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PREMIÈRE SEMAINE.
ÉLÉVATIONS A DIEU
SUR SON UNITÉ ET SA PERFECTION.

 

PREMIÈRE SEMAINE.  ÉLÉVATIONS A DIEU  SUR SON UNITÉ ET SA PERFECTION.

PREMIÈRE ÉLÉVATION.  L'être de Dieu.

IIe ÉLÉVATION.  La perfection et l'éternité de Dieu.

IIIe ÉLÉVATION.  Encore de l'être de Dieu et de son éternelle béatitude.

IVe ÉLÉVATION.  L'unité de Dieu.

Ve ÉLÉVATION.  La prescience est la providence de Dieu.

VIe ÉLÉVATION.  La toute-puissante protection de Dieu.

VIIe ÉLÉVATION.  La bonté de Dieu et son amour envers les siens.

VIIIe ÉLÉVATION.  Bonté et amour de Dieu envers les pécheurs pénitents.

IXe  ÉLÉVATION.  L'amour de Dieu méprisé et implacable.

Xe ÉLÉVATION.  La sainteté de Dieu : Dieu est le Saint d'Israël.

XIe ÉLÉVATION.  Ce qu'on entend par la sainteté.

 

 

PREMIÈRE ÉLÉVATION.
L'être de Dieu.

 

De toute éternité Dieu est : Dieu est parfait : Dieu est heureux : Dieu est un. L'impie demande : Pourquoi Dieu est-il? Je lui réponds : Pourquoi Dieu ne serait-il pas ? Est-ce à cause qu'il est parfait : et la perfection est-elle un obstacle à l'être ? Erreur insensée ! au contraire la perfection est la raison d'être. Pourquoi l'imparfait serait-il, et le parfait ne serait-il pas? C'est-à-dire : pourquoi ce qui tient plus du néant serait-il, et que ce qui n'en tient rien du tout ne serait pas? Qu'appelle-t-on parfait? Un être à qui rien ne manque. Qu'appelle-t-on imparfait? Un être à qui quelque chose manque. Pourquoi l'être à qui rien ne manque ne serait-il pas, plutôt que l'être à qui quelque chose manque? D'où vient que quelque chose est, et qu'il ne se peut pas faire que le rien soit, si ce n'est parce que l'être vaut mieux que le rien, et que le rien ne peut pas prévaloir sur l'être, ni empêcher l’être d'être? Mais par la même raison, l'imparfait ne peut valoir mieux que le parfait, ni être plutôt que lui, ni l'empêcher d'être. Qui peut donc empêcher que Dieu ne soit : et pourquoi « le néant de Dieu que l'impie veut imaginer dans son cœur insensé (1), » pourquoi, dis-je, ce néant de Dieu l'emporterait-il sur l'être de Dieu : et vaut-il mieux que Dieu ne soit pas que d'être?

O Dieu, on se perd dans un si grand aveuglement : l'impie se

 

1 Psal., XIII, 1.

 

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perd dans le néant de Dieu qu'il veut préférer à l'être de Dieu. Et lui-même cet impie ne songe pas à se demander à lui-même pourquoi il est. Mon âme, âme raisonnable, mais dont la raison est si faible, pourquoi veux-tu être et que Dieu ne soit pas? Hélas ! vaux-tu mieux que Dieu? Ame faible, âme ignorante , dévoyée, pleine d'erreur et d'incertitude dans ton intelligence, pleine dans ta volonté de faiblesse, d'égarement, de corruption, de mauvais désirs, faut-il que tu sois : et que la certitude, la compréhension, la pleine connaissance de la vérité, et l'amour immuable de la justice et de la droiture ne soit pas ?

 

IIe ÉLÉVATION.
La perfection et l'éternité de Dieu.

 

On dit : Le parfait n'est pas : le parfait n'est qu'une idée de notre esprit qui va s'élevant de l'imparfait qu'on voit de ses yeux jusqu'à une perfection qui n'a de réalité que dans la pensée. C'est le raisonnement que l'impie voudrait faire dans son cœur insensé, qui ne songe pas que le parfait est le premier et en soi et dans nos idées, et que l'imparfait en toutes façons n'en est qu'une dégradation. Dis-moi, mon âme, comment entends-tu le néant, sinon par l'être ; comment la privation, si ce n'est par la forme dont elle prive; comment l'imperfection, si ce n'est par la perfection dont elle déchoit? Mon âme, n'entends-tu pas que tu as une raison, mais imparfaite, puisqu'elle ignore, qu'elle doute, qu'elle erre et qu'elle se trompe? Mais comment entends-tu l'erreur, si ce n'est comme privation de la vérité : et comment le doute ou l'obscurité, si ce n'est comme privation de l'intelligence et de la lumière : ou comment enfin l'ignorance, si ce n'est comme privation du savoir parfait : comment dans la volonté le dérèglement et le vice, si ce n'est comme privation de la règle, de la droiture et de la vertu ? Il y a donc primitivement une intelligence , une science certaine, une vérité, une fermeté, une inflexibilité dans

 

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le bien, une règle, un ordre, avant qu'il y ait une déchéance de toutes ces choses : en un mot il y a une perfection avant qu'il y ait un défaut ; avant tout dérèglement, il font qu'il y ait une chose qui est elle-même sa règle, et qui ne pouvant se quitter soi-même, ne peut non plus ni faillir, ni défaillir. Voilà donc un être parfait : voilà Dieu, nature parfaite et heureuse. Le reste est incompréhensible, et nous ne pouvons même pas comprendre jusqu'où il est parfait et heureux : pas même jusqu'à quel point il est incompréhensible.

D'où vient donc que l'impie ne connait point Dieu ; et que tant de nations, ou plutôt que toute la terre ne l'a pas connu, puisqu'on en porte l'idée en soi-même avec celle de la perfection? D'où vient cela, si ce n'est par un défaut d'attention, et parce que l'homme livré aux sens et à l'imagination, ne veut pas ou ne peut pas se recueillir en soi-même, ni s'attacher aux idées pures dont son esprit embarrassé d'images grossières ne peut porter la vérité simple ?

L'homme ignorant croit qu'il connait le changement avant l'immutabilité, parce qu'il exprime le changement par un terme positif, et l'immutabilité par la négation du changement même : et il ne veut pas songer qu'être immuable c'est être, et que changer c'est n'être pas : or l'être est, et il est connu devant la privation qui est le non-être : avant donc qu'il y ait des choses qui ne sont pas toujours les mêmes, il y en a une qui toujours la même ne souffre point de déclin : et celle-là non-seulement est, mais encore elle est toujours connue, quoique non toujours démêlée ni distinguée, faute d'attention. Mais quand recueillis en nous-mêmes, nous nous rendrons attentifs aux immortelles idées dont nous portons en nous-mêmes la vérité, nous trouverons que la perfection est ce que l'on connait le premier, puisque, comme nous avons vu, on ne connait le défaut que comme une déchéance de la perfection.

 

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IIIe ÉLÉVATION.
Encore de l'être de Dieu et de son éternelle béatitude.

 

« Je suis celui qui suis : Celui qui est m'envoie à vous (1) : » c'est ainsi que Dieu se définit lui-même ; c'est-à-dire que Dieu est celui en qui le non-être n'a point de lieu : qui par conséquent est toujours, et toujours le même : par conséquent immuable, par conséquent éternel : tous termes qui ne sont qu'une explication de celui-ci : « Je suis celui qui est. » Et c'est Dieu qui donne lui-même cette explication par la bouche de Malachie, lorsqu'il dit chez ce prophète : « Je suis le Seigneur, et je ne change pas (2). »

Dieu est donc une intelligence qui ne peut ni rien ignorer, ni douter de rien, ni rien apprendre ; ni perdre, ni acquérir aucune perfection : car tout cela tient du non-être. Or Dieu est celui qui est, celui qui est par essence. Comment donc peut-on penser que celui qui est ne soit pas, ou que l'idée qui comprend tout l'être ne soit pas réelle; ou que pendant qu'on voit que l'imparfait est, on puisse dire, on puisse penser, en entendant ce qu'on pense, que le parfait ne soit pas?

Ce qui est parfait est heureux : car il connait sa perfection, puisque connaître sa perfection est une partie trop essentielle de la perfection pour manquer à l'être parfait. O Dieu, vous êtes bienheureux ! ô Dieu, je me réjouis de votre éternelle félicité ! Toute l'Ecriture nous prêche que « l'homme qui espère en vous est heureux (3). A plus forte raison êtes-vous heureux vous-même, ô Dieu en qui on espère! Aussi saint Paul vous appelle-t-il expressément bienheureux : « Je vous annonce ces choses selon le glorieux Evangile de Dieu bienheureux (4). » Et encore : « C'est ce que nous montrera en son temps celui qui est bienheureux et le seul puissant , Roi des rois et Seigneur des seigneurs qui seul possède l'immortalité et habite une lumière inaccessible, à qui appartient

 

1 Exod., III, 11.— 2 Malach., III, 6. — 3 Psal. XXXIII, 9; Psal. LXXXIII, 13. — 4 I Timoth., I, 11.                                                                                      

 

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la gloire et un empire éternel. Amen (1). » O Dieu bienheureux, je vous adore dans votre bonheur. Soyez loué à jamais, de me faire connaître et savoir que vous êtes éternellement et immuablement bienheureux. Il n'y a d'heureux que vous seul, et ceux qui connaissant votre éternelle félicité, y mettent la leur. Amen, amen.

 

IVe ÉLÉVATION.
L'unité de Dieu.

 

« Ecoute, Israël : le Seigneur ton Dieu est un seul Dieu (2) : » car il est celui qui est : celui qui est indivisible. Tout ce qui n'est pas le parfait dégénère de la perfection. Ainsi le Seigneur ton Dieu étant le parfait, est seul, « et il n'y a point un autre Dieu que lui (3). » Tout ce qui n'est pas celui qui est par essence et par sa nature, n'est pas et ne sera pas éternellement, si celui qui est seul ne lui donne l'être.

S'il y avait plus d'un seul Dieu, il y en aurait une infinité : s'il y en avait une infinité, il n'y en aurait point : car chacun n'étant que ce qu'il est, serait fini, et il n'y en aurait point à qui l'infini ne manquât : ou il en faudrait entendre un qui contint tout, et qui dès là serait seul. « Ecoute, Israël : » écoute dans ton fond : n'écoute pas à l'endroit où se forgent les fantômes : écoute à l'endroit où la vérité se fait entendre, où se recueillent les pures et simples idées. Ecoute là, Israël : et là dans ce secret de ton cœur, où la vérité se fait entendre, là retentira sans bruit cette parole : « Le Seigneur ton Dieu est un seul Dieu (4) : devant lui les cieux ne sont pas : tout est devant lui comme n'étant point, tout est réputé comme un néant (5), » comme un vide, comme une pure inanité : parce qu'il est celui qui est, qui voit tout, qui sait tout, qui fait tout, qui ordonne tout et « qui appelle ce qui n'est pas comme ce qui est (6). »

 

1 I Timoth., VI, 15, 16. — 2 Deuter., VI, 4. — 3 Ibid., III, 21; IV, 35, 39.— 4 Ibid., VI, 4. — 5 Isa., XL, 17, 22, 23; Psal. XXXVIII, 6. — 6 Rom., IV, 17.

 

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Ve ÉLÉVATION.
La prescience est la providence de Dieu.

 

«Qui est celui qui appelle toute la suite des générations dès le commencement? C'est moi le Seigneur : qui suis le premier et le dernier (1) : » qui dans le centre de mon éternité vois tout commencer et tout finir.

Babylone, assemble tes devins : que dis-je tes devins? assemble tes dieux : « Qu'ils viennent : qu'ils nous annoncent les choses futures : qu'ils nous annoncent du moins tous les temps passés » et qu'ils fassent la liaison des uns avec les autres : « nous serons attentifs à vos paroles. Dites-nous ce qui ai rivera : que nous sachions les choses futures : annoncez-les-nous, et nous avouerons que vous êtes des dieux : faites-nous du bien et du mal, si vous pouvez (2) : » car si vous pouvez le faire à votre gré, vous pouvez le prévoir et le deviner. « Mais vous n'êtes rien, » tant que vous êtes de faux dieux. « Votre ouvrage n'est rien non plus : il est au rang de ce qui n'est pas : celui qui vous choisit pour son Dieu est, abominable (3). » C'est ainsi que le prophète Isaïe, et avec lui tous les saints convainquent de néant les dieux des païens.

« Mais moi, » dit le Seigneur par la bouche de ce saint prophète, comme je fais tout, je prédis ce que je veux. « Qui sera celui qui le fera venir de l'orient : qui l'appellera de loin, afin qu'il le suive? qui dissipera devant son épée les nations comme de la poussière, et les armées devant son arc, comme de la paille que le vent emporte (4)? Je le ferai venir de l'aquilon et de l'orient (5), » celui que je sais et que je vois de toute éternité. C'est Cyrtis que j'ai nommé pour être le libérateur de mon peuple. « Il connaîtra mon nom : tous les princes seront devant lui comme des gens qui amassent de la boue. Qui est-ce qui l'a annoncé dès le commencement (6)?

 

1 Isa., XLI, 4. — 2 Ibid., 22, 23. — 3 Ibid., 24. — 4 Ibid., 2. — 5 Ibid., 25. — 6 Ibid., 25, 26.

 

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C'est moi le Seigneur : c'est là mon nom : je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni ma louange aux idoles : ce que j'ai annoncé au commencement et qui a paru le premier dans mes oracles, voilà qu'il arrive : je découvrirai encore de nouvelles choses : devant qu'elles paraissent, je vous les ferai entendre (1). Israël, tu es un peuple dissipé : qui t'a donné en proie à tes ennemis, si ce n'est le Seigneur lui-même, parce que nous avons péché? et il a répandu sur nous le souffle de sa colère (2). »

« Et maintenant, dit le Seigneur (3), je te crée de nouveau, Jacob; et je te forme, Israël. Je suis. Il n'y a point de Dieu devant moi, et il n'y en aura point après. Je suis, je suis le Seigneur, et il n'y a que moi qui sauve. Dès le commencement je suis : je suis le Seigneur votre saint, le roi et le créateur d'Israël : ne songez plus aux choses passées : j'en vais faire de nouvelles : j'ai formé ce peuple pour moi, et je veux qu'il raconte mes louanges. Je suis le premier et le dernier » encore un coup, « et il n'y a de Dieu que moi seul. Je suis le Seigneur qui fais tout : qui rends inutiles tous les présages des devins : je leur renverse l'esprit, et je change leur sagesse en folie. » Mais au contraire j'exécuterai après plusieurs siècles, « et je ferai revivre la parole du prophète mon serviteur » que j'ai inspiré : « et j'accomplirai les prédictions de mes messagers. Je dis à Jérusalem ruinée et changée en solitude : Tu seras pleine d'habitants. Je dis aux villes de Juda : Vous serez rebâties, » je relèverai vos ruines, « et je remplirai vos rues solitaires et abandonnées. J'ai dit à Cyrus : Vous êtes le prince que j'ai choisi : vous accomplirez ma volonté. J'ai dit à Jérusalem : Vous serez bâtie; et au temple réduit en cendres : Vous serez fondé de nouveau (4). » J'ai nommé Cyrus pour accomplir cet ouvrage.

« Voici ce qu'a dit le Seigneur à Cyrus mon oint, que j'ai pris par la main pour lui assujettir les nations et mettre en fuite les rois devant lui : Je te livrerai les trésors cachés : ce qu'on aura recelé dans 'es lieux les plus cachés, te sera ouvert, afin que tu saches que je suis le Seigneur, le Dieu d'Israël, qui te nomme par

 

1 Isa., XLII, 8, 9.— 2 Ibid., 22, 24, 25. — 3 Ibid., XLIII, 1, 3, 10, 11, 13, 15, 18, 10, 21. — 4 Ibid., XLIV, 6, 24, 25, 26, 28.

 

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ton nom. » Je ne l'ai pas fait pour l'amour de toi ; mais « pour l'amour de Jacob mon serviteur, et d'Israël que j'ai choisi. C'est pour lui que je t'ai nommé par ton nom : je t'ai représenté : je t'ai figuré tel que tu es : tu ne me connaissais pas : et moi je te revêtais de puissance, afin que du levant jusqu'au couchant on sache qu'il n'y a de Dieu que moi ; et que moi, et non pas un autre. Je suis le Seigneur : c'est moi qui crée la lumière et qui répands les ténèbres : » je pardonne et je punis : « je distribue » le bien et « le mal, la paix » et la guerre, selon le mérite d'un chacun : « je suis le Seigneur qui fais toutes ces choses (1). » Ainsi parlait Isaïe. Et deux cent cinquante ans après, Cyrus, vainqueur selon cet oracle, vit la prophétie, et publia cet édit : « Voici ce que dit Cyrus, roi de Perse : Le Dieu du ciel, le Seigneur m'a livré tous les royaumes de la terre, et m'a commandé de rebâtir sa maison dans Jérusalem (2). »

Cent autres pareils exemples justifient la prescience et la providence de Dieu : mais celui-ci comprend tout et ne laisse rien à désirer.

 

VIe ÉLÉVATION.
La toute-puissante protection de Dieu.

 

« Montez à la cime d'une montagne élevée, vous qui évangélisez, vous qui annoncez à Sion la bonne nouvelle de son salut : élevez une voix puissante, vous qui annoncez à Jérusalem son bonheur : élevez votre voix, ne craignez pas. Dites aux villes de Juda : Voici votre Dieu qui vient à votre secours : c'est votre Dieu qui vient avec fore, et avec un bras dominant : il vient, et avec lui vient sa récompense, et son ouvrage ne manquera pas. Comme un pasteur paît son troupeau ; comme il ramasse avec son bras pastoral ses tendres agneaux, et qu'il porte lui-même les petits qui ne peuvent pas se soutenir : ainsi fera le Seigneur (1). »

« Qui est celui qui a mesuré l'immensité des eaux par sa main,

 

1 Isa., XLV, 1, 3, 4, 5, 6, 7.— 2 II Paralip., XXXVI; 22, 23; I Esdr., I, 1,2; VI, 2, 3. — 3 Isa., XL, 9, 10, 11.

 

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et qui a pesé les cieux avec son poignet, et avec trois doigts toute la masse de la terre ? Qui est celui qui a mis les montagnes et les collines dans une balance (1), » et a pu faire que toute la terre se servant à elle-même de contre-poids, demeurât dans l'équilibre au milieu des airs ? « Qui a aidé l'esprit du Seigneur, ou qui lui a servi de conseiller et lui a montré dans ces grands ouvrages ce qu'il fallait faire (2)? » S'il faut lui offrir des sacrifices selon sa grandeur, « le Liban n'aura pas assez de bois, ni la terre assez d'animaux pour son holocauste (3). » C'est-à-dire que le cœur de l'homme, quoique plus grand que tout l'univers et que toute la nature corporelle, n'aura pas assez d'amour ni assez de désirs à lui immoler. Le cœur de l'homme se perd, quand il veut adorer Dieu.

« Savez-vous bien le commencement de toutes choses? Avez-vous compris les fondements de la terre, ni comme Dieu se repose sur son vaste tour (4) » et en fait comme son siège ou comme l'escabeau de ses pieds? « Levez les yeux, et voyez qui a créé tous ces luminaires, qui les fait marcher comme en ordre de bataille, et les nomme chacun par son nom, sans en omettre un seul dans sa puissance. Jacob, » qui vous défiant de cette puissance, «dites en vous-même : Mes voies sont cachées au Seigneur, il ne sait plus où je suis, et mon Dieu n'exercera pas son jugement sur moi, » pour me punir ou pour me sauver : « ignorez-vous que le Seigneur est éternel, qu'il a marqué et créé les limites de la terre? Sans défaillance, sans travail, sans lassitude, il agit sans cesse, et sa sagesse est impénétrable. Il rend la force à celui qui est épuisé, du courage et de la vertu à celui qui n'est plus. La jeunesse la plus robuste tombera en faiblesse malgré sa vigueur : mais ceux qui espèrent au Seigneur, verront leurs forces se renouveler de jour en jour : » quand ils croiront être à bout et n'en pouvoir plus, tout d'un coup « ils pousseront des ailes semblables à celles d'un aigle : ils courront et ne se lasseront point : ils marcheront, et ils seront infatigables (5). » Marchez donc, aines pieuses, marchez : et quand vous croirez n'en pouvoir plus, redoublez votre ardeur et votre courage.

 

1 Isa., XL, 12. — 2 Ibid., 13. — 3 Ibid., 16. — 4 ibid., 21, 22. — 5 Ibid., 20, 27, 28,20, 30, 31.

 

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« Je vous tirerai, dit le Seigneur (1), des extrémités de la terre. Je vous ai pris par la main, et je vous ferai revenir du bout du monde : je vous ai dit : Vous êtes mon serviteur, je vous ai choisi et ne vous ai pas rejeté. Ne craignez donc rien, puisque je suis avec vous : ne vous laissez point affaiblir, puisque je suis votre Dieu. Je vous ai fortifié : je vous ai secouru, et la droite de mon Juste, » de mon Christ, « a été votre soutien. Tous vos ennemis seront confondus, et seront comme n'étant pas : vous demanderez où ils sont, et vous les verrez disparus : vos rebelles qui vous livraient de continuels assauts, seront comme n'étant pas : tous leurs efforts seront vains et comme un néant, parce que moi qui suis le Seigneur, je vous ai pris par la main et je vous ai dit » dans le fond du cœur : « Ne craignez point, je vous ai aidé. Jacob qui était » petit et faible comme « un vermisseau, » qui à peine se peut traîner : « Israélites qui étiez » languissants, abattus et réduits au rang des « morts, je vous ai ressuscites, moi le Seigneur, par mon secours tout-puissant, et je suis votre rédempteur, moi le Saint d'Israël. Vous mettrez vos ennemis en fuite : vous serez sur eux comme un chariot neuf armé de tranchants de fer : vous détruirez leurs armées ; et » leurs forteresses fussent-elles élevées comme des  montagnes, « vous les réduirez en poudre : vous pousserez devant vous vos ennemis comme un tourbillon fait la poussière : et vous vous réjouirez dans le Seigneur, et votre cœur transporté d'aise triomphera dans le Saint d'Israël. »

Il ne faut pas dire que ce soient ici des miracles, des effets extraordinaires de la toute-puissance de Dieu. Dieu ne montre des effets sensibles de cette puissance, que pour nous convaincre de ce qu'il fait en toute occasion plus secrètement. Son bras n'est pas moins fort quand il se cache que quand il se déclare ; il est toujours et partout le tout-puissant, « le triomphateur en Israël (2), » comme il s'appelle lui-même, le protecteur invincible et toujours présent de ses amis.

« Ecoute donc, Jacob mon serviteur, Israël que j'ai élu : Voici ce que dit le Seigneur : Moi qui te forme, moi qui te crée, qui le

 

1 Isa., XLI, 9, 10 et seq. — 2 I Reg., XV, 29.

 

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tire du néant à chaque moment, qui suis ton secours dès le ventre de ta mère (1), » dès le commencement de ta vie, dans ta plus grande faiblesse et parmi les plus impénétrables ténèbres : « Mon serviteur, que j'ai aimé, homme droit que j'ai choisi, » je t'enverrai du ciel mes consolations: «j'épancherai des eaux abondantes sur celui qui aura soif : je verserai des torrens sur cette terre desséchée : je répandrai mon esprit sur toi : » je te rendrai féconde en bonnes œuvres, et « je bénirai tes productions. » Ecoutez ces paroles, âmes désolées, que Dieu semble avoir délaissées dans son courroux, mais que son amour cependant met à l'épreuve. Vous vivrez, c'est moi qui le promets, moi qui suis le véritable et le saint, le fidèle et le tout-puissant : je fais tout ce que je veux : le Seigneur a juré et il a dit : Si ce que je pense n'arrive pas, si ce que je résous ne s'accomplit point, je ne suis pas Dieu : mais je suis Dieu, je suis le Dieu des armées, le Dieu qui fait tout ce qui lui plaît dans le ciel et dans la terre. Le Seigneur a prononcé, « et qui pourra anéantir son jugement (2)? » Le Seigneur a étendu son bras, et qui en pourra éviter les coups ou en détourner l'effet ?

 

VIIe ÉLÉVATION.
La bonté de Dieu et son amour envers les siens.

 

C'est un père, c'est une mère, c'est une nourrice. « Une mère peut-elle oublier son enfant qu'elle a porté dans son sein ? Et quand elle l'oublierait, je ne vous oublierai pas (3), » dit le Seigneur. « Le Seigneur ton Dieu t'a porté sur ses bras comme un petit enfant (4). Comme un aigle qui porte ses petits, qui étend ses ailes sur eux, qui vole sur eux et les provoque à voler : » ainsi Dieu ne détourne point ses regards de dessus son nid « et le garde comme la prunelle de son œil (5). Il nous porte à ses mamelles pour nous allaiter, il nous met sur ses genoux : » et non content de

 

1 Isa., XLIV, 1, 2, etc.— 2 Job, XL, 3.— 4 Isa., XLIX, 15. — 5 Deuter., I, 31.— 6  Ibid., XXXII, 10, 11.

 

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nous nourrir, il joint à la nourriture les tendresses et les caresses : « comme une mère caresse son enfant qui suce son lait, ainsi je vous consolerai (1), » dit le Seigneur.

Plus que tout cela : c'est un amant passionné, c'est un tendre époux. « Voici ce que dit le Seigneur à Jérusalem, » à l'âme fidèle : « Quand tu es venue au monde, tu étais dans l'impureté» de ton père Adam, dont tu avais hérité la corruption et le péché. « On ne t'avait point coupé le nombril : tu n'avais point été lavée d'eau, ni salée de sel, ni enveloppée dans des langes : personne n'avait eu compassion de toi, ni ne t'avait regardée d'un œil de pitié : exposée et jetée à terre comme un avorton par un extrême mépris dès le jour de ta naissance, tu n'étais que pour ta perte, et personne n'avait soin de toi (2) : » voilà quelle est par elle-même la nature humaine conçue en iniquité et dans le péché. « Alors, dit le Seigneur, je t'ai vue en passant, pauvre et délaissée; et pendant que souillée encore de ton sang » et toute pleine de l'impureté de ta naissance, tu n'avais rien qui ne fit horreur, et que tu étais livrée inévitablement à la mort, « je t'ai dit : Je veux que tu vives. Vis, » malheureuse âme, « c'est moi qui le dis, vis toute horrible que tu es dans l'impureté de ton sang, » dans l'ordure de ton péché. C'est ainsi que Dieu parle à l’âme qu'il lave par le baptême.

Mais ce n'est pas là qu'il borne ses soins : « Tu croissais, » dit le Seigneur; ta raison se formait peu à peu, « et tu devenais capable des ornements qu'on donne à de jeunes filles (3), » des vertus dont il faut parer les âmes dès leur jeunesse. Tu commençais à pouvoir porter des fruits : « tes mamelles s'enflaient et se formaient : et tu étais parvenue à l'âge qui donne des amans : » mais de peur que tu n'en prisses qui fussent indignes de toi, je me suis présenté moi-même à tes désirs. « J'ai passé et je t'ai vue en cet âge : » et quoique tu fusses nue et pleine encore de confusion, sans raison, sans règle par toi-même et dans tes premiers désirs, je t'ai épousée : je t'ai appelée dans ma couche et à des embrassements qui purifient l’âme : j'ai contracté avec toi un mariage éternel : « J'ai juré par ma vérité que je ne  t'abandonnerais pas,

 

1 Isa., LXVI, 12, 13. — 2 Ezech., XVI, 3, 4, 5. — 3 Ibid., 6, 7, 8, 9, 10.

 

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et tu es devenue mienne. Je t'ai lavée d'une eau » sainte. Dès les premiers jours de ta naissance, où je t'avais ordonné de vivre, tu avais déjà été purgée par l'eau du baptême : mais il a fallu te laver encore des mauvais désirs que la racine impure de ta convoitise poussait sans cesse : l'impureté du sang dont tu étais née, était encore sur toi : je l'ai ôtée par de saintes instructions, et j'ai mis sur toi toute la sainteté de ton baptême. « Et je t'ai ointe d'une huile » sainte par l'abondance de mes grâces. « Je t'ai donné des habits de diverses couleurs : » je t'ai ornée de toutes les vertus « et je t'ai chaussée avec soin » des plus belles peaux, « et je t'ai environnée d'habits de fin lin, » qui sont « les justices des saints, et je t'ai revêtue des étoffes les plus fines (1) : » je t'ai ôté par ma grâce tes désirs grossiers et charnels.

Mon amour a été plus loin ; et ne voulant pas seulement que tu fusses nette et pure, mais encore riche et opulente, « je t'ai donné les grands ornements, des bracelets dans tes bras, un riche collier autour de ton col, des cercles d'or et des pierreries pendantes à tes oreilles, et une couronne sur ta tête : tu reluisais toute d'or et d'argent, et tout était riche et magnifique dans tes habits. Je te nourrissais de ce qu'il y a de meilleur et de plus exquis : » toutes les douceurs étaient servies sur ta table. Par ces ornements, par ces soins, « ta beauté avait reçu un si grand éclat que tout le monde en était ravi. Je t'ai élevée jusque dans le trône. Tout l'univers ne parlait que de ta beauté, de cette beauté que moi seul je t'avais donnée, dit le Seigneur Dieu (2), » qui suis le beau et le bon par excellence, et l'auteur de toute beauté et de tout bien dans mes créatures.

Regarde, âme chrétienne, quel amant, quel époux t'a été donné. Il t'a trouvée étant laide : il t'a faite belle : il n'a cessé de t'embellir de plus en plus : il a prodigué sur toi tous ses dons, toutes ses richesses : il t'a placée dans son trône : il t'a faite reine : ses anges t'ont admirée comme l'épouse du Roi des rois, comme reçue dans sa couche, unie à son éternelle félicité, comblée de sa gloire. et de ses délices : qu'avais-tu à désirer, âme chrétienne, pour connaître toutes les bontés et tout l'amour de cet époux bienfaisant?

 

1 Apoc., XIX, 8. — 2 Ezech., XVI, 11, 12, 13, 14.

 

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VIIIe ÉLÉVATION.
Bonté et amour de Dieu envers les pécheurs pénitents.

 

« On dit par commun proverbe : Si un mari quitte sa femme, et que se retirant de lui elle épouse un autre mari, la reprendre-t-il ? » Cette femme ne sera-t-elle pas souillée et abominable? «Et toi, » âme pécheresse, « tu t'es livrée à tous tes amans. » Ce n'est pas moi qui t'avais quittée : non, je suis un époux fidèle et qui jamais ne fais divorce de moi-même : c'est toi, âme infidèle , qui m'as abandonné et t'es donnée non pas à un seul amant, mais à mille et mille corrupteurs. « Reviens toutefois à moi, dit le Seigneur, et je te recevrai (1). Regarde de tous côtés, » et tant que ta vue se pourra étendre, tu ne verras que des marques de tes infamies. « En quel lieu ne t'es-tu pas prostituée, » âme impudique et livrée à tous les désirs de ton cœur? « Tu étais comme exposée dans les chemins publics, » et il n'y avait créature aucune qui ne captivât ton cœur. Te répéterai-je tes vengeances, tes envies, tes haines secrètes, ton ambition à laquelle tu sacrifiais tout, tes amours impures et désordonnées? « Toute la terre a été souillée de tes prostitutions et de tes malices. Tu as le front d'une impudique : tu n'as pas rougi de tes excès. Reviens donc du moins dorénavant : appelle-moi ton Père, » ton Epoux « et le conducteur de ta virginité. Pourquoi veux-tu toujours l'éloigner de moi comme une femme courroucée, et veux-tu persister dans ton injuste colère? Tu as dit que tu ferais mal, tu t'en es vantée, et tu l'as fait, et tu l'as pu (2). » Je t'ai abandonnée à tes voies : « Reviens, infidèle, et je ne détournerai pas mes yeux de toi, parce que je suis le Saint, dit le Seigneur ; et nia colère ne sera pas éternelle. Connais seulement ton iniquité et que tu as prévariqué contre le Seigneur. Il n'y a point d'arbre feuillu dans la forêt, qui ne soit témoin de ta honte : » il n'y a point de vain plaisir qui ne t'ait déçue, « et tune m'as point écouté, dit le Seigneur. Convertissez-vous, enfants

 

1 Jerem., III, 1. — 2 Ibid., 2, 3, 4, 5.

 

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rebelles ; convertissez-vous (1) » et revenez à la maison paternelle , enfants prodigues (2) ; on vous rendra votre première robe : on célébrera un festin pour votre retour : toute la maison sera en joie ; et votre père, touché d'une tendresse particulière, s'excusera envers les justes qui ne l'ont jamais quitté, en leur disant : « Vous êtes toujours avec moi; mais il faut que je me réjouisse, parce que votre frère était mort, et il est ressuscité : il était perdu, et il a été retrouvé (3). » Réjouissez-vous avec moi et avec tout le ciel, qui fait une fête de la conversion des pécheurs, et « conçoit une joie plus grande pour le retour d'un seul que pour la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence (4). »

« Revenez donc, enfants désobéissants; » revenez, épouses infidèles, « parce que je suis votre Epoux (5). Est-ce ma volonté que l'impie périsse, et non pas qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous , faites pénitence, et votre péché ne vous tournera pas à ruine : éloignez de vous toutes vos prévarications et vos désobéissances, et faites-vous un cœur nouveau et un nouvel esprit. Et pourquoi voulez-vous mourir, enfants d'Israël, » pendant que moi, moi que vous avez offensé, je veux votre vie? « Non, je ne veux point la mort du pécheur, dit le Seigneur Dieu : revenez et vivez (6). »

« C'est moi, c'est moi-même qui efface vos iniquités pour l'amour de moi-même » et pour contenter ma bonté : « et je ne me ressouviendrai plus de vos péchés. Seulement, sou venez-vous de moi : entrons en jugement l'un avec l'autre : » je veux bien me rabaisser jusque-là : « Plaidez votre cause : avez-vous de quoi justifier vos ingratitudes (7), » après que je vous ai pardonné tant de fois? « Jacob, souvenez-vous-en, ne m'oubliez pas : j'ai effacé comme un nuage vos iniquités : j'ai dissipé vos péchés » comme le soleil dissipe un brouillard : pécheurs, « retournez à moi, parce que je vous ai rachetés. O cieux, chantez ses louanges : terre, faites retentir vos louanges d'une extrémité à l'autre : montagnes, portez vos cantiques jusqu'aux nues, parce que le Seigneur a fait

 

1 Jerem., III, 12-14. — 2 Luc., XV, 22, 23 et seqq. — 3 Ibid., 31, 32. — 4 Ibid., 6, 7. — 5 Jerem., III, 14. — 6 Ezech., XVIII, 23, 30-32.— 7 Isa., XLIII,25, 26.

 

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miséricorde (1). Autant que le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant a-t-il exalté et affermi ses miséricordes : autant que le levant est loin du couchant, autant a-t-il éloigné de nous nos iniquités : comme un père a pitié de ses enfants, ainsi Dieu a eu pitié de nous, parce qu'il connait » nos faiblesses et « de quelle masse nous sommes pétris. Nous ne sommes que boue et poussière : nos jours s'en vont comme une herbe et tombent comme une fleur : et notre âme, » plus fragile encore que notre corps, « n'a point de consistance (2). »

 

IXe  ÉLÉVATION.
L'amour de Dieu méprisé et implacable.

 

« Parce que vous n'avez pas voulu servir le Seigneur votre Dieu avec plaisir et dans la joie de votre cœur, dans l'abondance de tous biens, vous serez assujetti à un ennemi implacable que le Seigneur enverra sur vous, dans la faim et dans la soif, dans la nudité et dans la disette : et il mettra sur vos têtes un joug de fer dont vous serez accablé (3) : et comme le Seigneur a pris plaisir de vous bien faire, de vous multiplier, de vous enrichir à pleines mains : ainsi il prendra plaisir de vous perdre, de vous détruire, de vous écraser (4). » Pesez ces paroles : la mesure de vos tourments sera l'amour méprisé.

« Pourquoi criez-vous vainement, » et que vous sert de pousser jusqu'au ciel vos plaintes inutiles sous la main qui vous brise? « Votre fracture est incurable : la gangrène est dans votre plaie, et il n'y a plus de remède : il n'y a plus pour vous de baume ni de ligature. Je vous ai frappé d'un coup d'ennemi (5), » d'une plaie cruelle : non d'un châtiment paternel pour vous corriger, mais du coup d'une main vengeresse et impitoyable, pour contenter une inexorable justice. « Vos péchés sont devenus durs » par la

 

1 Isa., XLIV, 21-23.— 2 Psal. CII, 11-15. — 3 Deuter., XXVIII, 47, 48.— 4 Ibid., 63. — 4 Jerem., XXX, 12-14.

 

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dureté de votre cœur, par vos habitudes invétérées, par votre inflexibilité dans le mal : et moi aussi, dit le Seigneur, je m'endurcirai sur vous et j'oublierai que je suis Père. Vous implorerez en vain ma miséricorde, poussée à bout par vos ingratitudes : votre insensibilité fait la mienne : « Je vous ai fait ce cruel et insupportable traitement à cause de la multitude de vos crimes et de vos durs péchés (1) : » à cause de la dureté inflexible de votre cœur rebelle et opiniâtre. « Il est temps que le jugement commence par la maison de Dieu (2). » Amenez-moi Jérusalem : amenez-moi cette âme comblée de tant de grâces : « je la perdrai : je l'effacerai comme on efface une écriture dont on ne veut pas qu'il reste aucun trait : je passerai et repasserai un stylet de fer sur son visage (3), » et il n'y restera rien de sain et d'entier.

 

Xe ÉLÉVATION.
La sainteté de Dieu : Dieu est le Saint d'Israël.

 

Dieu se délecte particulièrement dans le nom de Saint. Il s'appelle très-sou vent « le Saint d'Israël (4): » il veut que sa sainteté soit le motif, soit le principe de la nôtre : « Soyez saints, parce que je suis saint (5), » dit le Seigneur. Sa sainteté, qui fait la consolation de ses fidèles, fait aussi l'épouvante de ses ennemis. «A qui est-ce que tu t'attaques, » Rabsace insensé : « de qui as-tu blasphémé le nom : contre qui as-tu élevé ta voix et lancé tes regards superbes? Contre le Saint d'Israël. Pendant que tu t'emportais comme un furieux contre moi, ton orgueil est monté jusqu'à mes oreilles ; et voilà que je mettrai un frein à ta bouche, et un cercle de fer à tes narines ; et je te ramènerai au chemin par où tu es venu (6). » Et ailleurs : « Le vigilant et le saint est descendu du ciel (7) : » c'est un ange, si vous voulez ; quoi qu'il en

 

1 Jerem., XXX, 15. — 2 I Petr., IV, 17.—  3 IV Reg., XXI, 12, 13. — 4 Psal., LXX, 22; Isa., XII, 6, et alibi.— 5 Levit., XI, 44, 45 ; XIX, 2, et alibi. — 6 IV Reg., XIX 22, 28; Isa., XXXVII, 23, 29. — 7 Dan., IV, 10, 11, 14.

 

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soit, sa puissance est dans sa sainteté : et la sentence est partie d'en haut, « et il a crié puissamment : Coupez l'arbre, abattez ses branches : il a été ainsi ordonné dans l'assemblée dé ceux qui veillent toujours : c'est la sentence des saints, » dont la force est dans leur sainteté. Et après : « Le royaume a été donné au peuple des saints du Très-Haut (1), » parce qu'il est saint et le tout-puissant protecteur de la sainteté. Les païens mêmes savaient la puissance attachée à la sainteté du nom divin : la reine vint dire au roi Balthazar : « Il y a un homme dans votre royaume qui a en lui-même l'esprit des saints Dieux (2) ; » c'était-à-dire l'esprit de prédiction et d'une efficace divine.

« J'ai vu le Seigneur assis sur un trône élevé et haut, et ce qui était au-dessous de lui remplissait le temple : deux séraphins étaient autour, l'un avait six ailes, et l'autre autant : deux ailes couvraient la face du Seigneur, deux voilaient ses pieds, et les deux autres servaient à voler : et ils criaient l'un à l'autre, et ils disaient : Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu des armées; toute la terre est remplie de sa gloire. Et les gonds des portes tremblaient à la voix de celui qui criait ; et la maison fut remplie de fumée (3). » Voilà donc la sainteté de Dieu, voilà pourquoi il est appelé « le Saint d'Israël : » il se manifeste à son prophète comme le très-saint : le trois fois saint dans ses trois personnes : et la gloire et la majesté qui remplissent toute la terre sont l'éclat de sa sainteté : « La sainteté est son vêtement (4), » dit David. Et saint Jean dans l'Apocalypse voit « quatre animaux qui ne cessaient de crier nuit et jour : Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu tout-puissant, qui était, et qui est, et qui doit venir (5). » Remarquez ce cri partout : il n'y a rien qu'on publie avec un cri plus grand et plus persévérant : rien qui éclate plus hautement dans tout l'univers, que la sainteté de Dieu.

La sainteté est l'abrégé et comme un précis des perfections divines. Le Fils de Dieu même, dans sa dernière oraison parlant à son Père, comme pour renfermer en un seul mot ses perfections, l'appelle mon « Père saint, » mon « Père juste (6) : » et on ne trouve

 

1 Dan., VII, 18, 22. — 2 Ibid., V, 10, 11.— 3 Isa., VI, 1-4. — 4 Psal. CIII, 2. — 5 Apoc., IV, 8. — 6 Joan., XVII, 11, 25.

 

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pas dans son Evangile qu'il lui ait donné d'autre titre que ces deux qui n'en font qu'un : lui-même est connu sous le nom de Saint et de Juste : « La chose sainte qui naîtra en vous sera appelée le Fils de Dieu (1) : » les démons parlent comme l'ange : « Je sais qui vous êtes, le Saint de Dieu (2) : » Daniel l'avait nommé en esprit à cause de son onction, « le Saint des saints (3) : » Isaïe l'appelle « le Juste (4) : » saint Pierre unit ensemble ces deux qualités en disant : « Vous avez renié le Saint et le Juste (5) »

 

XIe ÉLÉVATION.
Ce qu'on entend par la sainteté.

 

La sainteté est en Dieu une incompatibilité essentielle avec tout péché, avec tout défaut, avec toute imperfection d'entendement et de volonté.

1° L'injustice, l'iniquité, le péché ne peut être en lui : il est la règle, et bon par essence, sans qu'il puisse y avoir en lui aucun défaut. Il n'entend et ne veut que ce qu'il faut entendre et vouloir : son entendre et son vouloir sont sa nature qui est toujours excellente. Sa perfection morale et sa perfection naturelle ne sont qu'un : il est également indéfectible par son être, et infaillible dans son intelligence et sa volonté : par conséquent incompatible avec tout péché, avec tout défaut.

2° Il appartient à lui seul de purifier du péché les consciences souillées : il est « saint et sanctificateur : » il est « juste et justifiant le pécheur, » comme dit saint Paul (6).

3° Il est incompatible avec les pécheurs et les rejette de devant lui par toute sa sainteté et par toute son essence. « Le matin » et dans le temps que les pensées sont les plus nettes et qu'on en doit offrir à Dieu les prémices, « Seigneur, dit le Psalmiste. je me présenterai devant vous, et je verrai » clairement dans votre lumière

 

1 Luc., 1,35.— 2 Marc., I, 24. — 3 Dan., IX, 24. — 4 Isa., XLV, 21. — 5 Act., III, 14. — 6 Rom., III, 26.

 

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« que vous êtes un Dieu qui ne voulez point l'iniquité : le malin n'habite point auprès de vous; et les injustes ne subsisteront point devant vos yeux. Vous haïssez tous ceux qui commettent des péchés : vous perdrez tous ceux qui profèrent des mensonges : l'homme sanguinaire et l'homme trompeur sont en abomination devant le Seigneur (1). »

4° Les pécheurs l'attaquent inutilement par leur rébellion : et sa sainteté demeure inviolable au milieu des impiétés, des blasphèmes , des impuretés dont tout l'univers est rempli par la malice des hommes et des démons.

5° Il demeure saint, quoique pour punir les pécheurs il les livre à leurs mauvais désirs, parce que les y livrer n'est pas les produire : Dieu ne fait que se soustraire lui-même à un cœur ingrat : et cette soustraction est sainte, parce que Dieu se soustrait justement lui-même à ceux qui le quittent, et punit leur égarement volontaire en les frappant d'aveuglement. Il fait tout dans l'homme, excepté le seul péché, où son action ne se mêle point. Celui qu'il permet ne le souille point, parce que lui seul il en peut tirer un bien infini et plus grand que n'est la malice de tous les péchés ensemble : comme quand il tire de la malice des Juifs un sacrifice si saint, qu'il y a de quoi expier tous les crimes.

6° Il purifie les justes par mille épreuves : il les met dans le creuset et dans le feu : dans le feu de cette vie, dans le feu de l'autre, et « rien de souillé n'entre en son royaume (2). »

7° Sa sainteté est la conviction de toute l'iniquité des hommes : « Malheur à moi, » s'écrie Isaïe, après avoir vu la majesté du trois fois saint : « malheur à moi, avec mes lèvres impures, au milieu d'un peuple souillé. J'ai vu de mes yeux le roi des armées : Va, dit-il, et dis à ce peuple : Ecoutez, et ne comprenez pas : aveugle le cœur de ce peuple : appesantis ses oreilles : ferme ses yeux (3). » C'est l'effet de la sainteté de Dieu, lorsqu'elle a été méprisée. Je serai sanctifié au milieu d'eux en les punissant : je laverai mes mains dans leur sang : et ma juste vengeance fera éclater ma sainteté.

« Les choses saintes sont pour les saints, » s'écriait-on autrefois

 

1 Psal. V, 5-7. — 2 Apoc., XXI, 27. — 3 Isa., VI, 5, 9, 10.

 

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avant la communion. « Il n'y a qu'un saint, un seul Seigneur, un seul Jésus-Christ, » répondait le peuple. O Seigneur! sanctifiez-nous, afin que nous sanctifiions et glorifiions votre nom. En vérité, en vérité, je vous le dis : « Je ne vous connais pas : retirez-vous de moi, vous tous qui opérez l'iniquité (1). »

Approchez, pécheurs pénitents : purifiez-vous dans la source de la pureté : « Si vos péchés sont rouges comme l'écarlate, je les blanchirai comme la neige (2). » Quel merveilleux changement! l'Ethiopien n'a plus la peau noire : elle éclate d'une céleste blancheur : la sainteté de Dieu a fait cet ouvrage : « Soyez donc saints, parce que je suis saint, » dit le Seigneur (3). Soyez saints, ministres de Dieu et de ses autels, dispensateurs de sa parole et dé ses mystères, parce que Dieu vous a choisis pour sanctifier son peuple : peuple de Dieu, soyez saint, « parce que Dieu habite au milieu de vous (4). » Sanctifiez vos âmes où il veut établir sa demeure, et vos corps qui sont les temples de son Saint-Esprit.

 

1 Matth., VII, 23.— 2 Isa., I, 18.— 3 Levit., XI, 43, 44; I Petr., I, 16. — 4  Levit., XXVI, 2; I Cor., III, 16, 17; II Cor., VI, 16.

  

 

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