PSAUME X
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DISCOURS SUR LE PSAUME X.

L’HÉRÉSIE EN FACE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE.

 

L’âme catholique et fidèle répond aux invitations de l’hérésie, que sa confiance est dans le Seigneur et non dans les hommes, tandis que l’hérésie se confie dans les mérites du ministre des sacrements. Le Seigneur, par une même parole, aveugle les méchants et sauve les justes.

 

 

POUR LA FIN, PSAUME POUR DAVID (Ps. X, 1 ).

 

 

1. Ce titre n’a pas besoin d’être expliqué de nouveau, nous avons exposé suffisamment le sens de cette expression : « In finem, pour la fin » . Voyons donc le texte du psaume, qui me parait un chant contre les hérétiques. Ceux-ci, en effet, rappelant sans cesse avec exagération les fautes de plusieurs membres de l’Eglise, comme si, dans leurs sectes, tous les membres, ou du moins le plus grand nombre, étaient des justes, s’efforcent de nous détourner et de nous arracher des mamelles de l’Eglise, unique et véritable mère. Ils affirment que le Christ est parmi eux; ils affectent de nous avertir, par intérêt pour nous et par charité, de passer dans leur parti pour y trouver Jésus-Christ, qu’ils se vantent faussement de posséder. On sait que dans ces dénominations allégoriques données par les Prophètes à Jésus-Christ, se trouve aussi celle de Montagne. Il faut donc répondre à l’hérésie en loi disant: « Ma confiance est dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme : Va sur la montagne, comme un passereau (Id. 2 )?» Il n’est qu’une seule montagne en qui j’aie mis mon espoir; pourquoi me dire d’aller à vous, comme s’il y avait plusieurs Christs? Et si, dans votre orgueil, vous prétendez être cette montagne, j’avoue que je dois être ce passereau, et que mes ailes sont les forces et les préceptes de Dieu; mais ces ailes m’empêchent de voler vers de semblables montagnes, et de reposer mon espoir en des hommes orgueilleux. J’ai un nid où je puis reposer, puisque ma confiance est dans le Seigneur. Car le passereau trouve une demeure (Ps. LXXXIII, 4), et le Seigneur est un refuge pour le pauvre (Ps. IX, 10 ). Ainsi, de peur qu’en cherchant le Christ chez les hérétiques, nous ne le perdions réellement, chantons avec la plus entière confiance: « Ma confiance est dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme : Va sur la montagne comme le passereau ? »

2. « Voilà que les pécheurs ont bandé l’arc, ils ont rempli de flèches leur carquois, afin de tirer, dans l’obscurité de la lune, sur ceux qui ont le coeur droit (Ps. X, 3 ) ». Vaines terreurs de ceux qui nous menacent de la colère des pécheurs, pour nous pousser dans leur parti, comme dans celui des justes. « Voilà », disent-ils, « que les pécheurs ont bandé l’arc». Cet arc me paraît être l’Ecriture, qu’ils interprètent dans un sens charnel, et qui ne leur fournit alors que des maximes empoisonnées. « Ils ont préparé leurs flèches dans leur carquois »; c’est-à-dire, qu’ils ont préparé dans leurs coeurs, ces paroles qu’ils doivent nous lancer avec l’autorité des saintes Ecritures. « Afin de tirer sur l’innocent dans l’obscurité de la lune »; c’est-à-dire, qu’ils ont cru que la foule des hommes ignorants et charnels avait obscurci la lumière de l’Eglise, et qu’eux-mêmes ne pourraient être convaincus; ainsi ils corrompent les bonnes moeurs par des discours pervers (Ps. X, 3 ). Mais à toutes ces terreurs nous répondrons: « Ma confiance est dans le Seigneur (I Cor. XV, 33 ) ».

3. J’ai promis (Ci-dessus, Ps. VIII, n. 9 ), il m’en souvient, de considérer dans ce psaume comment la lune est une figure convenable de l’Eglise. Il y a deux opinions probables au sujet de la lune: savoir quelle est la véritable, c’est là ce qui est, selon moi, sinon impossible, du moins très difficile aux hommes. Si vous demandez d’où vient à la lune sa lumière, les uns répondent qu’elle a une lumière qui lui est propre, mais que son globe est moitié lumineux et moitié (173) obscur, et qu’ainsi, dans sa révolution, la partie lumineuse se tourne peu à peu vers la terre, et devient visible ; c’est pourquoi elle nous apparaît d’abord comme un croissant. Car si vous prenez une sphère à moitié blanche, et à moitié noire, et que vous mettiez sous les yeux la partie noire, vous ne verrez rien de blanc, mais ensuite, commencez à tourner vers vous le côté blanc, et faites-le peu à peu, vous verrez cette face blanche apparaître d’abord comme un croissant, puis se développer peu à peu, jusqu’à ce que la face blanche vous apparaisse complètement, et ne laisse rien voir d’obscur. Continuez encore la révolution de votre sphère, et peu à peu la partie obscure se montrera, tandis que la partie blanche ira en diminuant, jusqu’à ce qu’elle redevienne un croissant, pour échapper bientôt à la vue, et ne laisser sous vos yeux que la partie obscure; c’est ce qui a lieu, nous dit-on, quand la lumière de la lune va toujours en augmentant jusqu’au quinzième jour, puis diminue jusqu’au trentième, redevient un croissant, puis bientôt nous dérobe complètement sa lumière. Dans cette opinion, la lune pourrait être la figure allégorique de l’Eglise, qui brille dans sa partie spirituelle, tandis qu’elle est obscure dans ses membres charnels ; et souvent ses oeuvres spirituelles la signalent aux hommes; souvent aussi ce côté spirituel se réfugie dans la conscience, où Dieu seul peut le voir, et ne laisse voir aux hommes que la face corporelle, comme il arrive quand nous prions intérieurement, sans aucune apparence extérieure, alors que nos coeurs ne sont plus à la terre, mais élevés à Dieu, selon qu’il nous est recommandé.

D’autres disent que la lune n’a point une lumière qui lui soit propre, et qu’elle la reçoit du soleil ; que quand elle est en face du soleil, elle nous présente le côté qui n’est point éclairé, et paraît ainsi sans lumière; mais qu’à mesure qu’elle s’éloigne du soleil, cette partie même qu’elle présentait à la terre est illuminée ; elle commence nécessairement comme un croissant, jusqu’au quinzième jour, qu’elle est complètement opposée au soleil: c’est alors qu’elle se lève quand le soleil se couche ; de sorte qu’un homme qui observerait le coucher du soleil, pourrait aussitôt qu’il le perd de vue, se tourner vers l’orient, et verrait la lune à son lever. Mais à mesure que la lune tend à se rapprocher du soleil, elle nous montre peu à peu sa face obscure, puis redevient un croissant, pour disparaître totalement ; car alors sa partie lumineuse est toute vers le ciel, tandis qu’elle ne montre à la terre que la face que le soleil ne saurait éclairer. Dans cette seconde opinion, la lune serait la figure de l’Eglise qui n’a point une lumière propre, car sa lumière lui vient de ce Fils unique de Dieu, appelé souvent dans les saintes Ecritures, Soleil de justice. Incapable de connaître et de voir ce Soleil invisible, certains hérétiques s’efforcent d’attirer les esprits simples et sensuels, au culte de ce soleil visible et corporel, qui éclaire les yeux des mouches aussi bien que les yeux corporels des hommes. Ils parviennent même à entraîner ceux qui, dans leur impuissance de découvrir des yeux de l’âme la lumière intérieure de la vérité, ne peuvent se con-tenter de la simplicité de la foi catholique; et pourtant il n’y a pour les faibles que ce moyen de salut, que ce lait qui puisse les fortifier et les rendre capables d’une plus solide nourriture. De ces deux opinions, quelle que soit la vraie, le nom allégorique de la lune convient parfaitement à l’Eglise. Toutefois, s’il nous répugne de nous engager dans ces obscurités plus pénibles qu’elles ne sont utiles, ou si le temps nous manque, ou même si notre esprit s’y refuse, il peut nous suffire de regarder la lune avec le peuple, et sans en rechercher péniblement les raisons, de voir avec tout le monde qu’elle croît, qu’elle arrive à son plein, pour décroître ensuite. Et si elle ne disparaît que pour revenir encore, elle devient pour la multitude la moins exercée la figure de l’Eglise, dans laquelle on croit à la résurrection des morts.

4. Examinons ensuite pourquoi, dans ce psaume, il est parlé de « lune obscure » qui sert aux pécheurs pour décocher leurs flèches sur les coeurs droits. Car on peut dire de plusieurs manières que la lune est obscurcie; elle l’est à la fin de sa révolution mensuelle, puis quand un nuage nous dérobe sa lumière, puis quand elle s’éclipse totalement. Nous pouvons dire alors que les persécuteurs des martyrs ont voulu décocher leurs flèches sur les coeurs droits, pendant l’obscurité de la lune ; soit que l’Eglise naissante n’ait pas encore jeté sur la terre tout son éclat, ni dissipé les ténébreuses superstitions du paganisme; soit que les blasphèmes et les (174) calomnies contre le nom chrétien aient enveloppé la terre comme d’un nuage et rendu invisible la lune ou l’Eglise; soit que tant de martyrs égorgés et tant de sang répandu, aient détourné du nom chrétien les âmes faibles, en couvrant l’Eglise d’un voile sanglant, comme celui qui paraît quelquefois sur la lune et qui l’obscurcit ; dans ces jours de terreur, les impies décochaient comme autant de flèches, ces paroles artificieuses et sacrilèges, qui pervertissaient même les coeurs purs. On peut encore entendre ce passage, des pécheurs qui sont dans l’Eglise, qui ont saisi l’occasion d’un obscurcissement de la lune, pour commettre les forfaits que nous reprochent maintenant les hérétiques, accusés d’en être les auteurs. Mais quelle que soit la. source des crimes commis pendant l’obscurité de la lune, maintenant que la religion catholique est répandue et respectée dans tout l’univers catholique, pourquoi m’inquiéter de faits que j’ignore? Ma confiance est au Seigneur, et loin de moi, « ceux qui disent à mon âme : Va, chétif passereau, vers les montagnes. Car voilà que les pécheurs ont préparé leur arc pour décocher leurs flèches sur les coeurs droits, dans l’obscurité de la lune ». Et cette lune leur paraît encore obscure, parce qu’ils s’efforcent de jeter l’incertitude sur la véritable Eglise catholique, et qu’ils arguent contre elle des fautes de ces hommes charnels qu’elle contient en grand nombre. Qu’est-ce que ces tentatives, pour celui qui dit véritablement: Ma confiance est dans le Seigneur, qui montre par ce langage qu’il est le froment de Dieu, et qu’il supporte la paille avec patience, jusqu’à ce que viendra le temps de la vanner?

5. « Ma confiance est donc au Seigneur ». Que ceux-là tremblent qui mettent leur confiance dans un homme, et qui ne peuvent nier qu’ils lui appartiennent, puisqu’ils jurent sur ses cheveux blancs.; et si vous leur demandez en conversation à quelle communion ils appartiennent, ils ne peuvent se faire connaître qu’en se proclamant de son parti. Mais dites-moi ce qu’ils peuvent répondre, quand on leur représente ces crimes, ces forfaits innombrables qui remplissent chaque jour leur parti? Peuvent-ils dire: « Ma confiance est au Seigneur; et comment dites-vous à mon âme de se réfugier dans les montagnes comme le passereau? » Car ils n’ont plus confiance dans le Seigneur, en soutenant que les sacrements ne sanctifient que quand ils sont administrés par des hommes saints ? Aussi, demandez-leur quels sont les saints, ils rougiront de dire: C’est nous; et s’ils ne rougissent de le dire, ceux qui les entendront, rougiront pour eux. Ils forcent donc ceux qui reçoivent les sacrements, à mettre leur confiance dans un homme, dont le coeur échappe à nos yeux. Or, « maudit soit celui qui met son espoir dans un homme (Jér. XVII, 5 )». Dire en effet: C’est ce qui est administré par moi, qui est saint, n’est-ce pas dire : Mettez votre espérance en moi? Mais que sera ce sacrement si vous n’êtes pas saint? Alors montrez-moi votre coeur. Et si vous ne le pouvez, comment saurai-je que vous êtes saint? Alléguerez-vous ce passage de l’Ecriture: « Vous les connaîtrez à leurs œuvres (Matt. VII, 16 )?» Assurément, je vois chez vous des oeuvres merveilleuses ; je vois chaque jour les Circoncellions courir ça et là sous la conduite de leurs évêques et de leurs prêtres, et donner le nom d’Israël à de terribles bâtons; c’est là ce que les hommes de nos jours ne voient et n’éprouvent que trop. Quant aux actes du temps de Macaire, qu’ils nous reprochent amèrement, peu les ont vus, nul ne les voit maintenant; et quand on les voyait, tout catholique n’en pouvait pas moins dire, s’il voulait être serviteur de Dieu: « Ma confiance est dans le Seigneur ». C’est le langage que tient encore celui qui voit dans l’Eglise ce qu’il voudrait n’y point voir, qui se sent nager dans ces filets pleins de poissons, bons et mauvais, jusqu’à ce que l’on arrive sur les sables de la mer, pour séparer les bons des mauvais (Id. XIII, 47 ). Que peuvent répondre ces hérétiques, si l’homme qu’ils veulent baptiser leur fait cette question: Comment m’ordonnez-vous d’avoir confiance? Car si le mérite d’un sacrement est basé sur celui qui le donne et sur celui qui le reçoit, si c’est Dieu qui le donne et ma conscience qui le reçoit, voilà deux termes dont j’ai la certitude, sa bonté, et ma foi. Pourquoi venir vous interposer, vous dont je ne puis tirer , aucune certitude ? Laissez-moi chanter: « Ma confiance est dans le  Seigneur ». Car si je mettais ma confiance en vous, qui peut me garantir que vous n’avez commis aucune faute cette nuit? Enfin, si vous voulez que j’aie confiance en vous, puis-je avoir d’autre motif que votre parole?  (175)

Mais alors quelle confiance puis-je avoir, que ceux qui étaient hier en communion avec vous, qui communiquent aujourd’hui, qui communiqueront demain, n’auront commis aucune faute, après ces trois jours ? Et si ni vous ni moi ne sommes souillés par ce que nous ignorons, pourquoi rebaptisez-vous ceux qui n’ont rien connu de la trahison de Macaire ni de ses persécutions? Et ces chrétiens qui viennent de la Mésopotamie, qui ne savent le nom ni de Cécilien ni de Donat, comment osez-vous les rebaptiser, et nier qu’ils soient chrétiens? S’ils sont souillés par les péchés des autres, vous aussi, vous êtes sous le poids des crimes qui se commettent chaque jour, à votre insu, dans votre parti; et c’est en vain que vous objectez aux catholiques les décrets impériaux , vous qui sévissez dans votre camp avec les bâtons et les flammes. Tel est donc l’abîme où sont tombés ceux qui, voyant les désordres dans l’Eglise catholique, n’ont pu dire: « Ma confiance est au Seigneur n, et qui ont mis leur espoir dans les hommes. Ils l’auraient dit sans doute, s’ils n’eussent été les uns ou les autres tels qu’ils croyaient ceux dont ils ont feint de se séparer par un sacrilège orgueil.

6. Que l’âme catholique s’écrie donc : « Ma confiance est au Seigneur ; comment osez-vous me dire: Passereau, va dans les montagnes ? car voilà que les pécheurs ont bandé leur arc, ils ont rempli de flèches leur carquois, pour les décocher sur les justes durant une lune obscure». Puis, de ces pécheurs, s’élevant à Dieu, qu’elle dise: « Voilà qu’ils ont détruit ce que vous aviez rendu parfait (Ps. X, 4 )». Et qu’elle tienne ce langage, non-seulement contre ceux dont nous parlons, mais contre tous les hérétiques. Car tous, autant qu’il est en eux, ont détruit cette louange parfaite que Dieu a tirée de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle (Id. VIII, 3 ), quand, par de vaines et pointilleuses questions, ils tourmentent les faibles et ne les laissent point s’alimenter du lait de la foi. Et comme si l’on disait à cette âme : Pourquoi vous outils engagée à passer dans les montagnes comme le passereau ; pourquoi vous effrayer au sujet des pécheurs qui ont bandé leur arc, pour percer les coeurs droits dans l’obscurité de la lune ? la voilà qui répond : Ce qui m’effraie, c’est « qu’ils ont détruit ce que vous aviez rendu parfait ». Où l’ont-ils détruit, sinon dans leurs conciliabules, où loin de donner du lait aux faibles et à ceux qui ne con naissent point la lumière intérieure, ils les tuent de leurs poisons? « Mais le juste, qu’a-t-il  fait? » Si Macaire et Cécilien sont coupables envers vous, que vous a fait le Christ qui a dit: « Je vous donne ma paix, je vous laisse  ma paix (Jean, XIX, 27 ) » ; cette paix que vous violez par le schisme le plus criminel ? Que vous a fait le Christ, qui déploya tant de patience envers le disciple qui le trahissait, jusqu’à l’admettre à cette première Eucharistie qu’il consacrait de ses mains, qu’il instituait de sa parole, et qu’il lui présenta comme aux autres Apôtres (Luc, XXII, 19, 21 )? Que vous a fait le Christ, qui donna mission de prêcher le royaume de Dieu à ce même traître qu’il avait appelé un démon (Jean, VI, 71 ), qui même avant de trahir le Seigneur, ne put en garder fidèlement les deniers (Id. XII, 6 ), et qu’il envoya néanmoins avec les autres disciples (Matt. X, 5 ) », pour nous apprendre que les dons de Dieu arrivent en ceux qui les reçoivent avec foi, quand même le ministre qui les distribue serait semblable à Judas?

7. « Le Seigneur habite son saint temple (Ps. X, 5 ). C’est dans ce sens que l’Apôtre a dit: « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple. Quiconque ose violer le temple de Dieu, Dieu le perdra (I Cor. III, 17 ) ». Or, c’est violer le temple de Dieu que d’en rompre l’unité, c’est ne plus être dans l’union avec cette tête (Coloss. II, 19 )  dont tout le corps soutenu par ses liens et ses jointures avec une si juste proportion, reçoit l’accroissement dans la mesure qui est propre à chacun de ses membres, et se forme par la charité (Eph. IV, 16 ). Le Seigneur est donc dans ce temple formé de plusieurs membres, qui ont chacun leurs fonctions, et qui sont reliés par la charité, en un seul édifice. C’est violer ce temple, que se séparer de l’unité catholique, pour chercher ailleurs la dignité d’un chef. « Le Seigneur habite son temple saint, le Seigneur a son trône dans le ciel (Ps. X, 5 ) » Si parte ciel vous entendez le juste, comme la terre nous désigne le pécheur , ainsi qu’il est dit: « Tu es terre, et tu retourneras en terre (Gen. III, 19 ), ces expressions : « Le Seigneur a son trône dans le ciel », sont une répétition de ce qui a été dit: « Le Seigneur habite son saint temple».

8. « Ses yeux regardent le ciel ». C’est à lui que le pauvre s’abandonne, et il lui sert de refuge (Ps. X, 10 ). C’est pourquoi toutes ces séditions, tous ces troubles que l’on soulève dans les filets jusqu’à ce qu’ils arrivent sur le rivage, ont pour auteurs des hommes qui refusent d’être les pauvres de Jésus-Christ; et c’est à leur perte, mais pour notre amendement, que les hérétiques prennent de ces troubles occasion de nous insulter. Mais pourront-ils détourner les regards de Dieu de ceux qui veulent bien être pauvres pour lui? « Car ses yeux regardent le pauvre ». Avons-nous à craindre que dans la foule nombreuse des riches, il ne puisse discerner ces quelques pauvres, pour les conserver et les nourrir dans le giron de l’Eglise catholique ? « Ses paupières interrogent les «enfants des hommes (Id. 5 ) ». Selon la règle que nous avons posée, j’entendrais volontiers par ces « enfants des hommes » ceux que la foi a fait passer du vieil homme à l’homme nouveau. Car l’oeil de Dieu paraît se fermer pour eux, quand certains passages des Ecritures les stimulent par leur obscurité à en rechercher le sens; comme il semble s’ouvrir quand ils reçoivent avec joie la lumière de passages plus clairs. Or, ces vérités des livres saints, tantôt claires et tantôt voilées, sont comme les paupières de Dieu qui interrogent, ou plutôt qui approuvent ces enfants des hommes stimulés plutôt que lassés par les obscurités, affermis plutôt qu’enorgueillis par la découverte.

9. « Le Seigneur interroge le juste et l’impie (Id. 6)». Et quand il interroge ainsi le juste et l’impie, quel mal pouvons-nous craindre de la part des impies qui pourraient être, avec des coeurs peu sincères, en communion de sacrements avec nous? « Mais celui qui aime  l’iniquité nuit à son âme(Ibid. ). Ce n’est donc point à celui qui a mis sa confiance en Dieu, et qui n’espère point dans les hommes, c’est à son âme seulement que nuit celui qui aime le péché.

10. « Il fera tomber des piéges sur les pécheurs (Id. 7 ) ». Si l’on désigne sous le nom de nuages les Prophètes en général, soit les bons soit les mauvais appelés aussi faux prophètes (Matt. XXIV, 24 ), les faux prophètes sont destinés parle Seigneur à devenir des piéges qu’il fait tomber sur les pécheurs. Car il n’y a pour les suivre, que le pécheur, qui se prépare ainsi le dernier supplice, s’il persévère dans le crime, ou qui abjure son orgueil, s’il cherche un jour le Seigneur avec plus de sincérité. Mais si les nuées ne doivent désigner que les bons, les vrais prophètes, il est encore évident que leurs paroles, entre les mains de Dieu, sont des piéges pour les pécheurs, en même temps qu’une rosée qu’il répand sur les justes pour leur faire porter de bons fruits. « Aux uns», dit l’Apôtre, « nous sommes une odeur de vie pour la vie, aux autres, une odeur de mort pour la mort (II Cor. II, 16 ) ». Car on peut, sous le nom de nuages, désigner non-seulement l’Apôtre , mais quiconque donne aux âmes la rosée de la parole de Dieu. Pour celui qui comprend mal ces paroles, c’est le piége que Dieu fait tomber sur les méchants ; et pour celui qui les entend dans le vrai sens, c’est la rosée qui féconde les coeurs pieux et fidèles. Cette parole de l’Ecriture, par exemple: « Ils seront deux dans une même chair (Gen. II, 24 ) », peut devenir un piége pour celui qui l’interprète dans le sens de l’incontinence. Mais si vous l’entendez avec saint Paul qui s’écrie : « Moi, je le dis dans le Christ et dans I’Eglise (Eph. V, 23 )», c’est une rosée sur un champ fertile. C’est le même nuage, ou l’Ecriture sainte qui produit ces deux effets. De même encore le Seigneur nous dit : « Ce n’est point ce qui entre dans votre bouche, mais bien ce qui en sort, qui souille votre âme (Matt. XV, 11 ) ». A cette parole, un pécheur se dispose à la bonne chère; tandis qu’elle prévient le juste contre le discernement des viandes, Cette même nuée de l’Ecriture laisse donc tomber, selon le mérite de chacun, et des piéges pour le pécheur, et pour le juste une pluie fécondante.

11. « Des torrents de feu et de souffre, la fureur des tempêtes, c’est là le calice qu’il leur prépare (Ps. X, 7 ) ».  Tel est le châtiment et la fin de ceux qui blasphèment le nom du Seigneur; d’abord ils sont dévorés par l’incendie de leurs passions, ensuite l’odeur fétide de leurs oeuvres corrompues les éloigne de l’assemblée des saints; enfin, entraînés et submergés dans l’abîme, ils subissent d’indicibles tourments. Telle est, Seigneur, la part de leur calice, tandis que vous avez pour le juste un calice enivrant et glorieux (Id. XXII, 5 ). « Car ils seront  enivrés par la sainte abondance de votre maison (Id. XXXV, 9 ) ». Si le Prophète emploie cette (177) expression, « la part de leur calice », c’est, je crois, pour nous détourner de croire que, même dans le supplice des méchants, la Providence outrepasse les bornes de l’équité. Aussi a-t-il ajouté, comme pour nous rendre raison de ces châtiments : « C’est que le Seigneur est juste, et qu’il aime les justices (Ps. X, 8 )». Et ce n’est pas sans raison qu’il dit les justices, au pluriel, afin de nous montrer dans ces justices les justes eux-mêmes. Car il semble que dans plusieurs justes, il y ait plusieurs justices, bien qu’il n’y en ait qu’une seule en Dieu, qui est la source des autres; comme si un seul visage se trouvait en face de plusieurs miroirs, ceux-ci le refléteraient et feraient apparaître plusieurs fois ce visage, néanmoins unique. Aussi le Prophète revient-il au singulier, en s’écriant: « Sa face a vu l’équité ». Et peut-être a-t-il dit: « Sa face a vu l’équité », dans le même sens qu’il dirait : C’est dans sa face que l’on voit l’équité, c’est-à-dire quand on connaît sa face. Car la face de Dieu, c’est la puissance qu’il a de se faire connaître à ceux qui en sont dignes. Ou bien : « Sa face a vu l’équité», parce qu’il ne se fait pas connaître aux méchants, mais aux bons; et c’est là l’équité.

12. Si l’on veut que la lune soit la synagogue, il faut alors entendre le psaume de la passion du Sauveur, et dire des Juifs, « qu’ils ont détruit ce que Dieu avait rendu parfait»; et du Seigneur : « Pour le juste, qu’a-t-il fait? » lui qu’ils accusaient de détruire la loi, tandis qu’eux-mêmes en détruisaient les préceptes par une vie coupable, et les méprisaient jusqu’à les remplacer par leurs traditions. Alors Jésus-Christ, selon sa coutume, parlerait dans son humanité, et dirait: « Ma confiance est dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme : Va, passereau, vers les montagnes? » répondant ainsi aux menaces de ceux qui le cherchaient pour le prendre et le crucifier. Alors les pécheurs voulaient décocher leurs flèches sur les justes ou sur ceux qui croyaient en Jésus-Christ, et l’obscurité de la lune peut fort bien désigner la synagogue remplie d’hommes pervers. C’est à cela que se rapporterait ce passage: « Le Seigneur habite son saint temple; le Seigneur a son trône dans le ciel », c’est-à-dire le Verbe, ou le Fils de Dieu qui est dans le ciel, habite aussi dans l’homme. « Ses yeux regardent le pauvre », c’est-à-dire cet homme dont il s’est revêtu, tout Dieu qu’il était, ou celui pour lequel il a souffert dans son humanité. « Ses paupières interrogent les enfants des hommes ». Fermer les yeux, puis les ouvrir, voilà probablement ce qu’il désigne sous le nom de paupières, et que nous pouvons entendre de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ ; car alors il éprouva les fils des hommes ou ses disciples, que sa mort avait effrayés, et que réjouit sa résurrection. « Le Seigneur interroge le juste et l’impie », en gouvernant l’Eglise du haut du ciel. « Mais celui-là hait son âme qui aime l’iniquité », et la suite nous en montre la raison. Ce passage : « Il fera pleuvoir des piéges sur l’impie », ainsi que le reste du psaume jusqu’à la fin, doit s’entendre dans le sens indiqué plus haut. (178)

 

 

 

 

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