HOMÉLIE LI

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HOMÉLIE LI.

LE DERNIER JOUR DE LA FÊTE, QUI ÉTAIT LE PLUS SOLENNEL, JÉSUS SE TENANT DEBOUT, DISAIT A HAUTE VOIX : SI QUELQU'UN A SOIF, QU'IL VIENNE A MOI, ET QU'IL BOIVE. — SI QUELQU'UN CROIT EN MOI, IL SORTIRA DES FLEUVES, D'EAU VIVE DE SON VENTRE, COMME DIT L'ÉCRITURE. (VERSET 37, 38, JUSQU'AU VERS. 44.)

 

ANALYSE.

 

347

 

1. Les auditeurs de la parole de Dieu en doivent avoir une soif ardente.

2. Le Saint-Esprit avait déjà été donné aux saints de l'Ancien Testament; mais les apôtres le reçurent avec une plus grande plénitude.

3. Effets de la malice et de la méchanceté. — On se. perd soi-même, en voulant perdre les autres. — Les Juifs ont voulu détruire la prédication de l'Evangile, et ils ont été eux-mêmes détruits et dispersés. Comment il faut se venger de ses ennemis beau moyen de se venger. — Laisser, à Dieu notre vengeance comme nous voulons que nos domestiques nous laissent la leur. — On guérit le mal non par le mal, mais par le bien.

 

 

1. Il faut que ceux qui viennent entendre la parole de Dieu et qui y croient; montrent autant d'ardeur pour elle qu'en ont pour l'eau ceux qui sont pressés d'une soif brûlante : il faut que leur âme soit embrasée de désir et d'amour. C'est ainsi que plus fidèlement et plus sûrement ils la pourront garder dans leur coeur. En effet, ceux qui ont bien soif, avalent avec une extrême avidité le verre d'eau qu'on leur présente, et par là ils étanchent leur soif. Ceux donc qui puisent aux sources de la divine parole, s'ils en sont altérés comme des gens qu'une ardente soif consumé, ne cesseront point de boire qu'ils n'aient tout avalé, tout épuisé. L'Ecriture sainte le dit, qu'il faut toujours avoir soif, que toujours il faut avoir faim : «Bienheureux ceux », dit-elle, « qui sont affamés et altérés de la justice ». (Matth. V, 6.) Et ici Jésus-Christ : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive » ; c'est-à-dire, je ne contrains, je ne force personne à venir à moi ; mais si quelqu'un a bonne volonté, s'il a de la ferveur et une grande affection, c'est celui-là que j'appelle.

Mais pourquoi l'évangéliste marque-t-il ainsi « le dernier jour de la fête », qui était le plus solennel? Car le premier et le dernier jour étaient les plus solennels, et ceux du milieu de l'octave se passaient en festins et en plaisirs. Pourquoi dit-il donc : « Le dernier jour? » Parce que c'est en ce jour que tout le peuple accourait et s'assemblait. Jésus ne fut pas à la fête le premier jour, et il en dit la raison à ses frères. Il ne prêcha ni le second; ni le troisième, pour ne prêcher pas inutilement, puisqu'en ces jours on s'abandonnait aux plaisirs et à la joie: Mais le dernier jour, auquel chacun se retirait chez soi, il leur donne le viatique du salut ; et il crie à haute voix, soit pour montrer qu'il parle en assurance et en toute liberté, soit pour faire connaître à toute cette assemblée qu'il avait parlé d'un breuvage spirituel; et il ajoute : « Si quelqu'un croit en moi, comme dit l'Ecriture, il sortira des fleuves d'eau vive de son ventre ». Jésus appelle ventre le coeur, de même que le Psalmiste dit : « Et votre loi est gravée au milieu de mon ventre ». (Ps. XXXIX, 11.) Et où est ce que l'Ecriture dit : « Il sortira des fleuves d'eau de son ventre? » Nulle part. Que veut donc dire ceci : « Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture ? » Il faut ici ponctuer de manière qu'il ne paraisse que ces mots

Il sortira des fleuves d'eau de son ventre », sont de Jésus-Christ même. Car comme [348] plusieurs disaient : « C'est Jésus-Christ », et « Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles? » il montre qu'il faut avoir une foi pure, avoir de lui une juste opinion, et ne point tant croire sur les miracles que sur ce qu'enseignent les Ecritures. En effet, un grand nombre de ceux qui lui voyaient faire des miracles, ne le reconnaissaient pas pour le Christ ; et qu’on ne pouvait manquer de lui objecter : les Ecritures ne disent-elles pas que le Christ viendra de la race de David?

Jésus parlait souvent des Ecritures, pour faire voir qu'il n'en craignait point le témoignage, et qu'il n'en fuyait point la lumière et c'est pour cela qu'il renvoie les Juifs aux Ecritures. Car il avait dit auparavant : « Lisez « avec soin les Ecritures » (Jean, V, 39) ; et encore : « Il est écrit dans les prophètes : ils seront tous enseignés de Dieu ». (Jean, VI, .45.) Et : « Moïse est votre accusateur ». (Jean, V, 45.) Mais ici il dit : « Comme a dit l'Ecriture : il sortira des fleuves de son ventre». Par où il marque l'abondance et la fécondité de la grâce; de même qu'il dit ailleurs: « Une fontaine d'eau qui rejaillira jusque dans la vie éternelle » (Jean, IV, 14), c'est-à-dire; il recevra une abondance de grâces. Ailleurs il avait dit : La vie éternelle; ici il dit : Une eau vive. Le Sauveur appelle eau vive celle qui coule, qui opère toujours. Car lorsque la grâce du Saint-Esprit est entrée dans une âme et y a établi sa demeure, elle coule et se répand avec plus de force et d'abondance qu'aucune autre source; elle ne tarit point et ne cesse jamais de couler. Jésus-Christ donc, pour montrer que jamais cette eau ne tarit, et qu'elle agit d'une manière ineffable, dit une fontaine et des fleuves; non un seul fleuve, mais une infinité de fleuves. Et en cet endroit il s'est servi du mot de rejaillir, pour celui d'inonder.

Voulez-vous le voir clairement, mes frères, que cette eau se multiplie en une infinité de fleuves? Considérez la sagesse d'Etienne, l'éloquence de Pierre, la force de Paul: considérez que rien n'a pu vaincre ni ralentir leur zèle et leur activité : ni la fureur du peuple, ni la violence des tyrans, ni les piéges des démons, ni la mort à laquelle ils se voyaient tous les jours exposés; et que, semblables à des fleuves impétueux qui se débordent, ils ont tout entraîné avec eux.

« Ce qu'il entendait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, car le Saint-Esprit n'avait pas encore été donné (39) ». Comment donc les prophètes ont-ils prophétisé et opéré tant de miracles? Car ce n'est point par l'Esprit, mais par la vertu de Jésus, que les apôtres ont chassé les démons, comme il le dit lui-même : « Si c'est par Béelzébuth que je chasse les démons, par qui vos « enfants les chassent-ils? » Jésus-Christ disait donc cela pour déclarer qu'avant qu'il eût été crucifié ils n'avaient pas tous chassé les démons par le Saint-Esprit, mais par sa vertu. C'est quand il envoya ses disciples prêcher l'Evangile, qu'il leur dit : « Recevez le Saint-Esprit». Et encore : « Le Saint-Esprit se répandit sur eux et ils faisaient des miracles ». (Matth. XX, 22.)

2. Au reste, lorsque Jésus-Christ envoya ses disciples, il n'est point écrit qu'il leur donna le, Saint-Esprit, mais il leur donna puissance, disant : « Guérissez les lépreux, chassez les démons, ressuscitez les morts : donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement ». (Matth. X, 1, 8.) Or, tout le monde sait que le Saint-Esprit avait été donné aux prophètes; mais aussi on ne .doit pas ignorer que cette grâce était donnée par mesure, qu'elle a été ôtée et qu'elle a cessé sur la terre depuis le jour qu'il fut dit: « Votre maison est abandonnée, elle demeurera déserte » (Matth. XXIII, 38) ; et qu'avant ce jour, même le Saint-Esprit commençait déjà à faire plus rarement sentir son opération. Il n'y avait plus de prophètes parmi les Juifs, et s'il s'en trouvait, leur grâce, leur vertu ne s'étendait point jusque sur les choses saintes et salutaires.

Les Juifs donc ayant été privés de la grâce du Saint-Esprit, il est venu un temps auquel elle s'est répandue sur les hommes avec une plus grande effusion, et c'est après le crucifiement du Sauveur qu'elle a commencé de se manifester, non-seulement avec plus d'abondance, mais encore par des dons plus grands et plus excellents. Car le don duquel il est dit : « Vous ne

savez pas de quel esprit vous êtes animés » (Luc, IX, 55); et encore : « Aussi vous n'avez point reçu l'esprit de servitude, mais vous avez reçu l'Esprit de l'adoption » (Rom. VIII, 15), était effectivement un don plus merveilleux et plus admirable que ceux que Dieu distribuait dans le Vieux Testament; car les saints de l'ancienne loi recevaient aussi le Saint-Esprit, mais ils ne le communiquaient point aux autres; au lieu que les apôtres en [349] remplissaient tout le monde: comme donc ils devaient un jour recevoir cette grâce, et qu'elle ne leur avait point encore été donnée, voilà pourquoi l'évangéliste dit : « L'Esprit n'était pas encore ». Et sûrement c'est de cette grâce qu'il parle, quand il dit : « Le Saint-Esprit n'était pas encore, à savoir, donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié », appelant gloire ou glorification la croix du Sauveur. Comme nous étions des ennemis de Dieu, des pécheurs, privés de la grâce du Seigneur, des impies, et que la grâce est un signe de réconciliation; comme aussi ce n'est: ni à ses ennemis, ni à ceux qu'on hait que l'on fait du bien, mais à ses amis, mais à ceux qu'on croit gens de bien, il a donc fallu offrir pour nous auparavant un sacrifice d'expiation ; il a fallu que l'inimitié fût détruite dans la chair et que nous devinssions amis de Dieu avant de recevoir son présent. Et s'il y à eu un sacrifice offert, lorsque la promesse a été faite, à Abraham, il fallait, à plus forte raison, en offrir un sous le régime de grâce; c'est là ce que déclare saint Paul par ces paroles: « Que si ceux qui appartiennent à la loi sont les héritiers, la foi dévient inutile et la promesse de Dieu sans effet; car la loi produit la colère » (Rom. IV, 14, 15), c'est-à-dire Dieu a promis à Abraham et à sa postérité de lui donner la terre « de Chanaan » ; mais là postérité d'Abraham s'est trouvée indigne de la promesse et n'a pu se rendre agréable à Dieu par ses propres oeuvres. C'est pourquoi la foi, qui est une chose facile, est venue dans le monde afin d'attirer la grâce et afin que les, promesses de Dieu ne fussent pas sans effet; et c'est encore pour cette raison que le même apôtre, parlant de la foi, dit : « Afin que nous soyions héritiers par grâce, et que la promesse demeure ferme ». (Ibid. 16.) Par grâce, attendu que les enfants d'Abraham n'avaient pu l'acquérir ni par leur travail, ni par leurs sueurs.

Mais pourquoi Jésus-Christ ayant dit : « Selon l'Ecriture », n'en a-t-il pas apporté des témoignages? C'est parce que l'esprit des Juifs était prévenu. Car les uns disaient : « Cet homme est le prophète, celui que nous attendons (40) ». D'autres : « Il séduit le peuple (12) ». D'autres : « Le Christ ne viendra pas de Galilée, mais de la petite ville de Bethléem (41, 42) ». Et d'autres : « Quand le Christ viendra, personne ne saura d'où-il est (27) ». Ainsi leurs opinions étaient partagées, comme il arrive dans les troubles populaires. En effet, ils ne voulaient pas écouter, ne tenaient pas à s'instruire. Voilà pourquoi Jésus ne leur répond rien-, quoiqu'il y en eût qui disent : « Le Christ viendra-t-il de Galilée? », Mais il loua Nathanaël comme un vrai israélite, quoiqu'il parlât avec plus de force et de dureté, et qu'il dît avec mépris : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » Mais les premiers et ceux qui disaient à Nicodème : « Lisez avec soin les Ecritures, et apprenez qu'il ne sort point de prophète de Galilée (52) », ne parlaient point pour savoir qui il était, mais pour écarter et détruire l'opinion que répandaient ceux qui disaient : « Il est le Christ ». En ce qui concerne Nathanaël, c'était l'amour de la vérité et la connaissance des anciennes prophéties qui le faisaient parler comme il fit mais ceux-là n'avaient en vue que de détourner le peuple de la pensée que Jésus était le Christ, voilà pourquoi Jésus ne les instruisit point. Car des gens qui se contredisaient, qui tantôt disaient : « Personne ne saura d'où il est», et tantôt : « Il viendra de Bethléem », eussent-ils véritablement appris qu'il était le Christ, ils n'auraient sûrement pas manqué de le contester. Que parce qu'il avait demeuré à Nazareth, ils ignorassent qu'il était de Bethléem, je le passe, quoiqu'en cela même-ils ne soient point excusables, puisque Jésus n'était point né à Nazareth; mais sa généalogie, pouvaient-ils de même la méconnaître, pouvaient-ils ignorer qu'il était de la maison et de la famille de David? Comment donc disaient-ils : « Le Christ ne viendra-t-il pas de la race de David? » Voilà précisément par où ils lâchaient d'obscurcir et de cacher sa naissance, et de suborner le peuple parles discours qu'ils semaient.

Mais pourquoi ne vinrent-ils pas dire à Jésus-Christ : Maître , nous admirons votre doctrine et vos oeuvres, mais puisque vous voulez que nous croyions en vous, conformément à ce qu'enseignent les Ecritures , apprenez-nous pourquoi elles annoncent que le Christ viendra de Bethléem, et pourquoi vous êtes venu de Galilée? Mais ils ne dirent rien de cela, et la malignité dictait seule tous leurs propos. L'évangéliste fait bien voir qu'ils ne cherchaient point à le connaître, ou même qu'ils ne le voulaient point, puisqu'il ajoute incontinent : « Quelques-uns d'entre eux avaient envie de le perdre; mais néanmoins [350] personne ne mit la main sur lui (44) ». Et en effet, si quelque chose était capable de les toucher, c'était au moins cette hardie et insolente entreprise, mais ils n'en furent nullement touchés, comme dit le prophète : « Ils ont été divisés, mais ne furent pas néanmoins touchés de componction ». (Ps. XXXIV, 19.)

3. C'est le propre de la malice de ne vouloir céder à personne, et d'avoir uniquement en vue la perte de celui à qui elle tend des piéges. Mais, que dit l'Ecriture ? « Celui qui creuse la fosse pour son prochain tombera dedans ». (Prov. XXVI, 27.) Et voilà ce qui est alors arrivé aux Juifs. Ils avaient envie de faire mourir Jésus-Christ pour détruire la prédication, pour étouffer l'Evangile dès sa naissance. Ce fut le contraire qui arriva: la prédication fleurit, l'Evangile triomphe par la grâce de Jésus-Christ, et leur république est éteinte, leur état est renversé: ils sont errants sur la terre, sans patrie, sans liberté , sans culte ; toute leur prospérité leur est ravie: ils vivent dans la servitude et dans la captivité.

Instruits de ces vérités , gardons-nous de tendre des pièges aux autres, persuadés que c'est là aiguiser une épée contre soi-même, et se faire une plus profonde blessure. Mais on vous a offensé, et vous voulez en tirer vengeance? Ne vous vengez point, et par là vous serez vengé : si vous vous vengez, vous ne vous vengerez point. Et ne pensez pas que ce soit là une énigme, c'est une vérité. Comment cela? Parce que, si vous ne vous vengez point, vous, attirez la colère de Dieu sur celui qui vous a offensé; si , au contraire , vous exercez votre vengeance, il n'en est plus de même: le Seigneur ne vous venge point. Car, « c'est à moi que la vengeance est réservée, et c'est moi qui la ferai , dit le Seigneur ». (Rom. XII,19 ; Deut. XXXII, 43.) En effet, qu'il survienne une querelle entre nos domestiques, nous voulons qu'ils nous en laissent toute la vengeance; mais, s'ils se vengent eux-mêmes, et qu'ensuite ils viennent nous prier de les venger , quelles que soient leurs instances, non-seulement nous ne les vengeons point, mais même nous nous mettons en colère contre eux, et nous leur disons: Déserteur, tu mérites les étrivières ; car ils devaient s'en rapporter entièrement à nous, et nous laisser le soin de les venger. Mais, comme nous leur pouvons dire: Tu t'es vengé toi-même, nous. leur répondons . Retire-toi, et ne viens pas davantage m'importuner. A plus forte raison, Dieu, qui nous, a commandé de nous remettre à lui de toutes choses, nous fer a-t-il cette même réponse. Et quoi 1 n'est-il pas ridicule que nous; qui exigeons de nos serviteurs tant de sagesse et de déférence, nous ne confiions pas au Seigneur ce que nous voulons que nos serviteurs nous confient? Au reste, si je vous dis ceci, mes frères, c'est que je vous vois très-prompts à vous venger.

Le vrai sage ne doit point se venger, il doit remettre et pardonner les fautes qu'on commet contre lui, et il le devrait, quand même il n'aurait pas à attendre une grande récompense, à savoir, la rémission de ses propres péchés: si vous condamnez le pécheur, si vous le punissez, pourquoi, je vous prie; pourquoi péchez-vous vous-même ? pourquoi tombez-vous dans les fautes que vous punissez chez. les autres? Quelqu'un vous a-t-il fait une injure, ne rendez pas injure pour injure, pour ne pas vous punir vous-même le premier: Quelqu'un vous a-t-il frappé, ne rendez pas coup pour coup, vous n'en retireriez aucun avantage. Quelqu'un .tous a-t-il causé du chagrin, ne rendez pas la pareille, il n'en revient aucune utilité, sinon de devenir semblable à celui qui a fait le mal. Si vous souffrez tout patiemment et avec douceur, peut-être le couvrirez-vous de confusion, peut-être le ferez-vous rougir assez pour qu'il calmé sa colère.

Ce n'est point par le mal qu'on guérit le mal; mais c'est par le bien. Il est des païens qui pensent de même et pratiquent cette philosophie. Rougissons donc de céder, en philosophie, à des fous comme sont les païens. Plusieurs d'entre eux; ayant reçu une injure, l'ont courageusement soufferte; plusieurs ne se sont point vengé de la calomnie, plusieurs ont fait . du bien à ceux qui cherchaient à leur faire du mal. Nous devons craindre que, parmi eux, il ne s'en trouve qui, nous surpassent en vertu, et quel pour cela même, nous ne soyions plus sévèrement punis.

En effet, si nous, qui avons reçu le Saint-Esprit, qui attendons un royaume,, qui nous exerçons à la vraie philosophie, qui combattons pour acquérir les célestes récompenses, qui n'avons point, comme ces hommes, un enfer à,craindre , à qui il est ordonné d'être des anges, qui participons aux saints mystères; si nous, dis-je, nous n'atteignons même pas à leur vertu , quelle indulgence obtiendrons-nous? [351] Car si nous sommes obligés de surpasser les Juifs : « Si votre justice » , dit Jésus-Christ, « n'est plus abondante que celle des scribes et des pharisiens , vous n'entrerez point dans le royaume des cieux » (Matth. v, 20) ; à plus forte raison le sommes-nous de surpasser les gentils; si nous devons surpasser les pharisiens , nous sommes tenus bien plus rigoureusement de surpasser les infidèles. Faute d'avoir surpassé les Juifs et les pharisiens, le royaume nous sera fermé. Si nous sommes plus méchants que les païens , comment ce même royaume nous sera-t-il ouvert ?

C'est pourquoi chassons toute aigreur, toute colère, toute fureur. « Il ne m'est pas pénible a de vous écrire les mêmes choses, mais il vous est sûr que je le fasse ». (Philip. III, 1.) Souvent les médecins réitèrent le même remède; nous, de même, nous ne cesserons point de crier, de vous remémorer les mêmes choses, de vous instruire, de vous exhorter. Les embarras du siècle, une multitude d'affaires vous font oublier tout ce que nous vous prêchons et nous vous enseignons ; et nous avons besoin de recommencer sans cesse. Si nous voulons que nos réunions en ce lieu ne soient pas inutiles, produisons de bons fruits, afin que nous obtenions les biens à venir, par la grâce et la boraté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel et avec lequel gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles. Ainsi soit-il.

 

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