Elév. Semaine XVII
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XVIIe SEMAINE.
SUITE DES MYSTÈRES DE L'ENFANCE DE JÉSUS-CHRIST.

 

 XVIIe SEMAINE.  SUITE DES MYSTÈRES DE L'ENFANCE DE JÉSUS-CHRIST.

PREMIÈRE ÉLÉVATION.  La circoncision : le nom de Jésus.

IIe ÉLÉVATION.  L'etoile des Mages.

IIIe ÉLÉVATION.  Qui sont les Mages ?

IVe ÉLÉVATION.  D'où  viennent les  Mages?

Ve ÉLÉVATION.  Quel fut le nombre des Mages?

VIe ÉLÉVATION.  L'étoile disparaît.

VIIe ÉLÉVATION.  Les docteurs indiquent Bethléem aux Mages.

VIIIe ÉLÉVATION.  La jalousie et l'hypocrisie d'Hérode : sa politique trompée.

IXe ÉLÉVATION.  Les Mages adorent l'enfant, et lui font leurs présents.

Xe ÉLÉVATION.  Les Mages retournent par une autre voie.

 

 

PREMIÈRE ÉLÉVATION.
La circoncision : le nom de Jésus.

 

Jésus souffre d'être mis au rang des pécheurs : il va comme un vil esclave porter sur sa chair un caractère servile et la marque du péché de notre origine. Le voilà donc en apparence fils d'Adam comme les autres : pécheur et banni par sa naissance : il fallait qu'il portât la marque du péché, comme il en devait porter la peine.

Cependant au lieu d'être impur comme nous tous par son origine, par son origine il était saint, conçu du Saint-Esprit qui sanctifie tout, et uni en personne au Fils de Dieu, qui est le Saint des saints par essence. L'esprit qui nous sanctifie dans notre régénération est celui dont Jésus-Christ est conçu, dont sa sainte chair a été formée, et qui est infus naturellement dans son âme sainte : de sorte qu'il n'a pas besoin d'être circoncis : et il ne se soumet à cette loi que pour accomplir toute justice, en donnant au monde l'exemple d'une parfaite obéissance.

Cependant en recevant la circoncision, « il se rend, comme dit saint Paul, débiteur de toute la loi (1) » et s'y oblige, mais pour nous, afin de nous affranchir de ce pesant joug. Nous voilà donc libres par l'esclavage de Jésus : marchons en la liberté des enfants de Dieu, non plus dans l'esprit de crainte et de terreur, mais dans l'esprit d'amour et de confiance.

Le nom de Sauveur nous en est un gage : Jésus nous sauve du péché, ainsi qu'il a été dit ; et en remettant ceux qu'on avait

 

1 Galat., X, 1-3 et seq.

 

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mis, et en nous aidant à n'en plus commettre, et en nous conduisant à la vie où l'on ne peut plus en commettre aucun.

C'est « par son sang qu'il doit être notre Sauveur (1) : » il faut qu'il lui en coûte du sang pour en recevoir le nom : ce peu de sang qu'il répand oblige à Dieu tout le reste, et c'est le commencement de la rédemption. Je vois, ô Jésus, toutes vos veines rompues, toutes vos chairs déchirées, votre tête et votre côté percés : votre sang voudrait couler tout entier à gros bouillons : vous le retenez, et le réservez pour la croix. Recevez donc le nom de Jésus ; vous en êtes digne, et vous commencez à l'acheter par votre sang. Recevez ce nom, « auquel seul tout genou fléchit dans le ciel, dans la terre et dans les enfers (2) : L'Agneau qui répand son sang est digne de recevoir toute adoration, tout culte, toute louange, toute action de grâces (3) : et j'ai entendu toute créature et dans le ciel, et sur la terre, et sous la terre, qui criaient d'une grande voix : Salut à notre Dieu (4). »

Le salut vient de lui, puisqu'il nous envoie le Sauveur : salut à l'Agneau, qui est le Sauveur lui-même : salut à nous, qui participons à son nom : s'il est le Sauveur, nous sommes les sauvés, et nous portons ce glorieux nom devant qui tout l'univers fléchit, et les démons tremblent. Ne craignons rien : tout est à nos pieds : songeons seulement à nous surmonter nous-mêmes : il faut tout vaincre, puisque déjà nous portons le nom du vainqueur : « Prenez courage, dit-il, j'ai vaincu le monde (5) : » et « je mettrai dans mon trône celui qui remportera la victoire (6). »

 

IIe ÉLÉVATION.
L'etoile des Mages.

 

Voici les premiers fruits du sang de Jésus parmi les gentils. « Nous avons vu son étoile (7). » Qu'a voit cette étoile au-dessus des autres, qui annoncent dans le ciel la gloire de Dieu? qu'avait-

 

1 Hebr., IX, 12, 14 et seq. — 2 Philip., II, 10 — 3 Apoc., V, 12. — 4 Ibid., VII, 10. — 5 Joan., XVI, 33. — 6 Apoc., III, 21. — 7 Matth., II, 1, 2.

 

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elle plus que les autres, pour mériter d'être appelée l'étoile du Roi des rois, du Christ qui venait de naître, et d'y amener les mages? Balaam, prophète parmi les gentils, dans Moab, et en Arabie, avait vu Jésus-Christ comme une étoile ; et il avait dit : « Il se lèvera une étoile de Jacob (1). » Cette étoile qui paraît aux mages, était la figure de celle que Balaam avait vue : et qui sait si la prophétie de Balaam ne s'était pas répandue en Orient et dans l'Arabie, et si le bruit n'en était pas venu jusqu'aux mages? Quoiqu'il en soit, une étoile qui ne paraissait qu'aux yeux, n'était pas capable d'attirer les mages au Roi nouveau-né : il fallait que l'étoile de Jacob et « la lumière du Christ (2) » se fût levée dans leur cœur. A la présence du signe qu'il leur donnait au dehors, Dieu les toucha au dedans par cette inspiration dont Jésus a dit : « Nul ne vient à moi, si mon Père ne le tire (3). »

L'étoile des mages est donc l'inspiration dans les cœurs. Je ne sais quoi vous luit au dedans : vous êtes dans les ténèbres et dans les amusements, ou peut-être dans la corruption du monde : tournez vers l'Orient, où se lèvent les astres ; tournez-vous à Jésus-Christ qui est l'Orient, où se lève comme un bel astre l'amour de la vérité et de la vertu : vous ne savez encore ce que c'est, non plus que les mages, et vous savez seulement en confusion que cette nouvelle étoile vous mène au roi des Juifs, des vrais enfants de Juda et de Jacob : allez, marchez, imitez les mages. « Nous avons vu son étoile, et nous sommes venus (4) : » nous avons vu, et nous sommes partis à l'instant. Pour aller où ? nous ne le savons pas encore ; nous commençons par quitter notre patrie. Quittez le monde de même ; le monde pour lequel la nouvelle étoile, la chaste inspiration qui vous ébranle le cœur, commence à vous insinuer un secret dégoût. Allez à Jérusalem : recevez les lumières de l'Eglise : vous y trouverez les docteurs qui vous interpréteront les prophéties, qui vous feront entendre les desseins de Dieu : et vous marcherez sûrement sous cette conduite.

Chrétien, qui que vous soyez qui lisez ceci ; peut-être, car qui peut prévoir les desseins de Dieu? peut-être qu'à ce moment l'étoile se va lever dans votre cœur : allez : sortez de votre patrie,

 

1 Num., XXIV, 17. — 2 Luc., II, 32. — 3 Joan., VI, 44. — 4 Matth., II, 2.

 

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ou plutôt sortez du lieu de votre bannissement que vous prenez pour votre patrie, parce que c'est dans cette corruption que vous avez pris naissance : dès le ventre de votre mère, accoutumé à la vie des sens, passez à une autre région : apprenez à connaître Jérusalem, et la crèche de votre Sauveur, et le pain qu'il vous prépare à Bethléem.

 

IIIe ÉLÉVATION.
Qui sont les Mages ?

 

Les mages, sont-ce des rois absolus ou dépendants d'un plus grand empire ? Ou sont-ce seulement de grands seigneurs, ce qui leur faisait donner le nom de rois selon la coutume de leur pays? Ou sont-ce seulement des sages, des philosophes, les arbitres de la religion dans l'empire des Perses, ou, comme on l'appelait alors, dans celui des Parthes, ou dans quelque partie de cet empire qui s'étendait par tout l'Orient? Vous croyez que j'aille résoudre ces doutes et contenter vos désirs curieux ; vous vous trompez : je n'ai pas pris la plume à la main pour vous apprendre les pensées des hommes : je vous dirai seulement que c'étaient les savants de leur pays, observateurs des astres, que Dieu prend par leur attrait, riches et puissants, comme leurs présents le font paraître. S'ils étaient de ceux qui présidaient à la religion, Dieu s'était fait connaître à eux, et ils avaient renoncé au culte de leur pays.

C'est à quoi doivent mener les hautes sciences. Philosophes de nos jours, de quelque rang que vous soyez, ou observateurs des astres, ou contemplateurs de la nature inférieure, et attachés à ce qu'on appelle physique, ou occupés des sciences abstraites qu'on appelle mathématiques, où la vérité semble présider plus que dans les autres : je ne veux pas dire que vous n'ayez de dignes objets de vos pensées : car de vérité en vérité vous pouvez aller jusqu'à Dieu, qui est la vérité des vérités, la source de la vérité, la vérité même, où subsistent les vérités que vous appelez éternelles, les vérités immuables et invariables qui ne peuvent pas ne

 

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pas être vérités, et que tous ceux qui ouvrent les yeux voient en eux-mêmes, et néanmoins au-dessus d'eux-mêmes, puisqu'elles règlent leurs raisonnements comme ceux des autres, et président aux connaissances de tout ce qui voit et qui entend, soit hommes, soit anges. C'est cette vérité que vous devez chercher dans vos sciences. Cultivez donc ces sciences ; mais ne vous y laissez point absorber : ne présumez pas, et ne croyez pas être quelque chose plus que les autres, parce que vous savez les propriétés et les raisons des grandeurs et des petitesses : vaine pâture des esprits curieux et faibles, qui après tout ne mène à rien qui existe, et qui n'a rien de solide qu'autant que, par l'amour de la vérité et l'habitude de la connaître dans des objets certains, elle fait chercher la véritable et utile certitude en Dieu seul.

Et vous, observateurs des astres, je vous propose une admirable manière de les observer. Que David était un sage observateur des astres, lorsqu'il disait : « Je verrai vos cieux, l'œuvre de vos mains, la lune et les étoiles que vous avez fondées (1) ! » Figurez-vous une nuit tranquille et belle, qui dans un ciel net et pur étale tous ses feux. C'était pendant une telle nuit que David regardait les astres, car il ne parle point du soleil : la lune et l'armée du ciel qui la suit faisait l'objet de sa contemplation. Ailleurs il dit encore : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, » mais dans la suite il s'arrête sur le soleil : « Dieu a établi, dit-il, sa demeure dans le soleil, qui sort richement paré comme fait un nouvel époux du lieu de son repos (2), » et le reste : de là il s'élève à la lumière plus belle et plus vive de la loi. Voilà ce qu'opère dans l'esprit de David la beauté du jour. Mais dans l'autre psaume, où il ne voit que celle de la nuit, il jouit d'un sacré silence ; et dans une belle obscurité il contemple la douce lumière que lui présente la nuit, pour de là s'élever à celui qui luit seul parmi les ténèbres. Vous qui vous relevez pendant la nuit, et qui élevez à Dieu des mains innocentes dans l'obscurité et dans le silence, solitaires, et vous, chrétiens, qui louez Dieu durant les ténèbres, dignes observateurs des beautés du ciel, vous verrez l'étoile qui vous mènera au grand Roi qui vient de naître.

 

1 Psal. VIII, 4. — 2 Psal. XVIII, 2, 6, 8, 9 et seq.

 

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IVe ÉLÉVATION.
D'où  viennent les  Mages?

 

D'où ils viennent ? De loin ou de près ? Sont-ils venus en ce peu de jours qui s'écoulent entre la Nativité et l'Epiphanie, comme l'ancienne tradition de l'Eglise semble l'insinuer ? ou y a-t-il ici quelqu'autre secret ? Sont-ils venus de plus loin, avertis peut-être avant la nativité du grand Roi, pour arriver au temps convenable ? Qui le pourra dire, et que sert aussi que nous le disions? N'est-ce pas assez de savoir qu'ils viennent du pays de l'ignorance du milieu de la gentilité où Dieu n'était pas connu, ni le Christ attendu et promis? Et néanmoins guidés d'en haut, ils viennent à Dieu et à son Christ, comme les prémices sacrées de l'Eglise des gentils.

A la venue du Christ, le monde s'ébranle pour venir reconnaître le Dieu véritable oublié depuis tant de siècles. « Les rois d'Arabie et de Tharsis, les Sabéens, » les Egyptiens, les Chaldéens, « les habitons des îles les plus éloignées, viendront » à leur tour « pour adorer Dieu et faire leurs présents (1) » au roi des Juifs. Apportez, provinces des gentils : « Venez rendre au Seigneur honneur et gloire : apportez-lui, » comme le seul présent digne de lui, « la glorification de son nom (2). »

Pourquoi Dieu appelle-t-il aujourd'hui des sages et des philosophes ? « Il n'y a pas plusieurs sages, ni plusieurs savants : il n'y a pas plusieurs riches, ni plusieurs nobles parmi vous, disait saint Paul, parce que Dieu veut confondre les savants et les puissants de la terre par les faibles et par ceux qu'on estime fols, et ce qui est par ce qui n'est pas (3). » Il veut pourtant commencer parle petit nombre des sages gentils qui viennent adorer Jésus, parce que ces sages et ces savants, dès qu'ils voient paraître l'étoile, et à sa première clarté renoncent à leurs lumières pour venir à Jérusalem et aux docteurs de l'Eglise, par où il faut arriver à ce que Dieu leur

 

1 Psal. LXXI, 9-11. — 2 Psal. XXVIII, 2. — 3 I Cor., I, 26-28.

 

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inspire de chercher. Soumettez, sages du monde, toutes vos lumières, et celles-là mêmes qui vous sont données d'en haut, à la doctrine de l'Eglise, parce que Dieu qui vous éclaire, vous veut faire humbles encore plus qu'éclairés.

 

 

Ve ÉLÉVATION.
Quel fut le nombre des Mages?

 

On croit vulgairement qu'ils étaient trois, à cause des trois présents qu'ils ont offerts. L'Eglise ne le dit pas, et que nous importe de le savoir ? C'est assez que nous sachions qu'ils étaient « de ce nombre connu de Dieu, du petit nombre, du petit troupeau que Dieu choisit (1). » Regardez la vaste étendue de l'Orient et celle de tout l'univers : Dieu n'appelle d'abord que ce petit nombre ; et quand le nombre de ceux qui le servent sera augmenté, ce nombre, quoique grand en soi, sera petit en comparaison du nombre infini de ceux qui périssent. Pourquoi ? « O homme ! qui êtes-vous pour interroger Dieu (2), » et lui demander raison de ses conseils ? Profitez de la grâce qui vous est offerte, et laissez à Dieu la science de ses conseils et des causes de ses jugements. Vous êtes tenté d'incrédulité à la vue du petit nombre des sauvés, et peu s'en faut que vous ne rejetiez le remède qu'on vous présente : comme un malade insensé, qui dans un grand hôpital, où un médecin viendrait à lui avec un remède infaillible, au lieu de s'abandonner à lui, regarderait à droite et à gauche ce qu'il ferait des autres. Malheureux, songe à ton salut, sans promener sur le reste des malades ta folle et superbe curiosité. Les mages ont-ils dit dans leur cœur : N'allons pas : car pourquoi aussi Dieu n'appelle-t-il pas tous les hommes? Ils allèrent, ils virent, ils adorèrent, ils offrirent leurs présents : ils furent sauvés.

 

1 Matth., VII, 14, 23; XX, 10; Luc., XII, 32. — 2 Rom., IX, 20.

 

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VIe ÉLÉVATION.
L'étoile disparaît.

 

Soit que Dieu voulût faire connaître qu'il allait punir les Juifs ingrats par la soustraction de ses lumières; soit que l'étoile qui conduisent au roi pauvre, et l'ange qui la guidait, ne voulût point se montrer où paraissait la pompe d'une cour royale et maligne; soit que l'on n'eût pas besoin de lumière extraordinaire où luisait comme dans son lieu celle de la loi et des prophètes, l'étoile que les mages avaient vue en Orient se cacha dans Jérusalem (1), et ne reparut aux mages qu'au sortir de cette ville, qui tue les prophètes et qui ne connut pas le jour où Dieu venait la visiter.

C'est ici encore une figure de l'inspiration. Elle se cache souvent : la lumière qui nous avait paru d'abord , se cache tout d'un coup dans les ténèbres : l’âme éperdue ne sait plus où elle en est, après avoir perdu son guide. Que faire alors? Consultez et écoulez les docteurs qui vous conduiront par la lumière des Ecritures. L'étoile reparaîtra avec un nouvel éclat. Vous la verrez marcher devant vous plus claire que jamais : et comme les mages vous serez transportés de joie. Mais durant le temps d'obscurité, suivons les guides spirituels et les ministres ordinaires que Dieu a mis sur le chandelier de la cité sainte.

 

VIIe ÉLÉVATION.
Les docteurs indiquent Bethléem aux Mages.

 

La lumière ne s'éteint jamais dans l'Eglise. Les Juifs commençaient à se corrompre ; et le Fils de Dieu sera bientôt obligé de dire : « Gardez-vous bien de la doctrine des pharisiens et des docteurs de la loi (2). » Cependant dans cet état de corruption et à

 

1 Matth., II, 9. 10. — 2 Ibid., XVI, 11, 12.

 

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la veille de sa ruine, la lumière de la vérité devait luire dans la synagogue; et il devait être toujours véritable jusqu'à la fin, comme dit le même Sauveur : « Les docteurs de la loi et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse, faites donc ce qu'ils enseignent » tous ensemble et en corps, « mais ne faites pas ce qu'ils font (1) : » tant il était véritable que la lumière subsistait toujours dans le corps de la synagogue qui allait périr.

C'est ce qui parut à Jérusalem sur l'interrogation des mages. Les pontifes et les docteurs de la loi allèrent d'abord au but sans hésiter : le roi, c'était Hérode, les assembla pour les consulter : il faut répondre alors. Quand les rois qui interrogent seraient des Hérodes, on leur doit la vérité quand ils la demandent, et le témoignage en est nécessaire.

« Le roi des Juifs, disent-ils (2), doit naître dans Bethléem : car c'est ainsi qu'il est écrit dans le prophète Michée : Et toi, Bethléem, tu n'es pas la dernière entre les villes de Juda : car de toi sortira le chef qui conduira mon peuple d'Israël. (3)» Il fallait avoir de la force pour oser dire à un roi si jaloux de la puissance souveraine, qu'il y avait un roi prédit au peuple, et que c'était lui qu'on cherchait ; de sorte qu'il était au monde : mais il fallait que la synagogue, quelque tremblante qu'elle fût sous la tyrannie d'Hérode, rendit ce témoignage.

Voici encore une autre merveille : c'est à la poursuite d'Hérode que se fait cette authentique déclaration de toute la synagogue : Hérode ne fut poussé à la consulter que par la jalouse fureur qu'il va bientôt déclarer ; mais Dieu se sert des méchants et de leurs aveugles passions pour la manifestation de ses vérités.

Il y a encore ici un autre secret. Dieu cache souvent ses mystères d'une manière étonnante. C'était un des embarras de ceux qui avaient de la peine à reconnaître Jésus-Christ, qu'il paraissait Galiléen , et que Nazareth était sa patrie. « Le Christ doit-il venir de Galilée? Ne savons-nous pas, disent-ils, qu'il doit naître du sang de David, et même de la bourgade de Bethléem, où David demeurait (4)?» Et Nathanaël, cet homme «sans fard et fraude, ce vrai Israélite,» ne fut-il pas lui-même dans cet embarras,

 

1 Matth., XXIII, 2,3. — 2 Ibid., II, 2, 5, 6. — 3 Mich., V, 2 — 4 Joan., VII, 41, 42.

 

quand on lui dit : « Nous avons trouvé le Messie : c'est Jésus de Nazareth, fils de Joseph. Quoi, répliqua-t-il, peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth (1) ? » N'est-ce pas Bethléem, la tribu de Juda, qui nous doit donner ce Christ que vous m'annoncez? Quoique Jésus-Christ put dès lors leur découvrir le lieu de sa naissance, nous ne lisons pas qu'il l'ait fait. Dieu veut que ses mystères soient cherchés.

Approfondissez humblement : ne vous opiniâtrez pas à rejeter Jésus-Christ, sous prétexte qu'un des caractères de sa naissance n'est pas encore éclairci : si vous cherchez bien, vous trouverez que ce Jésus conçu à Nazareth et nourri dans cette ville comme dans son pays, par une secrète conduite de la divine sagesse est venu naître à Bethléem. Ainsi ce qui faisait la difficulté se tourne en preuve pour les humbles : et Dieu avait préparé cette solution de l'énigme, premièrement par le témoignage des bergers, mais dans la suite d'une manière plus éclatante à l'avènement des mages dans Jérusalem.

La demande qu'ils y firent hautement du lieu où devait naître le Christ, fut connue de tout le monde, « et tout Jérusalem en fut troublé aussi bien qu'Hérode. (2) » La réponse de l'assemblée des pontifes et des docteurs consultés par ce roi, ne fut pas moins célèbre : et le meurtre des innocens dans les environs de Bethléem , fit encore éclater cette vérité. Accoutumons-nous aux dénouements de Dieu. Quelle admirable consolation à ceux qui ne savaient pas que Jésus était né à Bethléem, quand ils virent cet admirable accomplissement de la prophétie ! Avec quelle joie s'écrièrent-ils : «Vraiment, ô Bethléem, tu n'es» plus comme auparavant «la plus petite des villes, puisque » tu seras illustrée « par la naissance de celui qui doit conduire Israël (3). » La postérité montrera la spélonque, comme on l'appelait, où était né le Sauveur, et les païens le remarqueront eux-mêmes (4). Cette petite bourgade demeurera éternellement mémorable ; on se souviendra à jamais de la prophétie de Michée, qui tant de siècles auparavant a prédit qu'elle verrait naître dans le temps celui dont la naissance est éternelle dans le sein

 

1 Joan., I, 45-47. — 2 Matth., II, 2-5. — 3 Ibid., II, 6. — 4 Orig., Cont. Cels., lib. I, n. 51.

 

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de Dieu : et, comme parle ce prophète, « celui dont la sortie » et la production « est de toute éternité (1). »

Admirons comme Dieu sait troubler les hommes par de terribles difficultés, et en même temps les calmer d'une manière ravissante. Mais il faut être attentif à tout, et ne rien oublier : car tout est digne d'attention dans l'œuvre de Dieu ; et l'œuvre de Dieu se trouve en tout, parce que Dieu répand partout des épreuves de la foi et de l'espérance. Commençons par croire malgré les difficultés: car c'est ainsi que fit le bon et sincère Nathanaël, qui, sans attendre l'éclaircissement de la difficulté sur Nazareth, touché des autres motifs qui l'attiraient, dit à Jésus : «Vous êtes le Fils de Dieu : Vous êtes le roi d'Israël. Et Jésus lui dit : Vous verrez de plus grandes choses (2). » Parce que vous avez cru d'abord, dès la première étincelle d'une lumière quoique faible et petite encore, de bien plus grands secrets vous seront révélés.

 

VIIIe ÉLÉVATION.
La jalousie et l'hypocrisie d'Hérode : sa politique trompée.

 

Siméon nous dira bientôt que Jésus est venu au monde, « afin que le secret caché dans le cœur de plusieurs fût révélé. (3) » Quel secret doit être ici révélé ? Le secret des politiques du monde, le secret des grands de la terre, la jalousie secrète des mauvais rois, leurs vains ombrages, leurs fausses délicatesses, leur hypocrisie, leur cruauté : tout cela va paraître dans Hérode.

Au nom du roi qui était venu et à qui il voyait déjà occuper son trône, touché par l'endroit le plus sensible de son cœur, il ne s'emporta point contre les pontifes qui avaient annoncé ce roi aux Juifs, ni contre les mages qui avaient fait la demande : en habile politique il va à la source, et conclut la mort de ce nouveau roi. « Allez, dit-il aux mages, informez-vous avec soin de cet enfant; et quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j'aille aussi l'adorer à votre exemple (4). » Le cruel ! il ne songeait

 

1 Mich., V, 2. — 2 Joan., I, 49, 50. — 3 Luc., II, 35. — 4 Matth., II, 8.

 

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qu'à lui enfoncer un poignard dans le sein, mais il feint une

adoration pour couvrir son crime.

Quoi donc, Hérode était-il un homme sans religion ? Ce n'est pas là son caractère : il reconnaît la vérité des prophéties et sait de qui il en faut attendre l'intelligence ; mais l'hypocrite superstitieux se sert de ses connaissances pour sacrifier le Christ du Seigneur à sa jalousie.

Que de secrètes terreurs Dieu envoie aux âmes ambitieuses ! Hérode n'avait rien à craindre de ce nouveau roi, dont « le royaume n'est pas de ce monde (1): » et lui qui donne le royaume du ciel, il ne désire point ceux de la terre. Mais c'est ainsi qu'il effraie les grands de la terre si jaloux de leur puissance, et il faut que leur ambition soit leur supplice.

Mais en même temps Dieu se rit du plus haut des cieux de leurs ambitieux projets. Hérode avait poussé jusqu'au dernier point les raffinements politiques : « Allez , informez-vous soigneusement de cet enfant (2). » Voyez comme il les engage à une exacte recherche et à un fidèle rapport : mais Dieu souffle sur les desseins des politiques, et il les renverse. Jésus dit à un autre Hérode, fils de celui-ci, et qui comme lui craignait que le Sauveur ne voulût régner à sa place : « Allez, dites à ce renard, » à ce malheureux politique « qu'il faut, » malgré lui « que je fasse ce que j'ai à faire aujourd'hui et demain, et que ce n'est qu'au troisième jour » et à la troisième année de ma prédication, « que je dois être consommé (3) » par ma mort. Il est dit de même à son père : Il faut, malgré vos finesses et votre profonde hypocrisie, que cet enfant que vous voulez perdre par des moyens qui vous paraissent si bien concertés : il faut qu'il vive et qu'il croisse , et qu'il « fasse l'œuvre de son Père pour lequel » il est « envoyé (4). » Quand vous aurez trompé les hommes, tromperez-vous Dieu? Votre jalousie ne fera que se tourmenter davantage, quand elle verra hors de ses mains celui qui l'effraie. Que craignons-nous dans l'œuvre de Dieu ? Les obstacles que nous suscitent les grands de la terre et  leur fausse politique? Quand le monde sera plus fort que

 

1 Joan., XVIII,  36. — 2 Matth., II, 8. — 3 Luc., XIII, 32, 33. — 4 Joan., IV, 34.

 

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Dieu, nous devons tout craindre : tant que Dieu sera comme il est « le seul puissant (1), » nous n'avons qu'à marcher la tête levée.

 

IXe ÉLÉVATION.
Les Mages adorent l'enfant, et lui font leurs présents.

 

Après que les mages se furent soumis aux prêtres et aux docteurs , et se furent mis en chemin selon leur précepte, « l'étoile paraît de nouveau et les mène où était l'enfant (2). » Fut-ce à l'étable ou à la crèche? Joseph et Marie y laissèrent-ils l'enfant, et ne songèrent-ils point, ou bien ne purent-ils point pourvoir à un logement plus commode? Contentons-nous des paroles de l'Evangile : « L'étoile s'arrêta sur le lieu où était l'enfant. » Sans doute, ou dans le lieu de sa naissance, ou auprès, puisque c'était là qu'on les avait adressés : et on doit croire que ce fut à Bethléem même, afin que ces pieux adorateurs vissent l'accomplissement de la prophétie qu'on leur avait enseignée. Quoi qu'il en soit, « ils l'adorèrent et lui firent leurs présents (3). »

Faisons les nôtres à leur exemple, et que ces présents soient magnifiques. Les mages offrirent avec abondance, et de l'or, et les parfums les plus exquis, c'est-à-dire l'encens et la myrrhe.

Recevons l'interprétation des saints docteurs et que l'Eglise approuve : on lui donne de l'or comme à un roi; l'encens honore sa divinité, et la myrrhe son humanité et sa sépulture , parce que c'était le parfum dont on embaumait les morts.

L'or que nous devons offrir à Jésus-Christ, c'est un amour pur : une ardente charité qui est cet or appelé dans l'Apocalypse « l'or purifié par le feu » qu'il faut « acheter de » Jésus-Christ (4).

Comment est-ce qu'on achète l'amour? par l'amour même : en aimant on apprend à mieux aimer : en aimant le prochain et en lui faisant du bien ,  on apprend à aimer Dieu , et c'est à ce prix qu'on achète son amour. Mais c'est lui qui commence en nous cet amour, qui va sans cesse s'épurant au feu des afflictions par la patience.

 

1 I Timoth., VI, 15. — 2 Matth., II, 9. — 3 Ibid., 11. — 4 Apoc., III, 18.

 

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« Je vous conseille, dit Jésus-Christ, d'acheter de moi cet or (1) : » obtenez-le par vos prières : n'épargnez aucun travail pour l'acquérir : joignez-y l'encens. Qu'est-ce que l'encens du chrétien? L'encens est quelque chose qui s'exhale, qui n'a son effet qu'en se perdant :  exhalons-nous devant Dieu en pure perte de nous-mêmes , puisque « celui qui perd son âme la gagne (2) : » celui qui renonce à soi-même, celui qui s'oublie, qui se consume lui-même devant Dieu, est celui qui lui offre de l'encens : épanchons nos cœurs devant lui : offrons-lui de saintes prières qui montent au ciel, tout ensemble qui se dilatent dans l'air, et qui édifient toute l'Eglise. Disons avec David : « J'ai on moi mon oraison au Dieu de ma vie (3) : » j'ai en moi l'encens que je lui offrirai et l'agréable parfum qui pénétrera jusqu'à lui. Ce n'est rien, si nous n'y ajoutons encore la myrrhe, c'est-à-dire un doux souvenir de la passion et de la sépulture du Sauveur, « ensevelis avec lui (4), » comme dit saint Paul. Car sans sa mort il n'y a point d'oblation sainte : il n'y a point de vertu ni de bon exemple.

Après avoir offert ces présents à Dieu, croirons-nous être quittes envers lui? non, puisqu'au contraire, en lui donnant ce que nous lui devons, nous contractons une nouvelle dette (5) : « Nous vous donnons, disait David, parmi ces riches offrandes, ce que nous avons reçu de votre main (6). » Combien plus avons-nous reçu de sa main cet or de la charité, cet encens intérieur de notre cœur épanché dans la prière, cette pieuse et tendre méditation de la passion et de la mort de Jésus-Christ! Je le reconnais, ô Sauveur; plus je vous offre, plus je vous suis redevable : tout mon bien est à vous, et sans en avoir besoin, vous agréez ce que je vous donne, à cause que c'est vous-même qui me l'avez premièrement donné, et que rien n'est agréable à vos yeux que ce qui porte votre marque et qui vient de vous.

Mais que donnerons-nous encore à Jésus-Christ? le mépris des biens de la terre. Que les mages sortirent contents de trouver le Roi des Juifs, qu'ils étaient venus chercher de si loin, que l'étoile

 

1 Apoc., III,  — 2 Matth., XVI, 25 ; Luc., XIV, 33. — 3 Psal. XLI, 9. — 4 Rom., VI, 4. — 5 S. August., serm. 299, De Nat. Apostol. Petr. et Paul., n. 3.— 5 I Paral., XXIX, 14.

 

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que la prophétie leur avait montré ; de le trouver, dis-je, ou dans son étable , ou dans un lieu toujours pauvre, sans faste , sans appareil: qu'ils retournèrent contents de l'usage qu'ils avaient fait de leurs richesses en les lui offrant ! Offrons-lui tout dans ses pauvres : la partie que nous leur donnons de nos biens, est la seule qui nous demeure ; et par celle-là que nous quittons, nous devons apprendre à nous dégoûter , à nous détacher de l'autre.

 

Xe ÉLÉVATION.
Les Mages retournent par une autre voie.

 

« Après avoir adoré l'enfant, avertis en songe » par un oracle du ciel « de ne retourner plus à Hérode, ils retournèrent en leur pays par un autre chemin (1). » Ainsi fut trompée la politique d'Hérode : mais Dieu veut en même temps nous apprendre à corriger nos premières voies, et après avoir connu Jésus-Christ, de ne marcher plus par le même chemin. Ne nous imaginons pas qu'un changement médiocre nous suffise, pour changer les voies du monde dans les voies de Dieu. « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, dit le Seigneur. » Et voyez quel en est l'éloignement : « Autant que le levant est éloigné du couchant, autant mes pensées sont éloignées de vos pensées, et mes voies de vos voies (2). » Ainsi pour aller par une autre voie, pour quitter la région des sens, et s'avancer par les voies de Dieu, il faut être bien éloigné de soi-même, et la conversion n'est pas un petit ouvrage.

Nous avons, comme les mages, à retourner dans notre patrie. Notre patrie, comme la leur, est en Orient : c'est vers l'Orient que Dieu avait planté son paradis : il nous y faut retourner : dans quelle sainteté, dans quelle grâce, dans quelle simplicité l'homme avait-il été créé ? « Dieu l'avait fait droit et simple , et il s'est lui-même jeté dans des disputes infinies (3). » Pourquoi tant contester contre Dieu? « Crains Dieu et observe ses commandements :

 

1 Matth., II, 12. — 2 Isa., LV, 8, 9. — 3 Eccle., VII, 30.

 

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c'est là tout l'homme (1). » Homme, ne dispute plus sur la nature de ton âme, sur les conditions de ta vie : et craindre Dieu et lui obéir, c'est tout l'homme : que cela est clair ! que cette voie est droite! que cette doctrine est simple! On doit l'apercevoir d'abord et dès le premier regard se jeter dans cette voie. Pourquoi tant de laborieuses recherches ? C'est que l'homme, à qui Dieu avait d'abord montré son salut et sa vie dans son saint commandement, s'est laissé trahir par ses sens, et la trompeuse beauté du fruit défendu a été le piège que l'ennemi lui a tendu : de là il s'est engagé dans un labyrinthe d'erreurs où il ne voit plus d'issue. « Revenez, enfants d'Israël, à votre cœur (2) : » connaissez votre égarement : changez votre voie : si jusqu'ici vous avez cru vos sens, songez à présent que « le juste vit de la foi (3) : » si jusqu'ici vous avez voulu plaire aux hommes et ménager une fausse gloire, songez maintenant à glorifier Dieu à qui seul la gloire appartient : si jusqu'ici vous avez aimé ce qu'on appelle les aises et les plaisirs, accoutumez-vous à goûter dans les maladies, dans les contradictions , dans toutes sortes d'incommodités , l'amertume qui vient troubler en vous la joie des sens et y réveiller le goût de Dieu.

 

1 Eccle., XII, 13. — 2 Isa., XLVI, 8. — 3 Habac., II, 4; Rom., I, 17.

 

 

 

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