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LETTRE 66

CYPRIEN, AUTREMENT DIT THASCIUS, A FLORENTIUS, AUTREMENT DIT PUPPIANUS, SALUT.

Je croyais, frère, que le repentir vous était enfin venu d'avoir, dans le passé, écouté à la légère et cru à notre sujet des choses si infâmes, si honteuses, si détestables même pour des païens. Or, je remarque maintenant encore, en lisant votre lettre, que vous êtes toujours le même, que vous avez la même idée de nous, et que vous persévérez dans la même opinion; je vois que, par crainte de souiller, en communiquant avec nous, la gloire de votre martyre, vous faites sur nos moeurs une enquête minutieuse et qu'après le Jugement de Dieu, vous entendez juger; je ne dis pas moi, - que suis-je en effet ? - mais le Jugement même de Dieu et du Christ. C'est ne pas croire en Dieu, c'est se dresser en rebelle contre le Christ et son évangile, que d'oser, quand Il dit : "Est-ce que deux passereaux ne se vendent pas un sou, et cependant il n'en tombe pas un à terre, sans que le Père le veuille"; et quand il prouve, ce Dieu de majesté et de vérité, que même des choses de moindre importance n'arrivent pas sans qu'Il le sache et le permette, que d'oser, dis-je, penser que dans l'Église on ordonne les évêques de Dieu sans qu'Il le sache. Croire en effet que les ordonnés sont indignes et impurs, qu'est-ce autre chose que prétendre que ce n'est pas de Dieu et par Dieu que les évêques sont établis dans l'Église ?
Croyez vous donc que le témoignage que je me rends vaille mieux que celui de Dieu ? Ne savez vous pas que le Seigneur nous instruit Lui-même et déclare que le témoignage n'est pas vrai que l'on porte sur soi-même, chacun étant prévenu en sa propre faveur et ne produisant rien contre soi, tandis que c'est une bonne marque de vérité, quand il est parlé de nous, que ce soit un autre qui parle et qui nous rende témoignage ? "Si Je me rends témoignage à Moi-même, dit-Il, mon témoignage ne vaut pas. Il y en a un autre qui est mon témoin". Que si
notre Seigneur, qui doit juger un jour toute créature, n'a pas voulu qu'on l'en crût sur son propre témoignage, et a préféré être justifié par celui de son Père, à combien plus forte raison ses serviteurs doivent ils avoir des préoccupations semblables, eux que le Jugement et le Témoignage de Dieu ne justifient pas seulement, mais qu'ils glorifient. Vous, cependant, plutôt que de vous en tenir à la Sentence divine, au témoignage de notre conscience, appuyée sur sa foi, vous avez préféré croire les inventions de personnes ennemies et méchantes, comme si des gens qui ont apostasié, qui se sont mis hors de l'Église, et sont devenus des profanes, dont l'Esprit saint a quitté l'âme, pouvaient offrir autre chose qu'un coeur pervers, une langue menteuse, des haines venimeuses, des mensonges sacrilèges. Celui qui croit de telles gens ne peut manquer d'être en leur compagnie quand le jour du Jugement viendra.
Quant à ce que vous dites, que les évêques doivent être humbles parce que le Seigneur et les apôtres furent humbles, mon humilité est connue et aimée et de nos frères et des Gentils eux-mêmes. Vous-même la connaissiez et l'aimiez quand vous étiez encore dans l'Église et en communion avec moi. Mais qui donc de nous deux manque d'humilité, de moi qui chaque jour accueille avec bonté, avec plaisir, avec joie, chacun des frères qui viennent à l'Église, ou de vous qui vous faites l'évêque de l'évêque et le juge du juge que Dieu a établi pour un temps, alors que le Seigneur dit dans le Deutéronome : "L'homme qui aura agi avec orgueil, n'écoutant point le prêtre ou le juge qui sera en fonction ces jours-là, cet homme sera mis à mort, et tout le peuple en l'apprenant sera saisi de crainte et ils n'agiront plus en impies à l'avenir". (Dt 17,12-13). Le Seigneur dit encore à Samuel : "Ce n'est pas vous qu'ils ont méprisé, c'est Moi". (1 Sam 8,7). De même dans l'évangile, comme on Lui disait : "C'est ainsi que vous répondez à un pontife", gardant Lui-même et apprenant aux autres à garder le respect dû au sacerdoce, Il ne dit rien contre le pontife, mais montrant seulement son Innocence, Il répond : "Si j'ai mal parlé, faites moi des reproches sur ce qui est mal; si J'ai bien parlé, pourquoi Me frappez vous ?" De même le bienheureux Apôtre, à qui on disait : "C'est ainsi que vous vous emportez en invectives contre un grand prêtre", ne prononça point de parole outrageuse contre le prêtre, bien qu'il eût pu s'élever avec force contre des gens qui avaient crucifié Dieu et qui avaient perdu le Seigneur, le Christ, le temple et le sacerdoce. Mais bien qu'il eût affaire à des prêtres faux et dépouillés de leur caractère, pensant à l'ombre de sacerdoce qui leur restait, il dit : "Je ne savais pas, mes frères, qu'il fût pontife. Il est écrit en effet : Vous ne proférerez point d'injure contre un prince de votre peuple" (Ac 23,4-5).
Est-ce donc qu'évêque à vos yeux avant la persécution, j'aurais, après la persécution, cessé d'être évêque ? La persécution est venue vous élever aux sublimes hauteurs du martyre, tandis que moi elle m'a accablé du poids de la proscription. On pouvait lire en effet l'affiche suivante : "Si quelqu'un détient et possède des biens de Cécilius Cyprianus, évêque des chrétiens." Ainsi celui qui ne croyait pas Dieu quand Il m'a établi évêque, pouvait du moins croire le diable quand il me proscrivait comme évêque. Je ne dis pas cela par jactance, mais c'est la douleur qui me le fait dire, en vous voyant vous constituer le juge de Dieu et du Christ qui dit à ses apôtres et par là à tous les évêques dont la suite des ordinations fait les successeurs des apôtres : "Celui qui vous écoute, M'écoute et celui qui M'écoute écoute Celui qui M'a envoyé. Et celui qui vous repousse, Me repousse et repousse en même temps Celui qui M'a envoyé".
Ainsi naissent, et ainsi naîtront toujours schismes et hérésies, quand l'orgueilleuse présomption de certaines personnes fait mépriser l'évêque qui est unique et gouverne l'Église, quand un homme que Dieu a daigné honorer paraît indigne à des hommes. Quelle est en effet cette superbe, cette arrogance ? Quel est cet orgueil d'appeler à son tribunal prélats et évêques ? Ainsi donc si nous ne sommes pas justifiés devant vous, et acquittés par votre sentence, depuis six ans les frères seront restés sans évêque, le peuple sans chef, le troupeau sans pasteur, l'Église sans pilote, le Christ sans représentant, Dieu sans prêtre. Que Puppianus vienne à notre secours, qu'il rende une sentence, qu'il ratifie le Jugement de Dieu et du Christ. Autrement tant de fidèles qui ont été rappelés sous notre épiscopat sembleront être sortis de ce monde sans espoir de salut et de paix, les nouvelles recrues de la foi seront considérées comme n'ayant obtenu par notre ministère aucune grâce de baptême et d'Esprit saint, enfin la paix et la communion, qu'après examen de leur cas nous avons données à tant de lapsi pénitents, seront annulées par votre jugement ! Daignez enfin faire un signe d'approbation, vous prononcer sur notre cas, et confirmer notre épiscopat, afin que Dieu et le Christ puissent vous être obligés d'avoir rendu un pontife et un chef à leur autel tout à la fois et à leur peuple !
Les abeilles ont un roi (Nous dirions aujourd'hui une reine. Les anciens croyaient que c'était un roi. Cf. Virg. Georg. IV. 68, 75), les troupeaux un guide, et ils lui sont fidèles; les brigands obéissent humblement à celui qui est leur chef : combien ils sont plus simples et meilleurs que nous, les troupeaux sans raison, les animaux sans voix, et les brigands, bien qu'ils vivent dans le sang et la violence furieuse, parmi les épées et les armes ! Ils reconnaissent un chef et le craignent, et ce chef n'a pas été établi par un Jugement divin, mais par l'accord d'une bande perverse, d'une troupe de malfaiteurs.
Vous dites sans doute qu'il faut vous ôter de l'esprit un scrupule où vous êtes tombé. Oui, vous y êtes tombé, mais par une crédulité impie. Vous y êtes tombé, mais par une disposition de volonté sacrilège. En prêtant facilement l'oreille à des accusations infâmes, impies, exécrables, contre un frère, contre un évêque, en y ajoutant foi volontiers, vous faites vôtres, et vous soutenez comme votre sentiment les mensonges d'autrui. Vous ne vous souvenez pas qu'il est écrit : "Mettez devant vos oreilles une haie d'épines et n'écoutez pas la langue perverse". (Ec 28,24). Et encore : "Le méchant prête l'oreille aux propos des pervers, le juste ne fait pas attention à ce que disent des lèvres menteuses". Pourquoi ne sont-ils pas tombés dans ce scrupule ces martyrs pleins de l'Esprit saint, déjà tout près de venir par la mort en Présence de Dieu et du Christ, qui de leur prison ont écrit "à Cyprien évêque", le reconnaissant comme pontife et lui rendant hommage ? Pourquoi ne sont-ils pas tombés dans ce scrupule tous ces évêques, mes collègues, qui s'étant éloignés ont été proscrits ou arrêtés, ont été jetés en prison et dans les fers, ou envoyés en exil, sont allés à Dieu par cette voie glorieuse, ou encore, ayant été exécutés, comme c'est arrivé en certains endroits, ont recueilli les couronnes célestes en rendant gloire à Dieu ? Pourquoi ne sont-ils pas tombés dans ce scrupule, ceux de notre peuple ici présent, à nous confiés par la Bonté divine, tant de confesseurs mis à la question, à la torture qu'illustre le souvenir de leurs blessures et leurs cicatrices glorieuses, tant de vierges sans tache, tant de veuves dignes d'éloge, toutes les églises enfin que le lien de l'unité attache à nous dans le monde entier ? Mais sans doute tous ceux-là, qui sont en communion avec moi, ont été, comme vous dites, souillés de notre souillure, et ont perdu tout espoir de vie éternelle par suite de ce commerce avec nous : Puppianus seul, intact, inviolé, saint, pur, vu qu'il ne s'est pas mêlé à nous; habitera seul le paradis et le royaume des cieux !
Vous écrivez encore que l'Église, à cause de moi, voit maintenant une partie de ses membres séparée du reste, alors que tous les fidèles sont ensemble, unis, et attachés les uns aux autres par le lien d'une concorde indissoluble, et que ceux-là seuls sont restés hors de l'Église, qu'il eût fallu en chasser s'ils avaient été dedans. Le Seigneur, Protecteur et Gardien de son peuple, ne permet pas que le bon grain soit emporté loin de son aire, mais seulement que la paille puisse être éloignée de l'Église. L'Apôtre dit en effet : "Mais quoi ? Si quelques uns n'ont pas cru, leur incrédulité a-t-elle anéanti la Fidélité de Dieu ?" (Rm 3,4). Loin de nous une telle pensée ! Dieu est véridique, et tout homme est menteur ". Et le Seigneur Lui-même dans l'évangile, voyant les disciples le quitter au milieu de son discours, se tourna vers les Douze et leur dit : "Est-ce que vous aussi, vous voulez vous en aller ?" Pierre Lui répondit : "Seigneur, à qui irions nous : c'est Toi qui as la parole de la vie éternelle, et nous Te croyons et reconnaissons que Tu es le Fils du Dieu vivant". (Jn 6,67-69). Celui qui parle là, c'est Pierre, sur qui l'Église avait été bâtie, et au nom de l'Église, il fait voir que quand bien même une multitude en révolte et refusant d'obéir s'éloignerait, l'Église cependant ne s'éloigne pas du Christ; il montre que l'Église, c'est pour lui le peuple uni à son pontife, et le troupeau resté près du pasteur. Par là, vous devriez comprendre que l'évêque est dans l'Église et l'Église dans l'évêque, et que si quelqu'un n'est pas avec l'évêque, il n'est pas dans l'Église; que ceux-là se flattent et se font illusion qui, subrepticement et en cachette, veulent communiquer avec certains, puisque l'Église qui, tout entière est une, n'est pas en plusieurs morceaux séparés, mais ne forme qu'un tout dont l'union des évêques est le lien.
C'est pourquoi, frère, si vous voulez songer à la Majesté de Dieu qui ordonne les évêques, si vous tournez vos pensées vers le Christ dont la Volonté souveraine, présente à son Église et à ses chefs, les gouverne les uns et les autres, si pour juger de l'innocence des évêques, vous nous en rapportez, non à la haine des hommes, mais au Jugement de Dieu, si vous commencez, bien que tard, à faire pénitence de votre témérité, de votre orgueil et de votre insolence, si vous donnez satisfaction pleine et entière au Seigneur et à son Christ que je sers, et à qui, dans la persécution comme dans la paix, je ne cesse d'offrir des sacrifices d'une bouche pure et sans tache, nous pourrons tenir compte de votre communion. Nous nous réserverons cependant le droit de consulter avec crainte la divine Justice, et de demander d'abord à celui qui est mon Maître de me faire connaître s'Il permet de vous donner la paix et de vous remettre en communion avec son Église.
Je me souviens en effet de ce qui m'a été indiqué, que dis-je, de ce que l'Autorité du Seigneur et de Dieu a commandé à son humble et docile serviteur. Entre autres choses qu'Il a daigné me faire connaître et me révéler, Il a dit ceci : "Par conséquent, celui qui ne croit pas au Christ lorsqu'il fait un évêque, apprendra par la suite à croire au Christ, lorsqu'il verra un évêque vengé par Lui." Je sais bien que certains trouvent les songes ridicules et les visions absurdes, mais ce sont précisément ceux qui aiment mieux croire contre les évêques que de croire un évêque. D'ailleurs, il n'y a rien d'étonnant à cela, puisque les frères de Joseph ont bien dit de lui : "Voici venir notre songeur; venez, tuons-le"; et le songeur vit plus tard son rêve réalisé, et ses meurtriers, ses vendeurs, confondus, et obligés, après avoir refusé de croire ses paroles, d'en croire les faits eux-mêmes. Quant à ce que vous avez fait, soit dans la persécution, soit dans la paix, ce serait folie à moi de vouloir vous juger là-dessus, puisque c'est plutôt vous qui vous êtes établi mon juge. Aussi bien, je vous ai répondu d'après la conscience que j'ai de mon innocence, et la confiance que j'ai en Notre Seigneur et en Dieu. Vous avez ma lettre et j'ai la vôtre.
Au jour du Jugement, au Tribunal de Dieu, on lira l'une et l'autre.

 

 


 

LETTRE 67

CYPRIANUS, CECILIUS, PRIMUS, POLYCARPUS, NICOMEDES, LUCIANUS, SUCCESSUS, SEDATUS, FORTUNATUS, JANUARIUS, SECUNDINUS, POMPONIUS, HONORATUS, VICTOR, AURELIUS, SATTIUS, PETRUS, UN AUTRE JANUARIUS, SATURNINUS, UN AUTRE AURELIUS, VENANTIUS, QUIETUS, ROGATIANUS, TENAX, FELIX, FAUSTUS, QUINTUS, UN AUTRE SATURNINUS, LUCIUS, VINCENTIUS,LIBOSUS, GEMINIUS, MARCELLUS, JAMBUS, ADELPHIUS, VICTORICUS ET PAULUS, AU PRÊTRE FÉLIX ET AUX PEUPLES FIDÈLES DE LEGIO ET D'ASTURICA (1), AU DIACRE ÆLIUS, ET AU PEUPLE D'EMERITA, NOS FRÈRES, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

Nous étant assemblés (2), nous avons lu, frères très chers, la lettre que vous nous avez envoyée par nos co-évêques Félix et Sabinus, laquelle témoigne de l'intégrité de votre foi et de la crainte de Dieu qui est en vous. Vous nous y faisiez connaître que Basilides et Martialis, qui se sont souillés de billets d'idolâtrie, et qui ont sur la conscience des crimes abominables, ne doivent pas exercer les fonctions épiscopales. Vous exprimiez aussi le désir qu'une réponse à ce sujet vous fût envoyée et que notre avis exprimé vous apportât, dans votre juste et nécessaire inquiétude, un réconfort ou un secours. Mais votre demande a déjà sa réponse, moins dans les résultats de nos délibérations que dans les Préceptes divins. Il y a longtemps que la Parole céleste et la Loi de Dieu déterminent ceux qui doivent prendre part au service de l'autel, et célébrer les divins Sacrifices. Dans l'Exode, en effet, Dieu parle à Moïse et lui dit : "Que les prêtres qui s'approchent du Seigneur se purifient, de peur que le Seigneur ne les abandonne. Et encore : "Quand ils s'approcheront de l'autel du Saint pour le service, ils n'auront point de faute en leur âme, de peur de mourir". De même dans le Lévitique, le Seigneur donne des préceptes et dit : "L'homme, qui aura en lui une souillure ou un vice, ne s'approchera pas pour faire des offrandes au Seigneur".
Ainsi instruits et informés d'avance, nous ne pouvons pas ne pas obéir aux préceptes divins; il ne peut y avoir en ces matières acception de personne, et l'humaine complaisance ne peut rien là où il y a un Ordre écrit de Dieu qui s'y oppose. Nous ne devons pas en effet oublier ce que Dieu dit aux Juifs par le prophète Isaïe. Il se montre indigné de ce qu'ils dédaignaient ses Préceptes divins pour s'attacher à des doctrines humaines. "Ce peuple, dit-il, M'honore du bout des lèvres, son coeur est loin de Moi. Mais c'est en vain qu'ils Me rendent ce culte, puisqu'ils suivent des préceptes et des doctrines qui sont de l'homme". C'est ce reproche que le Seigneur répète dans l'Évangile en disant : "Vous rejetez les Préceptes de Dieu pour établir votre tradition". Les yeux fixés sur cet avertissement, y prêtant une attention sérieuse et religieuse, nous ne devons, quand il s'agit d'ordinations épiscopales, ne choisir que des chefs d'une réputation intacte et sans tache, qui, offrant à Dieu, de dignes et saints sacrifices, puissent être exaucés dans les prières qu'ils font pour le salut du peuple chrétien. Il est en effet écrit : Dieu n'écoute pas le pécheur mais celui qui honore Dieu et fait sa Volonté, Il l'écoute." Voilà pourquoi il faut, par une attention parfaite et un examen loyal, arriver à choisir pour l'épiscopat ceux que nous savons que Dieu exauce.
Que le peuple fidèle ne se flatte pas de pouvoir rester exempt de péché en communiquant avec un évêque pécheur, et en se prêtant à l'exercice illégitime et injuste de l'épiscopat d'un tel chef, quand la Justice divine fait entendre cette menace par la bouche du prophète Osée : "Leurs offrandes sont un pain de deuil : tous ceux qui en mangent seront souillés". Il nous apprend par là et nous fait voir que tous ceux-là sont condamnées au péché, qui se sont souillés au sacrifice d'un évêque profane et illégitime. C'est l'enseignement que nous trouvons encore dans les Nombres, quand Coré, Dathan et Abiron s'arrogèrent le droit de sacrifier. Là aussi le Seigneur par la voix de Moïse prescrit au peuple de se séparer d'eux, de peur qu'en se joignant à des criminels, il ne devienne lui-même coupable de leur crime : "Éloignez vous, dit-il, des tentes de ces hommes injustes et cruels, et ne touchez à rien de ce qui leur appartient, de peur que vous ne périssiez avec eux, partageant leur péché". Voilà pourquoi un peuple fidèle, obéissant aux Préceptes du Seigneur et craignant Dieu, doit se séparer d'un évêque pécheur et éviter de se mêler aux sacrifices d'un prêtre sacrilège, surtout quand il a le pouvoir d'élire de dignes évêques et d'écarter les indignes.
Nous voyons en effet que l'Enseignement divin est la source d'où vient l'usage d'élire l'évêque en présence du peuple fidèle, sous les yeux de tout le monde et de faire approuver par un jugement public un élu digne et apte à ses fonctions, car dans les Nombres le Seigneur donne cet ordre à Moïse : "Prends Aaron ton frère, et Eléazar son fils, et fais-les monter sur la montagne, en présence de tout le peuple; enlève à Aaron son vêtement, et revêts-en Eléazar son fils et qu'Aaron meure là et soit enseveli près de ses ancêtres". Dieu ordonne que le grand-prêtre soit fait devant toute l'assemblée; en d'autres termes, il nous enseigne et nous montre que les ordinations sacerdotales ne doivent avoir lieu qu'au vu et au su du peuple fidèle, afin que le peuple étant présent, les crimes des méchants ou les mérites des bons soient révélés, et qu'on ait une ordination juste et régulière, garantie par le suffrage et le jugement de tous. C'est ce qui est encore observé plus tard, conformément aux enseignements divins dans les Actes des Apôtres, quand Pierre parle au peuple au sujet d'un évêque à nommer à la place de Judas : "Pierre, y est-il dit, se leva au milieu des disciples. Or la foule rassemblée était de (3)... " Et ce n'est pas seulement pour les ordinations des évêques et des prêtres, mais aussi pour les ordinations des diacres, que nous voyons les apôtres observer cette conduite : "Les Douze, y est-il dit, convoquèrent le peuple des disciples, et ils leur dirent." On prenait ce soin et cette précaution de convoquer tout le peuple, afin d'empêcher qu'un intrus ne se glissât dans le service de l'autel ou dans la dignité épiscopale. Que des indignes soient en effet quelquefois ordonnés, non selon la Volonté de Dieu, mais selon la présomption de l'homme, et que Dieu déteste ce qui ne procède pas d'une ordination régulière et juste, c'est ce que Lui-même fait connaître par le prophète Osée : "Ils se sont fait des rois, sans que j'y sois pour rien".
Aussi, faut-il garder soigneusement la Tradition divine, la pratique apostolique, et observer ce qui s'observe chez nous et dans presque toutes les provinces. Il faut que là où l'on doit ordonner un chef pour le peuple fidèle, les évêques de la province se rassemblent et que l'élection de l'évêque se fasse en présence du peuple, qui connaît la vie et a pu apprécier la conduite de chacun en vivant près de lui. Nous voyons que les choses se sont ainsi passées chez vous pour l'ordination de Sabinus, notre collègue. C'est par le suffrage de toute la communauté des frères, et des évêques, qui ou étaient présents, ou avaient écrit, que l'épiscopat lui a été déféré, et que les mains lui ont été imposées, pour siéger à la place de Basilides. Une ordination régulière ne peut être invalidée par ce fait que Basilides, après que ses crimes ont été découverts et avoués par lui-même, est allé à Rome, et a obtenu par surprise d'Étienne notre collègue (qui, étant loin de l'endroit où les faits se sont passés, les connaît mal), d'être injustement rétabli dans la dignité épiscopale dont il a été régulièrement déposé. Par là, en effet, Basilides a tout simplement réussi à mettre le comble à ses fautes au lieu de les effacer, en y ajoutant la fourbe et l'imposture. On doit moins, en effet, blâmer celui qui s'est laissé surprendre par négligence que celui qui a surpris par perfidie. Mais si Basilides a pu surprendre des hommes, il ne peut pas surprendre Dieu, car il est écrit : "On ne se joue pas de Dieu." Martial non plus ne peut profiter d'une surprise, et ne doit pas moins, coupable comme il l'est de fautes graves, être écarté de l'épiscopat; car l'Apôtre nous dit : "Il faut qu'un évêque soit irréprochable comme étant l'économe de Dieu".
Ainsi donc, d'après votre lettre, frères très chers, et d'après le témoignage conforme de nos collègues, Félix et Sabinus, et la lettre d'un autre Félix de Caesaraugusta (4), qui est un homme de foi et un défenseur de la vérité, Basilides et Martialis se sont souillés d'un criminel billet d'idolâtrie. De plus Basilides, outre la souillure du billet, a encore, étant malade, blasphémé contre Dieu; il a avoué avoir blasphémé. Déposant de lui-même pour obéir à sa conscience bourrelée de remords l'honneur de l'épiscopat, il s'est mis à faire pénitence, trop heureux de pouvoir communier en laïc. Martialis, de son côté, après avoir longtemps pris part, comme membre d'un collège, aux banquets honteux et impurs des Gentils, et fait enterrer ses fils, étant toujours dans le même collège, à la manière des païens dans des sépulcres profanes et parmi les païens (5), a affirmé, en séance publique tenue devant le procurateur ducénaire (6), qu'il avait obéi aux ordres de l'idolâtrie, et renié le Christ. Enfin il y a nombre de fautes graves dont sont coupables Basilides et Martialis. Pour toutes ces raisons, c'est bien en vain qu'ils prétendent rentrer dans l'exercice des fonctions épiscopales, attendu qu'il est trop évident que de tels hommes ni ne peuvent être à la tête de l'Église du Christ, ni ne doivent offrir des sacrifices à Dieu, et cela d'autant plus que depuis longtemps déjà, d'accord avec nous et avec tous les évêques du monde entier, Corneille notre collègue, évêque pacifique et juste, que Dieu a même daigné honorer du martyre, a décidé que de tels hommes pourraient sans doute être admis à faire pénitence, mais devaient être écartés de la cléricature et de la dignité épiscopale.
Ne vous laissez point troubler, frères très chers, si vous voyez qu'à la fin des temps, chez quelques uns la foi chancelle, incertaine, ou que la crainte de Dieu vacille, faiblissante, ou que l'union des coeurs ne continue pas d'entretenir la paix. Il a été prédit que cela arriverait à la fin du monde, et la Voix du Seigneur et le témoignage des apôtres nous ont appris d'avance qu'au déclin du siècle et aux approches de l'Antichrist tout ce qui est bon déclinera, tout ce qui est mauvais et hostile progressera.
Bien que nous soyons dans les derniers temps, la vigueur évangélique n'est pas à ce point tombée dans l'Église de Dieu, l'énergie du courage et de la foi chrétienne ne s'y est pas à ce point alanguie, qu'il ne reste une portion de l'épiscopat complètement exempte de ces déchéances et de ces naufrages et qui demeure au contraire ferme et forte, soutenant l'honneur de la divine majesté, et la dignité épiscopale, dans les sentiments d'une crainte de Dieu parfaite. Nous avons appris en effet et nous savons qu'alors que tous les autres fléchissaient et cédaient, Mattathias prit courageusement la défense de la Loi de Dieu; qu'Héli, alors que les Juifs manquaient de courage, et s'éloignaient de la Religion divine, demeura ferme et combattit vaillamment; que Daniel, sans se laisser effrayer par la solitude d'un pays étranger, ni par les sévices d'une persécution perpétuelle, rendit fréquemment et courageusement de glorieux témoignages; que de même les trois enfants, sans se laisser vaincre à la faiblesse de l'âge ou aux menaces, élevèrent leur fidélité contre les flammes babyloniennes, et vainquirent, quoique captifs, un roi vainqueur. Il y a, je le veux bien, des prévaricateurs et des traîtres qui ont entrepris de s'élever dans l'Église contre l'Église même et d'ébranler en même temps la foi et la vérité. Il reste, en tout cas, chez un grand nombre une religion sincère et intégrale, un coeur qui n'est qu'à son Seigneur et à son Dieu, une foi chrétienne que l'infidélité d'autrui ne fait pas pencher, mais excite plutôt et exalte pour la gloire, selon l'exhortation du bienheureux Apôtre : "Eh quoi ! Si quelques uns n'ont pas cru, est-ce que leur incrédulité a anéanti la Fidélité divine ? A Dieu ne plaise ! Dieu est véridique et tout homme est menteur."
Mais si tout homme est menteur et Dieu seul véridique, que devons nous faire, nous qui sommes les serviteurs et surtout les évêques de Dieu, sinon laisser là les erreurs et mensonges humains, et garder les Préceptes du Seigneur en nous tenant attachés à la Vérité divine ?
Aussi, bien que quelques uns de nos collègues, frères très chers, croient devoir négliger la Discipline divine, et communiquent témérairement avec Basilides et Martialis, cela ne doit pas troubler notre foi, car l'Esprit Saint dans les Psaumes menace ceux qui agissent ainsi, en disant : "Tu as haï la discipline, et jeté mes Paroles derrière toi. Si tu voyais un voleur, tu te joignais à lui, et tu faisais cause commune avec les adultères." Il montre que ceux-là partagent la culpabilité qui se joignent aux coupables. C'est ce que dit encore le même apôtre Paul, quand il écrit : "Semeurs de faux bruits, calomniateurs, haïs de Dieu, injustes, fanfarons, inventeurs de mal; gens qui, tout en connaissant le Jugement de Dieu, non seulement font le mal, mais encore approuvent ceux qui le font. Ceux qui font ces choses, dit-il, sont dignes de mort." Il montre dignes de mort et appelés au châtiment, non seulement ceux qui font le mal, mais encore ceux qui, en communiquant, contre la règle, avec des méchants et des pécheurs qui ne font pas pénitence, se souillent au contact des coupables, et, s'unissant à eux dans la faute, n'en sont pas séparés dans le châtiment. Voilà pourquoi, frères très chers, nous louons et tout à la fois approuvons les religieux scrupules de votre foi si pure, et, autant que nous le pouvons, nous vous exhortons par cette lettre à ne point avoir un commerce sacrilège avec des évêques profanes et coupables, et à garder fermement dans leur intégrité et leur pureté votre foi et la crainte de Dieu. Nous souhaitons, frères très chers, que vous vous portiez toujours bien.
(1) Legio et Asturica : Léon et Astorga, en Espagne, province de Léon; Emerita : Mérida, en Estramadure.
(2) Cette réunion est le concile d'automne de 254.
(3) Saint Cyprien ne cite pas le texte intégralement. Les Actes disent : "La foule rassemblée était de cent vingt hommes environ."
(4) Saragosse
(5) Les chrétiens avaient leurs cimetières à part.
(6) Le procurateur ducénaire est celui qui avait droit a un traitement de deux cent mille sesterces, c'est-à-dire environ cinquante mille francs


 

LETTRE 68

CYPRIEN A ÉTIENNE SON FRÈRE, SALUT.

Faustinus, notre collègue de Lyon, m'a écrit à plusieurs reprises, frère très cher, pour me faire connaître (et je sais que la nouvelle vous a été aussi annoncée par mes autres collègues dans l'épiscopat de la même province) que Marcianus d'Arles (7) s'est joint à Novatien, et éloigné de la vérité de l'Église catholique et de l'unanimité de notre corps épiscopal, il a adopté les dures maximes d'une hérésie présomptueuse, qui fermant la porte de l'Église à des serviteurs de Dieu qui regrettent et pleurent leur faute, et y viennent frapper avec des gémissements et des larmes, leur refuse les consolations et les secours de la Bonté de Dieu et de sa paternelle Miséricorde, sans se soucier d'admettre des blessés à soigner leurs blessures, préférant les abandonner à la rapacité des loups et à la rage du diable. C'est à cette situation, frère très cher, qu'il nous appartient de porter remède, nous qui avons devant les yeux la Clémence divine, et tenant une juste balance dans le gouvernement de l'Église, déployons une grande vigueur à l'égard des pécheurs, sans cependant refuser à ceux qui sont tombés le remède de la Bonté et de la Miséricorde divine pour les guérir de leurs blessures.
C'est pourquoi vous devez écrire très explicitement à vos collègues dans l'épiscopat qui sont en Gaule, afin qu'ils ne permettent pas plus longtemps à Marcianus, qui est opiniâtre et orgueilleux, ennemi de la piété et du salut de nos frères, d'insulter à notre collège. N'ose-t-il pas dire en effet qu'il ne semble pas encore avoir été excommunié par nous, lui qui depuis longtemps annonce et publie qu'il se sépare de notre communion pour s'attacher à Novatien et suivre cet opiniâtre personnage ? Or Novatien, qu'il suit, a été tenu lui-même depuis longtemps comme excommunié et ennemi de l'Église. Ayant envoyé vers nous en Afrique, pour demander d'être admis à notre communion, il a remporté de notre concile, où nous étions un grand nombre d'évêques, cette sentence : "Qu'il était hors de l'Église, que personne de nous ne pouvait entrer en rapports avec lui, car, alors que Corneille avait été ordonné évêque dans l'Église par le Jugement de Dieu et le suffrage du clergé et du peuple, il tentait d'élever un autel profane, une chaire adultère, et d'offrir de sacrilèges sacrifices en face du vrai évêque; par conséquent, s'il voulait venir à résipiscence, et prendre le bon parti, il n'avait qu'à faire pénitence et revenir en suppliant vers l'Église." Quelle incohérence, frère très cher, que de permettre, alors que Novatianus s'est vu naguère repoussé, confondu, et excommunié par les évêques du monde entier, que ses flatteurs puissent encore venir se jouer de nous, et se faire juges de ce qui convient à la majesté et à la sainteté de l'Église.
Envoyez aussi en Provence, aux fidèles d'Arles, une lettre en vertu de laquelle, Marcianus étant excommunié, un autre soit mis à sa place, afin que le troupeau du Christ qu'il a dispersé, et qui reste blessé et diminué, puisse se rassembler. Beaucoup de nos frères y sont morts ces dernières années sans recevoir la paix : que cela suffise. Que l'on vienne du moins au secours des autres encore vivants, qui passent les jours et les nuits à gémir, et demandent de nous consolation et secours, en même temps qu'ils implorent la paternelle Miséricorde de Dieu. Il y a en effet, frère très cher, une raison à l'existence d'un nombreux corps épiscopal, dont tous les membres soient unis par le lien de mutuels sentiments de concorde : c'est afin que si quelque membre de notre collège tentait de faire bande à part, et de déchirer de dévaster le troupeau du Christ, les autres viennent au secours, et, en pasteurs utiles et miséricordieux, ramènent au troupeau les brebis du Seigneur. Eh quoi ? Si un port de mer a ses défenses rompues et devient mauvais et dangereux pour les navires, est-ce que les navigateurs ne dirigent pas leurs navires vers d'autres ports voisins, dont l'accès soit sûr, et où ils puissent stationner sans danger ? Quand, sur une route, une hôtellerie est occupée et tenue par des brigands, de telle façon que quiconque y arrive soit exposé à y tomber comme dans une embuscade, est-ce que les voyageurs qui en ont recueilli le bruit, ne vont pas vers d'autres hôtelleries sur la route, où ils trouvent une hospitalité sûre, et un abri sans danger ? Il est nécessaire qu'il en soit de même chez nous, frère très cher; et que nos frères qui, évitant les écueils de Marcianus, se dirigent vers les ports de l'Église, soient accueillis par nous avec une bienveillante et avenante charité. Il faut que nous leur offrions dans leur voyage une hôtellerie telle que celle qui est dans l'Évangile, et où ceux qui ont été blessés et meurtris par des brigands puissent être accueillis, soignés et gardés par l'hôtelier.
Des évêques peuvent ils avoir un souci plus noble que de travailler avec une application attentive, en usant des remèdes salutaires, à soigner et à sauver leurs ouailles, quand le Seigneur dit : "A ce qui était débile vous n'avez pas cherché à rendre des forces; ni à rendre la santé à ce qui était malade; à ce qui était meurtri, vous n'avez pas appliqué de pansement; ce qui s'égarait, vous ne l'avez pas rappelé; ce qui s'était perdu, vous ne l'avez pas recherché; et mes brebis sont dispersées parce qu'il n'y a point de pasteurs; elles sont devenue si la proie de toutes les bêtes sauvages, et il n'y avait personne pour se mettre à leur recherche ou pour les rappeler. A cause de cela, le Seigneur fait cette menace : Voici que je viens aux pasteurs, et je leur redemanderai mes brebis et les leur retirerai des mains, de manière qu'ils ne les paissent plus; ils n'en seront plus les pasteurs, mais je les arracherai à leur bouche, pour les paître moi-même avec Justice." Lors donc qu'aux pasteurs par qui les brebis du Seigneur sont négligées et périssent, le Seigneur fait de telles menaces, que devons-nous faire, frère très cher, que de travailler à recueillir, et à soigner avec une application parfaite, les brebis du Christ, et de recourir pour guérir les blessures des lapsi au remède d'une bonté paternelle ? Le Seigneur nous avertit dans son Évangile en disant : "Le médecin n'est pas nécessaire à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui sont malades". Si nous sommes plusieurs pasteurs, le troupeau que nous paissons est unique, et ce sont toutes les brebis que le Christ a acquises au prix de son Sang et de sa passion, que nous devons recueillir et soigner, sans souffrir que nos frères, qui viennent en suppliants et pleins de repentir, soient dédaignés et foulés aux pieds par la présomption de certains orgueilleux. Il est écrit en effet : "Celui qui est rebelle et fanfaron n'arrivera à aucun résultat, lui qui enfle son âme aux proportions de l'enfer." Dans l'Évangile encore le Seigneur blâme et condamne toutes les personnes de cette espèce : "C'est vous qui vous êtes fait passer pour justes aux yeux des hommes. Mais Dieu voit dans vos coeurs, et ce qui est élevé pour les hommes est méprisable aux yeux de Dieu." Il déclare méprisables et abominables ceux qui se complaisent en eux-mêmes, qui, enflés d'orgueil, affichent des prétentions arrogantes. Marcianus s'est mis dans cette catégorie, et en se joignant à Novatien, il s'est posé en adversaire de la Bonté et de la Miséricorde. Il n'a donc point à rendre de sentence, mais à en recevoir, ni à se comporter comme s'il avait jugé le collège des évêques, puisque c'est lui-même qui a été jugé par tous les évêques.
Il faut en effet garder inviolable le respect dû à nos prédécesseurs, les bienheureux martyrs Corneille et Lucius. Nous honorons, nous, leur mémoire; mais c'est bien plus encore vous, frère très cher, qui devez l'honorer et la défendre du poids de votre autorité, vous qui êtes leur successeur et tenez leur place. Ces deux personnages, pleins de l'Esprit du Seigneur, et qui ont subi glorieusement le martyre, ont été d'avis qu'il fallait donner la paix aux lapsi. Ils ont fait connaître par leurs lettres que, quand ils avaient fait pénitence, il n'y avait pas lieu de leur refuser la jouissance de la communion et de la paix.
Telle a toujours été notre manière de voir à tous, en tous lieux. Nous ne pouvions, en effet, être d'avis différents puisque nous n'avions tous qu'un même esprit. Et voilà pourquoi il est manifeste que celui-là n'est pas vraiment animé par l'Esprit saint, qui n'a pas les mêmes sentiments que les autres. Faites-nous connaître qui aura été mis à Arles à la place de Marcianus, afin que nous sachions à qui nous devons adresser nos frères et écrire nous même. Je souhaite, frère très cher, que vous vous portiez toujours bien.
(7) Le nom de Marcianus ne figure pas dans les diptyques de l'église d'Arles. C'est la conséquence de son excommunication. Cf. MABILLON, Annales, t. III, P. 432.

 


LETTRE 69

CYPRIEN A MAGNUS, SON FlLS, SALUT.

Votre zèle religieux, fils très cher, vous a fait souhaiter d'avoir l'avis de mon humble personne sur le point de savoir si, parmi les hérétiques, ceux-là aussi qui reviennent du parti de Novatien, après avoir reçu son bain profane, doivent être baptisés et sanctifiés dans l'Église catholique du légitime, vrai et unique baptême de l'Église. Eh bien, suivant le sentiment que nous inspire la foi dont nous sommes capables, autant que la sainteté et la vérité des divines Écritures, nous déclarons que tous les hérétiques et schismatiques sans exception sont sans aucun pouvoir, et sans aucun droit. (8) Novatien ne peut ni ne doit faire exception; il est, lui aussi hors de l'Église; il travaille contre la paix et la charité chrétienne; il doit donc être compté parmi les adversaires et les antichrists. Notre Seigneur Jésus Christ, lorsqu'Il attestait dans l'Évangile que ceux-là étaient ses ennemis qui n'étaient pas avec Lui, n'a visé aucune espèce particulière d'hérésie, mais il a montré que tous ceux-là sans exception qui n'étaient pas avec lui et qui ne rassemblaient pas avec lui, mais dispersaient son troupeau, étaient ses adversaires. Il dit en effet : "Celui qui n'est pas avec Moi est contre Moi et celui qui n'assemble pas avec Moi disperse". Le bienheureux apôtre Jean non plus n'a distingué aucune espèce d'hérésie ou de schisme, ni n'a mis de catégorie à part : il a appelé antichrists tous ceux qui étaient sortis de l'Église ou travaillaient contre elle : "Vous avez entendu dire que l'Antichrist vient. Mais, en vérité il y a maintenant plusieurs antichrists. Par quoi nous reconnaissons que c'est la fin des temps. Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n'étaient pas des nôtres. S'ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous". D'où il appert que tous ceux-là sont des adversaires du Seigneur, et des antichrists, qui se sont éloignés manifestement de la charité et de l'unité de l'Église. Le Seigneur dans l'Évangile dit encore : "S'il méprise aussi l'Église, qu'il soit pour vous comme un païen et un publicain". Si ceux qui méprisent l'Église sont tenus pour païens et publicains, beaucoup plus, à coup sûr, des rebelles et des ennemis qui établissent de faux autels, des épiscopats illégitimes, des sacrifices sacrilèges, des noms adultères (9), doivent ils être nécessairement rangés au nombre des païens et des publicains, puisque de moins coupables, qui ne font que mépriser l'Église, sont déclarés, par la Sentence du Seigneur, païens et publicains.
Que l'Église soit une, l'Esprit saint le déclare dans le Cantique des Cantiques, quand Il dit au nom du Christ : "Une seule est ma colombe, ma perfection; elle est l'unique de sa mère, la préférée de celle qui lui donna le jour". Il dit encore d'elle : "C'est un jardin fermé que ma soeur fiancée; c'est une fontaine scellée, un puits d'eau vive." Mais si l'Épouse du Christ qu'est l'Église est un jardin fermé, une chose fermée ne peut être ouverte à des étrangers et à des profanes; si elle est une fontaine scellée, celui-là n'y peut boire, ni y recevoir la marque du sceau, qui, étant du dehors, n'a point accès à la fontaine. Et si un puits d'eau vive est unique et à l'intérieur, celui qui est dehors ne peut être vivifié et sanctifié par cette eau, dont ceux-là seuls qui sont à l'intérieur peuvent user et boire. De même Pierre, montrant qu'il n'y a qu'une Église, et que ceux-là seuls sont sauvés qui sont dans l'Église, a dit : "Dans l'arche de Noé, un petit nombre de personnes, huit en tout, ont été sauvées à travers l'eau", prouvant et attestant, ainsi que l'arche unique de Noé était la figure d'une Église unique. Si, dans ce grand baptême du monde purifié et nettoyé, celui-là put être sauvé à travers l'eau qui n'était pas dans l'arche de Noé, celui-là peut maintenant encore être vivifié par le baptême qui n'est pas dans l'Église, à laquelle seule a été accordé le baptême. Mais Paul donne encore plus clairement et ouvertement le même enseignement, lorsqu'il écrit aux Éphésiens, "Le Christ a aimé son Église et S'est livré pour elle afin de la sanctifier, en la purifiant par son bain." Que s'il n'y a qu'une Église aimée du Christ, et seule purifiée par son bain, comment celui qui n'est pas dans l'Église, pourrait-il ou être aimé par le Christ, ou lavé et purifié par son bain ?
Aussi, puisque l'Église seule a l'eau vivifiante et le pouvoir de baptiser et de purifier, celui qui dit que l'on peut être baptisé et sanctifié chez Novatien, devrait établir d'abord et montrer que Novatien est dans l'Église, ou la gouverne. L'Église en effet est une et ne peut, étant une, être à la fois dedans et dehors. Si elle est chez Novatien, elle n'était pas chez Corneille; mais si elle était chez Corneille, qui succéda par une ordination légitime à l'évêque Fabianus, et à qui le Seigneur, outre l'honneur épiscopal, a donné aussi la gloire du martyre, Novatien n'est pas dans l'Église, et ne peut pas être considéré comme un évêque, lui qui, au mépris de la tradition évangélique et apostolique, est sorti de lui-même et n'a succédé à personne. En effet, celui-là ne peut gouverner l'Église qui n'a pas été ordonné dans l'Église.
Mais que l'Église ne soit pas au dehors, et qu'elle ne puisse se diviser ou se partager; au contraire qu'elle garde toujours l'unité d'une maison dont on ne peut séparer les parties, c'est ce que rend manifeste le témoignage de l'Écriture divine; on y lit, en effet, à propos du rite de la Pâque et de l'agneau qui figurait le Christ : "Il sera mangé dans une seule maison; et vous ne porterez point de sa chair au dehors". C'est ce que nous voyons marquer encore au sujet de Rahab, qui était elle aussi une image de l'Église, et à qui est faite la recommandation suivante : "Vous rassemblerez auprès de vous, dans votre maison, votre père, votre mère, et vos frères, et toute la maison de votre père; quiconque passera le seuil pour aller dehors, répondra de lui-même". Cette figure montre que ceux qui sont destinés à vivre, et à échapper à la destruction du monde, doivent être rassemblés dans une seule maison, c'est-à-dire dans l'Église; et que celui des rassemblés qui ira dehors, c'est-à-dire qui, après avoir reçu la grâce dans l'Église, s'éloignera et en sortira, aura à répondre de lui-même, c'est-à-dire qu'il ne pourra imputer sa perte qu'à lui-même. C'est ce qu'explique l'apôtre Paul en prescrivant d'éviter l'hérétique "comme pervers, pécheur et condamné par lui-même". C'est lui, en effet, qui aura à répondre de lui-même, n'ayant pas été chassé par l'évêque, mais, ayant spontanément fui de l'Église, étant condamné par lui-même et par son hérétique présomption.
Voilà pourquoi notre Seigneur, pour nous faire sentir que l'unité procède de l'Autorité divine, dit : "Mon Père et moi, nous sommes un". Et sur cette unité réglant son Église, Il dit de nouveau : "Et il n'y aura qu'un troupeau et qu'un pasteur". Mais si le troupeau est un, comment peut-on compter dans le troupeau quelqu'un qui n'en est point ? Comment peut-on, alors qu'il y a un vrai pasteur présidant au gouvernement de l'Église en vertu d'une ordination régulière, tenir pour pasteur celui qui ne succède à personne, qui commençant à lui-même, n'est qu'un étranger et un profane, ennemi de la Paix du Seigneur, de l'Unité de Dieu, et qui n'habite pas dans la Maison de Dieu, c'est-à-dire dans l'Église de Dieu; là, en effet, il n'y a que ceux qui n'ont qu'un coeur et qu'une âme, comme parle l'Esprit saint dans les Psaumes : "Dieu qui fait habiter dans sa maison ceux qui ont un même coeur" ? Enfin, que les âmes chrétiennes soient unies entre elles par le lien ferme et indissoluble de la charité, c'est ce que montrent les sacrifices mêmes du Seigneur. En effet, quand le Seigneur appelle son Corps le pain fait de la réunion d'un grand nombre de grains (10), Il marque l'unité de notre peuple, qu'Il figurait. Et quand Il appelle son Sang le vin exprimé d'un grand nombre de grappes et de grains, et formant une liqueur unique, Il marque que notre troupeau est fait d'une multitude ramenée à l'unité. Si Novatien est uni à ce pain du Seigneur, s'il est mêlé au breuvage du Christ, on pourra croire qu'il lui est possible d'avoir la grâce de l'unique baptême de l'Église, s'il est bien établi qu'il garde l'unité de l'Église.
Enfin tout ce qu'a d'indissoluble le lien sacré de l'unité, et comment se perdent sans espoir, en provoquant la Colère de Dieu, ceux qui font un schisme et quittent l'évêque pour se faire un pseudo-évêque, l'Écriture divine le proclame au livre des Rois, ou les dix tribus se séparent de la tribu de Juda et de Benjamin, et abandonnent leur roi pour s'en faire un autre au dehors : "Le Seigneur s'est irrité, dit-il, contre toute la race d'Israël, et Il les a éloignés; Il les a donnés en proie aux pillards, pour les rejeter enfin de devant sa Face, parce qu'Israël s'est séparé de la maison de David, et qu'ils se sont donné pour roi Jéroboam, fils de Nabat." Il dit que le Seigneur s'était irrité et les avait perdus, parce qu'ils s'étaient séparés de l'unité; et s'étaient fait un autre roi. Et telle fut l'irritation du Seigneur contre ceux qui avaient fait schisme, qu'un homme de Dieu, envoyé pour leur reprocher leurs fautes et leur prédire la vengeance future, avait reçu défense de manger du pain ou de boire de l'eau chez eux. N'ayant pas observé la défense, et ayant mangé contre l'Ordre de Dieu, il fut sur le champ frappé par la rigueur de la Justice divine : au retour, il périt en route sous la dent d'un lion qui se jeta sur lui. Quelqu'un d'entre vous oserait-il dire que l'eau salutaire du baptême et la grâce céleste nous peuvent être communes avec les hérétiques, avec qui ni nourriture terrestre, ni breuvage profane, ne peuvent nous être communs ? Le Seigneur insiste encore dans son Évangile, et met dans une plus grande lumière le fait que ceux qui s'étaient séparés de la tribu de Juda et de Benjamin, et avaient quitté Jérusalem pour se retirer en Samarie, étaient tenus pour des profanes et des Gentils. Lorsqu'Il envoie ses disciples à leur oeuvre de salut, Il leur fait cette recommandation : "N'allez pas sur la route des nations, et n'entrez pas dans la cité des Samaritains". Envoyant d'abord chez les Juifs, Il prescrit de laisser de côté pour le moment les Gentils; et, en ajoutant qu'il fallait laisser de côté la cité des Samaritains, où étaient les schismatiques, il montre que les schismatiques sont sur le même pied que les Gentils.
Si quelqu'un objecte que Novatien observe la même loi que l'Église catholique, baptise avec le même symbole que nous, reconnaît le même Dieu le Père, le même Fils le Christ, le même saint Esprit, et par conséquent peut exercer le même pouvoir de baptiser, puisqu'il semble ne pas différer d'avec nous dans l'interrogation à faire pour le baptême : qu'il sache, celui qui fait cette objection, d'abord que nous n'avons pas le même symbole, ni la même interrogation que les schismatiques. Car quand ils disent : "Croyez vous à la rémission des péchés et à la vie éternelle, par la sainte Église", ils mentent en interrogeant de cette façon, puisque l'Église n'est pas avec eux. Puis ils avouent que la rémission des péchés ne peut être donnée que par la sainte Église, et, comme elle n'est pas avec eux, ils montrent que les péchés ne peuvent pas être remis chez eux.
Quant à ce qu'on dit qu'ils reconnaissent le même Dieu le Père que nous, le même Fils le Christ, le même saint Esprit, cette affirmation non plus ne peut profiter à leur cause. Car Coré, Dathan et Abiron reconnaissaient le même Dieu qu'Aaron et Moïse, observaient la même loi et la même pratique religieuse; ils invoquaient l'unique vrai Dieu qu'on dût honorer et invoquer. Pourtant, parce qu'ils étaient sortis de leurs attributions au détriment du grand-prêtre Aaron, qui avait reçu du Choix de Dieu et de l'Ordination du Seigneur le sacerdoce régulier, et qu'ils s'étaient arrogé le droit de sacrifier, Dieu les frappa; ils reçurent immédiatement le châtiment de leurs fautes; leurs sacrifices, offerts illicitement contre l'ordre des dispositions divines, ne furent point agréés et n'eurent aucune valeur. Les encensoirs mêmes, dans lesquels on avait offert un encens illicite, furent par l'Ordre du Seigneur jetés au feu, fondus, mis en lames métalliques que l'on suspendit à l'autel, afin que les prêtres ne pussent plus s'en servir, et qu'ils fussent pour la postérité un monument de la Colère et de la Justice divine, selon la parole de l'Écriture. "Ce sera un avertissement, pour les fils d'Israël, que quiconque n'est pas de la race d'Aaron ne doit pas mettre l'encens devant le Seigneur, afin qu'il ne soit pas traité comme Core". Et pourtant ils n'avaient pas fait schisme, ils ne s'en étaient point allés au dehors pour se dresser impudemment en ennemis contre les évêques de Dieu, tandis que ceux dont nous parlons, divisant l'Église, et se mettant en révolte contre la Paix et l'Unité du Christ, entreprennent de se dresser une chaire, de s'arroger une primauté, et le droit d'offrir le sacrifice et de baptiser. Comment pourraient ils mener à bien ce qu'ils font, ou obtenir quelque chose de Dieu de leurs tentatives illégitimes, eux qui entreprennent contre Dieu en faisant ce qu'il ne leur appartient pas de faire ? Ainsi est-ce bien à tort que les partisans de Novatien, ou les autres schismatiques de même espèce, prétendent que l'on peut chez eux être baptisé et sanctifié par un baptême salutaire, puisqu'il est constant que chez eux celui qui baptise n'a pas le droit de baptiser.
D'ailleurs, pour que l'on puisse mieux comprendre quelle est la rigueur de la Justice divine contre une telle audace, nous voyons que dans une entreprise criminelle de ce genre, ce ne sont pas seulement les chefs et les meneurs, mais aussi les coparticipants, qui sont destinés au châtiment. Voici ce que le Seigneur recommande par la bouche de Moïse : "Éloignez vous des tentes de ces hommes si durs, et ne touchez à rien de ce qui est à eux, de peur que vous ne périssiez dans le châtiment de leur péché". La menace que le Seigneur avait faite par la bouche de Moïse, Il l'a accomplie, et ceux qui ne s'étaient pas séparés de Coré, Dathan et Abiron, ont porté la peine de leur fidélité à cette communion impie. Cet exemple montre et prouve que tous ceux-là sont coupables et passibles d'une peine qui, dans leur impiété téméraire, se mêlent aux schismatiques contre les chefs et les évêques. C'est ce dont témoigne l'Esprit saint par la bouche du prophète Osée : "Leurs sacrifices, dit-il, sont comme un pain de deuil; tous ceux qui en mangeront seront souillés". Par cet enseignement, il fait voir qu'un même châtiment réunira les instigateurs du crime et tous leurs complices.
Quels peuvent donc être au Regard de Dieu les mérites de ceux à qui Dieu inflige des supplices ? Et comment ceux-là peuvent ils justifier et sanctifier les baptisés, qui, étant les ennemis des évêques, tentent d'usurper des fonctions étrangères, qui leur sont interdites, et qu'ils ne possèdent à aucun titre ? Pourtant nous ne nous étonnons pas des effets de leur perversité. Chacun défend nécessairement ce qu'il fait; et ils ne veulent pas, vaincus, se rendre facilement, quoi qu'ils sachent bien que ce qu'ils font ne leur est pas permis. Ce dont il faut s'étonner, ou plutôt s'indigner et pleurer, c'est de voir des chrétiens se ranger du côté des antichrists, de voir des gens infidèles à la foi, traîtres à l'Église, à l'intérieur de l'Église même se dresser contre l'Église ! Bien qu'obstinés par ailleurs et opiniâtres, ils avouent du moins que ni les hérétiques, ni les schismatiques n'ont l'Esprit saint, et que, par suite, ils peuvent baptiser sans doute, mais ne peuvent donner le saint Esprit. Aveu qui nous les livre, et nous permet de montrer contre eux qu'ils ne peuvent pas non plus baptiser le moins du monde, n'ayant pas l'Esprit saint.
Le baptême en effet remet à chacun ses péchés : or le Seigneur déclare dans son Évangile, que les péchés peuvent être remis par ceux-là seuls qui ont le saint Esprit. Après sa Résurrection, envoyant ses disciples, Il leur dit : "Comme mon Père M'a envoyé, ainsi Je vous envoie". Ayant prononcé ces paroles, Il souffla sur eux et leur dit : "Recevez le saint Esprit. Si vous remettez les péchés à quelqu'un", ils lui seront remis; si vous les retenez à quelqu'un, ils seront retenus". Par là il montre que celui-là seul peut baptiser, et remettre les péchés, qui a l'Esprit saint. Enfin notre Seigneur Lui-même devait être baptisé par Jean. Jean reçut auparavant le saint Esprit alors qu'il était encore dans le sein de sa mère, afin qu'il fût constant et manifeste qu'on ne peut baptiser sans avoir l'Esprit saint. Donc que ceux qui favorisent les hérétiques ou les schismatiques nous disent s'ils ont le saint Esprit, ou s'ils ne l'ont pas. S'ils L'ont, pourquoi à ceux qui ont été baptisés chez eux impose-t-on, lorsqu'ils viennent à nous, la main pour qu'ils reçoivent le saint Esprit, puisqu'ils l'ont à coup sûr, reçu là où l'on pouvait le leur donner, si on l'avait ? Si au contraire tous les hérétiques et les schismatiques qui sont dehors ne donnent pas le saint Esprit, et qu'à cause de cela, on impose la main chez nous, afin que les baptisés reçoivent ici ce qui là ni n'existe, ni ne peut être donné, il est manifeste que le pardon des péchés ne peut pas non plus être donné par ceux qui n'ont manifestement pas le saint Esprit. Aussi faut-il, pour qu'ils puissent, selon les Dispositions divines et la vérité de l'Évangile, obtenir la rémission de leurs fautes, être sanctifiés et devenir des temples de Dieu, que tous ceux-là sans exception soient baptisés du baptême de l'Église, qui viennent du camp des adversaires et des antichrists à l'Église du Christ.
Vous demandez aussi, fils très cher, mon sentiment au sujet de ceux qui reçoivent la Grâce divine, étant souffrants et malades, et s'il faut les considérer comme des chrétiens authentiques, eux qui n'ont été qu'arrosés de l'eau du salut, sans y être baignés. Sur ce point personne n'a de jugement tout fait à recevoir de notre modeste et humble autorité, mais chacun peut penser ce qu'il lui semble et faire ce qu'il pense. A notre humble avis, les Bienfaits divins ne peuvent être inutiles ni affaiblis en rien; et, quand il y a foi pleine et entière de la part de celui qui donne et de celui qui reçoit le baptême, il ne saurait y avoir diminution dans l'effusion des Dons divins. Le sacrement du salut n'efface pas les souillures des péchés de la même manière que le bain corporel et profane fait disparaître les souillures de la peau et de la chair : il n'y est point besoin de gâteaux de salpêtre et autres adjuvants, ni de sièges, ni de piscine, qui servent à laver et à purifier le corps. C'est autrement que l'intérieur du croyant est lavé, autrement que l'âme de l'homme est purifiée par le mérite de la foi. Quand il s'agit des sacrements du salut, et qu'il y a nécessité, Dieu Se montre indulgent, et tout est conféré aux croyants dans des Raccourcis divins. Personne ne doit s'émouvoir de ce que les malades ne sont qu'aspergés ou arrosés d'eau, quand ils reçoivent la Grâce divine, puisque l'Écriture sainte dit par la bouche du prophète Ézéchiel : "Je vous aspergerai d'eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos impuretés, et de toutes vos idolâtries; Je vous purifierai, Je vous donnerai un coeur nouveau, et c'est un esprit nouveau que Je répandrai en vous". De même, dans les Nombres : "L'homme qui sera impur jusqu'au soir sera purifié le troisième et le septième jour, et sera pur. Mais, s'il n'est pas purifié le troisième et le septième jour, il restera souillé; il sera retranché du milieu d'Israël, parce que l'eau de l'aspersion n'a pas été répandue sur lui". Et encore : "Le Seigneur parla à Moïse et lui dit : "Prends les fils de Lévi du milieu des fils d'Israël, et tu les purifieras. Voici comment tu opéreras leur purification : tu feras sur eux une aspersion d'eau expiatoire". Et encore : "L'eau d'aspersion purifie". Par où l'on voit que l'aspersion de l'eau vaut à l'instar du bain du salut, et que, quand ces choses se font dans l'Église, celui qui donne le baptême et celui qui le reçoit, ayant une foi entière, tout va bien, et tout peut être achevé et mené à bonne fin par la Puissance de Dieu et la foi véritable.
Certains appellent ceux qui ont ainsi reçu la Grâce de Dieu par l'effet de l'eau salutaire et d'une foi authentique, non pas chrétiens, mais cliniques. Je ne sais où ils prennent ce nom : à moins que ces gens qui font des lectures abondantes et savantes n'aient été les chercher chez Hippocrate ou Soranus (11). Pour moi qui ne connais de clinique que celui de l'Évangile, je sais que ce paralytique, qui avait été pendant de longues années de sa vie étendu sur un grabat, ne trouva point dans son infirmité un obstacle à obtenir du ciel une santé parfaite; je sais qu'il ne se leva pas seulement de son grabat à l'appel de la Bonté divine, mais que de plus il emporta lui-même son grabat, tant étaient grandes les forces qui lui étaient revenues. Par conséquent, autant que la foi me le fait sentir et comprendre, je suis d'avis que quiconque dans l'Église a reçu la grâce en vertu de la foi, doit être considéré comme authentiquement chrétien. Si l'on estime qu'ils n'ont rien reçu du tout, parce qu'ils n'ont été qu'arrosés par l'eau du salut, s'ils sont vides et n'ont point la grâce, qu'on ne les trompe point, mais qu'on les baptise quand ils seront sortis de maladie et guéris. Mais si l'on ne peut baptiser ceux qui ont été sanctifiés par le baptême de l'Église, pourquoi les scandalise-t-on dans leur foi, et leur croyance en la Bonté de Dieu ? Ou bien auraient ils reçu à la vérité la Grâce du Seigneur, mais avec une effusion moindre des Dons divins et de l'Esprit saint, de telle façon, qu'on les doive considérer comme chrétiens, mais ne pas les mettre sur le même pied que les autres ?
Mais au contraire le saint Esprit ne se donne point avec mesure, il vient tout entier en celui qui croit. Car si le jour luit également pour tout le monde, et si le soleil répand sur tous la même lumière, à combien plus forte raison le Christ, qui est le vrai soleil et le vrai jour, répand-il également dans son Église la lumière de la vie éternelle! C'est la figure de cette égalité que nous voyons dans l'Exode, lorsque la manne descendait du ciel et, préfigurant l'avenir, représentait le pain du ciel et la nourriture du Christ qui devait venir : là en effet, sans distinction d'âge ni de sexe, chacun recueillait un gomor. (12) Ce qui montrait que la Bonté du Christ et la Grâce céleste, qui devait venir, serait également partagée entre tous, et que, sans différence de sexe, sans distinction d'âge, sans acception de personnes, le bienfait de la grâce spirituelle se répandrait sur tout le peuple de Dieu. Sans doute la grâce spirituelle, qui est reçue dans la même mesure au baptême par tous ceux qui croient, augmente plus tard ou diminue suivant notre vie et notre conduite, tout comme dans l'Évangile la semence dont parle le Seigneur est semée également, mais suivant la nature du sol, elle est ici enfouie et perdue, là elle porte du fruit en abondance, et rend trente, soixante, cent pour un. Aussi bien, puisque chacun est appelé à recevoir un denier (2), Allusion au denier que les premiers et les derniers appelés au travail dans la Vigne du Seigneur reçoivent également. V. Mt. 20,1-16. pourquoi diminuer par une interprétation humaine ce que Dieu accorde à tous également ?
Que si quelqu'un est touché de ce que certains de ceux que l'on baptisait malades étaient encore en proie aux attaques des esprits immondes, qu'il sache que la malice du diable persévère jusqu'à l'eau du salut, mais qu'au baptême elle perd toute la force de son venin. C'est ce que nous voyons dans l'histoire du roi Pharaon, qui, résistant longtemps et s'obstinant dans sa perfidie, put tenir bon et faire sentir sa puissance jusqu'à l'eau : mais arrivé là, il fut vaincu et noyé. Que cette mer fût une figure du baptême, c'est ce que montre le bienheureux apôtre Paul, quand il dit : "Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu'ils ont tous traversé la mer, et qu'ils ont tous été baptisés en Moïse, dans la nuée et dans la mer". Et il ajoute : "Tout cela, c'était des figures pour nous". C'est ce qui se passe aujourd'hui encore. Les exorcistes, avec leur parole humaine aidée de la Puissance divine, flagellent, brûlent, torturent le diable. Il dit et répète qu'il va sortir et quitter les hommes de Dieu, mais il ment et cherche à tromper, et fait ce que faisait Pharaon, en s'obstinant dans le mensonge et la ruse. Mais, quand on en arrive à l'eau du salut et à la sanctification par le baptême, nous devons le savoir et le croire, le diable est accablé, et l'homme consacré à Dieu est délivré par la Bonté divine. Car si les scorpions et les serpents qui ont de la force sur terre, peuvent garder dans l'eau leur force et leur venin, les esprits mauvais, qui sont appelés scorpions et serpents, et que pourtant nous foulons aux pieds en vertu d'un pouvoir reçu de Dieu, peuvent aussi demeurer encore dans le corps de l'homme après le baptême et la sanctification, alors que le saint Esprit y habite.
Enfin, nous en faisons l'expérience. Des personnes, baptisées par nécessité en état de maladie, et mises en possession de la grâce, sont délivrées de l'esprit immonde qui les agitait auparavant; elles mènent dans l'Église une conduite louable et exemplaire, et font croître chaque jour en elles la Grâce divine en même temps que la foi; au contraire, d'autres personnes baptisées en parfaite santé, si elles se mettent ensuite à pécher, sont envahies de nouveau et agitées par l'esprit immonde. Ainsi il est manifeste que le diable, au baptême, est chassé par la foi du croyant, mais que si cette foi vient à manquer, il revient. Mais quelques uns trouvent juste sans doute que ceux qui, hors de l'Église chez les adversaires et les antichrists, ont été souillés d'une eau profane, soient tenus pour baptisés, mais que ceux qui sont baptisés dans l'Église passent pour avoir reçu moins abondamment le bienfait de la Grâce divine; que l'on fasse tant d'honneur à l'hérésie que de ne pas demander à ceux qui en viennent s'ils ont été lavés ou arrosés, s'ils sont cliniques ou péripatéliques (13), tandis que chez nous au contraire on retranche à l'entière vérité de la foi, et on dénie au baptême de l'Église sa grandeur et sa sainteté.
J'ai répondu, fils très cher, à votre lettre dans la mesure de mes faibles moyens, et j'ai fait connaître mon sentiment. Je n'empêche aucun chef d'église de décider selon ce que bon lui semble, sauf à rendre compte au Seigneur de sa conduite, selon la parole du bienheureux apôtre Paul dans son épître aux Romains : "Chacun de nous, dit-il, rendra compte pour soi-même. Ne nous jugeons donc point réciproquement". (Rom 14,12). Je souhaite, fils très cher, que vous vous portiez toujours bien.
(8) Magnus était un laïc. Dès 251, dans le De Unitate 12, Cyprien nie la valeur du baptême donné par des hérétiques.
(9) Les Novatianistes faisaient des noms un usage adultère en s'appelant kaqaroí, les purs.
(10) Cf. Didache IX. 4. "Comme ce pain rompu, autrefois disséminé sur les montagnes, a été recueilli pour devenir un seul tout, qu'ainsi ton Église soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton royaumeŠ"
(11) Noms de deux médecins de l'Antiquité. Hippocrate vivait au Ve s. avant J.-C. Soranus sous Trajan et Adrien.
(12) Mesure de capacité, en usage chez les Hébreux et équivalant à un peu plus de 3 litres. de manne.
(13) C'est à dire des gens qui sont au lit ou gens qui se promènent.

 


LETTRE 70

CYPRIEN, LIBÉRALIS, CALDONIUS, JUNIUS, PRIMUS, CÉCILIUS, POLYCARPUS, NICOMEDES, FÉLIX, MARRUTIUS, SUCCESSUS, LUCIANUS, HONORATUS, FORTUNATUS, VICTOR, DONATUS, LUCIUS, HERCULANUS, POMPONIUS, DEMETRIUS, QUINTUS, SATURNINUS, MARCUS, UN AUTRE SATURNINUS, UN AUTRE DONATUS, ROGATIANUS, SEDATUS, TERTULLUS, HORTENSIANUS, ENCORE UN AUTRE SATURNINUS, SATTIUS, A JANUARIUS, SATURNINUS, MAXIMUS, VICTOR, UN AUTRE VICTOR,CASSIUS, PROCULUS, MODIANUS, CITTINUS, GARGILIUS, EUTYCHIANUS, UN AUTRE GARGILIUS, UN AUTRE SATURNINUS, NEMESIANUS, NAMPULUS, ANTONIANUS, ROGATIANUS, HONORATUS, LEURS FRÈRES, SALUT.

Dans notre assemblée (14), frères très chers, nous avons lu la lettre que vous nous aviez écrite, au sujet de ceux qui ont reçu un prétendu baptême chez les hérétiques et les schismatiques. Vous nous y demandiez si, lorsqu'ils viennent à l'Église qui est une, ils doivent être baptisés. Sur ce point, vous suivez déjà la ferme et vraie règle catholique; mais puisque, en raison de notre affection réciproque, vous avez cru devoir nous consulter, voici notre décision. Elle n'est pas nouvelle, mais a été prise par nos prédécesseurs (Parmi ces prédécesseurs, saint Cyprien cite dans la lettre suivante Agrippinus et les évêques ses contemporains, qui, vers l'an 220 dans un concile tenu à Carthage, avaient décidé de rebaptiser ceux qui avaient reçu le baptême chez les hérétiques.), et observée par nous comme par vous d'un commun accord. Nous sommes d'avis et tenons pour certain, que personne ne peut être baptisé hors de l'Église, attendu qu'il n'y a qu'un seul baptême établi dans la sainte Église, et que le Seigneur dit dans l'Écriture : "Ils m'ont quitté, Moi, la source des eaux vives, et ils se sont creusé des citernes crevassées, qui ne peuvent retenir l'eau". (Jer 2,13). Et l'Écriture dit encore : "Abstenez vous de l'eau étrangère, et à la source étrangère ne buvez pas". (Pro 9,18). Il faut que l'eau soit purifiée et sanctifiée d'abord par l'évêque, afin qu'elle puisse effacer à son contact les péchés de l'homme qui est baptisé, car le Seigneur dit par le prophète Ézéchiel : "Je vous aspergerai d'eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos impuretés et de toutes vos idolâtries. Je vous purifierai, Je vous donnerai un coeur nouveau, et Je mettrai un esprit nouveau en vous". (Ez 36,25-26). Mais comment celui-là pourrait-il purifier et sanctifier l'eau, qui est lui-même impur et n'a pas le saint Esprit, quand le Seigneur dit dans les Nombres : "Tout ce qui aura touché un homme impur, sera impur ?" (Nom 19,22). Or comment celui qui baptise pourra-t-il donner la rémission des péchés à quelqu'un, lui qui, étant hors de l'Église, ne peut être débarrassé de ses propres péchés ?
Mais l'interrogation même en usage au baptême est un témoin qui fait connaître la vérité. Quand nous disons en effet : "Croyez vous à la vie éternelle, et à la rémission des péchés par la sainte Église ?", nous comprenons que la rémission des péchés n'a lieu que dans l'Église, et que, chez les hérétiques, où l'Église n'est pas, les péchés ne sont pas remis. Donc, que ceux qui défendent les hérétiques, ou bien changent l'interrogation, ou bien adoptent la vérité, à moins qu'ils ne veuillent prétendre que l'Église aussi est chez ceux à qui ils attribuent la possession du baptême ! Il est nécessaire aussi que celui qui a été baptisé soit oint, afin que, recevant le chrême, c'est-à-dire l'onction, il puisse être l'oint de Dieu, et avoir en soi la grâce du Christ. Or, c'est à l'eucharistie que les baptisés doivent de pouvoir être oints d'une huile consacrée à l'autel. Mais on n'a pas pu consacrer la substance de l'huile, si l'on n'avait ni autel ni église. Par conséquent, l'onction spirituelle ne peut pas non plus exister chez les hérétiques, puisqu'il est constant que l'huile ne peut pas du tout être consacrée, ni le sacrifice eucharistique avoir lieu chez eux. Nous devons d'ailleurs savoir et avoir présent à l'esprit qu'il est écrit : "Que l'huile de pécheur n'oigne point ma tête". (Ps 140,5). Cet avertissement nous est donné d'avance dans les psaumes, de peur que quelqu'un sortant de la voie tracée, en s'écartant du vrai chemin, n'aille se faire oindre chez les hérétiques et les adversaires du Christ. Mais de plus, quelle prière peut faire pour le baptisé un évêque sacrilège et pécheur ? Il est écrit :"Dieu n'exauce pas le pécheur. Celui qui honore Dieu et fait sa volonté, voilà celui que Dieu exauce". (Jn 9,31). Mais qui donc pourrait donner ce qu'il n'a pas, ou comment celui-là pourrait-il administrer les biens spirituels, qui a lui-même perdu l'Esprit saint ? Voilà pourquoi il faut baptiser, et transformer celui qui vient à l'Église, tout brut pour ainsi dire, afin qu'une fois à l'intérieur, il soit sanctifié par ceux qui sont saints, car il est écrit : "Soyez saint, puisque Moi je suis saint, dit le Seigneur". Ainsi, ce}lui qui a été entraîné dans l'erreur, et baigné au dehors, pourra dans les eaux du baptême authentique, celui de l'Église, réparer le malheur qu'il a eu, lorsqu'il venait vers Dieu et cherchait pour cela un ministre sacré, de ne rencontrer qu'un ministre sacrilège.
Au surplus, c'est tenir pour vrai le baptême des hérétiques et des schismatiques que d'accorder qu'ils aient baptisé. Il n'est pas possible en effet qu'une part de leurs cérémonies soit sans valeur, et que l'autre soit valide. Si quelqu'un a pu baptiser, il a pu donner aussi l'Esprit saint. Si au contraire, il ne peut donner le saint Esprit parce qu'étant au dehors, il n'est pas avec le saint Esprit, il ne peut non plus baptiser celui qui vient à lui, puisqu'il n'y a qu'un baptême, qu'un Esprit saint, et qu'une Église, établie par le Christ notre Seigneur sur Pierre, en qui se trouve l'origine et le type de l'unité. Ainsi, comme tout est vain chez eux et faux, rien de ce qu'ils ont pu faire, ne saurait être tenu pour valide par nous. Qu'est-ce en effet qui pourrait être ratifié et valoir aux yeux de Dieu ? Tout y vient de ceux-là même que le Seigneur dans son Évangile appelle ses ennemis et ses adversaires, quand Il dit : "Celui qui n'est pas avec Moi est contre Moi; et celui qui n'assemble pas avec Moi disperse". (Lc 4,23). Le bienheureux apôtre Jean, lui aussi, observant les recommandations et préceptes du Seigneur met ceci dans son épître : "Vous avez entendu dire que l'Antichrist vient. Mais en vérité il y a maintenant plusieurs antichrists. Par quoi nous reconnaissons que c'est la fin des temps. lls sont sortis du milieu de nous, mais ils n'étaient pas des nôtres. S'il avaient été des nôtres, ils seraient restés avec nous." (1 Jn 2,18-19). De ce principe, nous devons tirer la conclusion et juger si ceux qui sont les adversaires du Seigneur et ont été appelés antichrists peuvent donner la grâce du Christ. Par conséquent, nous qui sommes avec le Seigneur, qui gardons son unité, et qu'Il a daigné dans sa Bonté appeler à l'exercice de l'épiscopat dans son Église, nous devons répudier et rejeter tout ce que font ses adversaires et ses antichrists, et le tenir pour profane. Quant à ceux qui, revenant de l'erreur et du mal, reconnaissent la vraie foi de l'unique Église, nous devons leur donner avec les sacrements de la divine Grâce, la vérité de l'unité et de la foi. Je souhaite, frères très chers, que vous vous portiez toujours bien.
(14) (C'est le concile d'automne de l'année 255)

 


 

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