CYRILLE DE JÉRUSALEM

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GRÉGOIRE LE GRAND
PATRICE
CYRILLE DE JÉRUSALEM
GABRIEL
JOSEPH
BENOÎT
ANNONCIATION
FRANCOIS DE PAULE
ISIDORE
VINCENT FERRIER
MARIE EGYPTIENNE
JEAN DAMASCÈNE
JEAN DE CAPISTRAN

LE XVIII MARS. SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM,
ÉVÊQUE ET DOCTEUR DE L’ÉGLISE.

 

Il était juste qu'en ces jours consacrés à l'instruction des catéchumènes, la sainte Eglise honorât le Pontife dont le nom rappelle, mieux qu'aucun autre, le zèle et la science que doivent déployer les pasteurs dans la préparation de ses futurs membres au baptême. Longtemps cependant, la chrétienté latine borna ses hommages envers un si grand Docteur à la mention faite de lui, chaque année, en son martyrologe. Mais voici qu'à l'antique expression de sa reconnaissance pour des services rendus en des temps éloignés déjà de quinze siècles, se joint chez elle aujourd'hui, vis-à-vis de Cyrille, la demande d'une assistance rendue maintenant non moins nécessaire qu'aux premiers âges du christianisme Le baptême, il est vrai, se confère aujourd'hui dès l'enfance ; il met l'homme, par la foi infuse, en possession de la pleine vérité avant que son intelligence ait pu rencontrer le mensonge. Mais trop souvent, de nos jours, l'enfant ne trouve plus près de lui la défense dont ne peut se passer sa faiblesse ; la société moderne a renié Jésus-Christ, et son apostasie la pousse à étouffer, sous l'hypocrite neutralité de prétendues lois, le germe divin dans toute âme baptisée, avant qu'il ait pu fructifier et grandir. En face de la société comme dans l'individu, le baptême a ses

 

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droits cependant ; et nous ne pouvons honorer mieux saint Cyrille, qu'en nous rappelant, au jour de sa fête, ces droits du premier Sacrement au point de vue de l'éducation qu'il réclame pour les baptisés. Durant quinze siècles les nations d'Occident, dont l'édifice social reposait sur la fermeté de la foi romaine, ont maintenu leurs membres dans l'heureuse ignorance de la difficulté qu'éprouve une âme pour s'élever des régions de l'erreur à la pure lumière. Baptisés comme nous à leur entrée dans la vie, et dès lors établis dans le vrai, nos pères avaient sur nous l'avantage de voir la puissance civile défendre en eux, d'accord avec l'Eglise, cette plénitude de la vérité qui formait leur plus grand trésor, en même temps qu'elle était la sauvegarde du monde. La protection des particuliers est en effet le devoir du prince ou de quiconque, à n'importe quel titre, gouverne les hommes, et la gravité de ce devoir est en raison de l'importance des intérêts à garantir ; mais cette protection n'est-elle pas aussi d'autant plus glorieuse pour le pouvoir, qu'elle s'adresse aux faibles, aux petits de ce monde? Jamais la majesté de la loi humaine n'apparut mieux que sur les berceaux, où elle garde à l'enfant né d'hier, à l'orphelin sans défense, sa vie, son nom, son patrimoine. Or, l'enfant sorti de la fontaine sacrée possède des avantages qui dépassent tout ce que la noblesse et la fortune des ancêtres, unies à la plus riche nature, auraient pu lui donner. La vie divine réside en lui ; son nom de chrétien le fait l'égal des anges ; son patrimoine est cette plénitude de la vérité dont nous parlions tout à l'heure, c'est-à-dire Dieu même, possédé par la foi ici-bas, en attendant qu'il se découvre à son amour dans le bonheur de l'éternelle vision.

 

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Quelle grandeur donc en ces berceaux où vagit la faiblesse de l'enfance ! mais aussi quelle responsabilité pour le monde ! Si Dieu n'attend point, pour conférer de tels biens à la terre, que ceux auxquels ils sont départis soient en âge de les comprendre, c'est l'impatience de son amour qui se manifeste en cette hâte sublime ; mais c'est aussi qu'il compte sur le monde pour révéler au temps venu leur dignité à ces enfants des cieux, pour les former aux devoirs résultant de leur nom, pour les élever comme il convient à leur divin lignage. L'éducation d'un fils de roi répond à sa naissance ; ceux qu'on admet à l'honneur de l'instruire, s'inspirent dans leurs leçons de son titre de prince ; les connaissances communes à tous lui sont elles-mêmes présentées delà manière qui s'harmonise le mieux à sa destinée suréminente ; rien pour lui qui ne tende au même but : tout doit, en effet, concourir à le mettre en état de porter sa couronne avec gloire. L'éducation d'un fils de Dieu mérite-t-elle moins d'égards ; et peut-on davantage, dans les soins qu'on lui donne, mettre en oubli sa destinée et sa naissance?

Il est vrai : l'Eglise seule est capable, ici-bas, de nous expliquer l'ineffable origine des fils de Dieu ; seule elle connaît sûrement la manière dont il convient de ramener les éléments des connaissances humaines au but suprême qui domine la vie du chrétien. Mais qu'en conclure, sinon que l'Eglise est de droit la première éducatrice des nations? Lorsqu'elle fonde des écoles, à tous les degrés de la science elle est dans son rôle, et la mission reçue d'elle pour enseigner vaut mieux que tous les diplômes. Bien plus; s'il s'agit de diplômes qu'elle n'ait pas délivrés elle-même, l'usage de ces pièces civilement officielles tire sa

 

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première et principale légitimité, à l'égard des chrétiens, de son assentiment: il demeure soumis toujours, et de plein droit, à sa surveillance. Car elle est mère des baptisés; et la surveillance de l'éducation des enfants reste à la mère, quand elle ne fait pas cette éducation par elle-même.

Au droit maternel de l'Église, se joint ici son devoir d'Epouse du Fils de Dieu et de gardienne des sacrements. Le sang divin ne peut, sans crime, couler inutilement sur la terre; des sept sources par lesquelles l'Homme-Dieu a voulu qu'il s'épanchât à la parole des ministres de son Eglise, il n'en  est  pas une qui doive s'ouvrir  autrement qu'avec  l'espoir  fondé d'un  effet véritablement salutaire, et répondant au but du sacrement dont il est  tait usage.  Le saint baptême surtout, qui élève l'homme des profondeurs de son néant à la noblesse surnaturelle,  ne saurait échapper, dans son administration, aux règles d'une prudence d'autant plus vigilante que le titre divin qu'il confère est éternel. Le baptisé, ignorant volontaire ou forcé de ses devoirs et de ses droits, ressemblerait à ces fils de famille qui par leur faute ou non, ne connaissant rien des traditions de la race d'où ils sortent, en sont l'opprobre, et promènent inutilement  par le monde leur vie déclassée. Aussi, pas plus maintenant qu'au temps  de Cyrille de Jérusalem, l'Eglise ne peut  admettre,  elle n'a jamais admis personne à la fontaine sacrée, sans exiger dans le candidat au baptême la garantie d'une instruction suffisante : s'il est adulte, il doit tout d'abord faire par lui-même preuve  de sa science; si l'âge lui lait défaut et que l'Eglise néanmoins consente à l'introduire dans la famille chrétienne, c'est qu'en raison du christianisme de ceux-là même qui le présentent et de l'état social qui l'entoure, elle se

 

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tient assurée pour lui d'une éducation conforme à la vie surnaturelle devenue sienne au sacrement.

Ainsi a-t-il fallu l'affermissement incontesté de l'empire de l'Homme-Dieu sur le monde, pour que la pratique du baptême des enfants soit devenue générale comme elle l'est aujourd'hui ; et nous ne devons pas nous étonner si l'Eglise, à mesure que s'achevait la conversion des peuples, s'est trouvée seule investie de la tache d'élever les générations nouvelles. Les cours stériles des grammairiens, des philosophes et des rhéteurs, auxquels ne manquait que la seule connaissance nécessaire, celle du but de la vie, fuient désertés pour les écoles épiscopales et monastiques où la science du salut, primant toutes les autres, éclairait en même temps chacune d'elles de la vraie lumière. La science baptisée donna naissance aux universités, qui réunirent dans une féconde harmonie tout l'ensemble des connaissances humaines, jusque-là sans lien commun et trop souvent opposées l'une à l'autre. Inconnues au monde avant le christianisme, qui seul portait en lui la solution de ce grand problème de l'union des sciences, les universités, dont cette union fait l'essence même, demeurent pour cette raison l'inaliénable domaine de l'Eglise. Vainement, en nos jours, l'Etat, redevenu païen, prétend dénier à la mère des peuples et s'attribuer à lui-même le droit d'appeler d'un pareil nom ses écoles supérieures ; les nations déchristianisées, qu'elles le veuillent ou non, seront toujours sans droit pour fonder, sans force pour maintenir en elles ces institutions glorieuses, dans le vrai sens du nom qu'elles ont porté et réalisé dans l'histoire. L'Etat sans foi ne maintiendra jamais dans la science d'autre unité que l'unité de Babel ; et, ne pouvons-nous pas déjà le constater

 

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avec évidence ? le monument d'orgueil qu'il veut élever à rencontre de Dieu et de son Eglise, ne servira qu'à ramener l'effroyable confusion des langues à laquelle l'Eglise avait arraché ces nations païennes dont il reprend les errements. Quant à se parer des titres de la victime qu'on a dépouillée, tout spoliateur et tout larron peut en faire autant; mais l'impuissance où il se trouve de faire montre, en môme temps, des qualités que ces titres supposent, ne fait que manifester d'autant mieux le vol commis au détriment du légitime propriétaire.

Dénions-nous donc à l'Etat païen, ou neutre, comme on dit aujourd'hui, le droit d'élever à sa manière les infidèles qu'il a produits à son image? Nullement ; la protection qui est le droit et le devoir de l'Eglise, ne regarde que les baptisés. Et même, n'en doutons pas : si l'Eglise doit être amenée à constater un jour que toute garantie du cote de la société fait désormais vraiment défaut au saint baptême, elle reviendra à la discipline de ce premier âge, où la grâce du sacrement qui fait les chrétiens n'était point accordée comme aujourd'hui indistinctement à tous, mais seulement aux adultes qui s'en montraient dignes, ou aux enfants dont les familles présentaient les assurances nécessaires à sa responsabilité de Mère et d'Epouse. Les nations alors se retrouveront divisées en deux parts : d'un côté les enfants de Dieu, vivant de sa vie, héritiers de son trône ; de l'autre, les hommes qui, conviés comme tout fils d'Adam à cette noblesse surnaturelle, auront préféré criminellement rester les esclaves de celui qui les voulait pour fils en ce monde dont l'Incarnation a fait son palais. L'éducation commune et neutre apparaîtra alors plus impossible que jamais : si neutre qu'on la suppose, l'école des valets  du

 

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palais ne saurait convenir aux princes héritiers.

Sommes-nous proche de ces temps où les hommes que le malheur de la naissance aura exclus du baptême à leur entrée dans la vie, devront conquérir par eux-mêmes le privilège de l'admission dans la famille chrétienne ? Dieu seul le sait; mais plus d'un indice porterait à le croire ; l'institution de la fête de ce jour peut n'être pas sans lien, dans le dessein de la Providence, avec les exigences d'une situation nouvelle qui serait faite à l'Eglise sous ce rapport. Une semaine ne s'est pas écoulée depuis les hommages que nous avons rendus à saint Grégoire le Grand, le Docteur du peuple chrétien ; trois jours plus tôt, c'était le Docteur de l’école, Thomas d'Aquin, dont la jeunesse chrétienne et studieuse fêtait le glorieux patronage : pourquoi aujourd'hui, après quinze cents ans écoulés, ce Docteur nouveau sur le Cycle, ce Docteur d'une classe disparue, les catéchumènes, sinon, comme nous le disions, parce que l'Eglise voit les services nouveaux que Cyrille de Jérusalem est appelé à rendre, avec l'exemple et l'enseignement contenus dans ses Catéchèses immortelles ? Dès maintenant, combien de chrétiens égarés n'ont pas de plus grand obstacle à surmonter, dans leur retour à Dieu, qu'une ignorance désespérante, et plus profonde que celle-là même d'où le zèle de Cyrille savait retirer les païens et les Juifs !

 

Le récit liturgique consacré à la mémoire du saint Docteur résume merveilleusement sa vie et ses ouvrages ; il nous dispense de rien ajouter.

 

 

 

Cyrillus Hierosolymitanus, a teneris annis divinarum Scripturarum  studio summopere deditus, adeo in earum  scientia profecit, ut orthodoxa; fidei strenuus  assertor evaserit. Monasticis institutis imbutus,  perpetuas continentia;, omnique severiori  vivendi rationi  se addictum voluit.  Postquam  a sancto  Maximo Hierosolymæ Episcopo presbyter ordinatus fuit, munus verbi divinifidelibus prædicandiet catechumenos edocendi summa cum laude implevit, atque illas  vere  mirandas   conscripsit   catecheses , quibus totam ecclesiasticam  doctrinam dilucide et copiose complexus, singula religioms dogmata contra fidei hostes solide propugnavit. Ita vero in his enucleate et distincte disseruit, ut  non solum jam  exortas  hæreses, sed futuras etiam  quasi præsagiens   everterit, quemadmodum præstitit asserendo Corporis et Sanguinis Christi realem præsentiam in  mirabili Eucharistie sacramento. Vita autem functo sancto Maximo,  a  provinciæ episcopis in illius locum suffectus est.

 

 

In episcopatu injurias multas et calamitates, non secus ac beatus Athanasius, cui coævus erat, ab Arianorum factionibus fidei causa perpessus fuit. Hi enim asgre ferentes Cyrillum vehementer hreresibus obsistere, ipsum calumniis aggrediuntur, et in conciliabulo depositum e sua sede deturbant. Quorum furori ut se subtraheret, Tarsum Ciliciæ aufugit, et quoad vixit Constantius, exsilii rigorem pertulit. Post illius mortem, Juliano Apostata ad imperium evecto, Hierosolvmam redire potuit, uni ardenti zelo gregi suo ab erroribus et a vitiis revocando operam navavit. Sed iterum, Valente imperatore, exsulare coactus est, donec, reddita Ecclesiœ pace per Theodosium Magnum, et Arianorum crudelitate audaciaque repressa, ab eodem imperatore tamquam fortïssimus Christi athleta honoribus susceptus sute sedi restitutus fuit. Quam strenue et sancte sublimis officiisui munia impleverit , luculenter apparet ex florenti tunc temporis Hierosolymitanæ ecclesiæ statu, quem sanctus Basilius loca sancta veneraturus, ibi aliquamdiu commoratus, describit.

 

 

 

Venerandi hujus Præsulis   sanctitatem cœlestibus signis a Deo fuisse illustratam, memoriæ traditum accepimus. Inter hæc recensetur præclara Crucis, solis radiis fulgentioris, apparitio, quaj episcopatus ejus initia decoravit. Hujusmodi prodigii ethnici et christiani testes oculares fuerunt cum ipso Cyrillo, qui gratiis primum in Ecelesia Deo redditis, illud per epistolam Constantio imperatori narravit. Nec minus admiratione dignum, quod Judæis templum a Tito eversum restaurare ex impio imperatoris Juliani jussu conantibus, evenit. Vehementi enim terræmotu oborto, et ingentibus fiammarum globis e terra erumpentibus, omnia opera ignis consumpit, ita ut Judœi et Julianus deterriti, ab incepto destiterint; prout scilicet indubitanter futurum Cyrillus prædixerat. Qui demum paulo ante obitum conciho œcumenico Constantinopolitano interfuit, in quo Macedonii haeresis, et iterum Ariana condemnata est. Ac Jerusalem inde reversus, fere septuagenarius, trigesimo quinto sui episcopatus anno, sancto fine quievit. Ejus Officium ac Missam Leo Decimus tertius Pontifex Maximus ab  universa Ecclesia celebrari  mandavit.

 

 

Cyrille de Jérusalem s'adonna diligemment dès l'âge le plus tendre à l'étude des  divines Ecritures, et il fit tant de progrès dans leur connaissance, qu'il devint pour  la  foi orthodoxe un vaillant défenseur. Forme à la discipline monastique, il s'astreignit à la continence perpétuelle et au plus sévère genre de vie. Saint Maxime, Evoque de Jérusalem,  l'ordonna prêtre et lui confia la charge de prêcher la parole de Dieu aux fidèles et d'instruire les catéchumènes ; ce fut avec la plus grande gloire qu il s'en  acquitta et  composa ces Catéchèses  vraiment admirables, dans lesquelles,  embrassant avec abondance  et  clarté toute la doctrine de l'Eglise, il établit  solidement tous  les dogmes de la religion contre les ennemis de la  foi. Il y parle avec tant d'évidence et  de  précision, que  non seulement les hérésies déjà nées, mais celles encore à venir y sont réfutées comme par une sorte de présage, par exemple dans son affirmation  de   la  présence réelle du Corps et du Sang de Jésus-Christ au merveilleux sacrement de l'Eucharistie. Saint Maxime  étant mort, il  fut établi en sa place par les évoques de la province.

Dans son épiscopat, non moins que saint Athanase, son contemporain, il subit pour la cause de la foi de nombreuses injustices et des persécutions de la part des Ariens. Souffrant impatiemment la véhémence de Cyrille contre l'hérésie, ils le poursuivirent de leurs calomnies,et, l'ayant déposé dans un conciliabule , le chassèrent de son siège. Pour se soustraire à leur fureur, il s'enfuit à Tarse de Cilicie et supporta la rigueur de l'exil tout le temps que vécut Constance. Après la mort de celui-ci, Julien l'Apostat étant devenu empereur, il put revenir à Jérusalem où il employa toute l'ardeur de son zèle à retirer son troupeau de l'erreur et du vice. Mais sous l'empire de Valens, il dut de nouveau prendre la route de l'exil, jusqu'à ce que Théodose le Grand eût rendu la paix à l'Eglise et réprimé la cruauté et l'audace des Ariens. Cet empereur reçut Cyrille avec de grands honneurs, comme le très courageux athlète du Christ, et le rendit à son siège. Avec quelle force et quelle sainteté il accomplit les devoirs de son sublime office, c'est ce qui ressort nettement de l'état prospère alors de l'Eglise de Jérusalem, tel que le décrit saint Basile qui, étant venu vénérer les saints lieux, y demeura quelque temps.

 

Dieu fit ressortir la sainteté du vénérable Pontife par des  signes célestes dont la mémoire est venue jusqu'à  nous.  On compte parmi eux la  merveilleuse apparition d'une croix plus brillante que les rayons du soleil, qui illustra les commencements de son épiscopat. Ce prodige  eut  les païens et les chrétiens pour témoins oculaires avec Cyrille lui-même, qui, en ayant rendu  grâces à  Dieu dans l'église,  le raconta ensuite par lettre  à  l'empereur Constance.  Non   moins digne d'admiration  est ce qui arriva aux  Juifs,  lorsque, par Tordre impie de l'empereur Julien,  ils voulurent relever le temple que Titus avait renversé. Car il se fit sentir un violent tremblement de terre, et, d'immenses tourbillons de flammes sortant de terre, le feu dévora tous les travaux, de telle sorte que les Juifs et Julien  épouvantés durent renoncer  à  l'entreprise , selon que Cyrille l'avait prédit comme devant arriver infailliblement. Enfin, peu de temps avant sa mort, il assista  au  concile œcuménique de Constantinople, dans lequel fut condamnée l'hérésie de  Macédonius et, de nouveau, celle des Ariens. De retour à Jérusalem,  il mourut saintement presque septuagénaire, la trente-cinquième année de son épis-copat. Le Souverain Pontife Léon XIII a ordonné qu'on en célébrât l'Office et la Messe dans l'Eglise universelle.

 

 

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Vous avez été, ô Cyrille, un vrai fils de la lumière (1). La Sagesse de Dieu avait dès l'enfance conquis votre amour; elle vous établit comme le phare éclatant qui brille près du port, et sauve, en l'attirant au rivage, le malheureux ballotté dans la nuit de l'erreur. Au lieu même où s'étaient accomplis les mystères de la rédemption du monde, et dans ce IV° siècle si fécond en docteurs, l'Eglise vous confia la mission de préparer au baptême les heureux transfuges que la victoire récente du christianisme amenait à elle de tous les rangs de la société. Nourri ainsi que vous l'étiez des Ecritures et des enseignements de la Mère commune, la parole s'échappait de vos lèvres, abondante et pure, comme de sa source ; l'histoire nous apprend qu'empêché par les autres charges du saint ministère de consacrer vos soins exclusivement aux catéchumènes, vous dûtes improviser ces vingt-trois admirables discours, vos Catéchèses, où la science du salut se déroule avec une sûreté, une clarté, un ensemble inconnus jusque-là et, depuis lors, jamais surpassés. La science du salut, c'était pour vous, saint Pontife, la connaissance de Dieu et de son Fils Jésus-Christ, contenue dans le symbole de la sainte Eglise; la préparation au baptême, à la vie, à l'amour, c'était pour vous l'acquisition de cette science unique, seule nécessaire, profonde d'autant plus et gouvernant tout l'homme, non par l'impression d'une vaine sentimentalité, mais sous l'empire de la parole de Dieu reçue comme elle a droit de l'être, méditée jour et nuit, pénétrant

 

1. Eph V, 8

 

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assez l'âme pour l'établir à elle seule dans la plénitude de la vérité, la rectitude morale et la haine de l'erreur.

Sûr ainsi de vos auditeurs, vous ne craigniez point de leur dévoiler les arguments et les abominations des sectes ennemies. Il est des temps, des circonstances dont l'appréciation reste aux chefs du troupeau, et où ils doivent passer par-dessus le dégoût qu'inspirent  de telles  expositions, pour dénoncer le danger et tenir leurs brebis en garde contre les scandales de l'esprit ou des mœurs. C'est pour cela, ô Cyrille, que vos invectives indignées poursuivaient le manichéisme au fond même de ses antres impurs; vous pressentiez en lui l'agent principal de ce mystère d'iniquité (1) qui poursuit sa marche ténébreuse et dissolvante à travers les siècles,  jusqu'à ce qu'enfin le monde succombe par lui de pourriture et d'orgueil. Manès en nos temps règne au grand jour ; les sociétés occultes qu'il a fondées sont devenues maîtresses. L'ombre des loges continue, il est vrai, de cacher aux profanes son symbolisme sacrilège et les dogmes qu'il apporta de Perse jadis; mais l'habileté du prince du monde achève de concentrer dans les mains de ce fidèle allié toutes les forces sociales. Dès maintenant, le pouvoir est à lui ; et le premier, l'unique usage qu'il en fasse, est de poursuivre l'Eglise en haine du Christ. Voici qu'à cette heure il s'attaque à la fécondité de l'Epouse du Fils de Dieu, en lui déniant le droit d'enseigner  qu'elle a reçu de son divin Chef; les enfants mêmes qu'elle a engendrés, qui déjà sont à elle par le droit du baptême, on prétend les lui arracher de vive force et l'empêcher de présider à leur éducation. Cyrille, vous

 

1. II Thess. II, 7.

 

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qu'elle appelle à son secours en ces temps malheureux, ne faites pas défaut à sa confiance. Vous compreniez si pleinement les exigences du sacrement qui fait les chrétiens! Protégez le saint baptême en tant d'âmes innocentes où l'on veut l'étouffer. Soutenez, réveillez au besoin, la foi des parents chrétiens; qu'ils comprennent que si leur devoir est de couvrir leurs enfants de leur propre corps plutôt que de les laisser livrer aux bêtes, l'âme de ces chers enfants est plus précieuse encore. Déjà plusieurs, et c'est la grande consolation de l'Eglise en même temps que l'espoir de la société battue en brèche de toutes parts, plusieurs ont compris la conduite qui s'imposait a mute âme généreuse en de telles circonstances : s'inspirant de leur seule conscience, et forts de leur droit de pères de famille, ils subiront la violence de nos gouvernements de force brutale, plutôt que de céder d'un pas aux caprices d'une réglementation d'Etat païen aussi absurde qu'odieuse. Bénissez-les, ô Cyrille ; augmentez leur nombre. Bénissez également, multipliez, soutenez, éclairez les fidèles qui se dévouent à la tâche d'instruire et de sauver les pauvres enfants que trahit le pouvoir; est-il une mission plus urgente que celle des catéchistes, en nos jours? En est-il qui puisse vous aller plus au cœur?

La sainte Eglise nous rappelait, tout à l'heure, l'apparition de la Croix qui vînt marquer les débuts de votre épiscopat glorieux. Notre siècle incrédule a été, lui aussi, favorisé d'un prodige semblable, lorsque, à Migné, au diocèse d'Hilaire, votre contemporain et votre émule dans la lutte pour le Fils de Dieu, le signe du salut parut au ciel, resplendissant de lumière, à la vue de milliers de personnes. Mais l'apparition du 7 mai 351 annonçait le triomphe: ce triomphe que vous aviez prévu sans nul doute pour la sainte Croix, lorsque sous vos yeux, quelques années plus tôt, Hélène retrouvait le bois rédempteur; ce triomphe qu'en mourant vous laissiez affermi par le dernier accomplissement des prophéties sur le temple juif. L'apparition du 17 décembre 1826 n'aurait-elle, hélas ! annonce que défaites et ruines ? Confiants dans votre secours si opportun, nous voulons espérer mieux, saint Pontife; nous nous souvenons que ce triomphe de la Croix dont vous fûtes le témoin heureux, a été le fruit des souffrances de l'Eglise, et que vous dûtes l'acheter pour votre part au prix de trois dépositions de votre siège et de vingt ans d'exil. La Croix, dont le Cycle sacré nous ramène les grands anniversaires, la Croix n'est point vaincue, mais grandement triomphante au contraire, dans le martyre de ses fidèles et leurs épreuves patiemment supportées; c'est victorieuse à jamais qu'elle apparaîtra sur les ruines du monde, au dernier jour

 

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