SERMON CCCXLV
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SERMON CCCXLV.

DONNER TOUT ET SOI-MÊME.

 

Analyse. — Plusieurs motifs nous pressent de suivre le conseil de détachement que saint Paul donne aux riches. 1° En effet, les richesses de la terre ne sont que les richesses d’un songe, puisqu’on n’en possède plus la moindre parcelle au réveil de la mort. 2° Si pour conserver quelques jours de vie on n’hésite pas de sacrifier tout ce que l’on possède, n’est-il pas mieux encore d’en faire le sacrifice pour mériter la vie qui ne finit jamais? 3° En faisant l’aumône avec ce que l’on possède, on confie réellement sa fortune à la garde de Dieu : n’y est-elle pas plus en sûreté qu’aux mains d’un serviteur? 4° Ce qu’on donne aux pauvres, c’est à Jésus-Christ même qu’on le donne; 5° en lui donnant ainsi on acquiert pour l’éternité la meilleure de toutes les opulences, puisqu’on y est à l'abri de tout besoin. Ajoutons qu’après avoir tout donne il faut se donner soi-même.

 

1.    Mes frères, je vais entretenir votre charité d’une question relative au mépris du siècle présent et à l’espoir de la vie à venir. Que dois-tu mépriser en effet ? Tous les martyrs ont méprisé la vie présente. Que dois-tu espérer ? Je nomme la résurrection, parce qu’à pareil jour le Seigneur est ressuscité. O mortel ! si tu chancelles sur la réalité que tu foules, affermis-toi par l’espérance ; et si le travail te fait trembler, que la récompense te redresse.

C’est l’avertissement que nous donne l’Apôtre dans ces paroles adressées à Timothée : « Ordonne aux riches de ce siècle de ne s’enfler pas d’orgueil, de ne pas mettre leur espoir dans de fragiles richesses, mais dans le Dieu vivant, qui nous accorde toutes choses. Qu’ils soient riches en bonnes œuvres, qu’ils donnent aisément, qu’ils partagent, qu’ils se fassent un trésor qui soit un bon fondement pour parvenir à la vie éternelle (1) ». C’est surtout à cet avis que les riches doivent prêter l’oreille. Ecoutez donc, riches, vous qui avez de l’or et de l’argent, et qui ne soutirez pas moins d’une avidité dévorante; vous que les pauvres ne regardent jamais sans murmurer, et sans gémir, sans vous louer et sans vous haïr, désireux de vous être égales et gémissant d’être au-dessous de vous, répétant souvent, lorsqu’ils vous flattent : Il n’y en a que pour eux, toute la vie est pour eux seuls. Prenez garde, ô riches, de vous enfler d’orgueil lorsque le vulgaire dit de vous en vous adulant : La vie est pour eux seuls. Au lieu de ces adulations, écoutez l'Apôtre : ses paroles ne flatteront pas votre orgueil, elles vous guériront de vos maux.

 

1  Tim. VI, 17-19.

 

Cette vie est pour vous un sommeil, et les richesses passent comme dans un songe. «Pour parvenir à la vie éternelle », dit saint Paul. Ecoutez saint Paul, et gardez-vous de l’orgueil. Ecoule aussi le Psalmiste, ô riche indigent. Qu’as-tu en effet si tu n’as pas Dieu, et si tu l’as, que te manque-t-il? Donc le Psalmiste dit des riches : « Ils ont dormi leur sommeil, et tous ces hommes d’opulence n’ont plus rien trouvé dans leurs mains (1) ». Ne voit-on pas quelquefois un mendiant étendu sur la terre et tremblant de froid, saisi par le sommeil et voir en rêve des trésors, se réjouir, tressaillir d’allégresse, s'enfler d’orgueil, se fâcher même de voir son père tout couvert de baillons? Pauvre mendiant qui te livres à la joie durant ton sommeil, tout cela n’est que songe ! Jusqu’à son réveil, toutefois, il est riche ; et après son sommeil il ne rencontre malheureusement que des sujets de larmes. Ainsi le riche, quand il meurt, ressemble-t-il à ce pauvre endormi qui ne rêve que trésors. N’est-ce pas ce qui arriva à ce mauvais riche qui se revêtait de pourpre et de fin lin, dont l’Ecriture ne dit pas le nom et ne doit pas le dire, qui dédaignait le pauvre couché a sa porte et faisait chaque jour grand’chère ? il mourut ensuite et on l’ensevelit; il s’éveilla et se vit au milieu des flammes (1). Il dormit donc son sommeil, et ne trouva plus rien ; c’est qu’il n’avait rien fait de ses mains, c’est-à-dire de ses richesses.

Les richesses se rapportent à la vie, et non la vie aux richesses : combien ont traité avec leurs ennemis pour avoir seulement la vie sauve ! Tout ce qu'ils avaient, ils l’ont

 

1 Ps. LXXV, 6. — 2 Luc, XVI, 19-21.

 

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donné, uniquement pour ne perdre pas la vie. Est-il vrai, mon frère, que tu aies donné aux barbares tout ce que tu possédais? — Oui, je leur ai tout donné, je suis dépouillé complètement : ah ! si tout dépouillé que je suis, je pouvais seulement vivre! — Comment cela? — J’ai tout donné, parce que j’allais tout perdre avec la vie. — Pourquoi cela est-il arrivé? Veux-tu que je te l’apprenne ? Parce que avant l’arrivée des barbares tu ne secourais point les pauvres et ne faisais point arriver par la main des pauvres tes aumônes jusqu’au Christ. Tu refusais au Christ le peu qu’il te demandait, et tu as donné aux barbares tout ce que tu possédais, tu l’as même donné en leur faisant serment. Le Christ te demande, il ne reçoit rien : un barbare te torture, et il emporte tout.

Ah ! si tu as racheté si cher cette vie périssable, que ne dois-tu pas payer la vie éternelle ! Tu donnes a l’ennemi pour vivre dans la mendicité ; donne au Christ quelque chose pour vivre dans la félicité. Pour prolonger de quelques jours ton existence, tu fais ce qu’exige l’ennemi, et quand le Christ exige aussi, tu te ris de lui ! De l’enfance à la vieillesse la vie n'est que de peu de jours ; quand Adam lui-même ne mourrait qu’aujourd’hui, il n’aurait vécu que peu de jours, puisqu’il en aurait atteint le dernier. Sans doute il aurait vécu six mille ans; courte durée toutefois, puisque tout serait passé. Ces quelques jours pleins de souffrances et de tentations, tu les rachètes afin de pouvoir jouir d’un petit coin de terre, je veux dire d’une maison à la campagne. Survient l’ennemi qui t’avait fait son captif; il te dit : Abandonne-moi tout ce que tu possèdes ; et pour garder la vie, tu donnes tout ; te rachetant aujourd’hui pour mourir demain, te rachetant des mains de l’un pour être égorgé par les mains de l’autre. Quoi ! pour un souffle de vie temporelle ou endure autant de la part des barbares ; et on hésite de souffrir quoi que ce soit pour la vie éternelle I Que les dangers présents nous servent de leçon, mes frères. Oui, tu as tout donné, tu as tout jeté, et tu es heureux d’avoir la vie sauve, et tu répètes : Tout pauvre, tout dépouillé, tout indigent, tout mendiant que je sois, je suis heureux de vivre encore, et de n’avoir pas perdu cette douce lumière. Vois donc le Christ ; avec lui aussi entends-toi : il n’est pas ce barbare qui t’a fait prisonnier ; pour toi au contraire il a daigné se laisser prendre et se laisser mettre à mort. Or lui, qui s’est sacrifié pour toi, te crie : Entends-toi avec moi. Pour rester maître de toi-même, possède-toi ; tu dois te haïr et m’aimer. C’est en perdant ta vie que tu la trouveras ; tu la perdrais en la conservant.

3.    Quant aux richesses dont tu chéris tant la possession, que tu es disposé à sacrifier pour conserver la vie présente, voici le conseil que je te donne. Si tu les aimes, garde-toi de les perdre. Or, si tu les aimes telles qu’elles sont ici, elles périront avec toi. En-voie-les en avant dans le pays où tu dois aller toi-même, si tu y es réellement attaché ; en les aimant sur la terre, tu les perdrais mort ou vivant. Voilà mon conseil donné. Je n’ai pas dit : Sacrifie-les, mais : Conserve-les. J’ajoute : Veux-tu t’amasser un trésor ? C’est bien : je ne te le défends pas, je vais l’apprendre où le déposer. Regarde-moi comme un bon conseil, et non comme un prodigue. Il est écrit : « Amassez-vous des trésors dans « le ciel, où n’entre pas le voleur, où ne ronce gent ni la rouille ni les vers (1) ». Diras-tu : Je ne vois dans le ciel aucun lieu pour les y placer ? Quelle échelle, quelle machine vais-je chercher à me procurer pour monter jusqu’au ciel et regarder où je pourrais déposer mon argent ? — Qu’objectes-tu là ? Vois-tu sur la terre un endroit pour l’y cacher? — J'en vois un. — C’est bien : mais si tu es tranquille en le mettant en terre, pourquoi t'inquiéter en le confiant au Dieu qui a fait et le ciel et la terre ? Donne-le à Dieu sans crainte ; confie-le-lui, il te gardera au ciel ton argent, car c’est lui qui durant tout le cours de ta vie te conserve sur la terre. Tu veux conserver ta fortune ? Emploie le moyen qui te plaît ; mais si tu découvres un gardien préférable, confie-lui cet argent. — Je le confie à mon serviteur. — Soit : ne serait-il pas mieux encore aux mains de ton Seigneur ? Comment ! A ton Seigneur tu préférerais ton serviteur ? Quel chrétien tu es ! Ton serviteur pourra l’enlever et prendre la fuite ; le Christ en fera-t-il autant ? Combien de serviteurs sont devenus tout à coup les ennemis de leurs maîtres, et les ont livrés, avec leur or, aux mains de l’ennemi ! A qui, encore une fois, le confies-tu ?— A mon serviteur; je connais sa fidélité, et c’est pour ce motif que je lui confie

 

1 Matt. VI, 20.

 

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mon or. — Je l’admets ; ton serviteur a ton estime et tu lui confies ton or; mais ton âme, à qui ? — C’est à mon Dieu que je remets mon âme. — Ne vaudrait-il pas beaucoup mieux, mon ami, remettre aussi ton or à qui tu confies ton âme? Dieu serait-il fidèle quand il s’agit de garder Ion âme, et infidèle s’il s’agissait de garder ton or? Assurément, celui qui te conserve, te le conservera aussi. Tu te loues de la fidélité de ton serviteur ? — Oui, je la connais. — Eh bien ! toute sa fidélité consiste à ne pas te tromper, à ne te voler pas ; peut-il éviter de perdre ? Qu’il ait déposé ton argent quelque part sans avoir évité suffisamment les regards ; un étranger découvre ce trésor et l’enlève. Le Christ sera-t-il jamais trompé de la sorte ?

Ah! secoue ton indifférence et profite de mon conseil. Donne au Christ, car il a faim, et fais-toi un trésor dans le ciel. Y a-t-il tant de difficulté à le faire? Dût-il t’en coûter, il faudrait placer ton argent en lieu sûr, afin que nul ne pût le dérober. Cependant, lorsque le Christ te crie : Mets tes trésors dans le ciel, il ne dit pas : Cherche des échelles, forme-toi des machines, attache-toi des ailes; voici ce qu’il dit : Donne-moi sur la terre, et je conserverai pour toi dans le ciel. Si je suis venu souffrir du besoin sur la terre, c’était pour t’enrichir dans le ciel. Fais-toi un porteur. Tu redoutes peut-être d'être trompé, d’être dépouillé, et tu cherches à faire transporter ailleurs. Le Christ te rendra un double service : loin de te tromper, il te fera transporter tes richesses.

4.    Comment, dira-t-on, rencontrer le Christ sur la terre? Dû le trouver pour lui donner? J’ai foi à ce qu’enseigne l’Eglise. Or, j’ai appris, je crois, comme on me l’a dit quand j'ai reçu le baptême, qu’il a souffert, qu’il est mort, qu’il est ressuscité le troisième jour, que quarante jours après il est monté au ciel, qu’il y est assis à la droite du Père, et qu’il reviendra à la fin des siècles. Comment donc le trouver ici? A qui donner pour qu’on lui fasse parvenir? — Point d’inquiétude, écoute-moi jusqu’au bout. Supposé que tu aies tout appris, n’as-tu pas lu, n’as-tu pas entendu dire qu’au moment où superbe, cruel et altéré du sang des chrétiens, Saul persécutait l’Eglise, il lui fut crie par celui-là même que tu crois assis dans le ciel ? Rappelle tes souvenirs. Que lui fut-il crié ? « Saul, Saul, pourquoi me persécuter (1) ? » Paul ne le voyait ni ne le touchait, et pourtant le Sauveur lui crie du haut du ciel : « Pourquoi me persécuter? » Il ne lui dit pas : Pourquoi persécuter ma famille, mes serviteurs, mes saints, mes frères ? Rien de pareil. Que dit-il? « Pourquoi me persécuter », moi, eu d’autres termes, mes membres ? Parce que Saul foulait aux pieds ces membres sur la terre, leur chef criait au haut du ciel. Quand aussi quelqu’un te marche sur le pied, ta langue ou ta tète ne crie point : Vous me blessez le pied, mais : Vous me blessez. Pourquoi donc hésiter encore ? Pourquoi chercher à répliquer ? Celui-là même qui a dit à Saul : « Pourquoi me persécuter? » te dit maintenant Nourris-moi. Saul sévissait sur la terre, et jusqu’au ciel il atteignait le Christ; ainsi donne sur la terre, et tu nourriras le Christ également jusque dans le ciel.

Aussi bien le Christ a-t-il tranché d’avance la question que tu soulèves. Les élus placés à sa droite s’étonneront un jour, et quand il leur dira : « J’ai eu faim, vous m’avez donné à manger» ; ils demanderont : « Seigneur, où vous avons-nous vu souffrir de la faim ?» Et lui répondra aussitôt : « Lorsque vous avez fait du bien à l’un des moindres d’entre les miens, c’est à moi que vous en avez fait (2) ». Tu savais cela ? Dis alors franchement: Je ne veux point donner ; il n’y a aucun moyen de t’excuser, tes paroles ne sauraient que te condamner.

C’est ainsi qu’au sujet de tes richesses ton Seigneur peut le dire : Je t’ai conseillé ce que tu as à faire. Aimes-tu les richesses? — Oui. — Par conséquent transporte-les ailleurs, et après les avoir fait transporter de la sorte, suis-les de cœur pendant ta vie, car « où est ton trésor, là aussi sera ton coeur (3) ». Irais-tu ensevelir ton cœur sous terre ? Rougis du mensonge que tu fais lorsque tu réponds à ces mots : « Elevez vos coeurs ». Car sitôt ces mois prononcés, tu t’écries : «Nous les tenons élevés vers le Seigneur ». C’est mentir à Dieu même ; et dans ce moment, en pleine église, tu ne dis pas la vérité, tu mens à Dieu comme lu as l’habitude de le faire aux hommes, « Nous les tenons élevés vers le Seigneur », dis-tu, et ton cœur est enseveli sous terre, a puisque là ou est ton trésor, là aussi sera ton cœur ».

 

1 Act. IX, 4. — 2 Matt. XXV, 35-10. — 3 Ib. VI, 21.

 

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5.    Si tu as fait de tes richesses l’usage que je viens de dire, si tu es riche comme l’Apôtre le demande, ne t’enflant peint d’orgueil, ne comptant point sur les richesses fragiles, et t’amassant un trésor qui te serve à l’avenir de solide point d’appui pour parvenir à la vie éternelle ; interroge le Seigneur ton Dieu, et dis-lui : Voici, Seigneur, j’ai fait porter au ciel ce que j’ai ; ou bien : Je le possède comme ne le possédant pas. Or, le royaume des cieux a-t-il autant de valeur que mon patrimoine? — Il vaut mieux ; il n’est même pas de nature à lui être comparé. — Après avoir fait à ton Seigneur cette question sur ton patrimoine, écoute, il te dit: Ta vie durera quelque temps, puis lu mourras ; tu ne mourras jamais dans mon royaume, tu y vivras éternellement. Là encore tu seras vraiment riche, à l’abri de tout besoin. Pour ne pas succomber il te faut ici bien des animaux de charge, bien des aliments pour te nourrir, de riches habits pour te vêtir. Tu n’es riche qu’en possédant beaucoup de choses ; mes anges sont-ils pauvres? Ils n’ont rien pourtant ; ils ne montent ni chevaux ni chariots; ils ne préparent pas de splendides banquets, ni ne se font tisser de vêtements; l'éternelle lumière leur en sert. Apprends d’eux, ô riche, à rechercher les richesses véritables. Quand tu recherches les richesses de la terre, c’est pour avoir abondamment de quoi te nourrir, car tu t’épuises. T’accorder de n’avoir faim jamais, n’est-ce pas te rendre réellement riche? Quelle que soit en effet ton opulence, une fois qu’est arrivée la cinquième heure (1), tu as faim et tu te sens défaillir, parce que tu es néant. L’ange souffre-t-il ainsi? Nullement; il ne ressent ni faim ni défaillance. On te voit aussi, dans ton orgueil, soupirer après les grands festins; ce n’est point ici satisfaire à de vrais besoins, c’est te livrer à de vains soucis. Dors-tu facilement, quand tu songes à accroître ta fortune? Si je ne me trompe, en devenant riche tuas perdu le repos. Car pendant la veille tu penses à augmenter ton bien ; et durant le sommeil, tu rêves de voleurs. Plein de soucis pendant le jour et de crainte pendant la nuit, tu mendies constamment. Ah ! Dieu veut te rendre véritablement riche, quand il te promet le royaume des cieux.

 

1 Correspondante à notre onzième heure du matin.

 

Et tu estimerais que tu ne dois payer ces vraies richesses, cette vie véritable et bienheureuse que ce que tu voudrais payer ces quelques jours de misères et de souffrances? Ce qui vaut beaucoup mieux se doit payer beaucoup plus : aussi est-ce le royaume des cieux.

6.    Qu’ai-je à faire encore, diras-tu? O saint évêque, j’ai prêté l’oreille à vos avis, je suis docile à vos conseils, je prends au sérieux l’ordre du Seigneur, j’ai donné aux pauvres ce que j’avais, et ce que j’ai maintenant j’en fais part aux indigents : que puis-je faire en plus ? — Tu possèdes davantage puisque tu te possèdes toi-même ; tu es un surplus, tu ne te confonds pas avec tes biens, tu dois t’y ajouter. Tu as suivi le conseil de ton Seigneur? — Oui.

—    Pourquoi mentir? Tu n’as point fait tout ; sous un rapport tu as obéi, sous un autre tu n’as rien fait. Ecoute son ordre : « Va, vends tout ce que tu possèdes et le donne aux pauvres ». Mais oublie-t-il celui à qui il s’adresse? Pour l’empêcher de regarder comme perdu ce qu’il a distribué aux indigents, il le rassure en ces termes : « Et tu auras un trésor dans le ciel ». Est-ce tout? Non. Que dit-il encore? « Viens, suis-moi (1) ». Tu l’aimes, et parce que tu l’aimes tu veux le suivre? Il a couru, il a volé; de quel côté ?

—    Je l’ignore. — Quel chrétien ! tu ne sais de quel côté est allé ton Seigneur ? Veux-tu que je te dise de quel côté tu dois le suivre? Tu dois le suivre du côté des tortures, des opprobres, des fausses accusations, des crachats au visage, des soufflets et des blessures de la flagellation, de la couronne d’épines, de la croix, de la mort. Pourquoi hésiter? Voilà le chemin ouvert. — Mais ce chemin est bien âpre, dis-tu, qui pourra l’y suivre? — Rougis, barbare, rougis : ton nom d’homme, vir, vient de vertu. Il a été suivi par des femmes dont nous honorons aujourd’hui la naissance au ciel : car nous faisons la fête des saintes martyres de Suburbite. Votre Seigneur, qui est aussi le nôtre et le leur, et le Rédempteur de notre vie, a fait, en y marchant le premier, de cette vie rude et étroite, lin chemin aplani, sur, défendu même : ah ! il est le Christ, notre Seigneur, et c’est lui qui règne dans les siècles des siècles. Amen.

 

1 Matt. XIX, 21.