ABDIAS
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TRADUCTEUR

SUR LE PROPHÈTE ABDIAS. A PAMMAQUE.

 

Quand j'étais enfant je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant ; mais depuis que je suis devenu homme, je me suis défait de tout ce qui tenait de l’enfance. Si l'Apôtre a fait des progrès, et si chaque jour il a oublié te qu'il avait déjà fait, pour s'avancer vers quelque chose de plus parfait et obéir à la parole du Sauveur, qui défend à ceux qui ont mis la main à la charrue de regarder derrière eux, ne dois-je point espérer, à plus forte raison, émoi qui ne suis point arrivé à l'état d'un homme parfait, à la mesure de l'âge de Jésus-Christ, qu'on me pardonnera une faute que j'ai faite en ma jeunesse, lorsque poussé par mon extrême ardeur de l'étude des Ecritures, j'osai entreprendre d'expliquer le prophète Abdias dans le sens allégorique, n'étant pas encore assez instruit du sens historique et littéral. J'avais alors une  forte passion pour l'intelligence du sens mystique et figuré des Ecritures; et parce que j'avais lu dans l’Evangile que tout est possible à ceux qui ont la foi, j'oubliais en même temps ma propre insuffisance, et je ne faisais pas attention que les dons sont différents dans l'Eglise, et que tous n'y possèdent pas les mêmes grâces. La connaissance que je croyais avoir des belles-lettres et des sciences humaines était cause que je me croyais, et me flattais de pouvoir lire un livre scellé. Mata qu'il y avait en moi de la témérité et de l'imprudence d'oser espérer de réussir dans l'explication de ce livre, pendant que les vingt-quatre vieillards et les animaux mystérieux, tous pleins de lumières, se lèvent de leurs trônes pour se prosterner devant l'agneau et lui rendre gloire, en confessant leur propre ignorance! Dieu ne m'avait pas encore ordonné d'annoncer sa parole, et je ne pouvais me flatter que la pratique de ses commandements m'en eût mérité l'intelligence. J'avais mis en oubli cette parole de l'Evangile : « Bienheureux sont ceux qui possèdent la pureté de cœur, parce qu'ils verront Dieu. » Enfin, quoique mes lèvres n'eussent point été purifiées par un charbon ardent pris sur l'autel, et que le Saint-Esprit n'eût point encore dissipé les ténèbres de mes anciennes erreurs, j'avais néanmoins la hardiesse de dire avec un prophète : « Me voici, envoyez-moi.

Je croyais que cette première épreuve de mon petit génie demeurerait inconnue et cachée dans ma cassette, et j'avais destiné au feu un ouvrage si imparfait; mais je fus bien surpris d'en voir un exemplaire entre les mains d'un jeune homme qui venait d'Italie, et qui était à peu près du même âge que moi quand je fis ce commentaire. Lorsque je le vis louer si hautement mes explications allégoriques, je vous avoue que je fus étonné que mon livre, malgré la faiblesse de son style, eût des admirateurs. J'entrai, en admiration à cause que, si mal écrit que soit un livre, il ne laisse pas d'avoir des approbateurs. Il louait ce qui me faisait rougir de confusion, et élevait jusqu'au ciel les sens mystiques que j'avais trouvés dans les paroles du prophète, pendant que je tenais baissés les yeux vers la terre de peur qu'on ne s'aperçût de la honte qui paraissait sur mon visage.

Mais quoi donc! faut-il que je condamne tout-à-fait et que je désavoue les premiers essais de ma jeunesse? Non, ce n'est point là mon dessein, car je sais que pour la construction du tabernacle on n'offrit pas seulement de l'or, mais qu'on fit aussi des présents d'étoffes de poils de chèvre. Nous lisons même dans l'Evangile que toutes les offrandes des riches ne furent pas si agréables à Dieu que deux oboles d'une pauvre femme veuve. Je donnais donc en ma jeunesse ce que je pouvais avoir en ce temps-là, et maintenant je rendes au Seigneur tout le profit que j'ai fait en plusieurs années, me souvenant que c'est par sa grâce que je suis ce que je suis, et avouant que je me suis beaucoup appliqué à l'étude des Ecritures durant trente années qui se sont écoulées depuis mon premier coup d'essai. J'ai trouvé un père plein de bonté, qui reçoit avec empressement ses enfants quand ils reviennent de leurs égarements, et qui, n'attendant point qu'on se présente à la porte, va lui-même au-devant de ceux qui reviennent, pour leur donner Panneau et le riche vêtement qu'il leur avait fait préparer. Quoique le frère aîné en témoigne du chagrin et de la jalousie, et qu'il ose leur reprocher les débauches passées, les anges du ciel font retentir des concerts harmonieux et se réjouissent du salut de ceux qui font pénitence.

Au reste, mon cher Pammaque, que j'aime plus que n a vie, je composai ce premier commentaire mystique aussitôt après que nous eûmes quitté vous et moi les écoles de rhétorique, et dans le temps que je songeais, avec mon cher Héliodore, à me retirer du monde et. à aller vivre solitaire dans le désert de Chalcide, sur les confins de la Syrie et de l'Arabie. Puis donc qu'un ouvrage que je croyais n'être connu de personne est devenu si public malgré moi, je tâcherai de revenir sur mes pas, et de redresser les lignes qui tombent et qui vont de travers. J'étais alors encore tout enfant, et à peine avais-je appris à bien écrire; ma main était chancelante, mes doigts tremblaient encore en écrivant. Actuellement, quand je n'aurais fait d'autres progrès, je suis du moins persuadé de cette belle maxime attribuée à Socrate : « Je sais que je ne sais rien. »

Mais Cicéron, l'honneur de votre ville, ne se plaint-il pas lui-même de n'avoir pas écrit d'abord très bien, et, pendant un temps, d'avoir laissé échapper des fautes de commençant? Si donc ce célèbre orateur a trouvé des défauts et dans ses livres à Hérennius et dans ses pièces de rhétorique (que je regarde comme des pièces achevées), et s'il a méprisé ces ouvrages en les comparant à ceux qu'il a composés dans sa vieillesse, pourquoi ne me sera-t-il point permis de regarder mon premier commentaire sur Abdias comme l’ouvrage imparfait d'un jeune homme, et celui que je fais présentement comme le travail d'un homme qui est arrivé à la maturité de la vieillesse? Je pourrais encore me défendre par l'exemple de Tertullien, d'Origène et de Quintilien, même dans les douze livres où ce dernier donne des règles pour former un orateur.

 

 

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