HOMÉLIE XIX

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HOMÉLIE XIX. QUANT AUX CHOSES DONT VOUS M'AVEZ ÉCRIT : IL EST AVANTAGEUX A L'HOMME DE NE TOUCHER AUCUNE FEMME; MAIS, A CAUSE DE LA FORNICATION, QUE CHAQUE HOMME AIT SA FEMME ET CHAQUE FEMME SON MARI. (CHAP. VII, VERS. 9, 2, JUSQU'A LA FIN DU CHAP.)

 

ANALYSE.

 

1. Du devoir conjugal : exhortation indirecte à la virginité plus parfaite que le mariage.

2 et 3. Ne s'abstenir du mariage que pour vaquer à des devoirs religieux importants. — Conduite que doivent tenir les veuves. — Que l'adultère est un motif suffisant pour dissoudre le mariage. — Que les mariages mixtes, c'est-à-dire, dans lesquels l'un des époux est chrétien et l'autre non, ne doivent pas être dissous.

4 et 5. Devant le Christ, l'esclave et l'homme libre sont égaux.

6. Avis important aux personnes mariées et aux vierges.

 

1. Après avoir corrigé trois vices: le schisme dans l'Eglise, la fornication et l'avarice, il adoucit son langage ; et pour reposer son auditoire de ces sujets pénibles, il donne des avis et des conseils sur le mariage et la virginité. Dans la seconde épître, il prend la marche contraire ; après avoir commencé par des sujets plus doux, il finit par de plus désagréables.

Ici, après avoir parlé de la virginité, il en revient encore à frapper, non d'une manière continue, mais en alternant dans les deux sens, selon que la circonstance et l'état des choses l'exigeaient. Aussi dit-il : « Quant aux choses dont vous m'avez écrit ». En effet on lui avait écrit pour savoir s'il fallait s'abstenir du mariage ou non. Répondant à cette question et avant d'établir la loi du mariage, il commence par parler de la virginité : « Il est (412) avantageux à l'homme de ne toucher aucune femme ». C'est-à-dire : Si vous cherchez le bien, l'excellent, il est meilleur de n'avoir aucun commerce avec une femme; si vous cherchez la sécurité et un appui à votre faiblesse, usez du mariage. Mais comme probablement, alors ainsi qu’aujourd'hui, l'un des époux voulait et l'autre ne voulait pas, voyez comme il parle de l'un et de l'autre. Quelques-uns prétendent qu'il s'adresse ici aux prêtres; pour moi , d'après ce qui suit, je ne le pense pas : car il n'eût point donné son avis d'une manière aussi générale. S'il se fût agi seulement des prêtres, il aurait dit : Il est avantageux au ministre de la parole de ne toucher aucune femme; mais son expression est générale : « Il est avantageux à l'homme » et non pas seulement au prêtre; et encore : « N'êtes-vous point lié à une femme? Ne cherchez point de femme ». Il ne dit pas : Vous prêtre et docteur, mais il parle d'une manière indéfinie, et ainsi dans toute la suite du discours.

Et quand il dit : « Mais à cause de la fornication que chaque homme ait sa femme », par la nature même de cette concession il exhorte à la continence. « Que le mari rende à la femme ce qu'il lui doit, et pareillement la femme à son mari ». Or, quel est cet bonheur dû? La femme n'est pas maîtresse de son propre corps, mais elle est la servante et la maîtresse de son époux. En vous soustrayant au service convenable, vous offensez Dieu ; si vous voulez vous abstenir de concert avec votre mari, que ce soit pour peu de temps. Aussi appelle-t-il cela une dette, pour montrer qu'aucun des deux n'est maître de lui-même, mais que l'un est le serviteur de l'autre. Quand donc une prostituée vous tente, dites-lui : Mon corps n'est pas à moi, mais à ma femme. Que la femme en dise autant à ceux qui voudraient attenter à sa chasteté : Mon corps n'est pas à moi, mais à mon époux. Que si l'homme et la femme ne sont pas maîtres de leur corps, encore moins le sont-ils de leur fortune. Ecoutez, vous qui avez des femmes, et vous qui avez des maris. Si l'on ne peut pas avoir son corps en propre, encore moins peut-on avoir ses biens. Ailleurs, sans doute, une grande prérogative est accordée au mari, dans le Nouveau et dans l'Ancien Testaments. Dans celui-ci on lit : « Tu te tourneras vers ton mari ; c'est lui qui te dominera ». (Gen. III, 16.) Et Paul, établissant une distinction , écrit : « Maris, aimez vos femmes..., mais que la femme craigne son mari ». (Eph. V, 25, 33.) Mais ici il ne distingue pas le plus ou le moins : le droit est le même. Pourquoi? Parce qu'il s'agit de la chasteté. Que partout ailleurs, dit-il, l'homme ait l'avantage ; mais en fait de continence, non. « L'homme n'a pas puissance sur son « corps, ni la femme non plus ». L'égalité est complète; point de prérogative.

« Ne vous refusez point l'un à l'autre ce devoir, si ce n'est de concert ». Qu'est-ce que cela veut dire? Que la femme ne se contienne pas, malgré son époux ; ni l'époux, malgré sa femme. Pourquoi cela ? Parce que de grands maux naissent de cette continence : souvent les adultères, les fornications; les troubles domestiques en sont les suites. Si en effet il est des hommes qui commettent la fornication quoiqu'ils aient leurs femmes, à plus forte raison la commettront-ils si vous les privez de cette consolation. C'est avec raison qu'il dit: «Ne vous fraudez point », employant. ici le mot fraude comme plus haut le mot dette, pour mieux constituer le droit. En effet, se contenir malgré son conjoint, c'est commettre une fraude; mais non plus, s'il y consent. Vous ne me volez pas, si je consens à ce que vous pm niez un objet qui m'appartient. Mais prendre par force à quelqu'un qui n'y consent pas, c'est voler : et c'est ce que font beaucoup de femmes, qui blessent ainsi gravement la justice, deviennent responsables des désordres de leurs maris et mettent tout sens dessus dessous. Or il faut placer la bonne harmonie avant tout, parce que c'est en effet un bien préférable à tous les autres. Entrons, si vous le voulez, dans la nature même des choses. Supposez un homme et une femme, et la femme se contenant malgré son mari. Qu'arrivera-t-il, si celui-ci se livre à la fornication, ou tout au moins s'afflige, se trouble, éprouve l'ardeur de la concupiscence, soulève des querelles et cause mille ennuis à sa femme, que gagne-t-elle au jeûne et à la continence, si le lien de la charité est brisé? Rien. Que d'injures, que de débats, que de guerres s'ensuivront nécessairement !

2. Car quand le mari et la femme sont en désaccord chez eux, la maison ressemble tout à fait à un vaisseau battu par la tempête, on le pilote et le timonier ne s'entendent pas. (413) C'est pourquoi l'apôtre dit: « Ne vous refusez point l'un à l'autre ce devoir, si ce n'est de «concert pour un temps, afin de vaquer au jeûne et à la prière » ; mais il entend une prière faite avec plus de soin. En effet, s'il défendait la prière à ceux qui usent du mariage, quand et comment pourrait-on prier sans relâche? Il est donc possible d'user de sa femme et de prier; mais la continence donne à la prière une plus grande perfection. Aussi ne dit-il pas simplement : Pour prier, mais : « Afin que vous vaquiez à la prière », puisque par là on se procure du loisir, sans contracter de souillure. « Et revenez ensuite comme vous étiez, de peur que Satan ne vous tente ». Il donne la raison de ce conseil, de peur qu'on ne le prenne pour une loi. Quelle est cette raison? « De peur que Satan ne vous tente ». Et pour que vous sachiez que le diable n'est pas seul l'auteur de l'adultère, il ajoute : « Par votre incontinence. Or, je dis ceci par condescendance et non par commandement. Car je voudrais que tous les hommes vécussent comme moi, dans la continence ». C'est son usage habituel de se proposer lui-même pour exemple, quand il s'agit de choses difficiles et de dire : « Soyez mes imitateurs. Mais « chacun reçoit de Dieu son on particulier, l'un d'une manière et l'autre d'une autre ». Comme il les a vivement accusés en disant «Par votre incontinence », il les console en ajoutant : « Chacun reçoit de Dieu son don particulier » , non pour faire entendre qu'une bonne oeuvre n'a pas besoin de notre concours, mais pour les consoler, comme je viens de le dire. Car si c'est un pur don et que l'homme n'y contribue en rien , comment ajoute-t-il : « Mais je dis à ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, qu'il leur est avantageux de rester ainsi, comme moi-même ; que s'ils ne peuvent se contenir, qu'ils se marient? »

Voyez-vous la prudence de Paul, comment il démontre que la continence est l'état le plus avantageux, sans cependant forcer celui qui ne l'embrasse pas, de peur qu'il n'arrive une chute? « Car il vaut mieux se marier que de brûler ». Il a fait voir la force tyrannique de la concupiscence. Voici ce qu'il veut dire : Si vous éprouvez de violents assauts, une vive ardeur, débarrassez-vous de ces luttes et de ces pénibles efforts, de peur d'être vaincu. « Pour ceux qui sont mariés, ce n'est pas moi, mais le Seigneur qui commande ». Sur le point de lire la loi portée en termes positifs par le Christ; pour défendre de renvoyer sa femme, sauf le cas de fornication, il dit : « Ce n'est pas moi » ; car ce qui a été dit plus haut, quoique non en des termes exprès, lui semble la même chose. Mais ici ses termes sont formels. Et c'est la différence entre ces mots : « C'est moi », et : « Ce n'est pas moi ». Et pour que vous ne croyiez point qu'il parle par inspiration humaine, il ajoute : « Car je pense que j'ai l'Esprit de Dieu ». Que commande donc le Seigneur aux personnes mariées? « Que la femme ne se sépare point de son mari. Que si elle en est séparée, qu'elle demeure sans se marier, ou qu'elle se réconcilie avec son mari ; que le mari de même ne quitte point sa femme ».

Comme à propos de la continence ou pour d'autres prétextes, et pour des futilités, il s'élevait des divisions , il eût mieux valu , dit l'apôtre, que cela n'eût pas lieu; mais puisque cela est, que la femme reste avec son mari, si ce n'est pour user du mariage, au moins pour n'introduire aucun autre homme. « Mais aux autres je dis moi, et non le Seigneur: si l'un de nos frères a une femme infidèle et qu'elle consente à demeurer avec lui, qu'il ne se sépare point d'elle. Et si une femme a un époux infidèle et qu'il consente à demeurer avec elle, qu'elle ne s'en sépare point ». Comme en parlant de la nécessité de se séparer des fornicateurs, pour atténuer la difficulté, il a dit : « Ce qui ne s'entend pas des fornicateurs de ce monde »; ainsi il s'attache ici à rendre la chose très-facile: si une femme a un mari infidèle, qu'elle ne s'en sépare pas; si un homme a une femme infidèle, qu'il ne la renvoie pas. Que dites-vous, Paul? si l'époux est infidèle, il doit demeurer avec sa femme, et non s'il est fornicateur? Cependant, la fornication est un péché moindre que l'infidélité; mais Dieu a pour vous de grands ménagements. C'est aussi ce qu'il fait à propos du sacrifice, lorsqu'il dit : « Laissez là le sacrifice et allez vous réconcilier avec votre frère ». (Matth. V, 24.) Et encore à propos de celui qui devait dix mille talents; car il ne l'a point puni, tandis qu'il a condamné au supplice celui qui exigeait cent deniers de son compagnon. Ensuite, de peur que la femme ne se crût immonde pour avoir usé du mariage, il dit : « Car le mari infidèle, est sanctifié par la (414) femme fidèle et la femme infidèle est sanctifiée par le mari ». Pourtant, si celui qui s'unit à une prostituée devient un même corps avec elle, il est évident que celle qui s'unit à un idolâtre, devient aussi un même corps avec lui. Oui, elle devient un même corps, mais elle ne se souille point; la pureté de la femme l'emporte sur l'impureté du mari, comme la pureté de l’homme fidèle sur l'impureté de la femme infidèle.

3. Pourquoi donc l'impureté est-elle ici vaincue et l'usage du mariage est-il permis, tandis que l'homme n'est point blâmable quand il chasse sa femme adultère? Parce que là il y a espoir que la partie infidèle sera sauvée par le mariage, et qu'ici le mariage est déjà dissous; qu'ici encore les deux parties sont viciées, tandis que dans l'autre cas il n'y en a qu'une. Expliquons-nous : la femme qui commet la fornication est certainement impure. Or, si celui qui s'unit à une prostituée devient un seul corps avec elle, celui qui s'unit à une prostituée devient donc impur; par conséquent, toute pureté a disparu. Mais ici il n'en est pas de même : comment cela? L'idolâtre est impur, mais la femme ne l'est pas. Si celle-ci communiquait avec lui dans ce qu'il a d'impur, c'est-à-dire, dans son impiété, elle deviendrait impure comme lui; mais, d'une part, l'idolâtre est impur, et d'autre part, la femme communique avec lui en une chose qui n'est pas impure, car le mariage est l'union des corps et il y a société. Or, il y a lieu d'espérer que la femme, à laquelle il s'unit, le ramènera : mais pour l'autre cas cela ne serait pas très-facile. Comment une femme qui l'a d'abord déshonoré, qui s'est livrée à un autre, qui a enfreint les lois du mariage, pourra-t-elle ramener l'époux qu'elle a outragé et qui n'est plus là que comme un étranger ? D'ailleurs , après la fornication l'époux n'est plus époux; mais ici la femme, quoique idolâtre, ne détruit point la justice dans son mari. Et elle n'habite pas sans raison avec son mari, mais du consentement de celui-ci : c'est pourquoi l'apôtre dit : « Et qu'il consente à demeurer avec elle ».

Quel mal y a-t-il, je vous le demande, si, tout ce qui tient à la religion restant sain et sauf, et la conversion de la. partie infidèle offrant quelque espérance, ils continuent à demeurer ensemble dans l'état du mariage, et n'introduisent- point chez eux de sujets de querelles inutiles ? Car il ne s'agit pas ici de personnes libres, mais de personnes mariées. L'apôtre ne dit pas: Si quelqu'un veut prendra un infidèle , mais : « Si quelqu'un a une femme infidèle »; c'est-à-dire, si quelqu'un déjà marié, reçoit l'enseignement de la vraie religion, et que l'autre partie tout en restant infidèle consente néanmoins à rester dans le mariage, qu'il ne s'en sépare point : «Car le mari infidèle est sanctifié par la femme ». Telle est l'excellence de votre pureté. Quoi donc ! Un gentil est saint? Point du tout. Paul n'a pas dit : Est saint, mais : « Est sanctifié par sa femme ». Et il parle ainsi non pour montrer un saint dans un époux infidèle, mais pour mieux dissiper les craintes de la femme et inspirer à l'époux le désir de la vérité. Car ce n'est pas dans les corps des époux qu'est l'impureté, mais dans la volonté et dans les pensées. Puis vient la preuve. Si vous engendrez étant impure, l'enfant n'est pas de vous seule; il est donc impur ou pur par moitié; il n'est donc pas impur. Aussi ajoute-t-il : « Autrement vos enfants seraient impurs, tandis que maintenant ils sont saints », c'est-à-dire, ils ne sont pas impurs. Il les appelle saints, pour écarter toute crainte et tout soupçon par l'énergie de ses expressions. « Que si l'infidèle se sépare, qu'il se sépare ». Ici, il n'y a pas de fornication. Que signifient ces mots : « Si l'infidèle se sépare? » Par exemple, s'il vous ordonne de sacrifier et de partager son impiété parce que vous êtes sa femme, ou de vous retirer, il vaut mieux rompre le mariage que de renoncer à la vraie foi. Voilà pourquoi il ajoute : « Notre frère ou notre soeur ne sont plus asservis en pareil cas ». Si chaque jour il faut subir des discussions et des combats là-dessus, le meilleur est de se séparer. Et c'est ce qu'il insinue quand il dit: « Dieu nous a appelés à la paix ». D'ailleurs l'infidèle, comme le fornicateur, a donné lieu à la séparation.

« Car que savez-vous, ô femme, si vous sauverez votre mari? » Ceci se rapporte à ce qu'il a dit plus haut : « Qu'elle ne se sépare point de lui ». C'est-à-dire, s'il ne vous cause aucun trouble, restez, car il y a profit : restez exhortez, conseillez, persuadez : aucun maître n'a autant d'influence qu'une femme. Il ne lui impose point d'obligation , il n'exige rien d'elle, pour ne pas rendre le fardeau trop lourd , et il ne veut pas qu'elle désespère; (415) mais il laisse là question de l'avenir incertaine et comme suspendue, en disant: «Que savez-vous, ô femme, si vous sauverez votre mari ? Et que savez-vous, ô homme, si vous sauverez votre femme? » Et encore : « Seulement que chacun marche comme Dieu le lui a départi et selon que Dieu l'a appelé. Un circoncis a-t-il été appelé? qu'il ne se donne point pour incirconcis. Un circoncis a-t-il été appelé? qu'il ne se fasse point, circoncire. La circoncision n'est rien, et l'incirconcision n'est rien, mais l'observation des commandements de Dieu est tout. Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé. Avez-vous été appelé «étant esclave? Ne vous en inquiétez pas ». Tout cela n'a point de rapport avec la foi; point de discussions donc, point de troubles; la foi a tout fait disparaître. « Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé ». Vous aviez une femme infidèle quand vous avez été appelé? Demeurez avec elle; que la foi ne soit point un motif pour la renvoyer. Vous étiez esclave quand vous avez été appelé ? Ne vous en inquiétez pas, restez esclave. Vous étiez incirconcis quand vous avez été appelé ? Restez incirconcis. Vous étiez circoncis quand vous avez cru? Restez circoncis. C'est-à-dire : « Que chacun marche comme Dieu le lui a départi ». Rien de tout cela n'est un obstacle à la religion. Vous avez été appelé étant esclave; un autre , ayant une femme infidèle; un troisième, étant circoncis.

44. O ciel ! Où va-t-il placer l'esclavage? Comme la circoncision ne sert à rien et que l'incirconcision ne nuit pas, ainsi en est-il de l'esclavage et de la liberté. Et pour le prouver plus clairement, il ajouté : « Et même si vous pouvez devenir libre, profitez-en plutôt »; c'est-à-dire, restez plutôt esclave. Et pourquoi engage-t-il celui qui peut devenir libre à rester esclave? Pour montrer que l'esclavage est plutôt utile que nuisible. Je sais que quelques-uns pensent que ces mots : « Profitez-en plutôt» doivent s'entendre de la liberté; ce qui voudrait dire : Si vous le pouvez, devenez libre. Mais cette interprétation serait tout à fait contraire au but que Paul se propose. En effet, il ne conseillerait point à l'esclave de se procurer la liberté, au moment où il le console et affirme que l'esclavage ne lui est nullement désavantageux. Car alors on pourrait peut-être dire : mais enfin, si je ne puis devenir libre, je subis donc une injure et un dommage?

Ce n'est donc point là sa pensée ; mais, comme je l'ai expliqué plus haut, voulant montrer que la liberté ne serait d'aucun profit, il dit : quand vous pourriez devenir libre, restez plutôt esclave. Et il en donne aussitôt la raison : « Car celui qui a été appelé au Seigneur quand il était esclave, devient affranchi du Seigneur; de même celui qui a été appelé étant libre, devient esclave du Christ». En ce qui regarde le Christ, dit-il, les deux sont égaux : vous êtes également l'esclave du Christ, le Christ est égaiement votre maître. Comment donc l'esclave est-il affranchi? Parce que le Christ vous a délivré non-seulement du péché, mais encore de la servitude extérieure, bien que vous restiez esclave. Car il ne permet pas que l'esclave, ni que l'homme demeurant dans la servitude, soit esclave : et c'est là la merveille. Mais comment un esclave est-il libre, tout en restant esclave? Quand il est délivré des passions et des maladies spirituelles, quand il méprise les richesses, qu'il est au-dessus de la colère et des autres mouvements de l'âme. «Vous avez été achetés chèrement; ne vous faites point esclaves des hommes ». Ces paroles ne s'adressent pas seulement aux serviteurs, mais aussi aux hommes libres. Car l'esclave peut être libre; et l'homme libre, esclave. Et comment un esclave peut-il être libre? Quand il fait tout pour Dieu, quand il agit sans dissimulation et non pour plaire aux hommes : alors tout en servant les hommes, il est libre. Et comment, d'autre part, l'homme libre peut-il être esclave? quand il remplit un rôle coupable parmi les hommes, ou par gourmandise, ou par l'ambition des richesses, ou par l'abus de la puissance. En ce cas, bien que libre, il est le plus esclave des hommes.

Considérez ces deux faits : Joseph était esclave, mais non esclave des hommes : c'est pourquoi il était le plus libre des hommes, même au sein de l'esclavage. Ainsi il ne cède point au désir de la femme de son maître, qui coulait le plier au gré de sa passion. Elle, au contraire, quoique libre, était esclave entre tous les esclaves, elle qui flattait son serviteur et le provoquait au mal; mais elle ne put décider l'homme libre à faire ce qu'elle voulait. L'esclavage de Joseph n'était donc point un esclavage, mais la plus haute liberté; car en quoi a-t-il gêné sa vertu? Ecoutez, esclaves et (416) hommes libres: lequel était l'esclave de celui qui était sollicité, ou de celle qui sollicitait? de celle qui suppliait, ou de celui qui méprisait ses supplications? Car Dieu a fixé des bornes aux esclaves : les lois déterminent le point jusqu'où ils peuvent aller et qu'ils ne doivent point dépasser. Tant que le maître n'exige rien qui déplaise à Dieu, il faut l'écouter et lui obéir; mais non, s'il demande rien au delà; c'est ainsi que l'esclave devient libre. Et si vous allez vous-même au delà, fussiez-vous libre, vous devenez esclave. C'est à quoi Paul fait allusion, quand il dit : « Ne vous faites point esclaves des hommes ». S'il en était autrement, s'il conseillait aux esclaves de quitter leurs maîtres et de s'efforcer de devenir libres , comment aurait-il donné cet avis: « Que chacun persévère dans la vocation où il était quand il a été appelé? » Et ailleurs : « Que tous les serviteurs qui sont sous le joug estiment leurs. maîtres dignes de tout honneur , et que ceux qui ont des maîtres fidèles ne les méprisent point, parce que ce sont des frères qui participent au même bienfait ». (I Tim. VI, 1, 2.) Ecrivant aux Ephésiens et aux Colossiens il donne encore les mêmes règles et les mêmes lois. D'où il suit clairement qu'il ne combat point ce genre d'esclavage, mais celui que les hommes libres contractent par le vice et qui est le plus fâcheux, même quand celui qui le subit est libre. A quoi en effet a servi aux frères de Joseph d'être libres? N'étaient-ils pas les plus esclaves des hommes, quand ils mentaient à leur père, faisaient aux marchands de faux récits ainsi qu'à leur frère? Mais bien autre était Joseph , homme véritablement libre, véridique partout et en tout, que rien n'a pu assujettir, ni les fers, ni l'esclavage, ni l'amour de sa maîtresse, ni l'exil, mais qui est demeuré libre partout. Car c'est là la vraie liberté, celle qui éclate même dans l'esclavage.

5. Voilà le christianisme: il donne la liberté dans la servitude. Et comme un corps naturellement invulnérable se montre tel quand il reçoit un trait sans en souffrir, ainsi celui qui est vraiment libre, le démontre surtout quand ses maîtres ne peuvent le rendre esclave. Voilà pourquoi Paul engage à rester esclave. S'il n'était pas possible d'être esclave et vrai chrétien , les gentils pourraient accuser la religion d'une grande faiblesse; mais s'ils savent que l'esclavage ne lui est point un obstacle, ils admireront la doctrine. Car si la mort, la flagellation, les chaînes ne nous font point de mal, beaucoup moins l'esclavage, le feu, le fer., tous les genres de tyrannie, les maladies, la pauvreté, les animaux sauvages et mille autres tourments plus graves encore peuvent-ils nuire aux fidèles ; ils n'ont fait que les rendre plus puissants. Et comment l'esclavage pourrait-il nuire ? Ce n'est pas l'esclavage même qui nuit, cher auditeur, mais celui du péché qui est le seul véritable. Si vous ne subissez pus celui-là, ayez confiance et réjouissez-vous; personne ne pourra vous nuire dès que votre âme est libre; mais si vous êtes esclaves du péché , eussiez-vous toute liberté d'ailleurs, la liberté ne vous sert à rien. Que sert, en effet, dites-moi, dé n'être pas esclave d'un homme et de l'être de ses passions? Souvent les hommes usent encore de ménagement, mais les passions sont insatiables de ruine. Vous êtes l'esclave d'un homme? Mais votre propre maître est votre serviteur ; lui qui pourvoit à votre nourriture, qui soigne votre santé, qui a le souci de votre habillement, de vos chaussures et de tant d'autres choses. Vous avez moins peur de l'offenser que lui de vous laisser manquer du nécessaire.

Mais il est couché, et vous êtes debout. — Qu'importe? On peut faire cette observation pour vous comme pour' lui. Souvent quand vous êtes couché et livré à un doux sommeil, il est non-seulement debout, mais en proie à mille désagréments sur la place publique, et veille d'une manière bien plus pénible que vous. Quoi donc ! Joseph a-t-il autant souffert de la part de sa maîtresse, que celle-ci par l'effet de sa passion? Joseph n'a point fait ce que voulait cette femme ; et elle-même a fait tout ce que voulait la passion, sa maîtresse ; et la passion ne s'est arrêtée qu'après l'avoir couverte de honte. Quel maître est aussi exigeant? Quel tyran est aussi cruel ? Prie ton esclave, dit la passion, supplie ton prisonnier, flatte l'homme que tu as acheté; s'il refuse, insiste; si malgré tes sollicitations réitérées il ne cède point, observe le moment où il sera seul, et use de violence, et rends-toi ridicule. Quoi de plus déshonorant, quoi de plus, honteux que ce langage? Mais si tu ne viens pas à bout de ton dessein, recours à la calomnie et trompe ton époux. Voyez comme ces ordres sont indignes d'une âme libre, honteux, inhumains, cruels et insensés ! Quel maître exige jamais ce que (417) la passion impure a exigé de cette princesse? Et pourtant elle n'eut pas le courage de résister à sa voix. Joseph n'a rien subi de pareil : il a tenu une conduite toute contraire qui l'a comblé de gloire et d'honneur. Voulez-vous encore voir un autre homme, à qui une cruelle maîtresse adonné des ordres qu'il n'a pas osé repousser?

Rappelez-vous Caïn et les ordres que lui a donnés la jalousie. Elle lui a commandé de tuer son frère, de mentir à Dieu, d'affliger son père , d'être impudent; et il a tout exécuté de point en point. Pourquoi vous étonnez-vous que cette maîtresse ait tant d'empire sur un seul homme, elle qui a souvent perdu des peuples entiers? Les femmes madianites ont pour ainsi dire emmené les Juifs enchaînés et prisonniers en les captivant tous par l'attrait de leurs charmes. C'était ce genre d'esclavage que Paul repoussait quand il disait : « Ne vous faites point esclaves des hommes » ; c'est-à-dire N'obéissez point aux hommes quand ils vous donnent des ordres injustes , pas même à vous. Ensuite élevant son esprit jusqu'à un point sublime, il dit : « Quant aux vierges, je n'ai point reçu de commandement du Seigneur; mais je donnerai un conseil comme ayant obtenu de la miséricorde du Seigneur d'être fidèle ». Procédant avec ordre, il parle ensuite de la virginité. Après les avoir entretenus et instruits sur la continence, il passe maintenant à ce qui est plus parfait. « Je n'ai pas de commandement », dit-il ; mais je pense que c'est une bonne chose. Pourquoi ? Pour la même raison qu'il a donnée à propos de la continence. « Etes-vous lié à une femme? Ne cherchez pas à vous délier ». Ceci ne contredit point ce qu'il a d'abord dit, mais le confirme parfaitement. En effet, plus haut il disait : « Si ce n'est d'un commun accord » ; ici il dit : « Etes-vous lié à une femme ? Ne cherchez pas à vous délier». Il n'y a point là de contradiction : car quand on agit contre sa volonté, le lien se brise; quand on agit de concert, le lien subsiste.

6. Ensuite, pour qu'on ne croie pas que c'est là une loi, il ajoute : « Cependant, si vous prenez une femme, vous ne péchez pas ». Puis il accuse l'état des choses, la nécessité présente, la brièveté du temps, l'affliction. Car le mariage entraîne bien des suites qu'il indique comme il l'a déjà fait en parlant de la continence, quand il disait que la femme n'a pas de puissance sur son corps, et ici quand il dit : « Etes-vous lié... Cependant si vous prenez une femme, vous ne péchez pas ». Ceci ne s'applique point à celle qui a choisi la virginité, car celle-là pécherait. En effet, si les veuves sont incriminées pour avoir contracté un second mariage quand elles ont promis de rester veuves, à plus forte raison blâmera-t-on les vierges. « Toutefois ces personnes auront les tribulations de la chair ». — Et aussi ses plaisirs, dites-vous. — Mais voyez comme l'apôtre les restreint par la brièveté du temps, en disant : « Le temps est court » ; c'est-à-dire, nous avons ordre de passer comme des voyageurs et de sortir ensuite; mais vous vous agitez dans l'intérieur. Quand même le mariage n'aurait rien de pénible , il faudrait encore hâter sa marche vers l'avenir ; mais quand il entraîne des suites fâcheuses, à quoi bon se charger du fardeau? Pourquoi s'imposer une telle charge, puisqu'une fois que vous l'avez prise, il faut en user comme n'en usant pas? En effet, l'apôtre nous dit : « Il faut que ceux mêmes qui ont des femmes soient comme n'en ayant pas ». Après avoir ainsi dit un mot de l'avenir, il revient au temps présent. Car il y a des intérêts spirituels : l'une s'occupe du service de son époux, l'autre du service de Dieu; ruais il y a aussi les intérêts de la vie présente : « Je voudrais que vous fussiez exempts de soucis ». Pourtant il laisse cela à leur liberté. Car celui qui, après avoir montré ce qu'il faut choisir, impose le choix, semble n'avoir pas confiance en ses propres paroles. C'est pourquoi il use surtout de condescendance pour les déterminer et les maintenir : « Or je vous parle ainsi pour votre avantage, non pour vous tendre un piège; mais parce que c'est une chose bienséante et qui donne la facilité de prier ».

Que les vierges entendent bien : ce n'est pas à cela que se borne la virginité; celle qui s'occupe du monde n'est ni vierge, ni honnête. Après avoir dit : « La femme mariée et la vierge sont partagées », il établit la différence, le point qui les sépare l'une de l'autre. Pour limite entre la vierge et celle qui ne l'est plus, il ne donne pas le mariage, ni la continence, mais l'exemption de soucis et de grands soucis. Car ce n'est pas l'acte du mariage qui est un mal, mais l'obstacle à la (418) sagesse. « Si donc quelqu'un pense que ce lui  soit un déshonneur que sa fille reste vierge». Ici il semble parler en faveur du mariage; néanmoins tout se rapporte à la virginité; car il permet même un second mariage, mais seulement « dans le Seigneur ». Que veut dire : « dans le Seigneur? » C'est-à-dire, avec chasteté, avec honnêteté; car il en faut partout : c'est là ce que nous devons chercher; autrement il n'est pas possible de voir Dieu. Si nous avons passé sous silence ce qu'il y a à dire sur la virginité, qu'on ne nous accuse pas de négligence. Car nous avons composé un livre entier sur ce passage ; et après y avoir traité ce sujet avec autant de soin qu'il nous a été possible, nous avons cru inutile d'y revenir aujourd'hui. Nous y renvoyons donc nos auditeurs, et nous nous contentons de dire ici qu'il faut garder la continence, puisque l'apôtre nous dit : « Cherchez à tout prix la paix et la sainteté, sans laquelle personne ne verra le Seigneur ». (Hébr. XII, 14.) Cherchons-la donc, soit que, nous vivions dans la virginité, soit que nous vivions dans un premier ou dans un second mariage, afin de mériter de voir Dieu et d'obtenir le royaume des cieux, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent, au Père, en union avec le Saint-Esprit, la gloire, l'empire, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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