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TRAITÉ SUR LES SÉRAPHINS.AU PAPE DAMASE. « L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé. » Avant de parler de cette vision du prophète Isaïe, il est à propos de dire quel était Ozias, combien il a régné d'années, et quels étaient les rois qui de son temps régnaient sur les autres nations. Nous lisons dans les livres des Rois et des Paralipomènes que ce prince était juste, qu'il fit ce qui était droit aux yeux du Seigneur, qu'il répara le temple et bâtit un aqueduc, qu'il offrit des vases sacrés pour le service du temple, qu'il mérita par là d'être victorieux de ses ennemis, et qu'enfin il y eut de son temps plusieurs prophètes dans son royaume, marque très sensible de sa grande piété envers Dieu. Il fut toujours agréable au Seigneur et n'entra jamais dans le temple qu'avec un profond respect, tant que vécut le prêtre Zacharie, surnommé l'intelligent; mais après la mort de ce pontife, ce prince, voulant offrir lui-même des sacrifices, usurpa le sacerdoce par une entreprise plus téméraire que religieuse. Les prêtres et les lévites s'y opposèrent en lui disant qu'il était roi et non pas prêtre; mais n'ayant pas daigné les écouter, Dieu, selon ce que dit le prophète : « Seigneur, couvrez leur visage de confusion, » frappa ce prince téméraire d'une lèpre dont son front fut tout couvert; le front, que le grand-prêtre avait toujours couvert d'une lame d'or; le front, sur lequel Dieu commande, dans le prophète Ezéchiel, de graver la lettre Thau; le front, dont le prophète a dit : « La lumière de votre visage est gravée sur nous, Seigneur; »le front, enfin, par où David frappa d'un coup de pierre et tua l'insolent philistin. ce fut, dis-je, par cet endroit que Dieu frappa le roi Ozias. Ce prince régna cinquante-deux ans, dans le même temps que régnaient Amulius en Italie, et Agamestor, onzième de nom, à Athènes. Après sa mort le prophète Isaie eut la vision que j'entreprends d'expliquer ici, c'est-à-dire la même année que Romulus, fondateur de l'empire romain, vint an monde, comme on peut le voir dans les chroniques que j'ai traduites de grec en latin. « L'année » donc « de la mort du roi Ozias, » dit le prophète, «je vis le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé. » Expliquons le sens spirituel qui est renfermé dans l'histoire dont nous venons de parler. Isaie ne peut avoir de vision prophétique pendant la vie d'un roi que Dieu avait frappé de lèpre, et qui tâchait de détruire le sacerdoce. Tant qu'un prince de ce caractère est assis sur le trôné de Juda, ce prophète ne lève point les yeux au ciel; les choses divines lui sont cachées; le Dieu des armées ne lui apparaît point; il n'entend point prononcer le nom du saint, nom ineffable, et qui, répété par trois fois, renferme le plus grand de nos mystères; mais après la mort de ce prince, le prophète contemple à découvert ce qui est marqué dans la suite de cette prophétie. Nous lisons quelque chose de
semblable dans l'Exode. Du vivant de Pharaon, le peuple d'Israêl,
occupé à des ouvrages de paille, de briques et de terre, et succombant sous le
poids des travaux dont il était accablé, n'implore point le secours du
Seigneur; aucun d'eux ne cherche le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; mais
après la mort de ce tyran les enfants d'Israël, dit lEcriture, crièrent vers
le ciel, et leurs cris s'élevèrent jusqu'à Dieu. Cependant, à prendre les
choses à la lettre et dans le sens historique, c'était sous l'injuste
domination de ce prince cruel que les Israélites devaient pousser leurs soupirs
vers le ciel; à sa mort les gémissements n'étaient plus de saison, et devaient
faire place à la joie. Nous lisons encore que, lorsqu'Ezéchiel
prophétisait, Phaltias, fils de Bananias,
mourut ; et dès que ce prince méchant eut rendu l'esprit, « Je tombai,. » dit
le prophète, « le visage contre terre, et je criai à haute voix en disant: «
Hélas! hélas! Seigneur mon Dieu! vous achevez donc de perdre ce qui reste
d'Israël! » Si vous faites réflexion qu'Ozias,
Pharaon, Phaltias et autres semblables tyrans sont
l'image des ennemis de notre salut, vous verrez que, tant que nous vivons sous
leur domination, nous ne pouvons ni voir les choses du ciel, ni soupirer après
notre liberté, ni vivres dans la pratique de la pénitence. « Que le péché,
dit l'Apôtre, ne règne pas dans votre corps mortel. Sous le règne et l'empire
du péché, nous travaillons à bâtir des villes pour les Egyptiens, nous sommes
couverts d'ordures et de poussière, nous prenons pour le froment la paille, et
nous laissons la solidité de la pierre pour nous occuper à des ouvrages de
fange et de boue. » «Je vis le Seigneur, dit le prophète,
assis sur un trône sublime et élevé. » Daniel vit aussi « le Seigneur
assis, » mais non pas sur un trône sublime et élevé.» «Je viendrai, » nous
dit Dieu par un autre prophète, » et je m'assiérai sur mon trône pour juger
tous les peuples dans la vallée de Josaphat. » Un pécheur comme moi voit le
Seigneur assis,non pas sur une colline ou sur une montagne, mais « dans la
vallée de Josaphat, » où il doit juger tout le monde: un homme juste, au
contraire, tel qu'était Isaïe, le voit « assis sur un trône sublime et élevé. »
Donnons encore à ces paroles un autre sens. Lorsque je me représente Dieu dans
sa gloire, régnant sur les Trônes, sur les Dominations, sur les Anges et les
autres esprits célestes, son trône me parait « élevé et sublime; » mais
lorsque je le considère dans la conduite de l'univers, et que je le vois
descendre ici-bas pour sauver les hommes, il me semble que son trône touche
presque la terre. Poursuivons. « Je vis le Seigneur assis sur un
trône sublime et élevé, et la maison était remplie de sa majesté, et les Séraphins
étaient autour de lui. » Quelques auteurs grecs et latins,qui ont expliqué ce
passage avant moi, prétendent que celui qu'Isaïe vit « assis sur le
trône » était Dieu le Père, et que les deux Séraphins que le prophète nous représente
aux deux côtés du trône étaient Notre Seigneur Jésus-Christ et le Saint-Esprit.
Quelque grande que soit l'autorité que ces écrivains se sont acquise par leur
profonde érudition, je ne saurais être de leur sentiment ; et je crois qu'il
vaut mieux dire la vérité grossièrement que de débiter éloquemment des faussetés.
J'approuve d'autant moins l'explication qu'ils donnent à ce: passage que saint
Jean lEvangéliste, parlant de cette même vision, témoigne que ce fut Jésus-Christ,
et non pas Dieu le Père, qui parut « assis sur un trône; » car, expliquant
les raisons de l'incrédulité des Juifs, il dit : « Ils ne pouvaient
croire en lui, parce qu'Isaïe a dit: « Vous écouterez, et vous ne comprendrez
pas; vous ouvrirez les yeux, et vous ne verrez point. » Or ce prophète a dit
ces choses lorsqu'il a vu la gloire du Fils, et qu'il a parlé de lui. Ce fut
donc, selon Isaïe, celui qui était « assis sur le trône » qui lui commanda
de dire au peuple : « Vous écouterez, et vous ne comprendrez pas.» Or,
selon saint Jean, ce fut Jésus-Christ qui fit ce commandement au prophète, et
par conséquent on ne peut pas dire que Jésus-Christ fût un des Séraphins,
puisque c'était lui qui était « assis sur le trône ». II est vrai
que saint Paul,dans les Actes des Apôtres, dit aux Juifs qui ne pouvaient
s'accorder entre eux:-C'est avec grande raison que le Saint-Esprit, qui a parlé
à nos pères par le prophète Isaïe, a dit : « Allez vers ce peuple, et lui
dites: « Vous écouterez, et en écoutant vous n'entendrez pas; vous verrez,
et en voyant vous ne verrez point; » car le coeur de ce peuple s'est appesanti,
et leurs oreilles sont devenues sourdes, et ils ont fermé les yeux, de peur que
leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n'entendent, que leur cur ne
comprenne, et que s'étant convertis, je ne les guérisse.. » Il est vrai, dis-je,
que saint Paul parle de la sorte aux Juifs; mais cette diversité de personnes
ne m'embarrasse point, parce que je sais que Jésus-Christ et le Saint-Esprit
n'ont qu'une même substance ; que le Saint-Esprit ne parle point autrement que
le Fils, et que les commandements du Fils ne sont pas contraires à ceux du
Saint-Esprit. « Et la maison, »continue
Isaïe, « était remplie de la majesté du Seigneur. » Le ciel, qui est la
maison de Dieu, parait rempli de sa majesté, mais je ne sais si la terre est
remplie de sa gloire, si ce n'est peut-être dans le sens du psalmiste, qui dit:
« La terre et tout ce qu'elle renferme est au Seigneur. Ceux-là sont aussi
remplis de sa gloire qui peuvent dire : « Nous avons tout reçu de sa plénitude.
» C'est de cette maison que parle Salomon lorsqu'il dit : « La femme sage
bâtit sa maison, et l'insensée détruit de ses mains celle qui était déjà bâtie; »
et le prophète Isaïe : « Dans les
derniers temps la montagne sur laquelle se bâtira la maison du Seigneur sera
fondée sur le haut des monts, et elle s'élèvera au-dessus des collines. » Saint
Paul, parlant de cette maison, dit aussi: « Quant à Moïse, il a été fidèle
dans toute la maison de Dieu, comme un serviteur, pour annoncer au peuple tout
ce qu'il lui était ordonné de dire ; mais Jésus-Christ, comme le Fils, a
l'autorité sur sa maison, et c'est nous qui sommes sa maison, pourvu que nous
conservions jusqu'à la fin une ferme confiance et une attente pleine de joie
des biens que nous espérons. » Cet apôtre dit encore dans son épître à Timothée
« Je vous écris ceci, afin que vous sachiez comment il faut se conduire dans la
maison du Seigneur Dieu, qui est lEglise. » Continuons. « Les Séraphins étaient autour de
lui. Ils avaient chacun six ailes, deux dont ils voilaient sa face, deux dont
ils voilaient ses pieds, et deux autres dont ils volaient. Ils se criaient l'un
à l'autre, et ils disaient: « Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des
armées; la terre est toute remplie de sa gloire!» Il s'agit de savoir qui sont
ces Séraphins qui «environnent le trône de Dieu; » ce que signifient les « six
ailes» de chaque Séraphin, et qui sont douze en tout; comment, de ces six
ailes, il y en a «deux » qui leur servent pour « voiler la face de Dieu,
deux pour voiler ses pieds, et deux pour voler,» puisque lEcriture remarque
qu'ils étaient« debout autour du trône du Seigneur;» comment ils peuvent être «
debout autour » du trône puisqu'ils ne sont que « deux », et qu'ils « volent;»
pourquoi ils « crient l'un à l'autre, » et répètent trois fois le nom du
Saint ; comment le prophète dit ici que « toute la terre est remplie de la
gloire du Seigneur, » puisqu'il a dit plus haut que c'était « la maison » qui était
toute remplie de sa majesté. Comme toutes ces questions paraissent d'abord
assez difficiles à développer, prions ensemble le Seigneur qu'il m'envoie comme
au prophète un charbon de dessus lautel, afin que, purifié de toutes les
souillures de mes péchés, je puisse d'abord contempler les mystères de Dieu, et
ensuite expliquer ce que j'aurai vu. Le mot Séraphim,
selon l'interprétation que lui donnent les Hébreux, signifie : ardeur, ou le
commencement de leur bouche. Voulons-nous savoir ce que c'est que cet
embrasement? Le Sauveur nous l'apprend lorsqu'il dit: «Je suis venu pour jeter
le feu dans la terre, et que désiré-je, sinon qu'il s'allume? » Nous
l'apprenons aussi de ces deux disciples à qui Jésus-Christ expliqua en chemin
les saintes Écritures, en commençant par Moïse et ensuite par tous les prophètes.
Leurs yeux s'étant ouverts et ayant reconnu leur divin maître, ils se dirent
l'un à l'autre : « Notre coeur n'était-il pus tout brûlant dans nous lorsqu'il
nous parlait durant le chemin, et qu'il nous expliquait les Ecritures?» Nous
lisons encore dans le Deutéronome que Dieu est « un feu dévorant; »et le prophète
Ezéchiel nous le représente « tout de flammes depuis les reins jusqu'aux pieds.
» C'est l'idée que nous en donne aussi le prophète-roi lorsqu'il dit : « Les
paroles du Seigneur sont des paroles chastes et pures; c'est comme un argent éprouvé
au feu, purifié dans la terre, et raffiné jusqu'à sept fois. » Nous trouvons
sur cela plusieurs autres passages dans l'Ecriture sainte qu'il serait trop
long de rapporter ici. Où trouver donc ce feu et cet embrasement salutaire?
C'est sans doute dans les saintes Écritures, dont la lecture purifie une âme de
tous ses vices et de toutes ses impuretés. Nous avons dit que le mot Séraphim signifie aussi : le commencement de leur
bouche ; mais si j'entreprends d'en faire ici l'application à l'Écriture
sainte, j'appréhende qu'on ne la trouve plus forcée que juste et mesurée. C'est
le sentiment de toute l'antiquité que l'hébreu, en quoi l'Ancien-Testament
est écrit, est le « commencement de la bouche » de tous les hommes, c'est-à-dire
la première de toutes les langues, et qu'après que Dieu, pour punir l'orgueil
de ceux qui bâtissaient la tour de Babel, eut confondu leur langage, toutes les
nations commencèrent à parler diverses langues. La signification que l'on donne
au mot Séraphim convient donc à lAncien et au
Nouveau Testament; et il ne faut pas s'étonner qu'on nous les représente fun et
l'autre sous la figure des « Séraphins autour du trône du Seigneur,» puisque
c'est dans ces livres sacres que dieu se fait contraire aux hommes. Ces Séraphins avaient chacun six
ailes, qui, selon Victorin, représentent les douze apôtres.
On peut encore les comparer aux douze pierres précieuses. qui composaient le
diadème du grand-prêtre, et dont parle le prophète Ezéchiel,
et saint Jean dans son Apocalypse. Je ne sais laquelle de ces deux opinions est
la véritable ; nous ferons voir dans la suite celle qui a le plus, de
vraisemblance. Ils avaient donc chacun six ailes, « deux dont ils voilaient sa
face, deux dont ils voilaient ses pieds, et deux dont ils volaient. » Ils
voilaient non pas leur face, mais celle de Dieu; car qui peut savoir duel est
son commencement, ce qu'il était dans léternité avant la création du manicle,
et dans quel temps il a créé les Trônes, les Dominations, les Puissances et
tous les autres esprits destinés à le servir? Deux autres ailes servaient à voiler
non pas leurs pieds, mais les pieds de Dieu; car qui peut connaître quelle est
sa fin, ce qui doit arriver après la consommation des siècles, quelle sera la
vie des hommes après le dernier jugement, et si, après la destruction du monde,
Dieu créera une autre terre et d'autres éléments, un nouveau soleil et un
nouveau monde ? «Faites-nous savoir les choses passées, et découvrez-nous ce
qui doit arriver à l'avenir, et nous reconnaîtrons que vous êtes Dieu ? » C'est
ce que dit le prophète Isaïe, pour nous marquer que personne ne peut dire ce
qui s'est fait avant la création du monde ni ce qui doit arriver après son entière
destruction. Enfin les deux autres ailes leur servaient à voler. Nous ne connaissons,
par la lecture de lEcriture sainte, que
ce qui s'est passé entre le commencement et la fin de toutes choses, savoir la
création du monde. la formation de l'homme, le déluge, la promulgation de la loi,
la multiplication du genre humain, et enfin l'incarnation du Fils de Dieu qui
s'est fait chair pour sauver tous les hommes. Tout le reste, les Séraphins nous
le cachent,en couvrant de leurs ailes la face et les pieds du Seigneur. « Et ils se criaient l'un à l'autre.
» Le prophète dit fort bien « l'un à l'autre; » car tout ce que nous lisons
dans l'Ancien-Testament, nous le trouvons dans
l'Evangile, et il n'y a rien dans celui-ci qui ne s'appuie sur l'autorité de
celui-là; on n'y voit aucune différence, aucune contradiction. « Et ils
disaient : « Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armées! » Le
mystère de la Trinité est marqué dans l'un et dans l'autre Testament. On donne
aussi à notre Sauveur le nom de « Dieu des armées,» comme il paraît par le
psaume vingt-troisième, où les anges qui servent le Seigneur crient à d'antres esprits
célestes, et les avertissent d'ouvrir la porte au Seigneur. « O Princes, » disent-ils,
« levez-vous; portes, ouvrez-vous, afin de laisser entrer le roi de gloire. » Sur
quoi ceux-ci,étonnés de le voir revêtu d'un corps de chair, demandent qui est ce
« roi de gloire; » et les autres leur répondent : «Ce roi de gloire est le
Seigneur des vertus ; » ce que l'hébreu exprime par le mot Sabaoth.
Car il faut remarquer que, dans tous les endroits où l'on lit, selon la version
des Septante, «le Seigneur des vertus,» où le Seigneur tout-puissant, le texte
hébreu porte Sabaoth, c'est-à-dire, selon la version
d'Aquila : le Seigneur des armées. Il faut remarquer aussi que, dans le passage
d'Isaïe que nous expliquons, le nom du Seigneur est écrit avec les quatre
lettres qui conviennent proprement à Dieu, c'est-à-dire avec iodhe, iod he, ou deux ia, qui
composent le glorieux et ineffable nom de DIEU. « La terre est toute remplie de
sa gloire. » Ces paroles doivent s'entendre de l'avènement du Sauveur, qui
a été connu de toutes les nations par le ministère des apôtres, dont la voix
s'est fait entendre jusqu'aux extrémités de la terre. «Le linteau de la porte, continue
Isaïe, fut renversé parle retentissement de ce grand cri. Nous lisons dans l'Ancien-Testament que le Seigneur parlait toujours à Moïse
et à Aaron à la porte du tabernacle comme sil ne les eût pas jugés dignes d'entrée
dans le Saint des Saints avant l'établissement de l'Evangile; honneur qu'il a
fait à l'Eglise, qui dit dans les cantiques : « Le roi m'a fait entrer dans son
appartement. » Lors donc que notre Seigneur est venu au monde ce linteau, qui
empêchait pour ainsi dire d'entrer dans le Saint des Saints, a été renversé, et
tout le inonde a été rempli de fumée, c'est-à-dire de la gloire de Dieu. « La maison, »ajoute le prophète,
«fut remplie de fumée. » Dieu, comme nous avons dit, est un feu ; et lorsqu'il
descendit sur la montagne de Sina, l'on vit comme des
lampes ardentes qui brillaient de toutes parts, et la montagne fut toute
couverte de fumée, ce qui fait dire au roi-prophète :
« Lorsque le Seigneur touche seulement les montagnes, il en fait sortir les
flammes et la fumée. » Ainsi, comme Dieu est au-dessus de la portée de notre
esprit, et que nous ne saurions comprendre quelle est la nature de ce feu
divin, nous en voyons seulement sortir une légère fumée qui se répand par toute
la terre, et qui nous oblige de dire avec l'Apôtre: « Ce que nous avons
maintenant de science et de prophétie est très imparfait; » et derechef : « Nous
ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en des énigmes; » et avec Isaïe
: « Les Séraphins étaient autour de lui, et ils avaient chacun six ailes. » Un auteur grec fort versé dans la
science des saintes Ecritures, expliquant cet endroit du prophète Isaïe, dit
que les Séraphins sont des esprits célestes toujours occupés à chanter les
louanges de Dieu au pied de son trône, et employés à différents ministères, mais
particulièrement à purifier ceux qu'une vie passée dans le crime a rendus
impurs et dignes de supplices. Il ajoute que « le linteau renversé et la fumée
qui remplit toute la maison » sont une figure prophétique de la destruction du
temple des Juifs et de l'embrasement de la ville de Jérusalem, que nous voyons
aujourd'hui ensevelie sous ses propres ruines. Quelques-uns approuvent cette
opinion quant à la première partie, mais la seconde n'est point de leur goùt; car ils prétendent que le linteau n'a été renversé que
lorsque le voile du temple s'est déchiré en deux, que l'erreur a répandu sur
toute la maison d'Israël d'épaisses ténèbres, et que les prêtres, comme le
rapporte Joseph, ont entendu sortir du fond du temple la voix des Vertus célestes
qui disaient : « Sortons d'ici. » Un certain Juif à qui j'ai
l'obligation de m'avoir appris bien des choses, et qui sait l'hébreu si
parfaitement qu'il passe pour Chaldéen parmi les docteurs de la loi, est sur
cela d'un sentiment bien différent; car il dit qu'Isaïe est le seul de tous les
prophètes qui ait vu les Séraphins « debout autour du trône de Dieu, » et même
qu'il n'y a aucun autre endroit dans l'Ecriture où il soit parlé de Séraphins. Il
ajoute que cette vision était une prophétie de la captivité des Juifs et de la
ruine de Jérusalem à leur arrivée sous l'empire de Nabuchodonosor, parce que
depuis Ozias, sous le règne duquel Isaïe a commencé à
prophétiser, jusqu'à Sédécias, qui est le dernier des rots de Judée et qui fut
mené captif en Babylone après avoir eu les yeux crevés, il y a eu onze rois à Jérusalem,
auxquels succéda Godolias, que le roi de Babylone éleva
sur le trône de Juda, et qui extermina les restes de sa nation en faisant
mourir au milieu d'un festin Ismaël, fils de Nathanaël
; que les douze ailes des Séraphins, dont quatre, selon quelques auteurs, leur
servaient à voiler leurs faces, quatre à voiler leurs pieds, et quatre à voler
, étaient la figure de ces douze rois, dont quatre seulement avaient été justes
, savoir Ozias, Joathan, Ezéchias
et Josias, qui, élevés par leur vertu au-dessus des craintes humaines,
n'avaient pas appréhendé, au milieu même de la captivité, de glorifier Dieu en
disant haute ment: « Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu
des armées; » que des huit autres rois, les uns avaient voilé leur face, comme
pour couvrir l'énormité de leurs crimes, et les autres leurs pieds, pour cacher
la honte de leur captivité. Quant au linteau renversé et à la fumée qui remplit
toute la maison, il lexplique,comme nous l'avons aussi remarqué, de
l'embrasement du temple et de la ruine de Jérusalem. Puisque j'ai commencé à rapporter
son sentiment sur ce passage, voyons comment il explique ce qui suit et dont
nous n'avons point encore parlé. Les pincettes avec quoi l'un des Séraphins
prit de dessus l'autel un charbon de feu pour purifier les lèvres d'Isaïe représentent,
selon lui, la mort que ce prophète souffrit sous le règne de Manassès ;et ses lèvres ayant été purifiées par cette mort
cruelle, il fut en état de dire au Seigneur : « Me voici, envoyez-moi. » « Et j 'ai dit: « Malheur à moi, parce que je suis pénétré
de douleur. » Du vivant d'Ozias vous n'avez pu connaître,
grand prophète, quelle était votre misère, vous ne vous êtes point sent, pénétré
de douleur, vous avez paru insensible à vos maux ; mais après la mort de ce
prince, vous vous êtes aperçu que vos lèvres étaient souillées, et que cette
impureté vous rendait indigne de voir Dieu et d'avoir part à ses secrets et à ses
mystères. Oh ! que ne puis-je être pénétré d'une semblable douleur et mériter
par là d'avoir part aux secrets du Seigneur, moi qui ne suis qu'un homme faible
et pécheur dont les lèvres sont impures, et qui habite au milieu d'un peuple
qui a aussi les lèvres souillées! Isaïe, cet homme juste, n'avait péché que par
paroles; sa bouche était souillée, mais sa conscience était pure et n'avait
aucune part à limpureté de ses lèvres; mais moi qui ne me sers de mes yeux que
pour voir des objets qui irritent et enflamment ma cupidité, moi dont la main
et le pied me sont un objet de scandale, moi qui pèche par toutes les parties
de mon corps, je ne trouve en moi qu'impureté et que corruption. Il est vrai
que j'ai été baptisé une fois dans le Saint-Esprit, mais parce que j'ai
contracté de nouvelles souillures, j'ai besoin d'être purifié par un second
baptême, je veux dire par le baptême de feu. L'Ecriture
sainte n'est pas aussi facile à entendre que quelques-uns se l'imaginent. La simplicité
apparente de son style renferme de grands mystères, et le sens littéral est
souvent très différent du sens spirituel. «Jésus-Christ, dans l'Evangile, prend
un linge et le met autour de lui; il verse de l'eau dans un bassin pour laver
les pieds de ses apôtres ; il fait à leur égard le devoir et les fonctions d'un
serviteur. J'avoue qu'il en use de la sorte pour nous offrir un exemple
d'humilité et pour nous apprendre à nous servir les uns les autres; mais
lorsque saint Pierre refuse de lui donner ses pieds à laver, pourquoi le
Sauveur lui dit-il : « Si je ne vous lave les pieds, vous n'aurez pas de part
avec moi ? » à quoi cet apôtre répond: « Seigneur, lavez-moi aussi les pieds,
les mains et la tête. » En voici la raison : c'est que les apôtres n'étaient
pas exempts de souillures, et qu'ils avaient pour ainsi dire sali leurs pieds
dans le commerce des hommes, avec qui ils étaient obligés de vivre. Or Jésus-Christ,
étant sur le point de retourner au ciel, voulait îles purifier des moindres
taches du péché, afin qu'on pût leur appliquer ce que
dit le prophète, que « Les pieds de ceux qui annoncent la paix sont beaux, » et
qu'ils pussent dire eux-mêmes avec l'Eglise : « J'ai lavé mes pieds; comment
pourrais-je les salir de nouveau?» Que si, après la résurrection du Sauveur, il
s'attachait encore quelque poussière à leurs pieds, ils devaient la secouer sur
les villes impies qui rejetaient la parole de Dieu, afin de leur marquer par là
combien de peines ils s'étaient données pour annoncer l'Evangile, se faisant
juifs avec les Juifs, gentils avec les gentils, et portant leur zèle jusqu'à se
salir les pieds afin de les faire entrer tous dans la voie du salut. Revenons à notre sujet. Comme
donc les apôtres avaient besoin que le Sauveur leur lavât les pieds , de même
Isaïe, dont les lèvres étaient souillées, avait besoin qu'on les lui purifiât. Pour
moi, il me semble que ce prophète n'avait les lèvres souillées que parce qu'il
n'avait pas eu, comme Elie, assez de zèle pour reprendre Ozias,
et pour s'opposer aux desseins de ce prince impie qui voulait usurper les
fonctions sacrées des ministres du Seigneur. «J'habite au milieu d'un peuple
qui a aussi les lèvres souillées. » Isaïe, pénétré de douleur et sensible à la
misère, mérite d'être purifié de ses souillures; mais le peuple qui, bien loin
de faire pénitence de ses péchés, ignore même que ses lèvres sont impures, se
rend indigne d'une pareille grâce. Belle instruction pour nous: elle nous apprend
non-seulement à nous conserver dans la justice, mais
aussi à nous éloigner de la compagnie des pécheurs, puisque, selon ce prophète,
c'est en quelque façon s'engager dans le péché et dans la misère que d'avoir
liaison et commerce avec eux. « Et j'ai vu de mes propres yeux
le roi, le seigneur des armées. » Les Juifs disent que leurs pères firent
mourir Isaïe parce que, Moïse n'ayant vu le Seigneur que par-derrière, et nul
homme, selon le témoignage de Dieu même, ne le pouvant voir sans mourir, ce
prophète néanmoins se vantait de l'avoir vu des yeux du corps. Que si nous leur
demandons comment Dieu, qui ne se faisait voir aux autres prophètes qu'en songe
et durant le sommeil, a néanmoins parlé à Moïse face-à-face; et comment il se
peut faire qu'il lui ait parlé de la série puisqu'il dit lui-même : « Nul homme
ne me verra sans mourir, » ils ne manqueront pas de nous répondre que Dieu
s'est fait voir, non pas tel qu'il est, mais sous une forme proportionnée à la
faiblesse humaine; mais nous leur dirons que c'est aussi de la sorte qu'Isaïe a
vu le Seigneur. Car enfin, ou Moïse a vu Dieu, ou il ne l'a pas vu : s'il
l'a vu, Isaïe l'a vu aussi puisqu'il nous en assure lui-même; et puisqu'on peut
voir Dieu, les Juifs n'ont pu sans impiété faire mourir ce prophète; que si Moïse
ne l'a point vu, ils devaient donc le faire mourir et le regarder, aussi bien
qu'Isaïe, comme un imposteur qui se vantait d'avoir vu celui qu'on ne peut voir.
Tout ce qu'ils nous diront de la manière dont Moïse a vu le Seigneur, nous
pouvons aussi le dire d'Isaïe. « En même temps, continue ce
prophète, l'un des séraphins vola vers moi, tenant en sa main un charbon de feu
qu'il avait pris avec des pincettes de dessus l'autel, et m'en ayant touché la
bouche, il me dit : « Ce charbon a touché vos lèvres : votre iniquité sera
effacée et vous serez purifié de votre péché. » L'on peut expliquer cet endroit
selon les différents sens que j'ai rapportés ci-dessus, c'est-à-dire: ou de
l'un et de l'autre Testament, ou des Vertus célestes, ou enfin le regarder
comme une image de la captivité du peuple juif; mais tenons-nous-en à notre
première explication, et disons que le séraphin qui «vole vers le prophète» est
une figure du Nouveau-Testament, qui, renfermant les
commandements de l'ancienne et de la nouvelle alliance, et prenant pour ainsi
dire « avec les pincettes » de l'une et de l'autre loi « le charbon ardent» de
la parole de Dieu, touche nos lèvres et les purifie de leurs souillures, en
dissipant toutes nos ténèbres par les lumières de la vérité. Les« pincettes» nous
sont encore représentées par l'échelle que Jacob vit en songe, par l'épée à deux
tranchants dont saint Jean parle dans son Apocalypse, par les deux petites pièces
de monnaie que la femme de lEvangile mit dans le tronc du temple, et par la pièce
d'argent valant quatre drachmes qui fut trouvée dans la bouche d'un poisson, et
donnée pour la capitation du Sauveur et de saint Pierre. Le séraphin prend avec
ces « pincettes, » dont les deux branches sont étroitement unies ensemble, le «
charbon » avec lequel il va purifier les lèvres d'Isaïe : c'est de ce « charbon »
que parle le prophète-roi dans le psaume cent dix-neuvième : « Seigneur,» dit-il,
« délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse. Que recevrez-vous
et quel fruit reviendra-t-il de votre langue trompeuse? Elle est de même que
des flèches très pointues poussées par une main puissante avec des charbons dévorants.
» En effet, la parole de Dieu est un « charbon dévorant » qui purifie notre
langue des souillures du péché, selon cette parole d'Isaïe : « Vous avez des
charbons de feu : asseyez-vous dessus, et ils vous soulageront dans vos besoins.
» Poursuivons. « J'entendis ensuite le Seigneur
qui dit : « Qui enverrai-je, et qui ira porter mes paroles à ce peuple?» «Me
voici, » dis-je alors, « envoyez-moi. » Le Seigneur me dit: « Allez et
dites à ce peuple: « Vous écouterez de vos oreilles, et vous n'entendrez
pas. » Ce n'est point ici un commandement mais une demande que le Seigneur fait.
« Qui enverrai-je » ? dit-il, « et qui ira porter mes paroles à ce
peuple ? » et le prophète, toujours plein de zèle et prêt à exécuter ses
ordres, lui répond : « Me voici, envoyez-moi. » «Allez, »lui dit alors le
Seigneur, « et dites à ce peuple : « Vous écouterez de vos oreilles, et vous
n'entendrez point; vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point, etc. »
Le juif qui m'a appris l'hébreu a fait en ma présence une assez longue dissertation
sur cet endroit. Je vais vous en rapporter quelque chose, afin de vous,donner une
idée du reste. Examinons, disait-il, de qui l'on doit le plus approuver la
conduite, ou de Moïse qui, ayant reçu ordre de Dieu d'aller trouver le peuple
d'Israël, lui répondit : «Je vous prie de considérer, Seigneur, que je ne suis
point propre à exécuter ce que vous m'ordonnez; donnez, s'il vous plait,cette
commission à un autre ; » ou dIsaïe qui, prévenant le choix et les ordres de
Dieu, s'offrit lui-même en disant : « Me voici, envoyez-moi. » Je sais bien, ajoutait ce rabbin, qu'il est
dangereux de vouloir décider du mérite des saints et mesurer les louanges de
ceux que Dieu a couronnés; mais puisqu'il nous a dit lui-même. « Cherchez et
vous trouverez, frappez à la porte et on vous ouvrira, » nous devons tâcher
d'expliquer toutes les difficultés qui se présentent, non pas dans la vue de
diminuer le mérite et la gloire de qui que ce soit, mais afin de comprendre le
véritable sens de l'Ecriture, et de former notre conduite sur les grands
exemples qu'elle nous propose. Ceux, disait-il, qui prennent le
parti de Moïse, louent son humilité et sa douceur, et font voir qu'il est
devenu dautant plus grand qu'il se jugeait indigne du ministère dont Dieu
voulait l'honorer; au lieu qu'Isaïe, qui s'était offert à Dieu de son propre
mouvement, commençait sa prophétie par des malédictions en disant : « Vous écouterez
de vos oreilles, et vous n'entendrez point, etc. ; » ce qui lui attira dans la
suite plusieurs disgrâces, et le fit passer parmi le peuple pour un insensé. Aussi,
lorsque Dieu lui commanda une autrefois de crier, ce prophète, qui savait ce
que lui avait déjà coûté son trop grand empressement à faire offre de ses
services, au lieu de dire comme auparavant . « Me voici, envoyez-moi , »
demanda au Seigneur: « Que crierai-je ? »C'est ce qui arriva aussi à Jérémie,
car Dieu lui ayant dit: « Prenez de ma main cette coupe du vin de ma fureur, et
vous en ferez boire à tous les peuples vers lesquels je vous envoie; ils en
boiront, ils le vomiront, ils en seront troublés, et ils tomberont à la vue de
l'épée que j'enverrai contre eux, » Ce prophète se chargea volontiers de
cet emploi et ne dit point comme Moïse : « Je vous prie, Seigneur, de
confier cette commission à un autre et de considérer que je n'en suis pas
digne; » mais comme il aimait tendrement son peuple, et qu'il savait que ce
breuvage ne devait être fatal qu'aux nations ennemies d'Israël, il prit volontiers
ce calice, sans savoir que Jérusalem était du nombre des peuples qui devaient
s'enivrer de ce vin de fureur; « et j'ai reçu, dit ce prophète, la coupe
de la main du Seigneur, et j'en ai fait boire à tous les peuples vers lesquels
le Seigneur m'a envoyé, à Jérusalem, aux villes de Juda , à ses rois et à ses
princes, pour réduire leurs terres en un désert, et pour les rendre le jouet de
tous les hommes. » C'est pourquoi il dit dans un autre endroit (car
l'ordre de cette prophétie est confondu dans la plupart des exemplaires) : « Vous
m'avez séduit, Seigneur, et j'ai été séduit; vous avez été plus fort que moi,
et vous avez prévalu contre moi; je suis devenu le sujet de leurs moqueries
pendant tout le jour, et tous me raillent avec insulte. » Ceux au contraire, ajoutait ce
rabbin, qui veulent justifier Isaïe, disent qu'après que le séraphin lui eut
dit : « Ce charbon a attaché vos lèvres, votre iniquité sera effacée et
vous serez purifié de votre péché, » ce prophète, se confiant plus en la
miséricorde de Dieu qu'en ses propres forces, et se sentant exempt de péché,
s'offrit lui-même à Dieu avec le zèle ardent que lui inspirait sa foi, et qui
ne lui permettait pas de languir dans une honteuse oisiveté; mais que Moïse,
instruit qu'il était dans les sciences humaines, savait qu'il aurait en tête
des magiciens, et Pharaon même, le plus méchant de tous les princes; que
d'ailleurs il se sentait coupable d'avoir tué un Egyptien, et que c'était à cause
de cet homicide qu'une voix sortant du milieu de buisson lui avait dit : « N'approchez pas d'ici ! ôtez les souliers de vos pieds, parce que le lieu oh vous êtes est une terre sainte ; » que tout cela l'avait obligé à s'excuser et à dire à Dieu, selon la version des Septante, qui de sont plus attachés au sens qu'aux paroles : « Je vous prie de considérer, Seigneur, que je rite suis point digne de cet emploi,» ou comme porte le texte hébreu : «Vous voyez, Seigneur, que je suis incirconcis des lèvres; n ce qui fait voir qu'Isaïe avait eu raison de s'offrir à Dieu pour exécuter ses ordres, parce qu'il savait bien que ses lèvres avaient été purifiées ; et que Moïse au contraire avait voulu se dispenser du ministère dont Dieu voulait le charger, parce que ses lèvres étaient impures. » «Vous écouterez de vos oreilles,
et vous n'entendrez point; vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point. »
Tout ce passage, comme on en peut juger par les paroles mêmes de lEvangile,
doit s'entendre de lincarnation du Sauveur et des actions miraculeuses qu'il a
faites inutilement aux yeux des Juifs. Mais comme tout le reste de ce chapitre
renferme plusieurs difficultés et que les tablettes de mon copiste sont déjà remplies,
je n'en dicterai pas davantage. D'ailleurs, un ouvrage que l'auteur ne peut pas
retoucher lui-même n'en est que plus insipide et plus ennuyeux lorsqu'on joint
la longueur à la négligence du style. J'ai même un si grand mal aux yeux, que
tout ce que je puis faire est de dicter aux autres et de les écouter. |