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DISCOURS SUR LE PSAUME V.LÉGLISE DANS SON EXIL OU LÂME FIDÈLE.
1. Ce psaume est intitulé : « Pour celle qui a reçu lhéritage (Ps. V, 1 ) ». Ainsi est désignée lEglise à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ a donné en héritage la vie éternelle, afin quelle possédât Dieu et le bonheur en sattachant à lui, selon cette parole : « Bienheureux les doux, parce quils auront la terre en héritage (Matt. V, 4 ) ». Quelle autre terre que celle dont il est dit: « Vous êtes mon espérance, et mon partage sur la terre des vivants (Ps. CXLI, 6 )? » et plus clairement « Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice (Id. XV, 5 )? » A son tour lEglise est appelée lhéritage du Seigneur, daprès cette parole : « Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage (Id. II, 8 ) ». Ainsi, Dieu est appelé notre héritage, parce quil nous donne la nourriture et lespace; et nous sommes lhéritage de Dieu qui nous cultive et nous gouverne. Ce psaume est donc le chant de lEglise appelée à lhéritage, afin de devenir die-même lhéritage de Dieu. 2. « Seigneur, écoutez mes paroles (Id. V, 2 ) ». Appelée par Dieu, lEglise invoque son secours afin de traverser liniquité du siècle, et darriver à lui : « Comprenez mes cris (Ibid.) ». Cette expression nous montre quel est ce cri, qui de lintérieur le plus secret de notre coeur, sélève jusquà Dieu ; puisque lon entend une voix corporelle, tandis que lon comprend celle du coeur. Il est vrai que Dieu ne nous entend point dune oreille charnel1e, mais parla présence de sa majesté. 3. « Soyez attentif à la voix de mes supplications (Id 3. ) » ; cette voix quil demandait au Seigneur de comprendre et dont il nous exposait la nature, en disant : « Comprenez mes cris. Ecoutez donc la voix de mes supplications, ô mon roi, et mon Dieu (Ibid. ) ». A la vérité le Fils est Dieu, le Père est Dieu, et le Père et le Fils sont un seul Dieu; et si lon nous demande ce quest le Saint-Esprit, nous navons dautre réponse, sinon quil est Dieu, et quand on dit le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, nous ne devons comprendre quun seul Dieu; néanmoins dans les saintes Ecritures, le titre de roi désigne ordinairement le Fils. Aussi daprès cette parole : « Cest par moi que lon va au Père (Jean, XIV, 6 ) », le Prophète a-t-il raison de dire « mon Roi » dabord, et ensuite « mon Dieu ». Toutefois il ne dit pas « soyez attentifs » au pluriel, mais « soyez attentif », intende. Car la foi catholique ne prêche ni deux ni trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes. Non point que cette Trinité se puisse dire tantôt du Père, tantôt du Fils, tantôt du Saint-Esprit, comme la cru Sabellius; mais le Père nest que le Père, le Fils nest que le Fils, le Saint-Esprit nest que le Saint-Esprit; et cette Trinité de personnes nest quun seul Dieu. Et dans ces paroles de lApôtre : « Tout est de lui, tout est par lui, tout est en lui Rom. XI, 36 ) », on voit une allusion à la Trinité : or, il na point ajouté : Gloire à eux, mais bien : « Gloire à lui ». 4. « Je vous invoquerai, Seigneur, et le matin vous entendrez mes cris (Ps. V, 4 ) ». Pourquoi le Prophète a-t-il dit tout à lheure « Ecoutez »; comme sil désirait être exaucé sur-le-champ, et dit-il maintenant : « Au matin vous entendrez mes cris », puis: « Je vous invoquerai »; non plus: « Je vous invoque » ; et enfin: « Au matin je me tiendrai debout et je vous verrai»; non plus: « Je me tiens debout et je vois ? » Ne serait-ce point lobjet de ses supplications qui serait indiqué dans la première invocation? Mais dans la nuit ténébreuse et tempétueuse du monde, (135) le Prophète comprend quil ne voit point ce quil désire, bien quil ne cesse pas despérer: car « lespérance qui verrait ne serait pas une espérance (Rom. VIII, 24 ) ». Il sait bien que sil ne voit pas, cest parce que cette nuit ténébreuse qui est le châtiment du péché, nest point encore achevée. Il dit donc: « Parce que cest vous que jinvoquerai, Seigneur ». Cest-à-dire, telle est votre grandeur, ô vous que jinvoquerai, « quau matin seulement, vous exaucerez ma prière ». Vous nêtes point un Dieu que puissent voir les hommes dont les yeux sont obscurcis par la nuit du péché; mais lorsque cette nuit de mes erreurs sachèvera, et que les ténèbres dont menveloppaient mes fautes seront dissipées, vous écouterez ma voix. Pourquoi donc na-t-il pas dit plus haut : Vous écouterez ; mais: « Ecoutez? » Serait-ce que nayant pas été exaucé après avoir dit : « Exaucez-moi », il a compris ce qui devait sécouler afin quil pût être exaucé? ou bien aurait-il été dabord exaucé, mais sans comprendre quil létait, parce quil ne voit point celui qui lexauce; et alors cette expression : « Au matin vous mexaucerez », signifierait : Au matin, je comprendrai que vous mexaucez ? comme il est dit ailleurs : « Levez-vous, Seigneur (Ps. III, 7 ) », pour : Accordez-moi de me relever. Il est vrai que cette parole sapplique à la résurrection de Jésus-Christ ; mais voici un autre passage qui ne peut sentendre que dans notre sens: « Le Seigneur votre Dieu vous tente, afin que vous sachiez si vous laimez (Deut. XIII, 3 ) », cest-à-dire, afin que, par lui, vous compreniez et quil vous soit bien démontré quel progrès vous avez fait dans son amour. 5. « Au matin, je serai debout, et je verrai (Ps. V, 5 ) ». Quest-ce à dire : « Je serai debout», sinon, je ne serai point étendu sur la terre? Mais être couché sur la terre cest y reposer, cest chercher sort bonheur dans les terrestres voluptés. « Je serai debout, et je verrai », dit le Prophète. Abjurons donc les choses dici-bas, si nous voulons voir Dieu qui se montre aux coeurs purs. « Vous nêtes pas un Dieu qui aimez liniquité; aussi le méchant nhabitera point près de vous, et les impies ne soutiendront pas léclat de vos regards. Vous haïssez ceux qui commettent liniquité, vous perdrez ceux qui profèrent le mensonge. Vous avez en horreur lhomme fourbe et lhomme de sang (Ps. V, 6, 7 ) ». Liniquité, la malice, le mensonge, lhomicide, la fraude, et autres crimes semblables, telle est la nuit qui doit passer, et alors viendra ce matin qui nous découvrira le Seigneur. Le Prophète nous dit pourquoi il sera debout au matin, et verra le Seigneur. « Cest que vous, ô Dieu, vous naimez pas liniquité ». Si Dieu, en effet, aimait liniquité, il pourrait être vu par limpie, et il ne faudrait pas attendre le matin, quand sera écoulée la nuit des iniquités. 6. « Près de vous nhabitera point le méchant », il ne vous verra point de manière à sattacher à vous; de là le verset suivant « Et linjuste ne soutiendra point vos regards », car son oeil, ou plutôt son esprit, accoutumé aux ténèbres du péché, sera frappé soudainement de la lumière de la vérité, et ne soutiendra point léclat dune intelligence droite. Si donc il voit par intervalle, et tout en demeurant dans linjustice, sil comprend la vérité, il ne saffermit point en elle, puisquil aime ce qui len éloigne. Il porte en lui-même sa nuit, qui est lhabitude et même lamour du péché. Que cette nuit vienne à sécouler, quil brise avec le péché, quil en perde lamour et lhabitude, alors viendra le matin, et il comprendra la vérité jusquà sy attacher avec amour. 7. « Vous haïssez les artisans diniquité ». Cette haine de Dieu a le même sens que laversion de tout pécheur pour la vérité; et lon dirait que celle-ci à son tour déteste ceux quelle ne laisse point demeurer en elle; tandis que sils ny demeurent point, cest quils ne la peuvent supporter. « Vous perdrez ceux qui profèrent le mensonge », car il est contraire à la vérité. Mais quon ne simagine point quil y ait quelque substance ou quelque nature contraire à la vérité; comprenons plutôt que le mensonge tient à ce qui nest pas, et non à ce qui est. Dire ce qui est, cest dire la vérité, et dire ce qui nest pas, cest le mensonge. Aussi est-il dit: « Vous perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge », puisquen se détournant de ce qui subsiste, ils sen vont à ce qui nest pas. Souvent le mensonge paraît avoir pour but le salut ou lavantage dun autre, et provenir non de la malice, mais de la bienveillance; tel fut, dans lExode (Exod. I, 19 ), celui de ces sages-femmes, qui mentirent à Pharaon pour sauver la vie aux enfants des Hébreux. (136) Mais ce qui est louable ici, cest moins lacte que lintention; et ceux qui ne mentent plus que de la sorte, mériteront un jour dêtre délivrés de tout mensonge. Cest à eux quil est dit : « Que votre discours soit : Oui, oui non, non; car ce qui est de plus, vient du mal (Matt. V, 37 ) ». Ce nest pas sans raison quil est écrit ailleurs : « La bouche qui ment, tue lâme (Sag. I, 11 ) », afin que nul homme vraiment spirituel ne se croie autorisé à mentir, pour conserver soit à lui-même, soit à dautres cette vie temporelle, dont la perte ne tue pas notre âme. Toutefois, il y a une différence entre mentir, et cacher la vérité, puisque lun consiste à dire le faux, lautre à taire le vrai; si nous ne voulons pas découvrir un homme à qui lon veut donner cette mort visible du corps, nous devons avoir lintention de taire le vrai, mais non de dire le faux, afin de ne rien découvrir, et ne point tuer notre âme par le mensonge, en voulant conserver à un autre la vie du corps. Si nous ne sommes point encore dans ces dispositions, efforçons-nous au moins de ne pas mentir au-delà de ces occasions pressantes, afin que Dieu nous délivre même de ces mensonges légers, et nous donne la force du Saint-Esprit qui nous fera mépriser tout ce que nous aurions à souffrir pour la vérité. Il ny a que deux sortes de mensonges qui ne soient point de fautes graves, mais qui ne sont point exemptes de tout péché, cest le mensonge par plaisanterie, et le mensonge pour rendre service. Le mensonge joyeux, nétant point de nature à tromper, nest point dangereux. Celui à qui nous parlons comprend bien que cest un badinage. Le second est encore plus léger, puisquil renferme une certaine bonté. Mais ce qui se dit sans duplicité de coeur, ne mérite pas le nom de mensonge. Quun homme, par exemple, ait reçu en gage une épée de son ami, avec promesse de la lui rendre quand il la redemandera ; il est évident quil ne doit point la rendre à cet ami qui la redemande avec démence, et qui peut sen servir contre lui-même ou contre les autres; il faut attendre le calme de la raison. Il ny a point ici duplicité de coeur, puisquen recevant cette épée en gage et en promettant de la rendre, cet ami était loin de croire quon la réclamerait dans la démence. Le Seigneur lui-même a jugé bon de taire la vérité, quand il disait aux disciples peu aptes à la recevoir: « Jai encore beaucoup de choses à vous dire; mais vous ne pouvez les porter encore (Jean, XVI, 12 ) » ; saint Paul a dit aussi : « Je nai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels (I Cor. III, 1 ) ». Doù il suit quil ne faut pas accuser celui qui se tait sur la vérité. Mais on ne voit point quil soit permis aux parfaits de dire ce qui est faux. 8. « Le Seigneur a en horreur lhomme sanguinaire et lhomme fourbe (Ps. V, 7 ) ». On peut très-bien voir une répétition de ce qui est dit plus haut: « Vous haïssez ceux qui font le mal, et vous perdrez ceux qui profèrent le mensonge ». Car « lhomme sanguinaire » peut très-bien être lhomme de liniquité, et « le fourbe » désigner le menteur. Il y a fourberie quand on agit dans un sens, et que lon affecte un autre sens. Le Prophète dit que le Seigneur « les aura en abomination »; expression qui sapplique à ceux que lon déshérite; tandis que ce psaume est le chant « de celle qui a reçu lhéritage », et qui témoigne des tressaillements de son espérance en sécriant : « Quant à moi, avec vos infinies miséricordes, jentrerai dans votre maison (Id. 8 ) ». Ces miséricordes sans nombre peuvent désigner cette foule dhommes parfaits et heureux, dont se formera cette cité que lEglise porte dans ses entrailles et quelle enfante peu à peu. Comment nier que cette multitude dhommes régénérés se puisse appeler le nombre infini des miséricordes du Seigneur, puisquil est dit avec beaucoup de vérité: «Quest-ce que lhomme pour que vous vous souveniez de lui, ou le fils de lhomme pour que vous le visitiez ( Id. VIII, 5 )? » Pour moi, « jentrerai dans votre maison », comme une pierre entre dans un édifice . Quest-ce en effet que la maison de Dieu, sinon son temple, dont il est dit: « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple (I Cor. III, 17 )? » Et la pierre angulaire de cet édifice ( Ephés. II, 10 ). est cet homme dont sest revêtue la force et la sagesse de Dieu, coéternelle au Père. 9. « Je me prosternerai avec crainte auprès de votre saint temple Ps. V, 8 ». Le Prophète a dit: « Auprès de votre temple », et non pas: cest dans votre saint temple que je veux vous adorer, mais bien: « Cest auprès de votre saint temple que je me prosternerai ». Cet état (137) nest point celui des parfaits, mais de ceux qui tendent vers la perfection. Les parfaits diraient alors: « Jentrerai dans votre maison ». Avant dy arriver il faut dire tout dabord : « Je vous adorerai auprès de votre saint temple». Cest pour cela peut-être quil ajoute, comme une sauvegarde à ceux qui désirent le salut: « Avec une sainte frayeur ». Quand chacun y sera parvenu, saccomplira ce mot de lEvangéliste : « La charité parfaite bannit toute crainte (I Jean, IV, 18 )» . Il ny a plus de crainte pour nous en face de lami qui nous a dit : « Je ne vous appellerai plus désormais des serviteurs, mais des amis (Jean, XV, 15 ) », et qui nous met en possession des promesses. 10. « Seigneur, conduisez-moi dans votre justice, à cause de mes ennemis (Ps. V, 9 ) ». Il dit assez quil se met en route, quil se dirige vers la perfection, mais quil ny est point encore arrivé, puisquil demande à Dieu de ly conduire. « Dirigez-moi dans votre justice », non dans ce qui paraît lêtre aux yeux des hommes ; car ils simaginent quil y a justice à rendre le mal pour le mal; mais telle nest point la justice de celui dont il est dit : « Quil fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants (Matt. V, 45 ) », puisque Dieu, en punissant les méchants, loin de leur infliger ses châtiments, les abandonne seulement à leur malice. « Voilà », dit-il, « quil a fait éclore linjustice, il a été en travail de laffliction pour enfanter liniquité; il a ouvert un précipice, il la creusé, et il est tombé dans le gouffre quil avait préparé : son injustice descendra sur lui, et son iniquité retombera sur sa tête (Ps. VII, 15-17 )». Dieu donc punit les hommes, comme le juge punit les violateurs de la loi, non en leur infligeant lui-même le châtiment, mais en les poussant dans celui quils ont eux-mêmes choisi, et qui sera pour eux le comble du malheur. Mais lhomme qui rend le mal pour le mal, le fait avec un mauvais dessein, et devient méchant lui-même, en voulant châtier les méchants. 11. « Tracez-moi une voie droite en votre présence (Id. V, 9 ) ». Il est clair quil recommande à Dieu le temps que dure son voyage, et que ce voyage saccomplit non par un chemin terrestre, mais par les sentiments du coeur. « Tracez-moi une voie droite en votre présence », cest-à-dire dans ce secret où ne pénètre point le regard des hommes, dont il faut mépriser la louange ou le blâme. Ils ne peuvent juger de la conscience des autres, qui est le chemin droit sous loeil de Dieu. Aussi le Prophète ajoute : « Parce que la vérité nest pas dans leur bouche (Ps. VII, 10 ) », et quon ne peut croire à leurs jugements, il faut nous réfugier dans lintérieur de notre conscience et en la présence de Dieu. « Leur coeur est plein de vanité ». Comment la vérité serait-elle dans leur bouche, quand le coeur est trompé par le péché et par la peine du péché? De là ce cri du Prophète pour les en détourner : « Pourquoi aimez-vous la vanité et recherchez-vous le mensonge (Id. IV, 3 )?» 12. « Leur bouche est un sépulcre ouvert (Id. V, 11 )». On peut appliquer cette parole à lintempérance, qui est pour beaucoup le motif de flatteries mensongères. Le Prophète a dit justement quil sont un « sépulcre ouvert», parce que leur avidité est insatiable, et ne se ferme point comme le sépulcre qui a reçu un cadavre. On peut dire aussi quau moyen de paroles mensongères et dartificieuses caresses, ils attirent à eux ceux quils font tomber dans le péché; et cest comme les dévorer que les faire entrer dans cette voie. Mais lhomme qui en arrive là, meurt par le péché; et celui qui la séduit, sappelle justement un sépulcre ouvert; il est mort en quelque sorte, puisquil na plus la vie de la vérité, et il reçoit en lui-même ces morts quil a tués en les amenant à lui par le mensonge et la frivolité du coeur. « Leurs langues sont pleines dartifices » ; les langues des méchants, car cest là ce que paraît dire le Prophète, en précisant « leurs langues ». Elle est mauvaise en effet cette langue du méchant qui dit le mal, qui dit la fraude. Cest à eux que le Seigneur a dit: « Comment diriez-vous le bien puisque vous êtes mauvais (Ps. V, 11 ) ? » 13. « Jugez-les, Seigneur, que leurs desseins sévanouissent (Ps. V, 11 ) ». Cest là une prophétie plutôt quune malédiction; et le Prophète ne désire point que cette vengeance arrive, mais il sait ce qui arrivera: et ils tomberont sous cette vengeance, non parce que le Prophète semble la désirer, mais bien parce quils auront mérité dy tomber. De même quand il dit : « Que ceux qui espèrent en vous soient dans la joie (Id. 12 ) », il fait, une (138) prophétie et voit cette joie dans lavenir. Il dit encore: « Excitez votre puissance et venez (Ps. LXXIX, 3 ) », parce quil prévoit que le Seigneur viendra. Dans ces paroles néanmoins: « Que leurs desseins soient renversés », on pourrait voir une prière du Prophète ; et il demanderait que les desseins des méchants sévanouissent, ou quils fassent trêve à leurs desseins mauvais. Mais lexpression suivante : « Rejetez-les », nous empêche de lentendre ainsi; puisque cette expulsion de la part du Seigneur ne peut nullement se prendre en bonne part. Ce nest donc point une malédiction, mais une prophétie qui annonce dans quelle catastrophe tomberont infailliblement ceux qui voudront persévérer dans les péchés dont il est question. « Quils soient donc déçus dans leurs pensées », quils tombent à cause de leurs desseins qui saccusent mutuellement, et devant le témoignage de leur conscience, comme la dit lApôtre : « Leurs pensées les accuseront ou les défendront, quand se lèvera le jour du juste jugement de Dieu (Rom. II, 15, 16 )». 14. « Chassez-les selon le nombre infini de leurs iniquités (Ps. V, 11 ) », cest-à-dire, chassez-les au loin, «le nombre infini de leurs iniquités »demande un long éloignement. Cest ainsi que limpie est banni de cet héritage, dont la vue et la connaissance de Dieu nous met en possession ; comme loeil malade est repoussé par léclat de la lumière, et trouve une peine dans ce qui fait la joie de loeil sain. Ceux-là donc au matin ne se tiendront pas debout et ne verront pas. Et cette répulsion est une peine dont la grandeur se mesure à la grandeur de cette joie, dont il est dit: « Pour moi, mon bonheur est de mattacher à Dieu (Ps. LXXI, 28 ) ». A ce châtiment est opposé ce mot de lEvangile : « Entrez dans la joie de votre Dieu »et ce châtiment équivaut à cet autre : « Jetez-le dans les ténèbres extérieures Matt. XXV, 21,30 ) ». 15. « Mais vous, Seigneur, ils vous trouvent amer (Ps. V, 11 ) ». «Je suis le pain de vie descendu du ciel (Jean, VI, 51 ) », a dit le Seigneur ; puis : « Travaillez pour une nourriture qui ne se corrompt point (Id. 27 ) »; puis encore : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ( Ps. XXIII, 9 ) ». Les pécheurs trouvent amer le pain de la vérité, de là leur haine pour la bouche doù elle émane. Ils ont donc trouvé le Seigneur amer, parce que le péché les a rendus malades au point que le pain de la vérité, délicieux pour les âmes saines, a pour eux une amertume insupportable. 16. « Quils soient dans la joie, ceux qui espèrent en vous », qui savent goûter, et qui trouvent que le Seigneur est doux. «Leur allégresse sera éternelle et vous habiterez en eux (Ps V, 12 ) ». Cette allégresse éternelle commencera donc quand les justes deviendront le temple de Dieu: il sera leur joie, il habitera en eux. « Et tous ceux qui aiment votre nom se glorifieront en vous (Id. 9 ) », parce quils pourront jouir de lobjet de leur amour. Et cest bien en vous quils posséderont cet héritage qui fait le titre du Psaume, et à leur tour ils seront votre héritage, puisque « vous habiterez en eux». De ce bonheur seront exclus ceux que Dieu doit rejeter à cause de leurs iniquités. 17. « Cest-vous qui bénirez le juste (Id. 13 ) ». Cette bénédiction sera de se glorifier dans le Seigneur qui habitera en nous. Telle est la gloire que Dieu décerne aux justes ; et pour devenir justes, ils ont dû être appelés, non point à cause de leurs mérites, mais par la grâce de Dieu. « Tous en effet sont pécheurs et ont besoin de la grâce de Dieu (Rom. VIII, 31-33 ). Ceux quil a appelés, il les a justifiés, et ceux quil a justifiés, il les a glorifiés (Id. VIII, 30 ) ».Comme cette vocation ne vient point de nos mérites, mais de la miséricordieuse bonté de Dieu, le Prophète a dit: «Seigneur, votre volonté bienveillante nous couvre comme dun bouclier (Ps. V, 13 ) ». Car la bienveillance du Seigneur précède notre volonté. Telles sont les armes pour vaincre notre ennemi. Cest contre lui que lApôtre a dit : « Qui accusera les élus de Dieu ? » et encore : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Il na point épargné son Fils unique, mais il la livré à la mort pour nous tous (Rom. VIII, 31-33 ) ». Si le Christ a voulu mourir pour nous quand nous étions ses ennemis maintenant que nous sommes réconciliés, nous serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu (d. V, 9, 10 )». Tel est linexpugnable bouclier qui repousse lennemi quand, par laffliction et la tentation, il nous pousse à désespérer du salut. 18. Le texte du Psaume est donc tout
dabord une prière, depuis ces paroles : (139) « Seigneur, entendez ma voix»,
jusquà ces autres : « Mon roi et mon Dieu ». Mais lEglise comprend ce qui
lempêche de, voir Dieu, ou de connaître quelle est exaucée, depuis: « Je
vous invoquerai, Seigneur, et au matin vous entendrez ma voix », jusquà: «
Vous avez en horreur lhomme de sang et lhomme fourbe ». En troisième
lieu, depuis ce verset : « Pour moi, avec la multitude de vos miséricordes » ,
jusquà: « Je me prosternerai avec crainte auprès de votre saint temple »,
lEglise espère devenir un jour la maison de Dieu, et en cette vie sapprocher
de lui dans la crainte, jusquà ce que la charité consommée ait banni toute
crainte. Quatrièmement, elle sent quelle savance et quelle marche entre
des obstacles; elle demande ce secours de lintérieur, imperceptible à loeil
humain, de peur que la langue des méchants ne la détourne du bon chemin, depuis:e
Seigneur, « conduisez-moi, dans votre justice», jusquà: « Leurs langues sont
pleines dartifices». Elle prédit, en cinquième lieu, le châtiment des impies,
quand le juste à peine sera sauvé; et la récompense de ce juste qui aura répondu à
lappel de Dieu, et qui aura courageusement tout supporté, jusquà ce
quil arrive au Seigneur. Cette partie commence à : « Jugez-les,
Seigneur », pour finir avec le psaume.
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