jacques relie les œuvres et la foi. Il ne les sépare pas. Si la foi n'est pas mise en œuvre, si elle ne s'exprime pas par des œuvres, elle est « bel et bien morte. » « Si quelqu'un prétend avoir la foi sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? » Une foi vivante s'exprime, non seulement par la prière, la profession de foi, la célébration des sacrements, mais aussi par la charité et le service du prochain. En réalité, le passage de Saint Matthieu comme celui de Saint Jacques ne répond pas à la question de savoir si l'on peut être sauvé sans connaître Dieu. Dans la tradition protestante la foi est première pour conduire au salut. Mais les œuvres mettent sur le chemin du salut, d'ailleurs, pas seulement les œuvres corporelles indiquées ici, mais aussi les œuvres spirituelles de miséricorde et de pardon, de paix et de justice, de consolation et d'enseignement. Les œuvres sont l'expression du respect qui est dû à toute personne humaine, elles sont au service des autres et permettent aux autres d'être reconnus et d'exister. C'est ce qui fonde dans les communautés de l'Eglise l'existence des structures caritatives et les organismes qui sont les rouages de la charité.

Éclairés par la parole de Dieu, nous sommes invités à sentir un peu mieux comment nous pouvons changer notre comportement face aux situations de souffrances de nos frères et sœurs. Souvent nous sommes dépassés par l'ampleur des problèmes. Alors, pourquoi ne pas demander dans la prière à Dieu : « Seigneur, fais-moi voir et comprendre le petit peu, le petit mieux qui peut changer ma vie et contribuer à soulager la souffrance et la misère du monde. » N'oublions jamais que nous serons jugés par Dieu sur la charité, sur la manière dont nous aurons aimé nos frères, en particulier, les malades, les faibles, les démunis, les petits, qu'ils soient proches ou au loin. « Au soir de notre vie, dit Saint Jean de la Croix, nous serons jugés sur l'amour. » Certes, nous sommes sauvés par grâce, gratuitement, par l'amour de Dieu qui nous précède toujours. Sans lui, nous ne pouvons rien faire. La foi est un don reçu qui appelle notre réponse libre et l'ouverture de notre cœur. Le Christ, le Berger de toute l'humanité nous apporte la miséricorde de Dieu qui sauve. Mais en mettant notre confiance en lui, nous devons répondre à son amour par une vie bonne, faite d'actions animées par la charité et le don de nous-mêmes.

Comme le dit le pape François : « Envisager le Jugement dernier ne doit jamais nous faire peur ; au contraire, cela nous pousse à mieux vivre le présent. Dieu nous offre avec miséricorde et patience ce temps, afin que nous apprenions chaque jour à le reconnaître chez les pauvres et chez les petits, afin que nous nous prodiguions pour le bien et que nous soyons vigilants dans la prière et dans l'amour. Que le Seigneur, au terme de notre existence et de l'histoire, puisse nous reconnaître comme des serviteurs bons et fidèles ! « (Audience du mercredi 24 avril 2013)

Nous avons à éviter d'être parmi ceux qui ne comprennent pas, qui ne voient pas : « Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu... ? » Pourquoi je ne vois pas, pourquoi mes relations avec les autres sont difficiles, conflictuelles, pourquoi suis-je sur la défensive avec les étrangers, dans la peur avec les malades, pourquoi suis-je à défendre mes intérêts avec les pauvres ? Cherchons à sortir de nos fermetures face aux nécessités concrètes dans lesquelles nous vivons. Nous vivons dans cette cécité, dans cet aveuglement même à l'égard des personnes les plus proches, nous passons à côté des autres et de leurs souffrances, sans intervenir comme le prêtre et le lévite de la parabole. « C'est une profonde expérience spirituelle de contempler chaque proche avec les yeux de Dieu et de reconnaître le Christ en lui. Cela demande une disponibilité gratuite qui permette de valoriser sa dignité. » (Pape François, La joie de l'Amour, n. 323) Demandons au Seigneur de le reconnaître présent chez les autres, dans nos relations en Eglise et au milieu du monde, pas où nous avons décidé de le voir, mais là où les autres crient et appellent, là quand les autres s'approchent de nous sans que nous l'ayons prévu. Ne nous perdons pas dans une ferveur religieuse, une piété qui nous fasse oublier d'être attentifs aux autres et qui nous rende durs avec eux. Que le Seigneur

nous délivre de notre cécité ! Qu'il nous donne de goûter la joie du petit plus, du petit mieux qui nous ouvre un nouvel horizon ! Faisons en sorte que dans la diversité de nos rencontres chaque personne soit respectée pour ce qu'elle est, qu'elle ressente la joie d'être considérée, d'être aimée, parce qu'elle est l'objet de la tendresse immense de Dieu !

Mgr Philippe GUENELEY



Vorbourg, le mardi 13 septembre 2016

Homélie
1 Co 12, 31-13, 8 ; Mt 5,1-12
 

Les Béatitudes et la parabole du Jugement dernier sont des textes fondateurs de la vie chrétienne. Si vous ajoutez l'hymne à la charité de l'apôtre Paul, vous avez ce qui est le plus essentiel et le plus important pour éclairer votre vie. Celui qui vit cet Évangile, cette Bonne Nouvelle, ne fait pas seulement son bonheur, mais celui des autres. C'est ce que souligne Saint Jean Chrysostome : « Celui qui est doux, abordable, compatissant et juste ne renferme pas en lui-même ses bonnes actions, mais il cherche à en faire comme des sources qui coulent pour l'utilité d'autrui. De même, celui qui a le cœur pur, qui est un artisan de paix, qui est persécuté pour la vérité, consacre sa vie au bien commun. » Ce bonheur, on le reçoit de Dieu, on ne le prend pas, on ne l'acquiert pas par ses propres forces, on y accède en s'ouvrant à la grâce de Dieu, en imitant le Christ, en se laissant conduire par l'Esprit Saint, en laissant la parole de Dieu nous transformer de l'intérieur.
Les Béatitudes permettent de rencontrer le Christ, parce que Jésus, le premier les a vécues de sa naissance jusqu'à sa mort. Le Christ a réalisé ces Béatitudes. Et celui qui marche à la suite du Christ et prend sa croix avec lui s'engage sur le chemin des Béatitudes, qui est un chemin de vie. Les Béatitudes bousculent les idées toutes faites, les paroles anodines, les projets mondains. Elles sont en contradiction avec l'esprit du monde.
À ceux qui s'enrichissent pour leur plaisir personnel et recherchent la gloire pour eux et non pour le Royaume de Dieu, Jésus dit : « Heureux les pauvres de cœur » heureux ceux qui débarrassent leur cœur et leur esprit de tout ce qui les encombre pour laisser une place à Dieu dans leur vie et aux autres. À ceux qui pleurent, parce qu'ils sont seuls, parce qu'ils souffrent dans leur corps ou dans leur cœur ou parce qu'ils aimeraient qu'il y ait moins de mal dans le monde, ou encore, ceux qui pleurent à cause de leurs péchés et qui voudraient s'en sortir, Jésus dit : « Heureux ceux qui pleurent », le temps de la consolation viendra. L'Esprit Saint est l'Esprit Consolateur. À ceux qui refusent toute forme de violence y compris à l'intérieur d'eux-mêmes, qui prennent sur eux le joug de Jésus, car il doux et humble de cœur, Jésus dit : « Heureux les doux ». Ils trouveront le repos pour leur âme et la terre leur sera donnée en héritage. Les puissants seront dépossédés. À ceux qui ont faim et soif de la justice et qui sont aux côtés des opprimés, des exclus, des victimes, Jésus dit : « Heureux êtes-vous », vous serez rassasiés, car la justice de Dieu sera établie. À ceux qui sont miséricordieux, Jésus dit : « Vous obtiendrez miséricorde »; ils seront traités comme ils ont traité les autres. À ceux dont le cœur est pur et qui posent un regard clair et bienveillant sur les personnes et les événements, qui ne sont pas toujours à dénigrer les autres, Jésus dit : « Vous verrez Dieu. » À ceux pour lesquels la paix est une préoccupation et un engagement permanents, Jésus dit : « Vous serez appelés fils de Dieu », car ils sont les fils du Prince de la Paix et qu'ils ont fait fructifier le don de la paix que Jésus leur a fait. À ceux qui sont persécutés pour la justice, Jésus dit : « Le Royaume de Dieu est à vous », car le Royaume est un Royaume où la justice et la paix s'embrassent, où l'amour et la vérité se rencontrent. À ceux qui sont insultés, méprisés, persécutés, voire tués à cause du Christ, Jésus dit : « Heureux êtes-vous ... réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse ». C'est le salaire des vrais prophètes de Dieu, des véritables disciples, des vrais témoins de la vérité et de l'Évangile.
Les Béatitudes sont une charte de vie chrétienne, une boussole pour nous situer dans le monde et pour avancer dans la vie évangélique, la vie spirituelle, la vie missionnaire, la vie sociale. Elles sont une lumière qui ne doit pas s'éteindre. Elles sont un chemin pour chacun de nous, disciples du Christ, le chemin de la vie, duquel nous ne devons pas nous écarter. À certains moments, les Béatitudes paraissent inaccessibles ; elles le sont pour ceux qui comptent sur leurs propres forces. Mais c'est Dieu qui les offre en don. Elles sont des promesses eschatologiques, non pas que leur réalisation serait renvoyée seulement dans l'au-delà, mais dans le fait que celui qui marche à la suite du Christ, en présence de Dieu, vit déjà ce qui doit advenir définitivement. Celui qui vit avec Jésus même au milieu des épreuves est déjà dans la joie.
Le Père André-Marie Carré, Dominicain, écrivait : « Les Béatitudes apparaissent au service du bonheur de l'homme comme la mise en œuvre de cet amour de Dieu et de cet amour du prochain qui ne sont, dans l'Évangile, qu'un seul amour. » C'est de cet amour dont parle Saint Paul, un amour qui est le don le plus grand, plus grand que la foi et l'espérance. Il est le chemin par excellence. Saint Paul décrit cet amour en évoquant des actes de miséricorde. Cet amour est à la mesure du cœur de Dieu, de Dieu lui-même. Il est d'ailleurs l'amour de Dieu répandu dans nos cœurs, qui porte des fruits.
Avec Saint Paul, nous apprenons que l'amour n'est pas seulement un sentiment, mais il atteint l'intelligence et la volonté et se traduit par des attitudes et des actes concrets. Mais on voit bien que l'amour ne consiste pas uniquement dans des aides et des soutiens matériels, il est aussi réconfort, soutien, abandon de ses propres intérêts, patience et humilité. Il est gratuit et n'attend rien en retour, ni félicitations, ni reconnaissance. La grandeur et la force de l'amour tiennent au fait qu'il exprime au plus haut point qui est Dieu et sa présence. « Où sont amour et charité, Dieu est présent » (Ubi caritas et amor, Deus ibi est) Saint Vincent de Paul et Sainte Mère Teresa de Calcutta, par leur service des pauvres, ont rayonné le visage de Dieu. La charité en acte, l'amour de l'autre exprime la miséricorde de Dieu. C'est cet amour qui peut remplir une vie et qui est à l'origine de toute vie consacrée à Dieu et au service des autres, au service de tout homme.
L'amour a un te! respect de l'autre qu'il ne l'écrase pas, car il ne se gonfle pas d'orgueil. Il se situe à l'encontre de ceux qui cherchent à faire connaître le bien qu'ils font et qui tiennent qu'on le sache. Le véritable amour ne fait pas de bruit. Il édifie. Il fait grandir l'autre. C'est cet amour désintéressé qui sauvera le monde de ses errements, de ses erreurs, de ses violences, de ses mensonges, car il pousse à la réconciliation et au pardon. Que chacun de nous, qui croyons à la force de transformation du monde par l'amour qui nous vient de Dieu et qui irrigue nos vies, soit habité par cet amour dont parle l'Apôtre Paul ! Aimons à relire ce texte, à le méditer, à l'accueillir comme une force de renouveau de notre vie chrétienne, de notre foi et de notre espérance.
« Les Béatitudes, disait un ermite des premiers siècles, sont des dons de Dieu, et nous devons rendre abondamment grâce pour elles et pour les récompenses qui en dérivent, c'est-à-dire le Royaume des cieux dans le monde à venir, la consolation ici-bas, la plénitude de tout bien de la part de Dieu ... une fois devenus des images du Christ sur la terre » (Pierre de Damas) La charité, l'amour est aussi un don de Dieu, elle est même Dieu qui se donne, car Dieu est Amour.
Puissions-nous demeurer dans la joie de vivre les Béatitudes et cette charité qui se sont révélés dans le cœur transpercé de Jésus sur la croix ! Cet amour, écrit le pape Benoît XVI dans sa première encyclique, « est la lumière - en réalité l'unique - qui illumine sans cesse à nouveau un monde dans l'obscurité et qui nous donne le courage de vivre et d'agir. L'amour est possible, et nous sommes en mesure de le mettre en pratique, parce que nous sommes créés à l'image de Dieu. » (Dieu est Amour, n. 39)
Mgr Philippe GUENELEY


Vorbourg, le mercredi 14 septembre 2016

 

Homélie

Ph 2, 6-11;Jn 3,14-17

Il y a une certaine audace à parler de croix glorieuse, à associer ces deux mots, tant ils semblent s'opposer l'un à l'autre. Pour les Juifs la croix était un scandale, pour les païens du temps de Jésus, c'était une folie. Pour les musulmans, le scandale demeure : le Coran, malgré tout le bien qu'il dit de Jésus, ne peut admettre sa crucifixion, parce qu'elle est contraire à la transcendance de Dieu. Mais dire que Jésus n'est pas mort sur la croix, ce n'est pas respecter l'histoire et aller à l'encontre de ce qu'a fait Jésus. « Il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix. » Cette mort scandaleuse fait partie de la vie du Christ. Par sa mort sur la croix, Jésus a donné à la croix une gloire incomparable.

^instrument de condamnation et de torture, la croix est devenue pour les chrétiens le symbole par excellence de l'amour de Dieu qui s'est fait homme, signe du don total de lui-même, signe du salut procuré aux hommes de tous les temps. Symbole de l'abaissement de Dieu, de la kénose, la croix est aussi une victoire, elle est la source d'où jaillissent les eaux de la vie nouvelle du salut, du pardon, de la destruction du péché, de la sainteté. Elle est signe de la miséricorde de Dieu.

Il existe à Rome, dans la basilique Saint Clément, une mosaïque qui représente la croix du Christ, sur laquelle se trouvent douze colombes qui symbolisent les Apôtres et au pied de laquelle pousse l'arbre de vie d'où ruissellent les eaux de la grâce où s'abreuvent deux cerfs (à rapprocher du verset du psaume 41: « Comme un cerf altéré cherche l'eau vive, ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu. »). De cet arbre se déroulent des rameaux, symbolisant l'union à Dieu ; dans ces enroulements se trouvent les travaux de la terre et de la vie pastorale, des docteurs de l'Eglise, des personnages laïcs, des oiseaux. Au sommet, une représentation du paradis par une ombelle multicolore, d'où sort la main du Père qui tend la couronne au Fils. Il s'agit là d'un véritable poème de la Rédemption universelle. La croix, source de vie, la croix, source de naissances. La croix apparaît ici rayonnante de vie. C'est bien cette croix-là que l'Eglise célèbre aujourd'hui.

La fête de la croix glorieuse nous remplit de reconnaissance pour Jésus qui, en acceptant d'être cloué sur la croix et de mourir, a exprimé que l'amour est plus fort que la mort et que les souffrances engendrées par le péché des hommes. « Ô croix, tu nous sauveras ! » aimons-nous chanter avec foi. L'amour infini de Dieu s'est exprimé dans l'envoi de son Fils unique : « Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. »

La croix portée par Jésus et sur laquelle il fut cloué n'est pas un châtiment, que le Fils unique et Bien Aimé de Dieu aurait eu à subir de la part du Père qui l'aurait abandonné à la cruauté des hommes. Nous savons et nous croyons que le Fils et le Père sont un. Sur la croix, le Père souffre avec le Fils. Certes, c'est le Fils qui est devenu semblable aux hommes. Mais Dieu prend aussi la condition du serviteur et donne sa vie. La croix est signe d'une victoire, celle de l'amour qui a vaincu la haine, celle de la vie qui a triomphé de la mort, celle de la miséricorde sur une justice qui aurait pu exiger la mort des pécheurs. En assumant la mort, Jésus qui était innocent, prend sur lui les péchés des hommes, Paul dit même que Jésus a été identifié au péché (littéralement 'Dieu l'a fait péché') pour nous, et nous a rendu justes et libres. La justice de Dieu révélée en Jésus n'est pas une justice qui condamne et punit, elle nous justifie, par grâce. « Ainsi, la miséricorde de Dieu révélée de manière définitive à la croix nous laisse vivre et renaître à la vie, alors que nous avons mérité le jugement et la mort; elle nous redonne l'espérance contre toute espérance. Elle accorde la vie et la liberté à l'homme. » (Walter Kasper, La Miséricorde, p.83) Dans cet abaissement, Dieu se retire en quelque sorte pour laisser toute la place à sa miséricorde et donner la vie. La mort a été enterrée avec la croix.

« La mort de Jésus sur la croix signifie la mort de la mort et la victoire de la vie. » La croix est chemin vers la résurrection. Nous sommes sauvés par la miséricorde de Dieu. Saint Paul, dans son hymne au Christ de la Lettre aux Philippiens donne la théologie de la croix la plus complète. Dans cet acte de miséricorde qu'est la mort de Jésus sur la croix s'exprime l'amour de Dieu qui s'abaisse pour relever l'homme : c'est ce que fait le Père pour son Fils qui est exalté, glorifié. Ainsi c'est la même tendresse du père de la parabole de l'enfant prodigue qui s'exprime sur la croix. Aussi, nous ne pouvons qu'exprimer notre reconnaissance à Dieu.

La fête de la croix glorieuse nous rappelle aussi le chemin du disciple du Christ : suivre le Christ en portant nous-mêmes la croix. Si, par le baptême nous sommes ressuscités avec le Christ, nous sommes aussi plongés dans sa mort. Et la mort nous colle à la peau, si nous restons fidèles au choix que nous avons fait du Christ et de la vie évangélique. Le Christ a pris le chemin de l'humilité, de l'abaissement. C'est à genoux qu'il se met pour laver les pieds de ses apôtres, c'est à genoux qu'il prie au mont des Oliviers dans l'agonie qui précède son arrestation et sa mort. En se faisant serviteur à la suite de Jésus, tout baptisé a vocation à porter la croix. Cette croix-là est liée à la fidélité de notre foi au Christ. Elle peut prendre la forme de la souffrance lorsque notre témoignage se heurte à la moquerie, à certaines attaques, à l'insulte. Elle prend la forme du martyre violent dans les persécutions. Il y a aussi ces croix qui parsèment notre vie quotidienne et qui sont liées aux personnes et aux événements. Nous sommes invités à les porter avec patience et espérance, en tournant notre regard vers le Christ élevé sur la croix comme le serpent au désert et dont le cœur transpercé laisse jaillir l'eau et le sang.

Les croix de nos églises, celles qui sont suspendues dans nos maisons, celles qui se trouvent dans les cimetières ou à la croisée de nos chemins ruraux ou dressées sur une colline, la croix suspendue à notre cou ou celle que les mourants tiennent entre leurs mains nous rappellent l'amour de Dieu et la fécondité de la mort du Christ pour l'Eglise et pour le monde. Elles nous disent que personne n'est abandonné de Dieu. Certains voudraient que les croix soient retirées des lieux publics. Cette attitude est signe de la déchristianisation et de la méconnaissance de l'amour de Dieu. Ne manquerait-il pas quelque chose à notre monde si ce signe de l'amour et de la miséricorde n'était plus visible ? Ce signe rappelle sans cesse que le fondement d'une nouvelle civilisation et de la profonde transformation de nos sociétés et de nos relations internationales se situe dans l'amour et la miséricorde de Dieu. « Croire en cet amour signifie croire en la miséricorde », a écrit Saint Jean-Paul II dans son Encyclique, Deus in misericordia, (n.7) « La croix est comme un toucher de l'amour éternel sur les blessures les plus douloureuses de l'existence terrestre de l'homme. » (n.8) C'est la mission de l'Eglise de bâtir la civilisation de l'amour.

Enfin, par la prière nous pouvons exprimer à Dieu toutes les souffrances qui blessent les hommes, les défigurent, les dégradent, car la croix du Christ les prend sous son ombre pour soulager et sauver. Dans son Encyclique sur la miséricorde, Saint Jean-Paul II souligne : « L'Eglise ne peut oublier la prière qui est un cri d'appel à la miséricorde de Dieu face aux multiples formes de mal qui pèsent sur l'humanité et la menacent [...] Par un tel cri, faisons appel au Dieu qui ne peut mépriser rien de ce qu'il a créé, au Dieu qui est fidèle à lui-même, à sa paternité, à son amour. » (n. 15)

Mgr Philippe GUENELEY


Vorbourg, le vendredi 16 septembre 2016

Homélie

Ep 2, 4-10 ; Mt 9, 9-13

Le passage de la Lettre de Saint Paul aux Ephésiens affirme au début « Dieu est riche en miséricorde. » La richesse de Dieu n'est pas celle de l'or ou de l'argent, elle n'est pas non plus l'expression d'une force qui écrase et s'impose et devant laquelle on ne serait pas libre. La richesse de Dieu, c'est sa miséricorde, c'est « la richesse surabondante de sa grâce. » C'est une richesse qui est débordante et qui se répand. Et Paul indique les expressions diverses de cette miséricorde.

Première expression de la miséricorde : la création : « C'est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus en vue de la réalisation d'œuvres bonnes. » La miséricorde de Dieu s'exprime dans le fait que nous sommes ses créatures, nous, les hommes, et tout l'univers visible et invisible. C'est par amour que nous sommes créés, afin que nous aussi nous fassions des actions bonnes. Dieu créateur nous crée pour le bien. La création est don et Dieu confie à l'homme cette création pour que, par son travail et son art, il contribue au perfectionnement du monde créé. La création est un événement toujours actuel. Cet acte se renouvelle à chaque instant pour que le monde existe. C'est pourquoi, la création fait naître la louange et l'action de grâce, comme le chantent les psaumes : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits », et le cantique des créatures de Saint François d'Assise : « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures [...] Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâces et servez-le en toute humilité. » C'est pourquoi, nous sommes appelés à mettre en valeur cette création, à l'entretenir, et surtout, à promouvoir la vie, surtout celle de l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu.

Deuxième expression de cette miséricorde : la vie. « Il nous a donné la vie avec le Christ. » La vie est un bien précieux, un don de la miséricorde de Dieu, qui ne doit pas être galvaudée. La vie est un cadeau de Dieu. Dès la conception jusqu'à la mort, la vie humaine doit être entretenue. Si l'Eglise est opposée à toute forme d'atteinte à la vie, dont le meurtre, l'avortement, l'euthanasie, si elle lutte aux côtés des hommes de bonne volonté et d'autres organismes contre la faim et pour le développement, c'est parce que la vie doit toujours triompher. Lorsque Jésus guérit les malades, lorsqu'il remet debout les paralysés, redonne la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds, lorsqu'il donne en exemple, dans une parabole, le Samaritain qui prend soin de l'homme blessé au bord du chemin, c'est parce qu'il est le défenseur et le promoteur de la vie.

Bien plus, Dieu a souci de la vie spirituelle de l'homme : « Nous qui étions morts par suite de nos fautes », nous avons été sauvés par la grâce, la miséricorde du Père, par le pardon. Le péché et la mort sont vaincus par la miséricorde de Dieu : « Avec lui (le Christ), il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. » Par lui, nous avons en héritage la vie éternelle. La résurrection est l'expression la plus remarquable de la miséricorde de Dieu et le sommet du « grand amour dont il nous a aimés. »

Dans l'évangile de ce jour, la miséricorde de Jésus s'exprime dans l'appel de Lévi. Jésus est bref : deux mots : « Suis-moi. » Cet appel n'est accompagné d'aucune promesse, ni d'aucune condition, comme on le verra avec l'appel du jeune homme riche : « Si tu veux être parfait vends ce que tu possèdes [...] puis viens et suis-moi. » Il n'y a pas de trésor à gagner. La parole de Jésus est efficace par elle-même, comme la parole créatrice de Dieu, comme la parole de guérison de Jésus. « L'homme se leva et le suivit. » Se lever, un verbe qui est celui de la résurrection. L'appel de Jésus est la parole de Dieu qui appelle à la vie et crée l'homme en le recréant de façon admirable. C'est une parole qui éveille en ne tenant pas compte du passé, du péché antérieur, peut-être des malversations commises par le collecteur d'impôts assis à son bureau. C'est une parole qui touche le cœur, qui convertit et qui unit à Dieu. Ce qui fait dire à Maître Eckhart : « Quand l'homme se relève complètement de ses péchés [...], le Dieu fidèle fait comme si l'homme n'était jamais tombé dans le péché et il ne veut pas un seul instant lui tenir rigueur de tous ses péchés [...] Dieu est le Dieu du présent. Tel il te trouve, tel il te prend et t'accueille, non pas ce que tu as été, mais ce que tu es maintenant. » (Instructions spirituelles, n.12)

Puis, Jésus qui est à table avec les publicains et les pécheurs, va, devant les remarques des pharisiens, exprimer le sens de ses actes et en prenant appui sur le prophète Osée, manifester le lien qui existe entre la Loi et la miséricorde de Dieu. « Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. » Et pour que ceux qui l'écoutent comprennent bien qu'en fréquentant les pécheurs, il ne pactise pas avec le péché, ni ne l'approuve, il précise : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades [...] Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » Pourquoi Matthieu, pécheur, refuserait-il, alors qu'il connaît ses faiblesses, le regard et l'appel aimant de Jésus qui vient lui faire entrevoir un autre horizon et lui dire qu'il a du prix aux yeux de Dieu ? Matthieu croit rapidement à l'abondance de la miséricorde et de l'humilité de celui qui l'appelle, et qui n'est pas rebuté par le péché de l'homme, parce qu'il le portera sur la croix.

Suivons Saint Paul dans son action de grâce et sa gratitude envers le Dieu des miséricordes. Suivons-le dans sa foi solide, une foi qui fait une confiance totale en la force de salut de Dieu et en la promesse de Dieu, une foi par laquelle nous sommes branchés sur le Christ, une foi missionnaire, qui n'a pas peur de dire ce que Dieu a fait pour lui et pour tous les hommes, une foi qui nous pousse à aller à la rencontre des personnes pour leur parler de Dieu et de Jésus. Levons-nous, sans poser trop de questions, comme Matthieu, à la suite des appels du Christ qui nous offre son pardon et nous redit : « Suis-moi. » Soyons attentifs aux appels de l'Eglise, afin d'offrir au monde dans lequel nous sommes maintenant la miséricorde et le pardon de Dieu, sachant « qu'il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion. » (Lc, 15,7) En particulier, j'invite les familles à vivre le pardon, la patience et la paix, à vivre de l'amour du Père qui soutient. Chaque famille devrait pouvoir dire : « Nous avons vu la miséricorde du Père qu'il a pour chacun. » Que chaque famille soit évangélisatrice par la qualité des relations entre enfants et parents et entre en relation avec les gens de l'extérieur avec compréhension, écoute, dialogue et en pratiquant les oeuvres de miséricorde corporelle et spirituelle!! « Toute la vie de famille est un « mener paître » miséricordieux, écrit le pape François [...] Chacun est un « pêcheur d'hommes », qui au nom de Jésus jette les filets dans les autres, ou un laboureur qui travaille cette terre fraîche que sont ses proches, en stimulant le meilleur en eux. »(La joie de l'Amour, n.322) Dieu a semé beaucoup de choses dans les autres et nous avons à contribuer à les faire grandir.

Mgr Philippe GUENELEY


 

Vorbourg, le samedi 17 septembre 2016

Homélie

2 Co, 5,20 - 6, 2 ; Lc 7, 36-50

En s'adressant aux Corinthiens, Saint Paul rappelle sa responsabilité et sa mission de ministre ordonné, de successeur des apôtres. Mais elles sont celles de tout disciple du Christ : « Nous sommes les ambassadeurs du Christ ... coopérateurs de Dieu. » Et l'invitation principale est la réconciliation : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu. » Celui qui a réalisé cette réconciliation, non seulement avec Dieu, mais aussi entre les hommes, c'est le Christ. Saint Paul le dit dans les versets qui précèdent ceux que nous avons entendus : « Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c'est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n'a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. » (v.18 et 19)

Nous avons tous besoin d'être réconciliés par Dieu, car nous sommes tous pécheurs. Par le pardon de nos péchés, nous expérimentons sa miséricorde, nous revenons vers Dieu, alors que le péché nous en a éloignés, et nous nous rapprochons des autres, alors que le péché a détérioré nos relations avec eux. Par ce pardon, nous devenons justes, libres. Nous nous laissons réconcilier, en particulier dans le sacrement de la réconciliation. Y participer est un moment favorable, un temps où nous recevons le salut qui vient de Dieu. Le sacrement de la réconciliation ne doit pas nous faire peur. Il existe pour nous faire du bien et nous libérer du poids de nos péchés. En y participant, nous bénéficions de la miséricorde de Dieu.

La femme pécheresse dont parle l'évangile a bénéficié de la miséricorde de Dieu qui s'est exprimé dans le comportement de Jésus. Le récit évangélique contient des questions et des difficultés. Tout d'abord, le comportement de cette femme est surprenant. N'est-il pas à la limite de la convenance ? Si quelque chose de semblable avait lieu quand le pape se rend dans un pays ou quand un évêque ou un prêtre fait une visite pastorale, quels propos ne tiendrait-on pas, quelles photos ne feraient pas la une des journaux écrits ou télévisés ? Et pourtant, cet épisode est bouleversant et beau, plein de profondeur. La simplicité et le courage de cette femme font notre admiration. De plus, les paroles de Jésus sont difficiles à interpréter : « Ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu'elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. » Et puis, il y a la fin de la rencontre : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! » Au bout du compte, s'agit-il de foi ou d'amour dans ce récit?

Simon, le pharisien, qui a invité Jésus ne comprend pas grand-chose à ce qui se passe. Il avait sans doute convié Jésus chez lui avec des amis, afin de lui faire honneur alors que certains pharisiens critiquaient Jésus. Il voulait écouter le Maître, ses paroles de vérité et de sagesse. Un acte de courage, alors que Jésus, dans les versets qui précèdent l'évangile, était jugé comme un glouton et un ivrogne, contrairement à Jean-Baptiste, et qu'il était l'ami des publicains et des pécheurs. Jésus est en bonne compagnie en étant chez Simon.

Et voilà que la présence de cette femme qui n'a pas été invitée, et surtout son comportement, mettent mal à l'aise chacun, sauf Jésus. Simon n'ose pas demander à la femme de partir. Mais il n'est pas content de ce qui arrive, peut-être se sent-il un peu responsable ! Il a cherché à honorer Jésus, à lui faire gagner l'estime des gens honorables, et voilà que tout lui échappe. Sûr de lui et ne voulant pas perdre la face, il pense en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. » Mais Jésus n'intervient pas.

Pourtant, il va renverser la situation et les pensées de Simon sur sa manière de considérer cette femme. Simon croit être dans la vérité : cette femme est un rebus de l'humanité, elle est indigne, elle est un obstacle à son projet d'invitation du Maître. Sa vie n'est pas un bon témoignage. Il pense que Jésus est naïf, aveugle. Pourquoi Jésus ne réagit-il pas ? Dans le fond, Simon qui est juste espère qu'elle va partir. En réalité, Simon ne voit en cette femme qu'un aspect : son péché, sa culpabilité. « Il ne lui vient pas à l'idée qu'une pécheresse puisse avoir une histoire personnelle : qu'elle est femme, peut-être mère, qu'elle a des problèmes, des inquiétudes, qu'elle n'a peut-être jamais trouvé personne pour l'aider, qu'elle pourrait avoir envie de se relever. Il ne pense même pas que cette femme a dû faire effort pour entrer dans sa maison et accomplir ce geste public. Non ! Pour Simon, elle appartient à la catégorie des gens perdus à jamais. » (Card. Martini, p. 59)

Simon, c'est chacun de nous, lorsque nous ne voyons pas les personnes dans leur vie profonde, lorsque nous regardons les autres uniquement selon les apparences ou selon leurs défauts et leurs péchés, lorsque nous n'accordons pas de considération à des gestes qui expriment la conversion ou la bonté. Nous sommes Simon chaque fois que nous critiquons les autres, l'Eglise, Dieu lui-même, avec intransigeance et avec hauteur : « Si elle avait le sens de ses responsabilités, l'Eglise devrait faire ceci ou cela. » L'orgueil peut aveugler et ne fait voir qu'un aspect des choses. Or, le regard de Dieu est autre : il ne nous identifie pas au mal que nous avons commis. Le regard de Dieu est un regard miséricordieux. Il ne nous enferme pas dans nos péchés.

Et la femme pécheresse, qui est-elle ? Une femme attentive, comme Marie aux noces de Cana. Elle a repéré ce qui n'a pas été fait quand Jésus est entré chez Simon : verser de l'eau sur les pieds, embrasser, faire une onction. Elle le fait avec cette intelligence du cœur et ce bon sens qui caractérisent ceux et celles qui ne pensent pas qu'à eux et qui se mettent au service des autres dans des gestes humbles, simples, mais qui sont ajustés, appropriés. Elle le fait avec ses moyens, avec tout son cœur. Certes, on peut considérer qu'elle est excessive, mais elle va au-delà du qu'en- dira-t-on. Ce qu'elle a perçu en Jésus, soit directement, soit parce qu'elle en a entendu parler, c'est quelque chose de la miséricorde, de la hésèd de Dieu. Consciente de ses péchés, de ses errements, elle veut honorer cette tendresse miséricordieuse capable de la relever. Elle découvre cette miséricorde incarnée en un homme. Alors elle retrouve la liberté d'agir, la joie de donner, loin des commérages. Elle fait l'expérience de l'amour vrai.

Jésus regarde et laisse faire, parce qu'il ne juge pas selon les apparences mais voit dans le cœur de cette femme. Il voit son évolution, sa conversion et avec beaucoup de délicatesse il conduit Simon à voir autrement. En fait, c'est Simon qui n'est pas dans la vérité. Jésus dit la vérité : « Ses péchés, ses nombreux péchés sont pardonnés, puisqu'elle a montré beaucoup d'amour. » Il n'y a aucune condescendance dans ces paroles, Jésus n'excuse rien du péché commis, mais il exprime ce pour quoi il est venu dans le monde et qui fait partie de sa mission : exprimer la miséricorde infinie de Dieu, rétablir l'homme dans sa dignité de fils du Père.

Ce que Jésus perçoit en cette femme un peu bizarre, c'est sa foi, qui consiste à prendre la décision de se jeter aux pieds de Jésus, comme Marie, la sœur de Marthe et de Lazare, qui se jette aux pieds de Jésus en disant : « Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » La femme a une foi qui ne la ridiculise pas aux yeux de ceux qui la regardent faire, mais qui la rétablit dans sa dignité de femme, une foi qui la sauve et que Jésus met en valeur : « Ta foi t'a sauvée. » Jésus voit ce qu'il y a dans le cœur de l'homme.

Par les gestes qu'elle accomplit, la femme de l'évangile exprime et son amour et sa foi, signes de gratuité. Elle n'a pas acheté le pardon de ses péchés en agissant ainsi. Elle agit de la sorte, parce qu'elle se sait aimée, objet de la miséricorde et de la bonté de Jésus. Alors, elle montre son amour. Laissons-nous réconcilier par Dieu. En reconnaissant nos péchés et nos faiblesses montrons-lui beaucoup d'amour. Nous croyons en sa miséricorde. Accueillons-la. Et permettons à d'autres de croire en cette miséricorde de Dieu. Ne soyons pas des obstacles à la miséricorde de Dieu. Soyons des artisans de miséricorde, pour notre joie et le bonheur de tous. Amen.