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LE XXI MARS. SAINT BENOÎT, ABBÉ.
Quarante jours s'étaient à peine écoules depuis l'heureux
moment où la blanche colombe du Cassin s'éleva au plus haut des cieux; et
Benoît, son glorieux frère, montait à son tour, par un chemin lumineux, vers le
séjour de bonheur qui devait les réunir à jamais. Le départ de l'un et de
l'autre pour la patrie céleste eut lieu dans cette période du Cycle qui
correspond, selon les années, au saint temps du Carême; mais souvent il arrive
que la fête de la vierge Scholastique a déjà été célébrée, lorsque la sainte
Quarantaine ouvre son cours; tandis que la solennité de Benoît tombe
constamment dans les jours consacrés à la pénitence quadragésimale. Le
Seigneur, qui est le souverain maître des temps, a voulu que ses fidèles, durant
les exercices de leur pénitence, eussent sous les yeux, chaque année, un si
illustre modèle et un si puissant intercesseur.
Avec quelle vénération profonde
nous devons approcher aujourd'hui de cet homme merveilleux, de qui saint
Grégoire a dit « qu'il fut rempli de l'esprit de tous les justes » ! Si nous
considérons ses vertus, elles l'égalent à tout ce que les annales de l'Eglise
nous présentent de plus saint; la charité de Dieu et du prochain, l'humilité,
le don de la prière, l'empire sur toutes les passions, en font un chef-d'œuvre
de la grâce
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du Saint-Esprit. Les signes
miraculeux éclatent dans toute sa vie par la guérison des infirmités humaines,
le pouvoir sur les forces de la nature, le commandement sur les démons, et
jusqu'à la résurrection des morts. L'Esprit de prophétie lui découvre l'avenir
; et les pensées les plus intimes des hommes n'ont rien de caché
aux yeux de son esprit. Ces traits surhumains sont relevés encore par une
majesté douce, une gravité sereine, une charité compatissante, qui brillent à
chaque page de son admirable vie ; et cette vie, c'est un de ses plus nobles
enfants qui l'a écrite : c'est le pape et docteur saint Grégoire le Grand, qui
s'est chargé d'apprendre à la postérité tout ce que Dieu voulut opérer de
merveilles dans son serviteur Benoît.
La postérité, en effet, avait
droit de connaître l'histoire et les vertus de l'un des hommes dont l'action
sur l'Eglise et sur la société a été le plus salutaire dans le cours des
siècles : car, pour raconter l'influence de Benoît, il faudrait parcourir lus
annales de tous les peuples de l'Occident, depuis le VII° siècle jusqu'aux âges
modernes. Benoît est le père de l'Europe; c'est lui qui, par ses enfants,
nombreux comme les étoiles du ciel et comme les sables de la mer, a relevé les
débris de la société romaine écrasée sous l'invasion des barbares; présidé à
l'établissement du droit public et privé des nations qui surgirent après la
conquête; porté l'Evangile et la civilisation dans L'Angleterre, la Germanie,
les pays du Nord, er jusqu'aux peuples slaves;
enseigné l'agriculture ; détruit l'esclavage ; sauvé enfin le dépôt des lettres
et des arts, dans le naufrage qui devait les engloutir sans retour, et laisser
la race humaine en proie aux plus désolantes ténèbres.
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Et toutes ces merveilles, Benoît
les a opérées par cet humble livre qui est appelé sa Règle. Ce code admirable
de perfection chrétienne et de discrétion a discipliné les innombrables légions
de moines par lesquels le saint Patriarche a opéré tous les prodiges que nous
venons d'énumérer. Jusqu'à la promulgation de ces quelques pages si simples et
si touchantes, l'élément monastique, en Occident, servait à la sanctification
de quelques âmes; mais rien ne faisait espérer qu'il dût être, plus qu'il ne
l'a été en Orient, l'instrument principal de la régénération chrétienne et de
la civilisation de tant de peuples. Cette Règle est donnée ; et toutes les
autres disparaissent successivement devant elle, comme les étoiles pâlissent au
ciel quand le soleil vient à se lever. L'Occident se couvre de monastères, et
de ces monastères se répandent sur l'Europe entière tous les secours qui en ont
fait la portion privilégiée du globe.
Un nombre immense de saints et de
saintes qui reconnaissent Benoit pour leur père, épure et sanctifie la société
encore à demi-sauvage ; une longue série de
souverains Pontifes, formés dans le cloître bénédictin, préside aux destinées
de ce monde nouveau, et lui crée des institutions fondées uniquement sur la loi
morale, et destinées à neutraliser la force brute, qui sans elles eût prévalu;
des évoques innombrables, sortis de l'école de Benoît, appliquent aux provinces
et aux cités ces prescriptions salutaires ; les Apôtres de vingt nations
barbares affrontent des races féroces et incultes, portant d'une main
l'Evangile et de l'autre la Règle de leur père; durant de longs siècles, les
savants, les docteurs, les instituteurs de l'enfance, appartiennent presque
tous
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à la famille du grand Patriarche
qui, par eux, dispense la plus pure lumière aux générations. Quel cortège
autour d'un seul homme, que cette armée de héros de toutes les vertus, de
Pontifes, d'Apôtres, de Docteurs, qui se proclament ses disciples, et qui
aujourd'hui s'unissent à l'Eglise entière pour glorifier le souverain Seigneur
dont la sainteté et la puissance ont paru avec un tel éclat dans la vie et les
œuvres de Benoît !
Lisons maintenant le récit liturgique de quelques-uns des
traits de sa vie, dans les Leçons que L'Eglise a rédigées pour sa fête.
Benedictus , Nursiae
nobili genere ortus, Romse liberalibus disciplinis eruditus, ut totum se Jesu Christo daret, ad eum locum qui Sublacus dicitur, in altissimam speluncam penetravit : in qua sic per triennium delituit , ut unus id sciret Romanus monachus, quo ad vinu necessitatem ministrq utebatur. Dum igitur ei
quodam die ardentes ad libidinem
faces a diabolo subjicerentur, se in vepribus tamdiu volutavit, dum laccrato corpore, voluptatis sensus dolore opprimeretur. Sed jam erumpente ex illis latebris fama ejus sanctitatis,
quidam monachi se illi instituendos tradiderunt :
quorum Vivendi licentia cum ejus
objurgationes
ferre non posset, venenum in potione ei dare
constituunt. Verum poculum ei praebentibus , crucis signo vas confregit, ac relicto monasterio
in solitudinem se recepit.
Sed cum multi ad eum quotidie discipuli convenirent, duodecim monasteria ædificavit , eaque sanctissimis
legibus communivit. Postea Cassinum migravit, ubi simulacrum Apollinis, qui adhuc ibi colebatur,
comminuit, aram evertit, et lucos succendit : ibique sancti Martini sacellum et sancti Johannis ædiculam exstruxit : oppidanos autem et incolas christianis præceptis imbuit. Quare augebatur in dies magis divina
gratia Benedictus, ut etiam prophetico spiritu ventura prædiceret. Quod ubi
accepit Totila Gothorum rex exploraturus an res ita esset, spatharium suum
regio ornatu et comitatu præmittit, qui se regem simularet. Quem ut ille vidit : Depone, inquit, fili, depone quod geris; nam tuum
non est. Totilæ vero prædixit adventum ejus in Urbem, maris transmissionem , et post novem annos mortem.
Qui aliquot mensibus
antequam evita migraret, præmonuit discipulos quo die esset moriturus : ac sepulcrum, in quo suum corpus condi vellet, sex diebus antequam
eo inferretur, aperiri jussit: sextoque die deferri volait in ecclesiam
: ubi sumpta Eucharistia, sublatis in cœlum oculis orans, in-ter manus discipulorum efflavit animam : quam duo monachi euntem in cœlum viderunt pallio ornatam pretiosissimo, circum eam fulgentibus
lampadibus, et clarissima
et gravissima specie virum stantem supra caput ipsius dicentem audierunt: Hæc est via, qna dilectus Domini Benedictus in cœlum ascendit.
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Benoît, né à Nursie de famille
noble, après avoir commencé ses études à Rome, se retira dans une profonde
caverne au lieu appelé Sublac, afin de se donner
tout entier à Jésus-Christ. Il y vécut pendant trois ans dans une si profonde
retraite, qu'il n'était connu que d'un seul moine nommé Romain, qui lui
fournissait les choses nécessaires à la vie. Le démon avant un jour excité en
lui une violente tentation d'impureté, il se roula sur des épines jusqu'à ce
que son corps étant tout déchiré, le sentiment du plaisir fût entièrement
étouffé par la douleur. La renommée de sa sainteté s'étant répandue au dehors
de sa retraite, quelques moines se donnèrent à lui
pour être sous sa conduite. Ces hommes n'ayant pu souffrir les corrections
que leur vie licencieuse obligeait le saint de leur faire, ils résolurent de
lui donner du poison dans un breuvage; mais lorsqu'ils le lui présentèrent à
boire, Benoît, ayant fait le signe de la croix sur le vase, le brisa; et,
quittant le monastère, il s'en retourna dans sa solitude.
D'autres disciples,
et en grand nombre, vinrent se ranger sous sa discipline ; il leur
bâtit douze monastères qu'il régla par de très saintes lois. Il se rendit
ensuite au Mont-Cassin, où il brisa une idole d'Apollon qu'on y adorait encore,
renversa l'autel, et détruisit le
bois sacré. Il éleva
en ce lieu une chapelle à saint
Martin, et une autre à saint Jean, et il enseigna aux. habitants de la contrée les préceptes de la religion chrétienne. Benoit croissait
de jour en jour dans la grâce de Dieu, en sorte qu'il prédisait même l'avenir
par un esprit prophétique. Ce qui ayant été rapporté à Totila, roi des Goths,
ce prince, voulant éprouver s'il en était ainsi, l'alla trouver,
envoyant d'avance son écuyer
qui contrefaisait le roi, et à
qui il avait donné l'équipage et les
ornements royaux. Dès que Benoît l'eut aperçu, il lui dit : Mettez bas, mon fils, mettez bas ce que vous portez :
car il ne vous appartient pas. Il prédit à Totila lui-même ce qui devait lui
arriver: qu'il entrerait dans Rome, qu'il passerait la mer, et qu'il mourrait
au bout de neuf ans.
Quelques mois avant de sortir de cette vie, il annonça à
ses disciples le jour de sa mort, et
il fit ouvrir le tombeau dans lequel
il voulait être inhumé, six jours avant que l'on y déposât son corps . L e sixième jour, il se fit porter à l'église, où, après avoir reçu l'Eucharistie, levant les yeux au ciel dans la prière, il rendit son âme entre les bras de ses
disciples. Deux moines virent cette
âme qui montait au ciel, ornée d'un
manteau très précieux, et environnée de flambeaux éclatants de
lumière; et ils entendirent un homme vénérable et tout resplendissant qui
était au-dessus de la tête du saint, et qui leur disait : Ceci est le chemin
par lequel Benoit, le bien-aimé du Seigneur, est monte au ciel.
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L'Ordre Bénédictin célèbre son illustre Patriarche par les
trois Hymnes suivantes.
HYMNE.
Laudibus cives resonent canoris,
Templa solemnes modulentur hymnos :
Hac die summi
Benedictus arcem
Scandit Olympi.
Ille florentes peragebat annos.
Cum puer dulcis patriæ penates
Liquit, et solus latuit silenti
Conditus antro.
Inter urticas rigidosque sentes
Vicit altricem scelerum juventam :
Inde conscripsit documenta vitæ
Pulchra beatae.
Aeream turpis
Clarii figuram,
Et nemus stravit Veneri dicatum,
Atque Baptistas posuit sacrato
Monte sacellum.
Jamque felici
residens Olympo,
Inter ardentes Seraphim catervas,
Spectat, et dulci reficit clientum
Corda liquore.
Gloria Patri, genitaeque Proli,
Et tibi, compar utriusque semper
Spiritus aime , Deus unus omni
Tempore saecli. Amen.
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Faites entendre, ô fidèles, des chants harmonieux ;
temples, retentissez d'hymnes
solennelles :
aujourd'hui Benoît s'élève
dans les hauteurs des cieux.
C'est à l'âge où
la vie commence à fleurir,
qu'on le vit enfant quitter une patrie qui lui était chère, et se retirer
seul au fond d'un antre silencieux.
Sur les buissons semés d'orties et d'épines, il terrassa
les passions coupables de la jeunesse : par la il devint digne d'écrire les
règles admirables de la vie parfaite.
Il renversa la statue d'airain du profane Apollon : il
détruisit le bois consacre à Vénus; et sur le sommet de la sainte montagne il
éleva un temple à Jean-Baptiste.
Maintenant, fixé dans l'heureuse région du ciel, mêlé au
chœur ardent des Séraphins, il voit encore ses protégés, et ranime leurs âmes
de ses douces influences.
Gloire au Père et au Fils qu'il engendre ! à vous honneur
égal, Esprit de l'un et de l'autre ! gloire au Dieu unique dans tout le cours
des siècles ! Amen.
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IIe HYMNE
Quidquid antiqui
cecinere Vates,
Quidquid aeternæ monimenta legis,
Continet nobis celebranda summi
Vita Monarchae.
Extulit Mosen pietas benignum,
Inclytum proies Abraham decorat,
Isaac sponsæ decus, et severi
Jussa parentis.
Ipse virtutum
cumulis onustus,
Celsior nostri Patriarcha cœtus
Isaac, Mosen,
Abraham sub uno
Pectore clausit.
Ipse, quos
mundi rapuit procellis,
Hic pius flatu statuat secundo,
Pax ubi nullo, requiesque gliscit
Mista pavore.
Gloria Patri, genitæque Proli,
Et tibi, compar utriusque semper
Spiritusalme, Deus unus,
omni
Tempore sæcli. Amen.
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Tout ce que chantèrent les anciens Prophètes, tout ce que
contiennent les livres de la loi éternelle, la vie de notre grand Patriarche
l'a reproduit avec gloire.
La piété glorifia Moïse, le plus doux des hommes; le grand
Abraham s'est illustré dans son fils; l'honneur d'Isaac parut dans la beauté
de son épouse et dans sa soumission à l'ordre rigoureux de son père.
Chargé d'une ample moisson de vertus, l'auguste Patriarche
de notre famille a réuni en lui Moïse, Abraham et Isaac.
Qu'il daigne être propice à ceux qu il a sauvés du
naufrage du monde ; que son souffle bienfaisant les pousse au port où règne
un doux repos que l'inquiétude ne trouble jamais.
Gloire au Père et au Fils qu'il engendre! à vous honneur
égal, Esprit de l'un et de l'autre ! gloire au Dieu unique dans tout le cours
des siècles !
Amen.
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Cette troisième Hymne du Bréviaire monastique a été composée
par le célèbre Pierre le Vénérable, abbé de Cluny et ami de saint Bernard.
IIIe HYMNE.
Inter æternas superum coronas,
Quas sacro
partas retinent agone,
Emicas celsis meritis coruscus,
O Benedicte.
Sancta te compsit puerum senectus,
Nil sibi de te rapuit voluptas,
Aruit mundi tibi flos ad
alta
Mente levato.
Hinc fuga lapsus, patriam, parentes
Deseris, fervens nemorum colonus,
Edomas carnem, subigisque
Christo Tortor acerbus.
Ne diu tutus latebras foveres,
Signa te produnt operum piorum,
Spargitur felix celeri per orbem
Fama volatu.
Gloria Patri, genitæque Proli,
Et tibi, compar utriusque semper
Spiritus alme , Deus
unus, omni
Tempore sæcli. Amen.
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Au milieu des héros qui portent dans les cieux la couronne
immortelle qu'ils méritèrent dans leur lutte sacrée, tu brilles, ô Benoit, de
l'éclat de tes mérites sublimes.
Dès l'enfance, la sagesse d'un vieillard régla ta vie ;
l'amour des voluptés ne gagna rien sur toi, la fleur du monde sembla vile et
fanée à tes yeux accoutumés à regarder le ciel.
Par une fuite généreuse, tu quittas patrie et famille ; courageux habitant du désert, tu triomphas de la chair, et
devenu son tyran, tu l'assujettis au Christ;
Mais le secret des antres ne couvrit pas longtemps ta
gloire; tes prodiges, tes saintes œuvres te trahirent bientôt; et l'heureuse
renommée de tes mérites vola promptement par le monde.
Gloire au Père et au Fils qu'il engendre ! à vous honneur
égal, Esprit de l'un et de l'autre ! gloire au Dieu unique, dans tout le
cours des siècles !
Amen.
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544
La Prose suivante orne la Messe de saint Benoît, dans le
Missel monastique.
SÉQUENCE.
Laeta quies
magni ducis,
Dona ferens novæ lucis,
Hodie recolitur.
Charis datur
piae menti.
Corde sonet
in ardenti
Quidquid foris promitur.
Hunc per callem Orientis
Admiremur ascendentis
Patriarchæ speciem.
Amplum semen
magnae prolis
Illum fecit instar solis,
Abrahae persimilem.
Corvum cernis
ministrantem :
Hinc Eliam latitantem
Specu nosce parvulo.
Eliseus dignoscatur.
Cum securis revocatur
De torrentis alveo.
Illum Joseph
candor morum,
Illum Jacob futurorum,
Mens effecit conscia.
Ipse memor
suae gentis,
Nos perducat in manentis
Semper Christi gaudia.
Amen.
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Cette journée qui resplendit d'un éclat nouveau, est celle
où notre grand chef entra dans son repos.
La grâce a visite l'âme filiale de ses enfants ; que leurs
chants soient dignes de l'amour qui enflamme leurs cœurs.
Admirons notre Patriarche qui s'élève par un chemin
céleste, à l'orient.
L'innombrable famille sortie de lui l'a fait l'égal
d'Abraham semblable au soleil.
C'est Elie cache au fond de son antre ; un corbeau exécute
ses ordres.
C'est Elisée, quand il retire la hache tombée au fond du
lac.
Par la pureté de sa vie il ressemble à Joseph; par son
esprit prophétique il retrace Jacob.
Qu'il daigne se souvenir des enfants dont il est le Père,
et qu'il nous conduise aux joies éternelles
du Christ qui demeure à jamais
! Amen.
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L'Eglise grecque n'a point omis les louanges du grand Abbé
des occidentaux, dans sa Liturgie. Nous plaçons ici quelques-unes des strophes
qu'elle a consacrées, dans les Menées, à célébrer ses mérites et sa gloire.
(DIE XXI MARTII.)
Mihi laudabilem
moriam tuam , o sancte, hymnis
celebrare aggresso, gratiam ac peccatorum
omnium remissionem tribui,
Benedicte, Sancto deprecare.
In eremo tuam a
pueritia crucem tollens, Omnipotentem insecutus es, atque carne mortificata
vitam, o beatissime, promeruisti.
Angusta semita
calcata pedem in Paradisi latitudine fixisti, o prorsus beate, ac dremonum
calliditates et insidias elusisti.
Lacrymarum
tuarum profluviis fructiferi ligni instar irrigatus, o Benedicte, divinos
virtutum ac miraculorum fructus, Dei virtute, ubertim attulisti.
Per
continentia: certamina, o beatae, carnis membris mortiticatis, mortuos
precibus exsuscitasti, ac debilibus expeditam gradiendi vim tradidisti,
morbumque omnem curasti, cum fide in admiratione habitus, o Pater.
Siccas atque
aridas animas vivifico sermone tuo, o beate, frugiferas reddidisti,
miraculorum exhibitione, et pastor divinitus inspiratus, et speciosissimus
monachorum decor effectus.
Misericordem
Deum deprecatus, sapiens pater, olei thecam, quemadmodum Elias, illico
replevisti, o beatissime, a videntibus cum fide in admiratione habitus.
Utpote mente
purus, utpote extra te raptus, universam terram conspexisti, ceu ab unico
radio Dei te honorantis illustratus, o beatissime Benedicte.
In Christo
imperans fontis aquam, precibus bonorum datorem obsecrans, emanare fecisti, quae miraculum depraedicans, o Benedicte,
adhuc perseverat.
Spiritus
splendore collustratus, pravorum etiam dæmonum tenebras dissipasti, o
miraculorum patrator Benedicte, splendidissimum monachorum luminare.
Te, o beate,
venenatis potionibus interimere
insipienter volentes, quem divina universi Creatoris manus custodiebat,
insipientes confusi sunt Quos prævia tua per Spiritum scientia deprehendit.
Te monachorum
turbæ a te convocatæ diu noctuque concélébrant, corpus tuum in medio positum
servantes, quod largos miraculorum fluvios effundit, o pater sapiens,
eorumque gressus perenni lumine collustrat.
Divinis
mandatis obsecutus, o pater, super solares radios effulsisti , atque ad
inocciduum translatus es, exorans propitiationem peccatorum concedi iis, qui
te cum fide colunt, celebris Benedicte.
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J'entreprends, ô Benoît, de célébrer par une hymne ton
illustre mémoire ; obtiens-moi par tes prières la grâce du Seigneur, et la
rémission de tous mes péchés.
Dès l'enfance, tu portas la croix au désert, tu suivis le Tout-Puissant, et, mortifiant ta chair, tu méritas la
vie, o bienheureux !
Marchant dans le sentier étroit, tu t'es établi dans les
vastes plaines du Paradis, vainqueur des ruses et des embûches du démon, ô
bienheureux !
Semblable à un arbre fécond, tu as été arrosé de tes
larmes, ô Benoit ! la vertu de Dieu t'a fait produire en abondance le fruit
divin des signes et des prodiges.
Les membres de ta chair subirent le joug de la pénitence,
au milieu des combats de la chasteté, ô bienheureux ! En retour, tes prières
ont ressuscité les morts, tu as
rendu la vigueur aux boiteux, tu as guéri toutes sortes de
maladies, ô Père! qui attirais la foi et l'admiration.
Ta parole vivifiante, ô bienheureux ! a rendu fécondes des
âmes sèches et arides, à la vue de tes prodiges. Pasteur divinement inspiré,
tu es devenu la plus éclatante gloire des moines.
Tu t'adressas au Dieu plein de miséricorde, ô père comblé
de sagesse ! comme Elie, tu remplis tout à coup le vase d'une huile
miraculeuse, ô bienheureux ! qui attirais la foi et l'admiration.
Ravi hors de toi-même, à cause de la pureté de ton âme, la
terre entière parut à tes regards, comme dans un rayon de la gloire de Dieu,
qui daignait t'éclairer de sa lumière, ô bienheureux Benoît !
Tu commandes au nom du Christ ; et une source d'eau vive
se met à couler, par l'effet de ta prière à l'auteur de tout bien; cette
fontaine, monument du prodige, coule encore aujourd'hui, ô Benoit!
Tout éclatant de la splendeur de l'Esprit-Saint,
tu as dissipé les ténèbres des démons pervers, ô Benoit, opérateur de
prodiges, lumineux flambeau des moines !
On voulut, ô bienheureux! te faire périr par un breuvage empoisonné, toi que
protégeait la divine main du Créateur de l'univers ,
ces insensés furent confondus; ta science par l'Esprit-Saint
avait deviné leur malice.
Les chœurs des moines que tu as rassemblés te célèbrent le
jour et la nuit ; ils conservent ton corps au milieu du sanctuaire ; de ce
sacré corps émane une source abondante de miracles, et une lumière qui
éclaire continuellement les pas de tes enfants, ô père plein de sagesse !
Par ton obéissance aux divins préceptes, ton éclat, ô
père, surpasse les rayons du soleil ; élevé jusqu'à cette région où la
lumière ne se couche pas, obtiens le pardon de leurs péchés à ceux qui
t'honorent avec foi, illustre Benoît!
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Nous vous saluons avec amour, ô Benoît, vase d'élection,
palmier du désert, homme angélique ! Quel mortel a été choisi pour opérer sur
la terre plus de merveilles que vous n'en avez accompli? Le Christ vous a
couronné comme l'un de ses principaux coopérateurs dans l'œuvre du salut et de
la sanctification des hommes. Qui pourrait compter les millions d'âmes qui vous
doivent la béatitude éternelle, soit que votre Règle immortelle les ait
sanctifiées dans le cloître, soit que le zèle de vos fils ait été pour elles le
moyen de connaître et de servir le grand Dieu qui vous a élu ? Autour de vous,
dans le séjour de la gloire,
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un nombre immense de bienheureux se
reconnaît redevable à vous, après Dieu, de la félicité éternelle; sur la terre,
des nations entières professent la vraie foi, parce qu'elles ont été évangélisées
par vos disciples.
O Père de tant de peuples,
abaissez vos regards sur votre héritage, et bénissez encore cette Europe
ingrate qui vous doit tout, et qui a presque oublié votre nom. La lumière que
vos enfants lui apportèrent a pâli; la chaleur par laquelle ils vivifièrent les
sociétés qu'ils fondèrent et civilisèrent par la Croix, s'est refroidie; les
ronces ont couvert en grande partie le sol dans lequel ils jetèrent la semence
du salut : venez au secours de votre œuvre ; et, par vos prières, retenez la
vie qui menace de s'éteindre. Consolidez ce qui est ébranlé; et qu'une nouvelle
Europe, une Europe catholique, s'élève bientôt à la place de celle que
l'hérésie et toutes les fausses doctrines nous ont faite.
O Patriarche des Serviteurs de
Dieu, considérez du haut du ciel la Vigne que vos mains ont plantée, et voyez à
quel état de dépérissement elle est déchue. Jadis, en ce jour, votre nom était
loué comme celui d'un Père dans trente mille monastères, des cotes de la
Baltique aux rivages de la Syrie, de la verte Erin aux steppes de la Pologne :
maintenant, on n'entend plus retentir que de rares et faibles concerts, qui
montent vers vous du sein de cet immense patrimoine que la foi et la
reconnaissance des peuples vous avaient consacré. Le vent brûlant de l'hérésie
a consumé une partie de vos moissons, la cupidité a convoité le reste, et la
spoliation depuis .les siècles ne s'est jamais arrêtée dans son cours, soit
qu'elle ait appelé la politique à son aide, soit qu'elle ait eu
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recours à la violence ouverte. Vous
avez été dépossédé, ô Benoit, de ces milliers de sanctuaires qui furent si
longtemps pour les peuples le principal foyer de vie et de lumière ; et la race
de vos enfants s'est presque éteinte. Veillez, ô Père, sur leurs derniers
rejetons. Selon une antique tradition, le Seigneur vous révéla un jour que
votre filiation devait persévérer jusqu'aux derniers jours du monde, que vos
enfants combattraient pour la sainte Eglise Romaine, et qu'ils confirmeraient
la foi de plusieurs, dans les suprêmes épreuves de l'Eglise; daignez, par votre
bras puissant, protéger les débris de cette famille qui vous nomme encore son
Père. Relevez-la, multipliez-la, sanctifiez-la; faites fleurir chez elle
l'esprit que vous avez déposé dans votre Règle sainte, et montrez par vos
œuvres que vous êtes toujours le béni
du Seigneur.
Soutenez la sainte Eglise par
votre intercession puissante, ô Benoît! Assistez le Siège Apostolique, si
souvent occupé par vos enfants. Père de tant de Pasteurs des peuples,
obtenez-nous des Evêques semblables à ceux que votre Règle a formés. Père de
tant d'Apôtres, demandez poulies pays infidèles des envoyés évangéliques qui
triomphent par le sang et par la parole, comme ceux qui sortirent de vos
cloîtres. Père de tant de Docteurs, priez, afin que la science des saintes
lettres renaisse pour le secours de l'Eglise et pour la confusion de l'erreur.
Père de tant d'Ascètes sublimes, réchauffez le zèle de la perfection
chrétienne, qui languit au sein de nos chrétientés modernes. Patriarche de la
Religion dans l'Occident, vivifiez tous les Ordres Religieux que l'Esprit-Saint a donnés successivement à l'Eglise; tous vous
regardent avec respect comme un ancêtre
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vénérable ; répandez sur eux tous
l'influence de votre paternelle charité.
Enfin, ô Benoît, ami de Dieu,
priez pour les fidèles du Christ, en ces jours consacrés aux sentiments et aux
œuvres de la pénitence. C'est du sein même de la sainte Quarantaine que vous
vous êtes élancé vers le séjour des joies éternelles: soyez propice aux
chrétiens qui combattent en ce moment dans cette même arène. Elevez leur
courage par vos exemples et par vos préceptes; qu'ils apprennent de vous à
dompter la chair, à la soumettre à l'esprit; qu'ils recherchent comme vous la
retraite, pour y méditer les années éternelles ; qu'ils détachent leur cœur et
leurs pensées des joies fugitives du monde. La piété catholique vous invoque
comme l'un des patrons et des modèles du chrétien mourant ; elle se souvient du
spectacle sublime qu'offrit votre trépas, lorsque debout au pied de l'autel,
soutenu sur les bras de vos disciples, touchant à peine la terre de vos pieds,
vous rendîtes votre âme à son Créateur, dans la soumission et la confiance ;
obtenez-nous, ô Benoît, une mort courageuse et tranquille comme la vôtre.
Ecartez de nous, à ce moment suprême, toutes les embûches de l'ennemi ;
visitez-nous par votre présence, et ne nous quittez pas que nous n'ayons exhalé
notre âme dans le sein du Dieu qui vous a couronné.
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