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LE MÊME JOUR. SAINT GABRIEL, ARCHANGE.Jusqu’ici, nous n avons encore rencontré sur le Cycle aucune fête consacrée à l'honneur des saints Anges; mais au milieu des splendeurs de la nuit de Noël, nous mêlâmes nos voix joyeuses et timides aux divins concerts que faisaient entendre les Esprits célestes au-dessus de l'humble berceau de l'Emmanuel. Cet heureux souvenir émeut encore d'une douce allégresse nos cœurs attristés par la pénitence et par l'approche du douloureux anniversaire de la mort du Rédempteur. Aujourd'hui, faisons un peu trêve aux sévères pensées du Carême pour fêter l'Archange Gabriel; plus tard, Michel. Raphaël et l'immense armée de nos célestes Gardiens recevront nos hommages ; mais il était juste que Gabriel fût salué de nos acclamations en ce jour. Encore une semaine, et nous le verrons descendre sur la terre comme le céleste ambassadeur de la glorieuse Trinité près de la plus pure des vierges : c'est donc avec raison que les enfants de l'Eglise se recommandent à lui pour apprendre à célébrer dignement le mystère ineffable dont il fut ici-bas le messager. Gabriel appartient aux plus hautes hiérarchies des Esprits angéliques ; il assiste devant la face de Dieu, comme il le dit lui-même à Zacharie (1). 1. Luc. 1, 19. 5o4 Les missions qui concernent le salut des hommes par l'incarnation du Verbe lui sont réservées, parce que c'est dans ce mystère, si humble en apparence, qu'éclate principalement la force de Dieu : or, le nom de Gabriel signifie Force de Dieu. Des l'Ancien Testament, l'Archange a préludé à ce sublime emploi. Nous le voyons d'abord se manifester à Daniel, après la vision qu'a eue ce Prophète sur les deux empires des Perses et des Grecs; et tel est l'éclat dont il brille, que Daniel tombe anéanti à ses pieds (1). Peu après, Gabriel reparaît encore ; et c'est pour annoncer au même Prophète le temps précis de la venue du Messie : dans soixante-dix semaines d'années, lui dit-il, la terre aura vu le Christ-Roi (2). Lorsque les temps sont accomplis, et que le Ciel a résolu de faire naître le dernier des Prophètes, celui qui, après avoir averti les hommes de la prochaine manifestation du divin Envoyé, doit le montrer au peuple comme l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde, Gabriel descend du ciel dans le temple de Jérusalem, et prophétise au prêtre Zacharie la naissance de Jean-Baptiste, prélude de celle de Jésus lui-même. Après six mois, le saint Archange reparaît sur la terre, et, cette fois, c'est à Nazareth qu'il se montre. Il apporte du ciel la grande nouvelle. Sa céleste nature s'incline devant une fille des hommes ; il vient proposer à Marie, de la part de Jéhovah, l'honneur de devenir la Mère du Verbe éternel. C'est lui qui reçoit le consentement de la Vierge ; et quand il quitte la terre, il la laisse en possession de celui qu'elle attendait comme la rosée des cieux (3). 1. Dan. VIII, 17. — 2. Ibid. IX, 21. — 3. Isai. XLV, 8. 5o5 Mais l'heure est venue où la Mère de l'Emmanuel doit donner aux hommes le fruit béni de ses chastes entrailles. La naissance de Jésus s'accomplit dans le mystère et la pauvreté; toutefois, le Ciel ne veut pas que l'enfant de la crèche demeure sans adorateurs. Un Ange apparaît aux bergers des campagnes de Bethléhem, et les convoque à l'humble berceau du nouveau-né. Il est accompagné d'un nombre immense d'Esprits célestes qui font entendre les plus ravissants concerts, et chantent: Gloire à Dieu et Paix aux hommes! Quel est cet Ange supérieur qui parle seul aux bergers, et dont les autres Anges forment comme la cour ? De graves docteurs catholiques nous enseignent que cet Ange est Gabriel, qui continue son ministère de messager de la bonne nouvelle. Enfin, lorsque Jésus, dans le jardin de Gethsé-mani, à l'heure qui précède sa Passion, éprouve dans son humanité les terreurs du fatal calice, un Ange paraît auprès de lui, non seulement comme témoin de sa cruelle agonie, mais pour fortifier son courage. Quel est cet Ange que le saint Evangile ne nomme pas? De pieux et savants hommes voient encore en lui Gabriel ; et cette pensée est confirmée par un monument liturgique que nous reproduisons ici, et qui est revêtu de l'approbation du Siège Apostolique. Tels sont les titres du sublime Archange aux hommages des chrétiens; tels sont les traits par lesquels il justifie son beau nom de Force de Dieu. En effet, Dieu l'a associé à toutes les phases du grand œuvre dans lequel il a manifesté davantage sa puissance : car Jésus-Christ jusque sur la croix est, nous dit l'Apôtre, la force de Dieu(1). 1. I Cor. I, 24. 5o6 Or, Gabriel intervient à chaque pas, pour lui préparer la voie. Il annonce d'abord l'époque précise de sa venue; dans la plénitude des temps, il vient révéler la naissance du Précurseur ; bientôt il assiste comme témoin céleste au mystère du Verbe fait chair ; à sa voix, les bergers de Bethléhem, prémices de l'Eglise, viennent adorer le Fils de Dieu; et lorsque l'humanité de Jésus aux abois doit recevoir le secours d'une main créée , Gabriel se retrouve au Jardin des douleurs , comme il avait paru à Nazareth et à Bethléhem. Honorons donc en lui l'Ange de l'Incarnation, et offrons-lui humblement en ce jour quelques-uns des cantiques que la piété liturgique lui a consacrés. Nous donnons ici d'abord deux Hymnes empruntées au Bréviaire Franciscain. Ire HYMNE.
IIe HYMNE.
5o8 Le Bréviaire des Dominicains nous fournit, à son tour, cette belle Hymne en l'honneur du saint Archange. HYMNE.
510 Le genre humain tout entier vous est redevable. o Gabriel! et nous acquittons aujourd'hui sa dette de reconnaissance envers vous. Du haut du ciel, vous considériez avec une sainte compassion nos malheurs: car toute chair avait corrompu sa voie, et l'oubli de Dieu devenait de plus en plus universel sur la terre. C'est alors que vous recevez du Très-Haut la mission d'apporter la bonne nouvelle à ce monde qui allait périr. Qu'ils sont beaux, vos pas, ô Prince céleste, lorsque vous vous élancez du séjour de la gloire vers notre humble demeure ! Qu'il est tendre et fraternel, votre amour pour l'homme, dont la nature si intérieure à la vôtre va être élevée à l'honneur sublime de l'union avec Dieu même ! Avec quel respect vous approchez de la Vierge qui surpasse en sainteté toutes les hiérarchies angéliques! Heureux messager de notre salut, vous que le Seigneur appelle quand il veut déployer la force de son bras, daignez offrir l'hommage de notre gratitude à celui qui vous envoya. Aidez-nous à acquitter notre dette immense envers le Père « qui a tant aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique (1) » : envers le Fils « qui s'est anéanti en prenant la forme d'esclave (2) » ; envers l'Esprit divin « qui s'est reposé sur la Fleur sortie de la tige de Jessé (3) ». C'est vous, ô Gabriel ! qui nous avez enseigné la salutation que nous devons présenter à « Marie, pleine de grâce ». C'est du ciel que vous avez apporté ces sublimes paroles; le premier, vous les avez prononcées ; les enfants de l'Eglise qui les ont apprises de vous les répètent par toute la I. JOHAN, m, 16. — 2. PHILIP, II, 7. — 3. ISAI. XI, 1-2. 511 terre, le jour et la nuit : obtenez que notre grande Reine les agrée toujours de notre bouche. Ange de force, ami des hommes, continuez en notre faveur votre auguste ministère. Nous sommes environnés d'ennemis terribles ; notre faiblesse accroît encore leur audace; venez à notre secours, fortifiez notre courage. Assistez les chrétiens, en ce temps de conversion et de pénitence; faitesnous comprendre tout ce que nous devons à Dieu, après cet ineffable mystère de l'Incarnation dont vous fûtes le premier témoin. Nous avons oublié nos devoirs envers l'Homme-Dieu, et nous l'avons offensé: éclairez-nous, afin que nous soyons désormais fidèles à ses leçons et à ses exemples. Elevez nos pensées vers l'heureux séjour que vous habitez; aidez-nous à mériter dans les rangs de votre sublime hiérarchie les places que la défection des mauvais anges a laissées vacantes, et qui sont réservées aux élus de la terre. Priez, ô Gabriel, pour l'Eglise militante, et défendez-la contre l'enfer. Les temps sont mauvais ; les esprits de malice sont déchaînés : nous ne pourrions subsister devant eux, sans le secours du Seigneur. C'est par les saints Anges qu'il donne la victoire à son Epouse. Paraissez au premier rang. Archange force de Dieu. Repoussez l'hérésie, contenez le schisme, dissipez la fausse sagesse, confondez la vaine politique, réveillez l'indifférence : afin que le Christ que vous avez annonce règne sur la terre qu'il a rachetée, et que nous puissions chanter avec vous et avec toute la milice céleste : Gloire à Dieu! paix aux hommes ! |