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LETTRE 46
CYPRIEN A MAXIME, NICOSTRATE ET AUTRES CONFESSEURS, SALUT.
Vous avez souvent vu mes très chers, à la manière dont je parlais dans mes lettres,
combien j'avais pour vous de respect comme confesseurs, combien d'affection comme
frères : faites donc, je vous prie, bon accueil et confiance à la lettre présente,
que je vous écris pour votre gouverne dans l'intérêt de votre bonne renommée, en
cherchant à y pourvoir en toute simplicité et fidélité. Une chose me pèse et me
désole, et répand dans mon coeur une tristesse intolérable et accablante : c'est
de savoir que, contre l'ordre et la disposition de Dieu, contre la loi de l'évangile,
contre l'unité catholique, vous avez consenti à ce qu'on établît un autre évêque,
c'est-à-dire que contre tout droit divin ou humain, on établît une seconde Église, on
déchirât les membres du Christ, on divisât en sections rivales le troupeau du Christ
qui ne doit avoir qu'un corps et qu'une âme. Que chez vous du moins, je vous en prie,
cette division condamnable de la fraternité ne continue pas; mais plutôt, vous souvenant
de votre confession et de la tradition divine, revenez à votre Mère d'auprès de
laquelle vous êtes partis, d'auprès de laquelle vous êtes allés à la confession
glorieuse qui l'a fait tressaillir d'allégresse.
Ne croyez pas que vous soyez les champions de l'évangile du Christ quand le troupeau du
Christ, quand sa paix et sa concorde, sont abandonnés par vous : il convient bien
plutôt que des soldats glorieux et fidèles restent dans leur camp, et soient à
l'intérieur pour y examiner et y régler en commun ce qui doit être traité en commun.
Notre unanimité et notre concorde ne doivent pas être rompues. Nous ne pouvons pas
quitter l'Église, sortir et aller à vous : c'est à vous plutôt de revenir à
l'Église votre Mère, et à vos frères. De toutes nos forces nous vous y exhortons et
nous vous en supplions. Je souhaite, frères très chers, que vous vous portiez toujours
bien.
LETTRE 47
CYPRIEN A CORNEILLE SON FRERE, SALUT.
J'ai cru remplir un devoir religieux à votre égard, et faire une chose nécessaire,
frère très cher, en écrivant une courte lettre (1) à des confesseurs de chez vous,
qui, entraînés par l'esprit de révolte et de désordre de Novatien et de Novatus se
sont éloignés de l'Église. C'était afin de les presser au nom de nos sentiments
réciproques de revenir à leur Mère, c'est-à-dire à l'Église catholique. Cette
lettre, j'ai chargé le sous-diacre Mettius de vous la lire d'avance, afin que personne ne
puisse feindre que j'aie écrit autre chose que ce qui est dans ma lettre. J'ai cependant
donné comme instruction à ce même Mettius que je vous envoie, de n'agir que selon votre
jugement, et de ne remettre la lettre aux confesseurs que si vous le jugez à propos. Je
souhaite, frère très cher, que vous vous portiez toujours bien.
(1) C'est la lettre 46.
LETTRE 48
CYPRIEN A CORNEILLE SON FRERE, SALUT.
J'ai lu, frère très cher, la lettre (2) que vous nous avez envoyée par Primitivus,
notre frère dans le sacerdoce. J'y ai vu que vous vous étiez ému de ce que, tandis
qu'auparavant c'était à vous que les lettres étaient adressées, au nom de Polycarpe,
de la colonie d'Hadrumète, après notre arrivée, à Liberalis et à moi, on les avait
envoyées là-bas en les adressant aux prêtres et aux diacres
Eh bien, je veux que vous sachiez et teniez pour certain que cela n'a pas été fait par
légèreté, ou manque d'égards. Mais nous avions décidé, nous trouvant plusieurs
collègues ensemble, de vous déléguer nos collègues dans l'épiscopat, Caldonius et
Fortunatus, et de laisser les choses en l'état jusqu'à ce que ces collègues revinssent,
la paix étant rétablie à Rome, ou du moins la situation bien connue. Mais les prêtres
et les diacres qui se trouvaient à Hadrumète, en l'absence de Polycarpe notre collègue
dans l'épiscopat, ignoraient les résolutions que nous avions prises en commun. Quand
nous fûmes arrivés, et qu'ils connurent nos résolutions, ils suivirent la même ligne
de conduite que les autres, et ainsi en aucun point il n'y a eu désaccord entre les
Églises de ce pays.
Il y a cependant des gens qui jettent quelquefois le trouble dans les esprits et dans les
coeurs, en racontant les choses autrement qu'elles ne sont. Quant à nous, nous savons
que, donnant des explications à chacun de ceux qui prenaient la mer, pour leur permettre
d'aller à Rome sans rencontrer aucune pierre d'achoppement, nous les avons exhortés à y
reconnaître la matrice et la racine de l'Église catholique, et à s'y attacher. Mais
comme notre province est fort étendue, que la Numidie et la Mauritanie y sont
rattachées, nous avons cherché à éviter que le schisme qui se produisait à Rome ne
troublât les esprits de ceux qui en étaient loin, et ne les laissât hésitants. Nous
avons donc voulu que les évêques, la vérité des faits étant bien admise et retenue
par nous, et une autorité plus grande devant en résulter pour faire connaître de votre
ordination, tout scrupule étant enfin levé, nous avons, dis-je, voulu, que tous les
évêques d'ici écrivissent comme ils le font; ainsi tous ensemble nos collègues
reconnaîtraient fermement votre communion, c'est-a-dire l'unité de l'Église catholique
et s'y tiendraient attachés. Avec la grâce de Dieu les choses se sont passées ainsi et
nos mesures ont été couronnées de succès : c'est de quoi nous sommes heureux.
Ainsi maintenant la vérité et tout ensemble l'autorité de votre épiscopat apparaissent
en pleine lumière. Elles ont reçu la confirmation la plus évidente et la plus
ferme : les réponses de nos collègues qui nous ont écrit de Rome, le rapport et le
témoignage de nos évêques Pompeius, Stephanus, Caldonius et Fortunatus ont fait
connaître à tous l'origine indiscutable et la légitimité de votre ordination, et
l'intégrité honorable de votre vie. Nous nous y conformerons pratiquement, les autres
évêques et moi, avec fidélité et fermeté, et nous nous y tiendrons dans l'unanimité
de l'Église catholique. Ce sera l'effet de la divine Bonté. Le Seigneur, qui daigne Se
choisir des pontifes et les établir, couvrira de sa Volonté protectrice, et aidera de
son secours ceux qu'il a choisis et établis. Il inspirera leur conduite et leur donnera,
pour refréner l'audace des méchants, la vigueur, pour ménager la conversion de ceux qui
sont tombés, la douceur. Je souhaite, frère très cher, que vous vous portiez toujours
bien.
LETTRE 49
CORNEILLE A CYPRIEN SON FRERE, SALUT
Autant nous avions eu de trouble et d'angoisse, au sujet des confesseurs, que la ruse
et la malice de l'homme habile et roué (2) avait circonvenus, abusés un moment, et
séparés de l'Église, autant nous avons éprouvé de joie, autant nous avons rendu
grâces au Dieu tout-puissant et au Christ Seigneur, quand, reconnaissant leur erreur et
comprenant la perfidie, venimeuse comme celle de la vipère, de ce méchant homme ils sont
revenus a l'Église d'où ils étaient sortis, avec un coeur sincère, comme ils le disent
d'eux-mêmes. Tout d'abord certains de nos frères, hommes d'une foi éprouvée, amis de
la paix, désireux de l'unité, nous annonçaient que leur orgueil commençait à
s'adoucir; les témoignages cependant n'étaient pas suffisants pour qu'il nous fût
permis de croire à un changement soudain. Mais ensuite les confesseurs Urbanus et
Sidonius sont venus vers nos collègues dans le sacerdoce, et ont affirmé que le
confesseur et prêtre Maximus et Macarius désiraient comme eux rentrer dans l'Église.
Cependant, comme bien des choses s'étaient passées par leur fait, choses que vous avez
pu connaître vous aussi par le témoignage de nos collègues dans l'épiscopat, et par
mes lettres, pour éviter de les croire à la légère, on décida qu'il (3) aurait à
confirmer lui-même oralement ce qu'on avait fait connaître par des envoyés. Ils vinrent
donc et les prêtres leur reprochèrent leur conduite, et en dernier lieu "ce fait
que des lettres pleines de calomnies et de méchancetés avaient été envoyées sous leur
nom à plusieurs reprises, cet avaient troublé presque toutes les Églises. Ils
affirmèrent alors qu'ils avaient été circonvenus et n'avaient pas su ce qu'il y avait
dans ces lettres, qu'ils avaient seulement signe, que c'était sa fourberie qui leur avait
fait commettre cette faute. On leur fit grief aussi "d'avoir favorisé le schisme et
l'hérésie en souffrant qu'on lui imposât les mains comme pour l'épiscopat".
Après qu'on leur eut reproché ces méfaits, et le reste de leur conduite, ils
demandèrent qu'on voulût bien n'en pas tenir compte, et oublier tout.
Tout ce qui s'était passé m'ayant été rapporté, je résolus de réunir l'assemblée
des prêtres - il y eut aussi des évêques au nombre de cinq qui se trouvaient être
présents encore ce jour-là, - afin de préciser les mesures à prendre et de régler
d'un commun accord ce qui était à faire pour leur cas. Mais afin que le sentiment de
tous et les raisons de chacun soient connus de vous, il nous a paru bon de porter nos avis
aussi à votre connaissance. Vous les lirez ci-dessous. Ensuite Maximus, Urbanus,
Sidonius, et plusieurs frères qui s'étaient adjoints à eux, vinrent à l'assemblée,
demandant avec des prières instantes qu'on oubliât ce qui s'était passé, et qu'on n'en
parlât pas plus désormais que si rien n'avait été fait ou dit, qu'on se pardonnât
tous les torts réciproques et qu'on pût présenter à Dieu un coeur net et pur, mettant
en pratique la parole évangélique : "Ceux-là sont heureux qui ont le coeur
pur parce qu'ils verront Dieu". Il était naturel de communiquer toute l'affaire aux
fidèles afin qu'ils vissent rentrés dans l'Église ceux-là même qu'ils avaient vus si
longtemps avec douleur errer çà et là. Leurs dispositions connues, il se fit un grand
concours de nos frères. Il n'y avait qu'une voix pour rendre grâce à Dieu; la joie qui
remplissait les coeurs s'exprimait en larmes; on embrassait les convertis comme s'ils
avaient été délivrés le jour même, du cachot. Mais, pour reproduire leurs propres
expressions, "nous savons, disaient-ils, que Corneille a été élu évêque de la
très sainte Église catholique par Dieu le Tout-Puissant et par le Christ notre Seigneur.
Nous reconnaissons notre erreur. Nous avons été victimes d'une imposture. Nous nous
sommes laissé circonvenir par des bavardages perfides et trompeurs. Nous paraissions
être comme en communion avec un homme et schismatique et hérétique : mais notre
coeur a toujours été dans l'Église. Nous n'ignorons pas en effet qu'il n'y a qu'un seul
Dieu, et qu'un seul Christ notre Seigneur que nous avons confessé, un seul saint Esprit,
et qu'il ne doit y avoir qu'un évêque dans une Église catholique". Qui ne se
serait senti touché de cette profession de foi et porté à leur permettre de pratiquer
dans le sein de l'Église ce qu'ils avaient confessé devant le pouvoir séculier. Nous
avons donc dit au prêtre Maximus de reprendre sa place; quant aux autres, avec
l'approbation enthousiaste du peuple fidèle, nous avons remis le jugement de ce qui
s'était passé à Celui à qui tout est réservé.
Tous ces faits, frère très cher, nous vous les avons fait connaître par écrit, à
l'heure même, au moment même, et comme l'acolyte Nicéphore se proposait de prendre la
mer, nous l'avons laissé partir tout de suite, afin que tout retard étant évité, vous
fussiez en état de rendre grâce avec nous au Dieu tout-puissant, et au Christ notre
Seigneur, comme si vous aviez été présent à cette assemblée du clergé et du peuple.
Nous croyons, que dis-je, nous tenons pour certain que les autres aussi, qui sont dans
cette erreur, reviendront bientôt à l'Église, en voyant leurs chefs d'accord avec nous.
Je crois, frère très cher, que vous devez communiquer cette lettre aux autres églises
afin que tout le monde sache que les ruses et les voies tortueuses de cet homme
schismatique et hérétique sont abandonnées chaque jour davantage. Portez-vous bien,
frère très cher.
(2) Cet homme "habile et roué" c'est Novatien.
(3) "Il" désigne Maximus, le personnage le plus important.
LETTRE 50
CORNElLLE A CYPRIEN SON FRERE, SALUT.
Pour que rien ne manque au châtiment qui attend ce scélérat (4) un moment abattu par
la Puissance divine, après que Maximus, Longinus et Machaeus eurent été chassés
d'Afrique, il a de nouveau levé la tête. Je crois, d'autre part, comme je vous l'ai
indiqué dans une lettre précédente que je vous ai envoyée par le confesseur Augendus,
que Nicostratus, Novatus, Evaristus, Primus et Denys sont arrivés où vous êtes. Que
l'on veuille donc à ce que tous nos collègues dans l'épiscopat et tous nos frères
soient instruits de ce qui les concerne. Nicostratus est accusé de plusieurs
crimes : non seulement il a usé de fraude et de rapine à l'égard de sa patronne
selon la chair, dont il gérait les affaires, mais encore ayant reçu des dépôts assez
considérables de l'Église, il les a emportés. Quant à Evaristus, il a favorisé le
schisme et l'on a nommé Zetus à sa place a la tête du peuple qu'il gouvernait. Novatus,
lui, s'est signalé ici par la perversité et l'insatiable avarice qu'il a toujours
montrée chez vous. Vous voyez quels chefs et quels défenseurs ce schismatique, cet
hérétique a toujours à ses côtés. Portez-vous bien, frère très cher.
(4) Ce scélérat, c'est Novatien.

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