HOMELIE VIII

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HOMELIE VIII.

CELUI-LA ÉTAIT LA VRAIE LUMIÈRE, QUI ILLUMINE TOUT HOMME VENANT EN CE MONDE. (JUSQU'AU VERSET 9.)

 

ANALYSE.

 

1. Pourquoi Jésus-Christ, vraie lumière, n'illumine pas tous les hommes.

2. Réponses aux questions des gentils . Que faisait Jésus-Christ avant son avènement, etc. ? — On ne peut s'attacher aux choses de la terre, et rechercher comme il faut celles du ciel. — Grande différence entre les serviteurs de Jésus-Christ, et les serviteurs de l'argent.— Servir Dieu qui récompense magnifiquement.

 

1. Je reprends le texte de mon dernier sermon : car rien n'empêche, mes frères, d'examiner les mêmes paroles, puisque l'exposition des dogmes, auxquels nous nous arrêtâmes, ne nous permit pas de vous expliquer tout ce dont on vous avait fait la lecture.

Où sont donc ceux qui disent que le Fils n'est pas vrai Dieu ? C'est pourtant lui qui est

appelé la vraie lumière , et ailleurs la vérité même, la vie même. Mais nous approfondirons. davantage ces paroles, et nous les expliquerons plus clairement, lorsque nous y serons arrivés.

Maintenant, et avant de passer outre, il est nécessaire d'examiner les paroles de mon texte, et de les expliquer à votre charité. Je dis donc: si le Fils illumine tout homme venant en ce inonde, comment y a-t-il tant d'hommes qui ne sont point illuminés ? car tous ne croient

pas en Jésus-Christ, tous ne lui rendent pas le culte qui lui est dû. Comment donc illumine-t-il tout homme ? il l'illumine autant qu'il est en lui. Mais si quelques-uns ferment de plein gré les yeux de leur âme, pour ne point recevoir les rayons de cette lumière, et demeurent dans les ténèbres, il ne faut pas s'en prendre à la nature de la lumière, mais à la malignité de ceux qui se privent volontairement de ce don; car la grâce est répandue dans tous: elle ne rejette ni le Juif ni le gentil, ni le barbare, ni le scythe, ni le libre, ni l'esclave (Col. III, II), ni l'homme, ni la femme, ni le vieux, ni le jeune, mais elle les reçoit tous également, et les appelle tous sans distinction. C'est pourquoi ceux qui ne veulent pas profiter d'un si grand bienfait, ne doivent imputer leur aveuglement qu'à eux-mêmes; la porte est ouverte à tout le monde, personne [139] n'en ferme l'accès: si donc quelques-uns s'obstinent à demeurer dehors, c'est par leur propre faute qu'ils périssent: « Il était dans le monde » ; mais ce n'est pas à dire qu'il fût du même âge que le monde loin de nous une pareille pensée. Voilà pourquoi l'évangéliste ajoute : « Et le monde a été fait par lui », par où il vous ramène à l'existence du Fils unique avant les siècles: car celui qui est une fois instruit que tout ce vaste univers est l'ouvrage de ses mains (manquât-il tout à fait de raison, fût-il ennemi déclaré de la gloire de Dieu ) est forcé de confesser malgré lui que le Créateur est avant les créatures.

Voilà pourquoi la folie de Paul de Samosate m'étonne toujours davantage : j'admire qu'il ait pu combattre une vérité si lumineuse et si éclatante, et se jeter de gaieté de coeur dans le précipice : car il n'est pas tombé dans l'erreur par ignorance, il l'a embrassée avec pleine connaissance de la vérité comme les Juifs. En effet, comme ceux-ci l'ont trahie par complaisance pour les hommes (ils savaient que Jésus-Christ était le Fils unique de Dieu, ruais ils ne l'ont pas confessé par crainte de leurs princes, et pour n'être pas chassés de la synagogue), on rapporte de même que l'autre a trahi sa conscience et perdu son salut par complaisance pour une certaine femme (1). Et certes la vaine gloire est un cruel et très-dangereux tyran ; elle peut aveugler les yeux des sages mêmes, s'ils ne sont vigilants et attentifs. Si les présents ont ce pouvoir, cette passion, bien plus forte, le peut encore davantage. Voilà pourquoi Jésus-Christ disait aux Juifs : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire des hommes, et qui ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul? » (Jean, V, 44.)

« Et le monde ne l'a point connu (10) ». L'évangéliste appelle ici le monde cette multitude de gens corrompus qui n'a de goût et d'empressement que pour les choses de la terre, la foule, la populace, le peuple insensé ; car les amis de Dieu, les grands hommes, l'avaient tous connu, avant même son incarnation. Jésus-Christ le dit nommément du grand patriarche: « Abraham votre père », dit-il, « a désiré avec ardeur de voir mon jour: il l'a a vu, et il en a été rempli de joie ». (Jean,

 

1. Zénobie, reine de Palmyre.

 

VIII, 56.) Et de même de David, en disputant contre les Juifs: « Comment donc », leur dit-il, « David l'appelle-t-il en esprit son Seigneur par ces paroles: le Seigneur a dit à mon Seigneur , asseyez-vous à ma droite? » (Matth. XXII , 43.) Souvent aussi en les combattant il nomme Moïse ; l'apôtre saint Pierre le déclare des autres prophètes , car il assure que tous les prophètes, depuis Samuel, ont connu Jésus-Christ, et ont prédit son avènement longtemps auparavant: « Tous les prophètes » , dit-il , « qui sont venus de temps en temps depuis Samuel , ont prédit ce qui est arrivé en ces jours ». (Act. III, 24.) Il s'est fait voir, et il a parlé à Jacques et à son père, et même à son grand-père (I Cor. XV, 5, 6, 7 et 8) ; il leur a fait beaucoup et de très-grandes promesses , et il les a effectivement accomplies.

Pourquoi, répliquerez-vous, dit-il donc lui-même : « Beaucoup de prophètes ont souhaité de voir ce que vous voyez et ne l'ont point vu, et d'entendre ce que vous entendez et ne l'ont point entendu? » (Luc, X, 24.) Est-ce qu'ils n'en ont point eu la connaissance? Ils l'ont eue sûrement, et je tâcherai de le démontrer par le même endroit par lequel quelques-uns croient prouver le contraire. Jésus-Christ dit: « Beaucoup ont souhaité de voir ce que vous voyez ». Ils ont donc connu qu'il devait venir parmi les hommes, et accomplir ce qu'il a véritablement accompli : car s'ils n'avaient point eu cette connaissance, ils n'auraient pas formé ce souhait. Personne , en effet, ne peut désirer de voir ce dont il n'a nulle connaissance, nulle idée. C'est pourquoi ils ont connu le Fils de Dieu, et ils ont su qu'il devait venir parmi les hommes.

Quelles sont donc ces choses qu'ils n'ont point connues, qu'ils n'ont point entendues? Ce sont celles-là même que vous voyez et que vous entendez maintenant. Les prophètes ont entendu sa voix et l'ont vu ; mais ils ne l'ont pas vu incarné, conversant avec les hommes , leur parlant familièrement: voilà ce que Jésus-Christ déclare lui-même ; car il n'a pas dit simplement: Ils ont désiré de me voir. Mais qu'a-t-il dit? « Ils ont désiré de voir ce que vous voyez ». Il n'a pas dit: ils ont désiré de m'entendre; mais: « Ils ont désiré d'entendre ce que vous entendez ». C'est pourquoi, s'ils n'ont pas vu son avènement dans la chair, du moins ils ont connu que Celui qu'ils désiraient de voir viendrait un jour dans le monde, et [140] ils ont cru en lui, quoiqu'ils ne layent point vu incarné.

Mais les gentils pourront nous attaquer et nous adresser cette question: Que faisait Jésus-Christ dans ces premiers temps auxquels il n'avait point encore soin du genre humain? Et pourquoi aussi est-il venu à la fin des temps prendre soin de notre salut, après t'avoir négligé pendant tant de siècles? A quoi nous répondrons qu'il était venu dans le monde avant cet avènement même; qu'il y avait préparé la voie aux oeuvres qu'il devait opérer, et qu'il s'était fait connaître à tous ceux qui en étaient dignes. Que si , pour n'avoir pas été connu de tous, mais seulement des gens de bien et des personnes de vertu , vous dites qu'il a été inconnu et ignoré des hommes, vous pourrez également dire qu'encore maintenant il n'est pas adoré de tous , à cause qu'aujourd'hui même tous ne le connaissent pas; mais comme dans le temps présent, pour être inconnu et ignoré de beaucoup, personne, toutefois, n'osera avancer qu'il ne soit pas connu de plusieurs; de même on ne doit pas douter que, dans ces premiers temps, il n'ait été connu de plusieurs, ou plutôt de tout ce qu'il y avait alors de grand et d'admirable parmi les hommes.

2. Que si quelqu'un me fait cette demande Et pourquoi, dans ce temps-là, tous ne se sont-ils pas attachés à lui et ne lui ont-ils pas tous rendu le culte qui lui est dû , mais seulement les justes? moi, à mon tour, je leur ferai celle-ci : Pourquoi, à présent même, tous ne le connaissent-ils pas? Mais plutôt, pourquoi m'arrêté-je à parler de Jésus-Christ ? car je puis demander du Père pourquoi et alors et maintenant tous ne l'ont-ils pas connu! Il en est qui prétendent que tout marche au gré du hasard ; d'autres attribuent le gouvernement du monde aux démons; il s'en trouve aussi qui imaginent et se forgent un second Dieu. Quelques blasphémateurs vont jusqu'à voir en lui-même la puissance contraire et enseigner que ses lois sont l'ouvrage du mauvais démon. Quoi donc ! dirons-nous qu'il n'y a point de Dieu, parce que quelques-uns disent qu'il n'y en a point? dirons-nous que Dieu est mauvais, parce que quelques-uns ont l'impiété de le croire? Mais c'en est assez, laissons-là ces folies et ces horribles extravagances. Si nous fondions nos principes et nos dogmes sur le jugement et les raisonnements de ces furieux, rien ne nous empêcherait de tomber bientôt nous-mêmes dans la pire démence.

Et certes, quoiqu'il y ait des yeux faibles et délicats qui ne peuvent supporter la lumière, personne ne dira que lé soleil soit de sa nature pernicieux aux yeux; maison en juge d'après les bonnes vues, et on le dit lumineux ; quoique le miel semble amer à quelques malades, personne ne dira pour cela que le miel soit amer. Et on trouvera des gens qui, sur l'opinion de quelques esprits malades, ne craindront pas de décider, ou qu'il n'y a point de Dieu, ou qu'il y en a un mauvais, ou que l'action de la Providence n'est pas continue. Mais qui dira que ces sortes de gens aient l'esprit sain et le sens commun ? Qui ne les traitera pas au contraire de furieux et d'extravagants?

« Le monde ne l'a point connu » ; mais « Ceux dont le monde n'était pas digne» (Héb. XI, 38) l'ont connu. En disant quels sont ceux qui ne l'ont point connu, l'évangéliste indique d'un mot la cause de leur ignorance ; car il n'a pas simplement dit : Personne ne l'a connu, mais il a dit : « Le monde ne l'a point connu », c'est-à-dire, ces hommes qui sont uniquement attachés au monde, et qui n'ont d'affection que pour lui. Et c'est ainsi que Jésus-Christ a coutume de les appeler, comme quand il dit « Père saint, le monde ne vous a point connu». (Jean, XVII, 25.) Par où il est visible, comme nous vous l'avons fait remarquer, que ce n'est pas seulement le Fils que le monde n'a point connu, mais encore le Père. Rien en effet ne trouble et n'obscurcit autant l'esprit que de désirer avec ardeur les choses présentes.

Instruits de cette vérité, mes frères, séparez-vous du monde, et éloignez-vous des choses charnelles, autant que cela se peut; en effet, ce n'est pas à perdre des choses viles et de nul prix que vous expose l'attachement au monde; mais à perdre le bien suprême; l'homme qui est fortement épris des choses présentes n'est point capable de s'attacher à celles du ciel (I Cor. II, 14); il faut que celui qui recherche les unies perde les autres. « Vous ne pouvez servir tout ensemble », dit Jésus-Christ, « Dieu et l'argent » (Luc, XVI, 13) ; nécessairement il faut aimer l'un et haïr l'autre. Voilà ce que l'expérience toute seule nous crie assez haut ceux qui n'ont nul désir des richesses, qui s'en moquent et les méprisent, voilà ceux qui aiment Dieu, comme on doit l'aimer; et de même ceux qui convoitent l'opulence, sont [141] précisément ceux qui aiment le moins Dieu; car une âme éprise de l'amour des richesses ne s'abstiendra pas facilement des actions ni des paroles qui excitent la colère de Dieu, puisqu'elle sert un autre maître qui lui commande de faire tout ce que défend la loi du Seigneur.

C'est pourquoi, revenez à vous, sortez de votre sommeil; et pensant à Celui dont nous sommes les serviteurs, n'aimons que son royaume ; pleurons et gémissons sur le temps passé, durant lequel nous avons été les esclaves de l'argent; secouons une bonne fois ce joug pesant, ce joug insupportable; et portons avec persévérance celui de Jésus-Christ qui est doux et léger; il ne nous commandera rien de ce que l'argent commande; car celui-ci nous ordonne de haïr tous les hommes, mais Jésus-Christ nous commande au contraire de les chérir et de les aimer tous; l'un nous attachant à la boue, à l'argile, je veux dire à l'or, ne nous laisse pas même respirer durant la nuit; l'autre nous délivre de ces soins superflus et insensés, et nous commande de nous amasser des trésors dans le ciel, non d'injustices faites au prochain, mais d'oeuvres de justice; l'un, après bien des sueurs et des misères qu'il nous fait essuyer, ne pourra pas nous secourir, lorsque nous serons condamnés au dernier supplice, et que, pour avoir obéi à ses lois, nous souffrirons des tourments infinis; que dis-je? il ne fera qu'attiser la flamme ; l'autre, s'il nous a commandé de donner à boire un verre d'eau froide ( Matth. x, 42), ne permettra même pas qu'un si léger bienfait soit privé de rémunération, mais il le récompensera largement.

Ne serait-il donc pas d'une extrême folie de négliger le service d'un Maître si doux, et qui récompense magnifiquement ses serviteurs, pour servir un tyran ingrat, quine peut aider ses esclaves, ses courtisans, ni en ce monde ni en l'autre? Qu'il ne retire pas du supplice ceux qui y sont condamnés, ce n'est point en quoi consiste tout le mal et le dommage; mais c'est, comme j'ai dit, en ce qu'il accable ses serviteurs d'une infinité de peines et de misères. Car en l'autre monde on verra que la plupart des damnés n'ont été livrés aux supplices que pour avoir servi l'argent, aimé l'or et n'avoir pas fait l'aumône aux pauvres.

Pour nous , de peur d'être condamnés à ces tourments, répandons nos biens avec libéralité sur les pauvres ; garantissons notre âme et des soins importuns et nuisibles de cette vie, et du supplice réservé aux coupables dans l'autre; formons-nous dans le ciel un dépôt de bonnes oeuvres; au lieu d'amasser les richesses terrestres , faisons-nous des trésors qui ne puissent ni périr, ni nous être ravis; des trésors qui puissent entrer avec nous dans le ciel, qui puissent nous protéger à l'heure critique et nous rendre notre Juge propice. Plaise à Dieu que ce Juge, nous étant propice et favorable, et à présent et au jour de son jugement, nous jouissions avec liberté des biens qu'il a préparés dans le ciel pour ceux qui l'aiment comme il doit être aimé ! Je vous le souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigueur Jésus-Christ, avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, aujourd'hui et ton joues, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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