Bienheureux Jean Baptiste SCALABRINI
Nom: SCALABRINI
Prénom: Jean Baptiste (Giovanni Battista)
Pays: Italie
Naissance: 08.07.1839
à Fino Mornasco (diocèse de Côme)
Mort: 01.06.1905
à Plaisance
Etat: Evêque - Fondateur
Note: 1875 à sa mort: Evêque de Plaisance
(Piacenza). 1887 fonde les Missionnaires de Saint-Charles, 1895 fonde la branche
féminine, au service des migrants italiens.
Béatification: 09.11.1997 à Rome par
Jean Paul II
Canonisation:
Fête: 1er juin
Réf. dans lOsservatore Romano: 1997 n.45
p.1.11
Réf. dans la Documentation Catholique: 1997 n.21
p.1049
Notice brève
Jean-Baptiste Scalabrini naît en 1839 dans le Nord de l'Italie.
Ordonné prêtre en 1863, il se montre très actif, publie un "Petit
Catéchisme" en avance sur son temps et s'intéresse à diverses uvres
charitables. Nommé évêque de Plaisance par Pie IX 2 en 1875, il se lance dans une activité stupéfiante, soutenue
par une prière intense. Il visite les paroisses les plus reculées de son diocèse,
améliore la formation des séminaristes, se fait "l'apôtre du catéchisme"
(Pie IX) et s'attache à diffuser la pensée du Saint-Siège et de l'Eglise en créant
notamment un journal. Il est connu surtout comme le père des migrants. Constatant que les
Italiens émigrent en masse dans des conditions déplorables et qu'ils risquent de perdre
en même temps leur foi et leur culture, il crée les "Missionnaires de Saint
Charles", d'abord la branche masculine en 1887, puis la branche féminine en 1895.
Par deux fois il va visiter les émigrés sur place, aux Etats-Unis puis au Brésil.
Voyages riches en grâces, mais aussi en fatigues. Epuisé, il meurt en 1905.
Notice développée
Jean Baptiste (Giovanni Battista) Scalabrini naît en 1839 au
petit village de Fino Mornasco dans la province de Côme en Lombardie (Italie). Son père
est marchand de vin; c'est "un patriarche plein de foi et d'espérance". Il fait
baptiser son fils le jour même de sa naissance, troisième enfant d'une famille qui en
comptera huit. A 23 ans, en 1863, il est ordonné prêtre. Il rêve d'être missionnaire
et demande l'autorisation de sa mère qui la lui donne. Mais son évêque lui dit:
"Vos Indes sont l'Italie". Il passe sept ans au petit séminaire de Côme,
d'abord comme professeur et sous-directeur. En 1867, il se distingue par sa charité en
soignant des malades atteints du choléra et il reçoit la médaille du mérite civil. Il
termine comme directeur du petit séminaire.
De 1870 à 1875, il est curé de San Bartolomeo (Saint
Barthélemy) à Côme. Son activité est déjà impressionnante: Il crée un Jardin
d'enfants dont sa sur Luisa est la directrice; il écrit un "Petit
Catéchisme" selon la méthode de la "division en syllabes", une nouveauté
en ce temps-là; il monte un patronage pour les jeunes avec leur aide, s'occupe des
sourds-muets en utilisant une nouvelle méthode dite "phonique"; il fonde une
"Société de Secours Mutuel" pour lutter contre le chômage qui sévit dans la
région.
En 1872, il donne 11 conférence à la Cathédrale de Côme sur
le dogme de l'Infaillibilité pontificale récemment promulgué et il reçoit les
félicitations de Pie IX lequel, conseillé notamment par don Bosco, le nomme évêque de
Piacenza (Plaisance) en 1875. Il tente de se récuser alléguant notamment son jeune âge
(37 ans). Peine perdue. Pie IX lui offre une crosse sur laquelle est écrit:
"Charitatis potestas" (puissance de la charité) et il commente: "Que cela
soit la règle de votre gouvernement spirituel": Le blason choisi par l'évêque
représente l'échelle de Jacob et sa devise, inspirée de la Genèse (28,12-13), rappelle
discrètement son nom: "Vidi Dominum innixum scala" (J'ai vu le Seigneur appuyé
sur l'échelle).
Sa spiritualité
Devant l'activité pastorale de Mgr Scalabrini, il y a de quoi
être non seulement édifié mais "effrayé". Ce n'est pas un activisme de
surface. Sa force pour agir, il la puise dans une vie spirituelle intense. Il répète
souvent: "Si seulement je pouvais me sanctifier et sanctifier toutes les âmes qui me
sont confiées!" Il a une grande dévotion eucharistique et passe de longs moments
devant le Saint-Sacrement (son 3e synode (1899), le plus marquant, sera
consacré à l'Eucharistie).La Croix est le centre de sa vie spirituelle. Il a aussi une
grande dévotion pour la Sainte Vierge Marie. Enfin cet homme, pourtant plein
d'initiatives hardies, n'a d'autres "ambition" que d'aimer le Pape, de lui
obéir et "de gagner autant d'âmes que possible" à cet amour et à cette
obéissance.
Les constats de l'Evêque
Pour la population, relativement nombreuse de son diocèse, il
n'y a pas assez de travail. Beaucoup travaillent la soie à domicile, mais ils sont
guettés par le chômage. Beaucoup d'autres sont des migrants saisonniers qui chaque
année se rendent dans les provinces du Piémont et de la Lombardie pour le nettoyage du
riz. D'autres enfin émigrent à l'étranger. Dans son diocèse, d'après ses propres
constations, il relève 11% d'émigration. La vie religieuse n'est guère brillante: chez
les fidèles il y a une grande ignorance et les prêtres sont insuffisamment formés et
pas assez proches des gens. Le prêtre doit "sortir du Temple" leur dit-il. Il
doit être aussi un "homme social".
Lui-même se rend proche de son diocèse en faisant cinq visites
pastorales. Pendant l'hiver, il visite les régions plus facilement accessibles, et
l'été, il se rend dans les villages de montagne dont certains n'ont pas reçu la visite
de l'évêque depuis 300 ans. Quand il arrive, il confesse, rend visite aux malades,
consacre les églises (il en a consacré 200), régularise les mariages et apaise de
vieilles querelles.
Son action
Ayant vu la situation de son diocèse, il peut fixer ses
priorités: les prêtres et la promotion de laïcs chrétiens.
Les prêtres: La formation des séminaristes est insuffisante.
Il fait une sélection, ramenant leur nombre de 184 à 40. Il soutient matériellement les
séminaristes pauvres et améliore les études. Il va même jusqu'à doter le séminaire
d'un laboratoire de physique et il l'enrichit d'un musée de sciences naturelles. Pour les
prêtres, il réintroduit la retraite annuelle et rétablit les conférences de prêtres
où l'on discute des problèmes moraux. Il reprend les Synodes diocésains qu'on ne tenait
pas depuis plus de 300 ans. Le premier a pour thème la réforme du diocèse, le 2e,
le catéchisme et la prédication, le 3e, l'eucharistie.
Promotion des laïcs: Il est persuadé que la meilleure arme
pour combattre la déchristianisation croissante est le catéchisme. Aussi y en a-t-il
pour tous les âges: depuis le "petit catéchisme" des enfants, jusqu'aux
adultes (rôle des parents). Il fonde une revue, "le catéchisme catholique" qui
devient nationale en 1889. Le bon vieux Pape Pie IX exulte: "Aujourd'hui on se
préoccupe trop du 2e étage des maisons, mais trop peu du 1er qui
est aussi fondamental. Le catéchisme est précisément le fondement par où toute
prédication et toute uvre pastorale devrait commencer. Avec de bons catéchistes,
on sauve la société." Et, offrant à Mgr Scalabrini une croix pectorale, il le
désigne comme "l'apôtre du catéchisme" (1877). Plus tard, l'évêque publie
un ouvrage "Le catéchisme catholique. Considérations", l'un des premiers
traités sur la catéchèse. Léon XIII le remercie par une lettre personnelle et dans une
audience, il définit Plaisance comme "la ville du catéchisme". L'évêque
tient à Plaisance le premier "Congrès catéchistique national" qui est sans
doute le premier au monde. Parmi les nombreux cardinaux et évêques présents figure Mgr
Giuseppe Sarto, le futur Pie X 2.
Il veille aussi à la prédication: beaucoup, à la cathédrale
ou lors de ses visites, ont entendu sa voix chaude et attrayante. Soucieux de former et
d'informer par tous les moyens, il publie 60 lettres pastorales et des brochures sur des
sujets ecclésiaux et sociaux. Il fonde un journal "l'ami du peuple" qui paraît
deux fois par semaine et devient quotidien en 1896.
Il vole au secours de toute misère. Lors de la terrible famine
qui frappe la province de Plaisance durant l'hiver 1879-80, il crée 5 'comités': farine,
bois, rachat des gages, et "familles dans la honte" (nobles désargentés). Pour
faire face aux frais que cela entraîne, il vend carrosse et chevaux, et même la croix et
le précieux calice donnés par Pie IX. Ses adversaires eux-mêmes, en cette période
d'anti-cléricalisme, s'inclinent devant sa charité.
Les Etats du Vatican ont été annexés par la jeune Italie et
la règle pour les catholiques est le "non expedit": il ne "convient"
pas de participer à la vie politique. Mgr Scalabrini voit plus loin et pense qu'un tout
petit Etat suffirait à assurer l'indépendance spirituelle du Saint Siège et que les
catholiques ont intérêt à collaborer dans le gouvernement pour éviter que des lois
mauvaises ne soient adoptées. Il écrit plusieurs fois à Rome en ce sens, mais l'heure
n'est pas encore à la "Conciliation" et Mgr Scalabrini respecte l'attitude
adoptée par le Saint Siège. Il faudra attendre Pie X pour que les catholiques aient le
droit d'aller aux urnes (1904). Joie alors de notre évêque! Ajoutons qu'en ce domaine
comme dans les autres, il a son franc-parler et cela lui crée des ennuis. Quant à lui il
est toujours prêt à pardonner.
Le père des migrants
Mais le grand problème que Mgr Scalabrini prend à bras le
corps est celui de l'émigration. Les trente années de son épiscopat coïncident avec la
plus forte émigration italienne: 8 millions! Le pays est encore peu industrialisé et la
terre, cultivée selon les méthodes traditionnelles, ne suffit pas à nourrir tout son
monde. En général, ce sont les plus pauvres qui partent. Pour comble de malheur, ils
sont exploités par une nuée d'agents sans scrupules qui s'offrent pour organiser le
voyage et que Mgr Scalabrini stigmatise comme des "maquignons de chair humaine".
Il parle aussi de "traite des blancs". La plupart des émigrés sont
analphabètes. Mgr Scalabrini reçoit de plein fouet le choc de ce spectacle de misère
qui lui fait monter le rouge au front en tant qu'Italien et chrétien. Il constate que
beaucoup y perdent leur foi en même temps que leur langue et leur culture. C'est pourquoi
il veut que dans leur pays d'accueil, les émigrés conservent leur langue et il décide
de leur apprendre à lire et de leur donner les rudiments de l'instruction. Il fonde en
1887 la "Congrégation des Missionnaires de Saint Charles" (branche masculine).
C'est encore lui qui, en 1889, persuade sainte Françoise Cabrini 2 d'envoyer ses religieuses parmi les Italiens des Etats-Unis,
laquelle sera déclarée "Patronne des émigrants" par Pie XI. Il fonde la
Société saint Raphaël qui emploie de nombreux laïcs pour assurer aux migrants
fraîchement débarqués une assistance religieuse, sanitaire et culturelle. En 1895, il
fonde la "Congrégation des Surs Missionnaires de Saint Charles". Il fait
des conférences dans toute l'Italie pour éveiller les esprits à ce problème. Il
insiste aussi sur l'aspect positif de l'émigration: rapprochement des peuples et
"fusion" sans confusion. En 1901, il fait une visite aux Etats-Unis. Il
rencontre le président Théodore Roosevelt. Au retour, c'est la 5e visite
pastorale de son diocèse. En 1904, malgré son âge (62 ans) et son état maladif, il
entreprend, sur le conseil de Pie X, un voyage au Brésil, voyage fatigant mais triomphal
(40'000 confirmations). Le Pape, qui l'avait embrassé au départ, lui envoie une
médaille d'or à son retour et lui demande de venir lui raconter son voyage, mais le
pauvre évêque n'en peut plus et il doit rester sur place. Néanmoins il annonce une 6e
visite pastorale et il écrit au cardinal Merry del Val (secrétaire d'Etat de Pie
X) un célèbre mémoire dans lequel il demande au Saint-Siège d'instituer une
"Commission centrale pour tous les émigrés catholiques" (
vu qui ne
sera réalisé qu'en 1970 avec la création par Paul VI de la "Commission pontificale
pour la pastorale des Migrants et du Tourisme").
Atteint depuis longtemps d'un mal contracté lors d'une visite
pastorale, il doit subir une intervention chirurgicale. Il passe la nuit qui précède en
prière. Après l'opération la santé ne revient pas. Il sent la mort approcher et
demande l'Extrême Onction. Dans le délire de l'agonie, il répète: "Et mes
prêtre? Où sont-ils mes prêtres? Laissez-les entrer." Le jour de sa mort, ou
plutôt de sa naissance au ciel est celui de la Fête de l'Ascension: 1er juin
1905. On l'enterre dans la cathédrale romane de Plaisance qu'il avait fait restaurer.
Son procès de béatification nous vaudra le témoignage d'un
dernier pape. En effet, le 9 juillet 1955, le patriarche de Venise Mgr Roncalli, le futur Jean XXIII 2, écrit à Pie XII: "Saint Père, j'ai eu la chance de
voir de mes yeux et d'écouter de mes oreilles la parole de ce vénérable évêque. De
ces très brèves rencontres et de la parole et des jugements de mon évêque, je me fis
de Mgr Scalabrini une haute et claire idée: c'était un évêque très pieux, érudit,
zélé et généreux dans le service de Dieu et des âmes."
Peut-on parler de martyre pour Mgr Scalabrini (béatifié en
même temps qu'un autre évêque martyr, Mgr Vilmos Apor 2 ? Pas au sens strict sans doute, mais comme l'écrit un
missionnaire du Brésil: "C'est l'opinion de tout le monde qu'il a lui-même
contribué à ses douleurs par les excès de ses voyages. S'il en est ainsi nous avons une
raison de plus pour saluer en Mgr Scalabrini l'apôtre et le martyr des émigrés
italiens."